1 mars 2009 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur le soutien à l'industrie automobile et aux banques face à la crise dans le cadre de l'Union européenne, à Bruxelles le 1er mars 2009.
LE PRESIDENT - La réunion vient de se terminer. C'est une réunion informelle que nous avions demandée avec Madame MERKEL et je remercie bien sûr la Présidence tchèque d'avoir fait droit cette demande. C'est toujours utile de pouvoir parler de façon informelle. Cette réunion a permis d'abord d'arriver, et c'est très important, à un accord sur le traitement des actifs toxiques. Cette question, qui est une question pas simplement technique, mais politique et financière, avait fait l'objet d'une lettre franco-allemande. Les éléments de l'accord sont les suivants : c'est le choix de chaque État pour soutenir ses banques, grande flexibilité dans la détermination des actifs éligibles, mais cadre européen de façon à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. C'est très important, parce que certains États sont demandeurs, le Royaume Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne, compte tenu de la situation très dégradée de leurs banques, mais il est essentiel de garder un bon fonctionnement du marché unique européen, d'où la décision d'encadrer ces procédures par la Commission.
Est-ce que la France va avoir recours à ce que l'on appelle la "bad bank" ? Non, nous préférons agir en encourageant les banques à prêter aux entreprises et aux ménages plutôt qu'en transférant sur le budget de l'État les pertes liées à des investissements passés dans des actifs américains douteux. Au fond, il s'agit pour nous de protéger le contribuable et c'est ce que nous avons fait bien sûr avec Dexia comme récemment avec les caisses d'épargne et les banques populaires. Faire une "bad bank", cela consiste à dire : voilà, une banque a fait des mauvais choix d'investissements, s'est perdue dans des actifs douteux aux États-Unis, eh bien désormais c'est le contribuable qui va payer en lieu et place des actionnaires de la banque. Franchement, ce n'est pas une procédure que nous souhaitons retenir, mais cet accord que nous avons trouvé en Europe est important, car la priorité, c'est de continuer de venir au secours du crédit pour rétablir l'économie.
Deuxième élément : nous avons tous considéré que le rapport de LAROSIERE était un rapport excellent, notamment dans la partie des propositions de M. de LAROSIERE qui renforce l'efficacité de la réunion des superviseurs d'Europe avec une possibilité de leur donner des sanctions, notamment pour harmoniser l'application des directives de la Commission. Tous, nous avons considéré qu'il est important que cela rentre dans les faits et notamment lors du prochain Conseil européen du mois de mars. J'avais quelques craintes que l'on fasse une commission pour réfléchir au travail de cette commission. Bonne nouvelle : une commission, cela suffit, on va en faire une décision.
Troisième élément : sur l'automobile, les choses sont claires aujourd'hui. La Commission a donc validé le plan français de soutien à l'automobile. C'est une excellente chose. Comme je l'ai toujours dit, il est parfaitement nécessaire. D'ailleurs depuis, nos amis italiens se sont dotés du même plan, exactement, avec une prime à la casse et nos amis allemands avaient également emprunté le même chemin puisqu'il y a une prime à la casse aussi et du soutien au crédit des constructeurs automobiles. Voilà donc que ces plans, comme les autres, sont reconnus comme parfaitement cohérents avec le marché intérieur et par conséquent, c'est une très bonne nouvelle pour nous. C'est également une bonne nouvelle que la Commission fasse des propositions sur un plan automobile européen. Vous savez que je l'ai demandé. Il y a beaucoup de choses intéressantes notamment sur les moteurs du futur, les véhicules décarbonés. Simplement, la BEI a prévu 4 milliards d'euros pour les technologies propres. Les demandes du secteur automobile européen se montent déjà à 7 milliards, la BEI limite l'aide par entreprise à 400 millions. C'est insuffisant, il faut aller plus loin. J'obtiendrai cela dans les semaines qui viennent.
Enfin, sur la question de l'Europe centrale et orientale, il y a un risque économique, pour eux comme pour nous, et il y a un risque politique qui serait celui de la division de l'Europe. Notre ligne, je crois que c'est celle qui a prévalu, c'est solidarité et responsabilité. Il faut traiter les acteurs bancaires en Europe centrale et orientale par l'intermédiaire de la BERD, de la BEI, de la Banque mondiale qui ont proposé un programme de 24,5 milliards d'euros pour les banques de la région. J'ai demandé que la commission réunisse tous les acteurs. Je souhaite également que l'on y mette le FMI pour mettre en oeuvre ce plan de soutien. Sous Présidence française, j'avais déjà relevé le plafond d'intervention en cas de crise à 25 milliards, je crois me souvenir qu'il était de 12 milliards ou quelque chose comme cela, et donc on a les éléments aujourd'hui pour faire face aux problèmes qui pourraient se poser.
Enfin, sur le Sommet de Londres, il y a vraiment une grande harmonie pour penser qu'il faut une régulation, qu'il faut des décisions à Londres et qu'il faut que Londres soit un succès. Au demeurant, comme toujours en Europe, il faut multiplier les réunions pour arriver à un résultat. On y est tous les dimanches. On peut penser que cela pourrait avancer un peu plus vite. L'essentiel c'est que cela avance et dans la bonne direction, c'est incontestable. Donc, tout ceci va plutôt dans le bon sens mais naturellement, je me tiens prêt à répondre à vos questions avant de partir à Charm El-Cheikh.
QUESTION - Monsieur le Président, sur l'Europe centrale et orientale, le Premier ministre hongrois rappelait il y a quelques jours que l'engagement des banques ouest-européennes représentait près de 1 600 milliards d'euros. Il vient de réclamer aujourd'hui 190 milliards d'euros pour l'ensemble de la zone. Est-ce que vous considérez que finalement, il existe un risque systémique concernant notamment les banques autrichiennes, on sait que les banques autrichiennes sont très engagées là-bas et qui pourrait affecter l'ensemble des 27 pays européens ?
LE PRESIDENT - La Hongrie a bénéficié de la solidarité européenne lors de la dernière crise qui a failli emporter la Hongrie puisque avec M. STRAUSS-KAHN, alors que j'étais Président du Conseil, nous avons obtenu un plan de 25 milliards d'euros pour les soutenir. J'ai dit moi-même qu'ils étaient face à une crise. Cette crise est-elle systémique ou pas ? On verra bien. En tous les cas, le problème est clairement posé sur la table. Il y a le BERD, il y a la BEI, il y a la Banque mondiale, il y a le FMI £ que toutes ces institutions mobilisent les moyens nécessaires pour faire face aux problèmes que connaissent un certain nombre de pays orientaux. Moi, je n'ai rien à dire qui ne viendrait confirmer, infirmer ou renforcer les problèmes que nous avons déjà à gérer. C'est déjà suffisamment compliqué pour qu'on ne dramatise pas les choses et qu'on ne les complique pas.
Ce que j'observe simplement, c'est que depuis que nous avons mis en place, sous Présidence française, une stratégie commune de soutien aux banques, nous n'avons pas connu en Europe les problèmes qu'ont connus nos amis américains avec Lehman Brothers. On ne l'a pas connu. J'avais moi-même pris un engagement auprès des contribuables français, des épargnants français que pas un épargnant ne perdrait un centime. Pour l'instant, c'est parfaitement ce que nous avons rempli que ce soit pour Dexia ou pour la Banque populaire, Caisse d'Epargne.
Et enfin, troisième point, j'observe en même que nous ne sommes pas au cinquième plan de soutien aux banques. Le plan que nous avions élaboré en Europe, sous Présidence française, est toujours sur la table. Il a permis de faire face à tous les défis en l'état actuel des choses. Est-ce que l'on en a d'autres ? On verra à ce moment là ce qu'il conviendra de faire. En l'état actuel des choses, la situation pour nos banques est sous contrôle.
QUESTION - Il y a quelques semaines vous avez dit : "si nous donnons l'argent de l'industrie automobile, c'est pour restructurer, pour éviter qu'une nouvelle usine ne soit déplacée en République tchèque ou ailleurs. Monsieur le Président, quel est votre commentaire ? Êtes-vous fier d'avoir causé une telle division avec votre protectionnisme ?
LE PRESIDENT - Bravo pour l'effort en français et honnêtement vous auriez pu dire la même chose en anglais, cela aurait été peut-être moins caricatural. C'est certainement la langue qui fait que la caricature a affleuré. Il se trouve justement que chacun a convenu qu'en Europe, aucun pays n'était protectionniste.
Monsieur, réfléchissez un tout petit peu. Quand les Américains mettent 30 milliards de dollars pour soutenir leur industrie automobile, là il y a un risque de protectionnisme, Monsieur, pas en Europe. Permettez-moi de vous dire une chose : si le gouvernement français n'avait pas fait pour PSA et Renault ce qu'il a fait, quels auraient été les premiers à souffrir ? Les premiers, c'est ceux qui ont des entreprises et des usines sur leur territoire. Le Président roumain m'a dit : heureusement que vous avez fait ce que vous avez fait car cela a permis de sauver les usines chez nous.
