15 janvier 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les priorités de la politique économique face à la crise, à Vesoul le 15 janvier 2009.

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Alain Joyandet sait tout le plaisir que j'ai à revenir dans cette région et à Vesoul aujourd'hui.
C'est l'occasion de présenter les voeux du gouvernement à tous les acteurs de la vie économique que je sais particulièrement soucieux, voire angoissés en cette période de crise.
2009 doit être et sera une année de mobilisation exceptionnelle pour faire réussir ce que nous avons décidé : la relance de l'économie et la préparation de l'avenir. J'y mettrai toute mon énergie et l'Etat y mettra tous ses moyens, nous ne subirons pas la crise, nous sortirons plus forts de cette crise et nous prendrons les décisions qu'il faut pour que la France, non seulement résiste mais reparte à l'offensive.
Le diagnostic selon lequel la France n'est pas suffisamment armée économiquement pour le monde de demain ne date pas de cet automne. Le programme présidentiel qu'ont choisi les Français proposait précisément de s'attaquer à ce retard pour que la France reste au premier rang des nations. Et ce n'est pas en travaillant moins qu'on reste au premier rang des nations. La crise permet à chacun de mesurer que ne pas appliquer résolument le programme de réformes que nous avons engagé serait une grave erreur. Nous allons sortir de la crise.
En 2008, il s'est agi d'éviter l'effondrement du secteur financier. Tout le monde se souviendra de ces semaines folles où les plus grandes institutions vacillaient sous l'effet de la spéculation et de la perte de confiance. Il fallait intervenir puissamment avec sang froid et avec rapidité. C'est ce que la France a essayé de faire.
A Toulon