Est-ce que vous réfléchissez à cela, Monsieur ? Si on ne sauve pas la maison mère, est-ce que vous croyez que les usines vont rester ? Enfin ! Ce qui aurait dû vous étonner c'est que l'on n'ait pas demandé à nos amis qui ont des usines de nos constructeurs de participer au plan de sauvetage. Vous m'avez bien compris j'espère parce que vous comprenez bien que si la maison mère ne peut plus payer, si la maison mère, si Renault et si PSA n'ont plus d'argent, vous comprenez bien que la première chose qu'elle fera, c'est fermer les usines. C'est quand même assez difficile, voir un brin limité de reprocher à un pays de sauver des groupes qui ont des usines partout en Europe mais si on n'avait pas sauvé ces groupes, qu'est-ce qui aurait été fermé ? Ce sont ces usines. Je ne sais pas, je n'ai peut-être pas été assez clair.
C'est si vrai, Monsieur, que depuis, Opel est soutenu par qui ? Le gouvernement allemand. Fiat est soutenu par qui ? Le gouvernement italien. SAAB est soutenu par qui ? Par les Suédois, hélas avec combien de difficultés. Si les groupes automobiles européens s'écroulent, cela va se traduire par quoi ? Par des fermetures. Où voyez-vous du protectionnisme ? Où est-il ? D'ailleurs, si vous aviez un doute, la décision excellente de la Commission validant le plan français devrait finir de vous convaincre.
Dernier point : il serait assez curieux après avoir répondu à longueur de conférences de presse sur l'économie virtuelle, avec les aides que l'on donnait aux banques pour s'en sortir £ donc vous, vous considérez -très intelligent- que donner des aides aux banques c'est normal, cela ne met pas en cause le marché intérieur, mais les donner à l'industrie automobile, cela met en cause le marché intérieur ? Que disent nos amis de l'Est ? Que les aides que vous donniez aux banques, surtout donnez-les aux banques et puis, qu'elles ne ferment pas les succursales chez nous. Enfin ! Que l'on me démontre si ce que je dis n'est pas proprement du bon sens. En sauvant les grands groupes européens, on sauve l'emploi partout en Europe. Où voyez-vous du protectionnisme ? Après, que chaque pays ait, quand il soutient ses banques, ce qu'il demande, c'est le même problème. On n'a jamais demandé : fermez les usines ailleurs pour garantir les nôtres. On a dit : arrêtez de fermer chez nous. C'est tout à fait différent. Heureusement que l'on demande cela. Vous comprenez bien, on ne dit pas : allez fermer surtout chez les autres.
Par exemple, un pays comme la France devrait être remercié. Il y a un million de véhicules qui étaient fabriqués en France en 2004, qui sont fabriqués partout ailleurs en Europe en 2007. Un million ! Il ne faut quand même pas venir nous dire que l'on est protectionniste. Il n'y a pas un pays qui fait cela. Pas un seul. Restons raisonnable, Mme HADJAJE. Ce n'est pas parce que ce sont des sujets techniques qu'il faut absolument dire des choses totalement déraisonnables qui ne correspondent en rien à la réalité. On fabriquait trois millions de voitures sur le territoire français en 2004, on en fabrique deux millions aujourd'hui, c'est cela le protectionnisme ? Allez donc l'expliquer, Mme HADJAJE, aux auditeurs de RTL. Ce que je dis est quand même d'une simplicité, pardon d'une exactitude.
Et si nous n'avions pas sauvé Renault ? Le Premier ministre slovène m'expliquait que le plan de relance slovène doit être de l'ordre de 600 millions d'euros. Très bien, excellent. Rien que pour Renault, c'est 3 milliards. Aurais-je dû demander à la Slovénie, alors que je crois que c'est PSA qui est le premier employeur en Slovénie, de participer au plan de soutien à PSA ? Vous croyez que les Slovènes ne sont pas contents que l'on soutienne - je ne sais plus si c'est PSA ou Renault, excusez-moi, je crois que c'est PSA mais je peux me tromper - naturellement que la Slovénie, grand pays ami de la France est intéressée à ce que l'on sauve Renault ou PSA. Ils sont intéressés parce que si PSA n'a plus d'argent pour faire face aux échéances, que va t-il se passer ? Rien que pour expliquer cela, je suis content d'être venu.
D'ailleurs, le problème aujourd'hui du protectionnisme, vous le savez parfaitement bien, c'est le problème de ce qui se passe chez nos amis américains. Si on avait décidé - je ne dis pas qu'ils le sont d'ailleurs - de privilégier les investissements qui utilisent l'acier fabriqué en Europe, réfléchissez, qu'est-ce que vous auriez dit ? L'Europe est la zone la plus ouverte du monde. Arrêtons d'être naïfs et de s'auto-flageller. Personne ne pense, dans le monde entier, que l'Europe est protectionniste. S'agissant de la solidarité avec nos amis de l'Europe orientale et centrale, je crois être bien placé pour savoir que, s'agissant de la Hongrie ou des Lettons, heureusement que l'Europe est là.
QUESTION - Je voudrais continuer sur le protectionnisme parce que manifestement, nous ne sommes pas les seuls à avoir cru comprendre qu'il y avait quand même des éléments protectionnistes dans le plan automobile français, puisque ce matin les pays d'Europe centrale et orientale se sont réunis justement à la représentation permanente polonaise pour demander une solidarité européenne et l'absence de protectionnisme. Parce que quand vous dites, par exemple, que l'on ne va pas fermer les usines en France, si Renault doit restructurer, il faudra bien que, quelque part, elle supprime des emplois, donc si ce n'est pas en France, ce sera forcement en République tchèque ou en Slovaquie. D'où l'inquiétude peut-être des Pays de l'Est ?
LE PRESIDENT - Je signe la déclaration des pays orientaux. Pas de protectionnisme, je suis contre le protectionnisme, mais je me souviens d'une grande discussion avec mon ami Donald TUSK qui demandait la possibilité à la Commission de soutenir les chantiers navals polonais. C'est un grand problème de connaître ses dossiers, M. QUATREMER. C'était il y a quatre mois. Je l'ai aidé à convaincre la Commission de pouvoir donner, je crois que c'étaient 300 millions d'euros à l'époque, pour les chantiers navals polonais, parce que j'ai parfaitement compris que le gouvernement polonais voulait aider à la transformation de la construction navale en Pologne. C'est du protectionnisme ? Vous m'avez entendu dire à M. TUSK que c'était du protectionnisme ?
Quant à la solidarité, on n'a pas été là avec nos amis hongrois ? Surtout moi. Un grand journal du soir français a dit avec beaucoup d'élégance et une certaine générosité que je n'étais pas du Massif central, ce qui est une remarque d'une grande élévation de vue. Et puis, je ne sais pas ce qu'ils veulent dire par là. Je ne sais pas, j'aimerais m'en excuser, c'est vrai, j'ai un grand père qui vient d'ailleurs, excusez-moi. Mon père est né en Hongrie, il était Hongrois. On a soutenu la Hongrie de toutes nos forces quand elle a manqué d'être enlevée par la première crise financière qui la frappait. La solidarité, c'est une réalité. On ne fait que cela.
QUESTION - Monsieur le Président, vous placez les relations avec les pays de l'Est, d'Europe centrale ou orientale, sous le signe de la solidarité, vous venez d'en parler, et sous le signe de la responsabilité. Quelle est la définition ou le contenu que vous mettez à ce terme de responsabilité ? Est-ce que vous envisagez, par exemple, de demander l'application de normes en matière de gestion de dépenses publiques ?
LE PRESIDENT - Le budget, c'est un grand sujet M. SYLVESTRE et vous le connaissez très bien. Tous les pays adhérant à l'Union européenne -à l'exception des deux qui ont une clause d'opt-out, le Royaume Uni et le Danemark- ont vocation à être dans l'euro. Oserais-je dire que ce n'est pas un droit, c'est une obligation, d'où les clauses d'opt-out. Il y a des critères de convergence, ils sont sur la table, c'est le Traité. Je ne vois pas quelles normes on devrait demander de plus que celles qui existent, des critères de convergence contenus dans le Traité.
Est-ce qu'un jour, il faudra réfléchir sur ces critères de convergence au regard de la situation ? Il y a des choses extrêmement intéressantes que l'on peut regarder. Un pays comme l'Italie résiste remarquablement bien à la crise financière alors qu'elle était en déficit de son budget et avec une balance des paiements excédentaire. Je pourrais prendre d'autres exemples de pays qui étaient en excédent budgétaire et en déficit de balance des paiements. Regardez et vous verrez comme c'est intéressant. Mais cela, c'est un débat technique pour les mois prochains. Pour le reste, il existe des critères de convergence, appliquons-les.
On ne peut que s'interroger sur le calendrier. Est-ce qu'il faudra, à un moment donné, accélérer ou pas ? Je n'en sais rien, je ne sais pas. Il y a un Traité, appliquons-le, mais on voit bien qu'aujourd'hui on est quoi ? Pratiquement dix-sept dans l'euro, la Slovénie et Slovaquie, et qu'il y en a dix qui n'y sont pas. On verra pour l'avenir.
QUESTION - Est-ce qu'il faudra, justement à terme, prendre en compte la dette privée ? Parce que, jusqu'à présent, on ne prenait que la dette publique et l'Espagne et l'Irlande qui étaient citées en modèle, se sont cassé la figure. Je voulais savoir ce que vous en pensiez ?
Et deuxièmement, vu la manière dont la Commission a géré la crise depuis quelques mois, est-ce que vous soutenez toujours M. BARROSO, comme vous l'aviez annoncé sous votre présidence ?
LE PRESIDENT - Est-ce qu'il faut prendre la dette privée ? Cela rejoint la réponse que j'ai faite à M. SYLVESTRE. J'ai toujours pensé qu'il fallait être pragmatique en matière économique. Oui, il faut un pacte. Oui, il faut des critères de convergence, c'est incontestable. Oui, cela existe dans le Traité. Il n'est pas question d'entamer une discussion maintenant. Mais est-ce que dans l'avenir, quand la crise sera passée, au regard de ce que nous a appris la crise -parce que la crise apprend des choses- faudra-t-il intégrer de nouveaux critères ? Je le souhaite. Mais on verra le moment venu.
Prenez un exemple, le taux d'épargne d'un ménage français, je ne veux pas dire de bêtise, cela doit être entre 14 et 15%. Le taux d'épargne d'un ménage américain, c'est 0%. Est-ce que ce sont des choses qui doivent être prises en cause et qui ne sont pas prises en cause, aujourd'hui ? De mon point de vue, je dis oui. Est-ce qu'il y a urgence ? Non. Mais naturellement le débat est ouvert. Il est d'ailleurs passionnant et je prenais en exemple, en m'excusant auprès de ceux qui sont moins familiers de ces questions, certains pays qui ont vu leur excédent devenir un déficit en quelques semaines. Je crois que les Pays-Bas sont passés de +1 à pas loin de -3. C'est une affaire qui s'est faite vraiment avec une rapidité stupéfiante. Je crois que l'on a surévalué l'importance de l'excédent budgétaire - c'est mieux que d'avoir un déficit- par rapport à la balance des paiements, par exemple. C'est un sujet qui est considérable. L'épargne des ménages, c'est un sujet considérable.
Sur la Commission, je serais bien ingrat si je n'étais pas reconnaissant de la rapidité avec laquelle la Commission a certifié, validé, promu le plan automobile français. S'agissant des différentes candidatures, comme vous le savez, nous sommes soumis à la décision de nos amis irlandais pour la ratification du Traité de Lisbonne. En fonction de cela, nous nous poserons les questions. Pour le reste, je n'ai aucun commentaire à faire. Je ne change pas comme cela.
QUESTION - (inaudible)....a rappelé que l'industrie automobile était en surcapacité. Comment allez-vous sauver l'emploi dans ce secteur sachant que, justement, il y aura des restructurations qui vont s'imposer.
LE PRESIDENT - J'ai beaucoup apprécié la déclaration du Premier ministre suédois. Qu'est-ce que l'on sait pour l'instant ? Vous savez, quand on me dit la capacité d'un marché, je souris un petit peu, parce que qu'est-ce qu'on en sait de la capacité d'un marché ? Est-ce que c'est une donnée objective ? La capacité du marché à avoir des lecteurs de La Croix ? Elle était évolutive, elle augmente, c'est pour cela, félicitations ! C'est pareil. Si je vous disais, il y a une capacité objective du marché à avoir des lecteurs de La Croix ! Qu'est-ce que cela veut dire la capacité objective du marché à acheter des voitures ? Mais qu'est-ce que cela veut dire ? J'aimerais bien le savoir.
Grosso modo, il y a dix-huit millions de véhicules fabriqués en Europe. Ce que l'on sait, c'est qu'en l'état actuel des choses, il n'y a pas dix-huit millions d'acheteurs. Je vous donne raison, sur ce point là. Est-ce que cela va durer ? Qu'est-ce qu'on en sait ? Ce que je sais en revanche, c'est que l'avenir -et c'est cela le plan européen de soutien à l'automobile que j'ai demandé- c'est la voiture électrique, ce sont les nouvelles batteries, c'est la voiture décarbonnée, c'est l'innovation. Vous comprenez bien, c'est fantastique. RASMUSSEN en a parlé aussi. Mais personne en Europe n'a intérêt à la destruction des industriels de l'automobile. Ecoutez, il y a des choses fascinantes, le cours de bourse de la Fiat est passé de 26 euros, avant la crise à moins de 3 euros. C'est un sujet. Il y a quoi ? Dix constructeurs automobiles dans le monde ? Les trois constructeurs américains sont en situation de quasi « collapse », heureusement que le gouvernement est derrière. On a intérêt à être dedans. Encore une fois, quand je vois mon ami Gordon BROWN, dont vous savez la confiance que je lui porte, qui est propriétaire d'une certaine banque à hauteur de 70%. C'est -on peut le dire- nationaliser, c'est fait.
Expliquez-moi la logique qui consisterait à dire : quand l'Etat prend 70% d'une banque, à cela, il n'y a rien à dire, qu'il gère les « bad assets », il n'y a rien à dire, qu'il les garantisse, il n'y a rien à dire, mais alors aider les constructeurs automobiles à votre crédit, il y a à dire. Qui dit que M. Gordon BROWN est protectionniste ? Mais qui le dit ? Qui dirait une bêtise pareille ? Vous savez, la situation de l'industrie automobile : vous avez les deux tiers des gens qui achètent une voiture qui l'achètent à crédit. Quand il n'y a plus de crédit, la situation de l'industrie automobile était dans la même situation, je crois vraiment qu'on a tourné le dos à ce débat, personne n'est protectionniste en Europe.
QUESTION - J'ai deux questions si vous le permettez. La première qui concerne la Suisse, est-ce que la Suisse après le G20, la réunion préparatoire et celles qui vont suivre, peut ou va se retrouver sur la liste des pays non coopératifs que prépare le G20 ?
LE PRESIDENT - Cela dépendra de ses réponses, cela ne dépend pas de moi.
QUESTION - Mais là actuellement, est-elle sur la liste que le G20 est en train de préparer ?
LE PRESIDENT - J'ai dit que il n'était pas admissible que l'on garde des paradis fiscaux, c'est-à-dire des places financières -moi je les définis comme cela- qui ne déclarent pas l'origine de l'argent et la direction de l'argent, pour faire les choses claires. Parce que pour moi un paradis fiscal ce n'est pas zéro fiscalité. Comprenez-moi bien : là on est dans la concurrence fiscale, on peut avoir du dumping fiscal. Le paradis fiscal ce sont des gens qui ne disent pas d'où vient l'argent et où il va, c'est cela le paradis fiscal et on confond, me semble-t-il et c'est grave, les taux de fiscalité qui n'ont absolument rien de malhonnête, c'est le choix souverain d'un pays, et le refus de transparence.
En l'état actuel des choses, sur la base de l'OCDE, la réponse est plutôt oui, mais on verra ce qu'il en sera £ mais je le dis moi-même pour d'autres places, je l'ai dit à nos amis d'Andorre. Andorre j'ai plus de responsabilités que la Suisse, vous y avez plus de connaissances que moi pour dire les choses. Il faut être logique, il faut être transparent, il faut être cohérent, on ne peut pas avoir un choix pour les autres et ne pas l'appliquer pour soi-même. Et la France se battra pour avoir des mesures très strictes en la matière et les appliquera. Et je suis d'ailleurs heureux que nos amis Anglais participent pleinement à cet effort.
Par ailleurs tout ce qu'a dit M. de LAROSIERE sur la régulation, etc.
QUESTION - Les européens craignent pour leur avenir, pour leurs emplois, l'avenir est très sombre, je voudrais bien comprendre en quoi ce sommet aujourd'hui, comme cette « réunionite » aiguë à laquelle on assiste ces jours-ci, fait avancer le combat des Européens contre cette crise économique qui nous frappe.
LE PRESIDENT - Je comprends que vous dites « réunionite » aiguë. Vous savez, passer tous mes dimanches avec vous n'est pas non plus l'objectif de ma vie. Sans être désagréable, ça revient un peu à cela quand même, tous les dimanches après-midi je me dis : chic je vais les voir, quelle joie, c'est formidable. Il n'y a rien qui ressemble plus à une salle de presse...
Mais en même temps, Monsieur, vous êtes Européen, si on ne s'était pas réunis, vous diriez : ils sont complètement fous, il y a une crise énorme sur leurs bras et ils ne se réunissent pas. C'est tout le problème de l'Europe. Concrètement, cela veut dire que l'on arrive à sortir un compromis aux forceps et pas sur le plus petit dénominateur commun, parce qu'à force de parler, à force d'entraîner, à force de bousculer, on finit par convaincre. Et comprenez-moi, je n'irai pas à Londres sans l'avoir préparé par d'innombrables réunions.
Ce qui nous pendait au nez comme le sifflet au cou de l'arbitre, c'est que deux ou trois pays annoncent la « bad bank » dans les mêmes conditions que M. GEITHNER et cela aurait produit le même résultat, parce que M. GEITHNER, que j'apprécie énormément, a omis, lorsqu'il a annoncé le principe, de dire quelle sera la procédure de valorisation des actifs. On ne l'a pas connu en Europe cela, par exemple, ce n'est pas si mal.
Deuxièmement le groupe LAROSIERE, c'est extrêmement important. Je prends un exemple : il y a une directive qui permet de dire quels sont les actifs que l'on met dans les fonds propres d'une banque et ceux que l'on n'y met pas, cette directive n'est pas appliquée de la même façon entre deux pays voisins dont je ne citerai pas le nom, je n'ai pas le droit de les citer. Nous avons découvert cela lors d'une association sur une banque commune. Cela ne sera plus possible avec la méthode que propose M. de LAROSIERE : un comité des régulateurs nationaux avec pouvoir de sanction. J'espère que je vais obtenir pour le mois de mars que les mesures LAROSIERE entrent en vigueur.
Et puis le plan automobile, ce n'est pas un hasard si la Commission a donné son avis 24 heures avant ce sommet. Je ne dis pas non plus que c'est fondamental, mais si on ne le faisait pas, vous diriez quoi ? Vous dormez, mais qu'est-ce que vous faites Monsieur ? Et vous auriez raison de le dire. Il s'agit de mettre vingt-sept pays d'accord, qui n'ont pas les mêmes origines, la même histoire, le même gouvernement, parfois les mêmes convictions, ça ne se fait pas comme ça, l'Europe, il faut se donner du mal. Qu'est-ce qu'il faut faire alors ? Soit on se réunit trop, soit pas assez. Je préfère qu'on se réunisse trop, que l'on travaille trop. Et puis cela ne fait pas de mal de réfléchir ensemble, qu'ils écoutent, qu'ils entendent, cela progresse.
QUESTION - On a l'impression que renationalisation et protectionnisme sont des gros mots pour l'Europe ? Dès qu'on en parle, tout le monde s'énerve.
LE PRESIDENT - Moi je n'ai jamais cru au protectionnisme et je pense que si la crise de 1929 a été si grave, c'est parce que la réponse a été le protectionnisme, donc si vous voulez me dire est-ce que c'est un gros mot ? Oui. et c'est une mauvaise idée, mais à l'inverse je n'ai jamais cru à la naïveté, je demande la réciprocité. Si vous voulez, entre le protectionnisme et le libre échangisme, il peut peut-être y avoir un équilibre qui fait que, de mon point de vue, il n'y a pas de liberté sans règle. L'absence de règle, ce n'est pas la liberté.
Sur les nationalisations, je serais beaucoup plus prudent. La nationalisation générale de tout un système, je ne vois vraiment pas l'intérêt. En revanche s'il y a une banque qui est vraiment plantée avec des difficultés énormes, que l'Etat prenne des responsabilités dans cette banque, oui, avec le souci de la rendre publique, comme je l'avais fait avec Alstom.
Prenons Banque Populaire-Caisses d'Epargne, ce n'est pas par plaisir que l'on fait la fusion et que l'on prend 20% du nouvel ensemble. On peut le dire, c'est une nationalisation partielle. Ce n'est pas une nationalisation parce que l'on n'est pas dans un rapport de capital qui dépasse 20%, mais c'est l'Etat qui rentre. Quand j'avais pris 22% d'Alstom, on m'avait dit que je renationalisais Alstom, notamment nos amis de Siemens. Là je préfère faire cela plutôt que de nationaliser les pertes, parce que la « bad bank », ce n'est pas la nationalisation des banques, c'est la nationalisation des pertes, vous avez bien compris la différence. Là, c'est l'Etat qui va prendre 20% d'un ensemble, le diriger, le conduire vers le redressement et revendre. La « bad bank », c'est l'Etat qui prend tout ce qu'il y a de mauvais dans une banque, qu'il fait payer par le contribuable et qui garde. On a un exemple de « bad bank », le Crédit Lyonnais, M. PEYRELEVADE, ça c'était une grande idée, et puis un gestionnaire remarquable, on a un exemple.
Je ferme la porte sur le protectionnisme parce que je pense que cela n'amènerait rien, mais vraiment rien, je vous garantis, mais en échange je ne pense pas que ce soit du protectionnisme que de défendre l'agriculture française, je ne pense pas que ce soit du protectionnisme que de défendre Alstom, je ne pense pas que ce soit du protectionnisme de sauver nos banques, je ne pense pas que ce soit du protectionnisme de sauver deux groupes européens comme PSA et Renault. Alors après, mettez-vous à ma place, je suis Président de la République Française, s'il y a une usine qui s'ouvre pour le moteur électrique du XXIème siècle, je l'avoue, je préfère que ce soit en France plutôt qu'ailleurs. C'est d'une originalité confondante.
QUESTION - M. le Président, je veux revenir sur le sujet de M. BARROSO, peut-être que j'ai mal compris, pourquoi pensez-vous que la question de la Présidence de la Commission peut attendre jusqu'au deuxième vote en Irlande ?
LE PRESIDENT - J'aime beaucoup M. BARROSO, j'ai aimé travailler avec lui, je lui fais confiance et je fais confiance à la Commission. Deuxièmement, j'ai beaucoup fait pour que l'Irlande revote, on m'a reproché dans cette salle même de l'avoir dit. C'est ce qui se passe. Je pense que si on veut être un peu habile, il vaut mieux attendre que les Irlandais votent plutôt que de décider avant qu'ils ne votent. Si on veut être habile. Si on veut se mettre tout le monde à dos, faisons-le ! Si on n'a pas compris ce qui se passe, faisons-le ! Pour le reste, Monsieur BARROSO est quelqu'un que j'aime beaucoup.
QUESTION - Vous aviez, lors de votre déplacement dans l'Ain, évoqué la nécessité d'élaborer un plan global de soutien à l'automobile et ceci, le lendemain même d'une communication de la Commission qui finalement rappelait tout ce qui avait été fait dans le domaine du soutien à l'automobile, y compris des mesures dont vous réclamez aujourd'hui l'application, telles que les aides en échange de développement de véhicules verts par exemple.
Est-ce que, compte tenu du fait qu'aujourd'hui vous avez le feu vert de la Commission, cela ne devient pas superflu de réclamer de nouveau un plan de soutien à l'automobile alors même qu'on sait qu'il n'y a pas d'argent communautaire qui pourrait être débloqué, comme on l'a fait dans la sidérurgie dans les années 80, pour un grand plan consacré à l'automobile ?
LE PRESIDENT - D'abord, merci de prendre appui sur la sidérurgie dans les années 80, parce que franchement, s'il y a un exemple que je ne voudrais pas suivre, c'est celui-là. Pardon de le dire.
Nous avons expliqué à toute l'Europe qu'il n'y avait plus besoin d'acier dans le monde, à toute l'Europe. On a martyrisé des régions entières en leur demandant de fermer l'acier et l'on s'est rendu compte jusqu'à il y a six mois - évidemment la production d'acier a diminué de 50% - que l'on a été sur toutes ces dernières années, en sous-capacité d'acier.
Je ne voudrais pas prendre l'exemple de la chimie. Si j'avais été aux affaires, je n'aurais jamais laissé Pechiney partir. On a démantelé la chimie française, voilà ce que je pense.
Troisièmement sur le plan automobile et la Commission, il est vrai que la communication de la Commission n'était pas à la hauteur du contenu du plan, si vous voulez vraiment que je vous dise ce que je pense. C'est d'ailleurs tout le problème de la Commission qui commence toujours par rappeler la pensée unique pour commencer et annoncer ensuite les décisions qui, souvent, ne sont pas en cohérence avec cette pensée. Et je trouve que le plan de la Commission vaut beaucoup mieux que ce que la Commission en a dit. Il y a beaucoup de choses extrêmement intéressantes, donc ce n'est pas un nouveau plan que je réclame, c'est simplement que je trouve que l'on est un peu juste sur les possibilités de crédits. Quand on limite à 400 millions par entreprise et qu'on sait que ce sont des constructeurs mondiaux, soit on dit oui, soit on dit non, mais si on dit oui, c'est vraiment pour moderniser et pour y aller, ce n'est pas pour s'arrêter en chemin. Ce n'est pas assez, voilà. Mais sur le fond, le plan est bon et j'observe d'ailleurs que finalement, ce n'était pas si extravagant d'avoir un plan automobile européen parce que j'avais cru, au début, que c'était une idée qui n'était pas justifiée. On s'aperçoit maintenant qu'elle l'était.
Merci à vous et, pour ceux qui viennent en Egypte, à tout à l'heure.
Est-ce que la France va avoir recours à ce que l'on appelle la "bad bank" ? Non, nous préférons agir en encourageant les banques à prêter aux entreprises et aux ménages plutôt qu'en transférant sur le budget de l'État les pertes liées à des investissements passés dans des actifs américains douteux. Au fond, il s'agit pour nous de protéger le contribuable et c'est ce que nous avons fait bien sûr avec Dexia comme récemment avec les caisses d'épargne et les banques populaires. Faire une "bad bank", cela consiste à dire : voilà, une banque a fait des mauvais choix d'investissements, s'est perdue dans des actifs douteux aux États-Unis, eh bien désormais c'est le contribuable qui va payer en lieu et place des actionnaires de la banque. Franchement, ce n'est pas une procédure que nous souhaitons retenir, mais cet accord que nous avons trouvé en Europe est important, car la priorité, c'est de continuer de venir au secours du crédit pour rétablir l'économie.
Deuxième élément : nous avons tous considéré que le rapport de LAROSIERE était un rapport excellent, notamment dans la partie des propositions de M. de LAROSIERE qui renforce l'efficacité de la réunion des superviseurs d'Europe avec une possibilité de leur donner des sanctions, notamment pour harmoniser l'application des directives de la Commission. Tous, nous avons considéré qu'il est important que cela rentre dans les faits et notamment lors du prochain Conseil européen du mois de mars. J'avais quelques craintes que l'on fasse une commission pour réfléchir au travail de cette commission. Bonne nouvelle : une commission, cela suffit, on va en faire une décision.
Troisième élément : sur l'automobile, les choses sont claires aujourd'hui. La Commission a donc validé le plan français de soutien à l'automobile. C'est une excellente chose. Comme je l'ai toujours dit, il est parfaitement nécessaire. D'ailleurs depuis, nos amis italiens se sont dotés du même plan, exactement, avec une prime à la casse et nos amis allemands avaient également emprunté le même chemin puisqu'il y a une prime à la casse aussi et du soutien au crédit des constructeurs automobiles. Voilà donc que ces plans, comme les autres, sont reconnus comme parfaitement cohérents avec le marché intérieur et par conséquent, c'est une très bonne nouvelle pour nous. C'est également une bonne nouvelle que la Commission fasse des propositions sur un plan automobile européen. Vous savez que je l'ai demandé. Il y a beaucoup de choses intéressantes notamment sur les moteurs du futur, les véhicules décarbonés. Simplement, la BEI a prévu 4 milliards d'euros pour les technologies propres. Les demandes du secteur automobile européen se montent déjà à 7 milliards, la BEI limite l'aide par entreprise à 400 millions. C'est insuffisant, il faut aller plus loin. J'obtiendrai cela dans les semaines qui viennent.
Enfin, sur la question de l'Europe centrale et orientale, il y a un risque économique, pour eux comme pour nous, et il y a un risque politique qui serait celui de la division de l'Europe. Notre ligne, je crois que c'est celle qui a prévalu, c'est solidarité et responsabilité. Il faut traiter les acteurs bancaires en Europe centrale et orientale par l'intermédiaire de la BERD, de la BEI, de la Banque mondiale qui ont proposé un programme de 24,5 milliards d'euros pour les banques de la région. J'ai demandé que la commission réunisse tous les acteurs. Je souhaite également que l'on y mette le FMI pour mettre en oeuvre ce plan de soutien. Sous Présidence française, j'avais déjà relevé le plafond d'intervention en cas de crise à 25 milliards, je crois me souvenir qu'il était de 12 milliards ou quelque chose comme cela, et donc on a les éléments aujourd'hui pour faire face aux problèmes qui pourraient se poser.
Enfin, sur le Sommet de Londres, il y a vraiment une grande harmonie pour penser qu'il faut une régulation, qu'il faut des décisions à Londres et qu'il faut que Londres soit un succès. Au demeurant, comme toujours en Europe, il faut multiplier les réunions pour arriver à un résultat. On y est tous les dimanches. On peut penser que cela pourrait avancer un peu plus vite. L'essentiel c'est que cela avance et dans la bonne direction, c'est incontestable. Donc, tout ceci va plutôt dans le bon sens mais naturellement, je me tiens prêt à répondre à vos questions avant de partir à Charm El-Cheikh.
QUESTION - Monsieur le Président, sur l'Europe centrale et orientale, le Premier ministre hongrois rappelait il y a quelques jours que l'engagement des banques ouest-européennes représentait près de 1 600 milliards d'euros. Il vient de réclamer aujourd'hui 190 milliards d'euros pour l'ensemble de la zone. Est-ce que vous considérez que finalement, il existe un risque systémique concernant notamment les banques autrichiennes, on sait que les banques autrichiennes sont très engagées là-bas et qui pourrait affecter l'ensemble des 27 pays européens ?
LE PRESIDENT - La Hongrie a bénéficié de la solidarité européenne lors de la dernière crise qui a failli emporter la Hongrie puisque avec M. STRAUSS-KAHN, alors que j'étais Président du Conseil, nous avons obtenu un plan de 25 milliards d'euros pour les soutenir. J'ai dit moi-même qu'ils étaient face à une crise. Cette crise est-elle systémique ou pas ? On verra bien. En tous les cas, le problème est clairement posé sur la table. Il y a le BERD, il y a la BEI, il y a la Banque mondiale, il y a le FMI £ que toutes ces institutions mobilisent les moyens nécessaires pour faire face aux problèmes que connaissent un certain nombre de pays orientaux. Moi, je n'ai rien à dire qui ne viendrait confirmer, infirmer ou renforcer les problèmes que nous avons déjà à gérer. C'est déjà suffisamment compliqué pour qu'on ne dramatise pas les choses et qu'on ne les complique pas.
Ce que j'observe simplement, c'est que depuis que nous avons mis en place, sous Présidence française, une stratégie commune de soutien aux banques, nous n'avons pas connu en Europe les problèmes qu'ont connus nos amis américains avec Lehman Brothers. On ne l'a pas connu. J'avais moi-même pris un engagement auprès des contribuables français, des épargnants français que pas un épargnant ne perdrait un centime. Pour l'instant, c'est parfaitement ce que nous avons rempli que ce soit pour Dexia ou pour la Banque populaire, Caisse d'Epargne.
Et enfin, troisième point, j'observe en même que nous ne sommes pas au cinquième plan de soutien aux banques. Le plan que nous avions élaboré en Europe, sous Présidence française, est toujours sur la table. Il a permis de faire face à tous les défis en l'état actuel des choses. Est-ce que l'on en a d'autres ? On verra à ce moment là ce qu'il conviendra de faire. En l'état actuel des choses, la situation pour nos banques est sous contrôle.
QUESTION - Il y a quelques semaines vous avez dit : "si nous donnons l'argent de l'industrie automobile, c'est pour restructurer, pour éviter qu'une nouvelle usine ne soit déplacée en République tchèque ou ailleurs. Monsieur le Président, quel est votre commentaire ? Êtes-vous fier d'avoir causé une telle division avec votre protectionnisme ?
LE PRESIDENT - Bravo pour l'effort en français et honnêtement vous auriez pu dire la même chose en anglais, cela aurait été peut-être moins caricatural. C'est certainement la langue qui fait que la caricature a affleuré. Il se trouve justement que chacun a convenu qu'en Europe, aucun pays n'était protectionniste.
Monsieur, réfléchissez un tout petit peu. Quand les Américains mettent 30 milliards de dollars pour soutenir leur industrie automobile, là il y a un risque de protectionnisme, Monsieur, pas en Europe. Permettez-moi de vous dire une chose : si le gouvernement français n'avait pas fait pour PSA et Renault ce qu'il a fait, quels auraient été les premiers à souffrir ? Les premiers, c'est ceux qui ont des entreprises et des usines sur leur territoire. Le Président roumain m'a dit : heureusement que vous avez fait ce que vous avez fait car cela a permis de sauver les usines chez nous.
Est-ce que vous réfléchissez à cela, Monsieur ? Si on ne sauve pas la maison mère, est-ce que vous croyez que les usines vont rester ? Enfin ! Ce qui aurait dû vous étonner c'est que l'on n'ait pas demandé à nos amis qui ont des usines de nos constructeurs de participer au plan de sauvetage. Vous m'avez bien compris j'espère parce que vous comprenez bien que si la maison mère ne peut plus payer, si la maison mère, si Renault et si PSA n'ont plus d'argent, vous comprenez bien que la première chose qu'elle fera, c'est fermer les usines. C'est quand même assez difficile, voir un brin limité de reprocher à un pays de sauver des groupes qui ont des usines partout en Europe mais si on n'avait pas sauvé ces groupes, qu'est-ce qui aurait été fermé ? Ce sont ces usines. Je ne sais pas, je n'ai peut-être pas été assez clair.
C'est si vrai, Monsieur, que depuis, Opel est soutenu par qui ? Le gouvernement allemand. Fiat est soutenu par qui ? Le gouvernement italien. SAAB est soutenu par qui ? Par les Suédois, hélas avec combien de difficultés. Si les groupes automobiles européens s'écroulent, cela va se traduire par quoi ? Par des fermetures. Où voyez-vous du protectionnisme ? Où est-il ? D'ailleurs, si vous aviez un doute, la décision excellente de la Commission validant le plan français devrait finir de vous convaincre.
Dernier point : il serait assez curieux après avoir répondu à longueur de conférences de presse sur l'économie virtuelle, avec les aides que l'on donnait aux banques pour s'en sortir £ donc vous, vous considérez -très intelligent- que donner des aides aux banques c'est normal, cela ne met pas en cause le marché intérieur, mais les donner à l'industrie automobile, cela met en cause le marché intérieur ? Que disent nos amis de l'Est ? Que les aides que vous donniez aux banques, surtout donnez-les aux banques et puis, qu'elles ne ferment pas les succursales chez nous. Enfin ! Que l'on me démontre si ce que je dis n'est pas proprement du bon sens. En sauvant les grands groupes européens, on sauve l'emploi partout en Europe. Où voyez-vous du protectionnisme ? Après, que chaque pays ait, quand il soutient ses banques, ce qu'il demande, c'est le même problème. On n'a jamais demandé : fermez les usines ailleurs pour garantir les nôtres. On a dit : arrêtez de fermer chez nous. C'est tout à fait différent. Heureusement que l'on demande cela. Vous comprenez bien, on ne dit pas : allez fermer surtout chez les autres.
Par exemple, un pays comme la France devrait être remercié. Il y a un million de véhicules qui étaient fabriqués en France en 2004, qui sont fabriqués partout ailleurs en Europe en 2007. Un million ! Il ne faut quand même pas venir nous dire que l'on est protectionniste. Il n'y a pas un pays qui fait cela. Pas un seul. Restons raisonnable, Mme HADJAJE. Ce n'est pas parce que ce sont des sujets techniques qu'il faut absolument dire des choses totalement déraisonnables qui ne correspondent en rien à la réalité. On fabriquait trois millions de voitures sur le territoire français en 2004, on en fabrique deux millions aujourd'hui, c'est cela le protectionnisme ? Allez donc l'expliquer, Mme HADJAJE, aux auditeurs de RTL. Ce que je dis est quand même d'une simplicité, pardon d'une exactitude.
Et si nous n'avions pas sauvé Renault ? Le Premier ministre slovène m'expliquait que le plan de relance slovène doit être de l'ordre de 600 millions d'euros. Très bien, excellent. Rien que pour Renault, c'est 3 milliards. Aurais-je dû demander à la Slovénie, alors que je crois que c'est PSA qui est le premier employeur en Slovénie, de participer au plan de soutien à PSA ? Vous croyez que les Slovènes ne sont pas contents que l'on soutienne - je ne sais plus si c'est PSA ou Renault, excusez-moi, je crois que c'est PSA mais je peux me tromper - naturellement que la Slovénie, grand pays ami de la France est intéressée à ce que l'on sauve Renault ou PSA. Ils sont intéressés parce que si PSA n'a plus d'argent pour faire face aux échéances, que va t-il se passer ? Rien que pour expliquer cela, je suis content d'être venu.
D'ailleurs, le problème aujourd'hui du protectionnisme, vous le savez parfaitement bien, c'est le problème de ce qui se passe chez nos amis américains. Si on avait décidé - je ne dis pas qu'ils le sont d'ailleurs - de privilégier les investissements qui utilisent l'acier fabriqué en Europe, réfléchissez, qu'est-ce que vous auriez dit ? L'Europe est la zone la plus ouverte du monde. Arrêtons d'être naïfs et de s'auto-flageller. Personne ne pense, dans le monde entier, que l'Europe est protectionniste. S'agissant de la solidarité avec nos amis de l'Europe orientale et centrale, je crois être bien placé pour savoir que, s'agissant de la Hongrie ou des Lettons, heureusement que l'Europe est là.
QUESTION - Je voudrais continuer sur le protectionnisme parce que manifestement, nous ne sommes pas les seuls à avoir cru comprendre qu'il y avait quand même des éléments protectionnistes dans le plan automobile français, puisque ce matin les pays d'Europe centrale et orientale se sont réunis justement à la représentation permanente polonaise pour demander une solidarité européenne et l'absence de protectionnisme. Parce que quand vous dites, par exemple, que l'on ne va pas fermer les usines en France, si Renault doit restructurer, il faudra bien que, quelque part, elle supprime des emplois, donc si ce n'est pas en France, ce sera forcement en République tchèque ou en Slovaquie. D'où l'inquiétude peut-être des Pays de l'Est ?
LE PRESIDENT - Je signe la déclaration des pays orientaux. Pas de protectionnisme, je suis contre le protectionnisme, mais je me souviens d'une grande discussion avec mon ami Donald TUSK qui demandait la possibilité à la Commission de soutenir les chantiers navals polonais. C'est un grand problème de connaître ses dossiers, M. QUATREMER. C'était il y a quatre mois. Je l'ai aidé à convaincre la Commission de pouvoir donner, je crois que c'étaient 300 millions d'euros à l'époque, pour les chantiers navals polonais, parce que j'ai parfaitement compris que le gouvernement polonais voulait aider à la transformation de la construction navale en Pologne. C'est du protectionnisme ? Vous m'avez entendu dire à M. TUSK que c'était du protectionnisme ?
Quant à la solidarité, on n'a pas été là avec nos amis hongrois ? Surtout moi. Un grand journal du soir français a dit avec beaucoup d'élégance et une certaine générosité que je n'étais pas du Massif central, ce qui est une remarque d'une grande élévation de vue. Et puis, je ne sais pas ce qu'ils veulent dire par là. Je ne sais pas, j'aimerais m'en excuser, c'est vrai, j'ai un grand père qui vient d'ailleurs, excusez-moi. Mon père est né en Hongrie, il était Hongrois. On a soutenu la Hongrie de toutes nos forces quand elle a manqué d'être enlevée par la première crise financière qui la frappait. La solidarité, c'est une réalité. On ne fait que cela.
QUESTION - Monsieur le Président, vous placez les relations avec les pays de l'Est, d'Europe centrale ou orientale, sous le signe de la solidarité, vous venez d'en parler, et sous le signe de la responsabilité. Quelle est la définition ou le contenu que vous mettez à ce terme de responsabilité ? Est-ce que vous envisagez, par exemple, de demander l'application de normes en matière de gestion de dépenses publiques ?
LE PRESIDENT - Le budget, c'est un grand sujet M. SYLVESTRE et vous le connaissez très bien. Tous les pays adhérant à l'Union européenne -à l'exception des deux qui ont une clause d'opt-out, le Royaume Uni et le Danemark- ont vocation à être dans l'euro. Oserais-je dire que ce n'est pas un droit, c'est une obligation, d'où les clauses d'opt-out. Il y a des critères de convergence, ils sont sur la table, c'est le Traité. Je ne vois pas quelles normes on devrait demander de plus que celles qui existent, des critères de convergence contenus dans le Traité.
Est-ce qu'un jour, il faudra réfléchir sur ces critères de convergence au regard de la situation ? Il y a des choses extrêmement intéressantes que l'on peut regarder. Un pays comme l'Italie résiste remarquablement bien à la crise financière alors qu'elle était en déficit de son budget et avec une balance des paiements excédentaire. Je pourrais prendre d'autres exemples de pays qui étaient en excédent budgétaire et en déficit de balance des paiements. Regardez et vous verrez comme c'est intéressant. Mais cela, c'est un débat technique pour les mois prochains. Pour le reste, il existe des critères de convergence, appliquons-les.
On ne peut que s'interroger sur le calendrier. Est-ce qu'il faudra, à un moment donné, accélérer ou pas ? Je n'en sais rien, je ne sais pas. Il y a un Traité, appliquons-le, mais on voit bien qu'aujourd'hui on est quoi ? Pratiquement dix-sept dans l'euro, la Slovénie et Slovaquie, et qu'il y en a dix qui n'y sont pas. On verra pour l'avenir.
QUESTION - Est-ce qu'il faudra, justement à terme, prendre en compte la dette privée ? Parce que, jusqu'à présent, on ne prenait que la dette publique et l'Espagne et l'Irlande qui étaient citées en modèle, se sont cassé la figure. Je voulais savoir ce que vous en pensiez ?
Et deuxièmement, vu la manière dont la Commission a géré la crise depuis quelques mois, est-ce que vous soutenez toujours M. BARROSO, comme vous l'aviez annoncé sous votre présidence ?
LE PRESIDENT - Est-ce qu'il faut prendre la dette privée ? Cela rejoint la réponse que j'ai faite à M. SYLVESTRE. J'ai toujours pensé qu'il fallait être pragmatique en matière économique. Oui, il faut un pacte. Oui, il faut des critères de convergence, c'est incontestable. Oui, cela existe dans le Traité. Il n'est pas question d'entamer une discussion maintenant. Mais est-ce que dans l'avenir, quand la crise sera passée, au regard de ce que nous a appris la crise -parce que la crise apprend des choses- faudra-t-il intégrer de nouveaux critères ? Je le souhaite. Mais on verra le moment venu.
Prenez un exemple, le taux d'épargne d'un ménage français, je ne veux pas dire de bêtise, cela doit être entre 14 et 15%. Le taux d'épargne d'un ménage américain, c'est 0%. Est-ce que ce sont des choses qui doivent être prises en cause et qui ne sont pas prises en cause, aujourd'hui ? De mon point de vue, je dis oui. Est-ce qu'il y a urgence ? Non. Mais naturellement le débat est ouvert. Il est d'ailleurs passionnant et je prenais en exemple, en m'excusant auprès de ceux qui sont moins familiers de ces questions, certains pays qui ont vu leur excédent devenir un déficit en quelques semaines. Je crois que les Pays-Bas sont passés de +1 à pas loin de -3. C'est une affaire qui s'est faite vraiment avec une rapidité stupéfiante. Je crois que l'on a surévalué l'importance de l'excédent budgétaire - c'est mieux que d'avoir un déficit- par rapport à la balance des paiements, par exemple. C'est un sujet qui est considérable. L'épargne des ménages, c'est un sujet considérable.
Sur la Commission, je serais bien ingrat si je n'étais pas reconnaissant de la rapidité avec laquelle la Commission a certifié, validé, promu le plan automobile français. S'agissant des différentes candidatures, comme vous le savez, nous sommes soumis à la décision de nos amis irlandais pour la ratification du Traité de Lisbonne. En fonction de cela, nous nous poserons les questions. Pour le reste, je n'ai aucun commentaire à faire. Je ne change pas comme cela.
QUESTION - (inaudible)....a rappelé que l'industrie automobile était en surcapacité. Comment allez-vous sauver l'emploi dans ce secteur sachant que, justement, il y aura des restructurations qui vont s'imposer.
LE PRESIDENT - J'ai beaucoup apprécié la déclaration du Premier ministre suédois. Qu'est-ce que l'on sait pour l'instant ? Vous savez, quand on me dit la capacité d'un marché, je souris un petit peu, parce que qu'est-ce qu'on en sait de la capacité d'un marché ? Est-ce que c'est une donnée objective ? La capacité du marché à avoir des lecteurs de La Croix ? Elle était évolutive, elle augmente, c'est pour cela, félicitations ! C'est pareil. Si je vous disais, il y a une capacité objective du marché à avoir des lecteurs de La Croix ! Qu'est-ce que cela veut dire la capacité objective du marché à acheter des voitures ? Mais qu'est-ce que cela veut dire ? J'aimerais bien le savoir.
Grosso modo, il y a dix-huit millions de véhicules fabriqués en Europe. Ce que l'on sait, c'est qu'en l'état actuel des choses, il n'y a pas dix-huit millions d'acheteurs. Je vous donne raison, sur ce point là. Est-ce que cela va durer ? Qu'est-ce qu'on en sait ? Ce que je sais en revanche, c'est que l'avenir -et c'est cela le plan européen de soutien à l'automobile que j'ai demandé- c'est la voiture électrique, ce sont les nouvelles batteries, c'est la voiture décarbonnée, c'est l'innovation. Vous comprenez bien, c'est fantastique. RASMUSSEN en a parlé aussi. Mais personne en Europe n'a intérêt à la destruction des industriels de l'automobile. Ecoutez, il y a des choses fascinantes, le cours de bourse de la Fiat est passé de 26 euros, avant la crise à moins de 3 euros. C'est un sujet. Il y a quoi ? Dix constructeurs automobiles dans le monde ? Les trois constructeurs américains sont en situation de quasi « collapse », heureusement que le gouvernement est derrière. On a intérêt à être dedans. Encore une fois, quand je vois mon ami Gordon BROWN, dont vous savez la confiance que je lui porte, qui est propriétaire d'une certaine banque à hauteur de 70%. C'est -on peut le dire- nationaliser, c'est fait.
Expliquez-moi la logique qui consisterait à dire : quand l'Etat prend 70% d'une banque, à cela, il n'y a rien à dire, qu'il gère les « bad assets », il n'y a rien à dire, qu'il les garantisse, il n'y a rien à dire, mais alors aider les constructeurs automobiles à votre crédit, il y a à dire. Qui dit que M. Gordon BROWN est protectionniste ? Mais qui le dit ? Qui dirait une bêtise pareille ? Vous savez, la situation de l'industrie automobile : vous avez les deux tiers des gens qui achètent une voiture qui l'achètent à crédit. Quand il n'y a plus de crédit, la situation de l'industrie automobile était dans la même situation, je crois vraiment qu'on a tourné le dos à ce débat, personne n'est protectionniste en Europe.
QUESTION - J'ai deux questions si vous le permettez. La première qui concerne la Suisse, est-ce que la Suisse après le G20, la réunion préparatoire et celles qui vont suivre, peut ou va se retrouver sur la liste des pays non coopératifs que prépare le G20 ?
LE PRESIDENT - Cela dépendra de ses réponses, cela ne dépend pas de moi.
QUESTION - Mais là actuellement, est-elle sur la liste que le G20 est en train de préparer ?
LE PRESIDENT - J'ai dit que il n'était pas admissible que l'on garde des paradis fiscaux, c'est-à-dire des places financières -moi je les définis comme cela- qui ne déclarent pas l'origine de l'argent et la direction de l'argent, pour faire les choses claires. Parce que pour moi un paradis fiscal ce n'est pas zéro fiscalité. Comprenez-moi bien : là on est dans la concurrence fiscale, on peut avoir du dumping fiscal. Le paradis fiscal ce sont des gens qui ne disent pas d'où vient l'argent et où il va, c'est cela le paradis fiscal et on confond, me semble-t-il et c'est grave, les taux de fiscalité qui n'ont absolument rien de malhonnête, c'est le choix souverain d'un pays, et le refus de transparence.
En l'état actuel des choses, sur la base de l'OCDE, la réponse est plutôt oui, mais on verra ce qu'il en sera £ mais je le dis moi-même pour d'autres places, je l'ai dit à nos amis d'Andorre. Andorre j'ai plus de responsabilités que la Suisse, vous y avez plus de connaissances que moi pour dire les choses. Il faut être logique, il faut être transparent, il faut être cohérent, on ne peut pas avoir un choix pour les autres et ne pas l'appliquer pour soi-même. Et la France se battra pour avoir des mesures très strictes en la matière et les appliquera. Et je suis d'ailleurs heureux que nos amis Anglais participent pleinement à cet effort.
Par ailleurs tout ce qu'a dit M. de LAROSIERE sur la régulation, etc.
QUESTION - Les européens craignent pour leur avenir, pour leurs emplois, l'avenir est très sombre, je voudrais bien comprendre en quoi ce sommet aujourd'hui, comme cette « réunionite » aiguë à laquelle on assiste ces jours-ci, fait avancer le combat des Européens contre cette crise économique qui nous frappe.
LE PRESIDENT - Je comprends que vous dites « réunionite » aiguë. Vous savez, passer tous mes dimanches avec vous n'est pas non plus l'objectif de ma vie. Sans être désagréable, ça revient un peu à cela quand même, tous les dimanches après-midi je me dis : chic je vais les voir, quelle joie, c'est formidable. Il n'y a rien qui ressemble plus à une salle de presse...
Mais en même temps, Monsieur, vous êtes Européen, si on ne s'était pas réunis, vous diriez : ils sont complètement fous, il y a une crise énorme sur leurs bras et ils ne se réunissent pas. C'est tout le problème de l'Europe. Concrètement, cela veut dire que l'on arrive à sortir un compromis aux forceps et pas sur le plus petit dénominateur commun, parce qu'à force de parler, à force d'entraîner, à force de bousculer, on finit par convaincre. Et comprenez-moi, je n'irai pas à Londres sans l'avoir préparé par d'innombrables réunions.
Ce qui nous pendait au nez comme le sifflet au cou de l'arbitre, c'est que deux ou trois pays annoncent la « bad bank » dans les mêmes conditions que M. GEITHNER et cela aurait produit le même résultat, parce que M. GEITHNER, que j'apprécie énormément, a omis, lorsqu'il a annoncé le principe, de dire quelle sera la procédure de valorisation des actifs. On ne l'a pas connu en Europe cela, par exemple, ce n'est pas si mal.
Deuxièmement le groupe LAROSIERE, c'est extrêmement important. Je prends un exemple : il y a une directive qui permet de dire quels sont les actifs que l'on met dans les fonds propres d'une banque et ceux que l'on n'y met pas, cette directive n'est pas appliquée de la même façon entre deux pays voisins dont je ne citerai pas le nom, je n'ai pas le droit de les citer. Nous avons découvert cela lors d'une association sur une banque commune. Cela ne sera plus possible avec la méthode que propose M. de LAROSIERE : un comité des régulateurs nationaux avec pouvoir de sanction. J'espère que je vais obtenir pour le mois de mars que les mesures LAROSIERE entrent en vigueur.
Et puis le plan automobile, ce n'est pas un hasard si la Commission a donné son avis 24 heures avant ce sommet. Je ne dis pas non plus que c'est fondamental, mais si on ne le faisait pas, vous diriez quoi ? Vous dormez, mais qu'est-ce que vous faites Monsieur ? Et vous auriez raison de le dire. Il s'agit de mettre vingt-sept pays d'accord, qui n'ont pas les mêmes origines, la même histoire, le même gouvernement, parfois les mêmes convictions, ça ne se fait pas comme ça, l'Europe, il faut se donner du mal. Qu'est-ce qu'il faut faire alors ? Soit on se réunit trop, soit pas assez. Je préfère qu'on se réunisse trop, que l'on travaille trop. Et puis cela ne fait pas de mal de réfléchir ensemble, qu'ils écoutent, qu'ils entendent, cela progresse.
QUESTION - On a l'impression que renationalisation et protectionnisme sont des gros mots pour l'Europe ? Dès qu'on en parle, tout le monde s'énerve.
LE PRESIDENT - Moi je n'ai jamais cru au protectionnisme et je pense que si la crise de 1929 a été si grave, c'est parce que la réponse a été le protectionnisme, donc si vous voulez me dire est-ce que c'est un gros mot ? Oui. et c'est une mauvaise idée, mais à l'inverse je n'ai jamais cru à la naïveté, je demande la réciprocité. Si vous voulez, entre le protectionnisme et le libre échangisme, il peut peut-être y avoir un équilibre qui fait que, de mon point de vue, il n'y a pas de liberté sans règle. L'absence de règle, ce n'est pas la liberté.
Sur les nationalisations, je serais beaucoup plus prudent. La nationalisation générale de tout un système, je ne vois vraiment pas l'intérêt. En revanche s'il y a une banque qui est vraiment plantée avec des difficultés énormes, que l'Etat prenne des responsabilités dans cette banque, oui, avec le souci de la rendre publique, comme je l'avais fait avec Alstom.
Prenons Banque Populaire-Caisses d'Epargne, ce n'est pas par plaisir que l'on fait la fusion et que l'on prend 20% du nouvel ensemble. On peut le dire, c'est une nationalisation partielle. Ce n'est pas une nationalisation parce que l'on n'est pas dans un rapport de capital qui dépasse 20%, mais c'est l'Etat qui rentre. Quand j'avais pris 22% d'Alstom, on m'avait dit que je renationalisais Alstom, notamment nos amis de Siemens. Là je préfère faire cela plutôt que de nationaliser les pertes, parce que la « bad bank », ce n'est pas la nationalisation des banques, c'est la nationalisation des pertes, vous avez bien compris la différence. Là, c'est l'Etat qui va prendre 20% d'un ensemble, le diriger, le conduire vers le redressement et revendre. La « bad bank », c'est l'Etat qui prend tout ce qu'il y a de mauvais dans une banque, qu'il fait payer par le contribuable et qui garde. On a un exemple de « bad bank », le Crédit Lyonnais, M. PEYRELEVADE, ça c'était une grande idée, et puis un gestionnaire remarquable, on a un exemple.
Je ferme la porte sur le protectionnisme parce que je pense que cela n'amènerait rien, mais vraiment rien, je vous garantis, mais en échange je ne pense pas que ce soit du protectionnisme que de défendre l'agriculture française, je ne pense pas que ce soit du protectionnisme que de défendre Alstom, je ne pense pas que ce soit du protectionnisme de sauver nos banques, je ne pense pas que ce soit du protectionnisme de sauver deux groupes européens comme PSA et Renault. Alors après, mettez-vous à ma place, je suis Président de la République Française, s'il y a une usine qui s'ouvre pour le moteur électrique du XXIème siècle, je l'avoue, je préfère que ce soit en France plutôt qu'ailleurs. C'est d'une originalité confondante.
QUESTION - M. le Président, je veux revenir sur le sujet de M. BARROSO, peut-être que j'ai mal compris, pourquoi pensez-vous que la question de la Présidence de la Commission peut attendre jusqu'au deuxième vote en Irlande ?
LE PRESIDENT - J'aime beaucoup M. BARROSO, j'ai aimé travailler avec lui, je lui fais confiance et je fais confiance à la Commission. Deuxièmement, j'ai beaucoup fait pour que l'Irlande revote, on m'a reproché dans cette salle même de l'avoir dit. C'est ce qui se passe. Je pense que si on veut être un peu habile, il vaut mieux attendre que les Irlandais votent plutôt que de décider avant qu'ils ne votent. Si on veut être habile. Si on veut se mettre tout le monde à dos, faisons-le ! Si on n'a pas compris ce qui se passe, faisons-le ! Pour le reste, Monsieur BARROSO est quelqu'un que j'aime beaucoup.
QUESTION - Vous aviez, lors de votre déplacement dans l'Ain, évoqué la nécessité d'élaborer un plan global de soutien à l'automobile et ceci, le lendemain même d'une communication de la Commission qui finalement rappelait tout ce qui avait été fait dans le domaine du soutien à l'automobile, y compris des mesures dont vous réclamez aujourd'hui l'application, telles que les aides en échange de développement de véhicules verts par exemple.
Est-ce que, compte tenu du fait qu'aujourd'hui vous avez le feu vert de la Commission, cela ne devient pas superflu de réclamer de nouveau un plan de soutien à l'automobile alors même qu'on sait qu'il n'y a pas d'argent communautaire qui pourrait être débloqué, comme on l'a fait dans la sidérurgie dans les années 80, pour un grand plan consacré à l'automobile ?
LE PRESIDENT - D'abord, merci de prendre appui sur la sidérurgie dans les années 80, parce que franchement, s'il y a un exemple que je ne voudrais pas suivre, c'est celui-là. Pardon de le dire.
Nous avons expliqué à toute l'Europe qu'il n'y avait plus besoin d'acier dans le monde, à toute l'Europe. On a martyrisé des régions entières en leur demandant de fermer l'acier et l'on s'est rendu compte jusqu'à il y a six mois - évidemment la production d'acier a diminué de 50% - que l'on a été sur toutes ces dernières années, en sous-capacité d'acier.
Je ne voudrais pas prendre l'exemple de la chimie. Si j'avais été aux affaires, je n'aurais jamais laissé Pechiney partir. On a démantelé la chimie française, voilà ce que je pense.
Troisièmement sur le plan automobile et la Commission, il est vrai que la communication de la Commission n'était pas à la hauteur du contenu du plan, si vous voulez vraiment que je vous dise ce que je pense. C'est d'ailleurs tout le problème de la Commission qui commence toujours par rappeler la pensée unique pour commencer et annoncer ensuite les décisions qui, souvent, ne sont pas en cohérence avec cette pensée. Et je trouve que le plan de la Commission vaut beaucoup mieux que ce que la Commission en a dit. Il y a beaucoup de choses extrêmement intéressantes, donc ce n'est pas un nouveau plan que je réclame, c'est simplement que je trouve que l'on est un peu juste sur les possibilités de crédits. Quand on limite à 400 millions par entreprise et qu'on sait que ce sont des constructeurs mondiaux, soit on dit oui, soit on dit non, mais si on dit oui, c'est vraiment pour moderniser et pour y aller, ce n'est pas pour s'arrêter en chemin. Ce n'est pas assez, voilà. Mais sur le fond, le plan est bon et j'observe d'ailleurs que finalement, ce n'était pas si extravagant d'avoir un plan automobile européen parce que j'avais cru, au début, que c'était une idée qui n'était pas justifiée. On s'aperçoit maintenant qu'elle l'était.
Merci à vous et, pour ceux qui viennent en Egypte, à tout à l'heure.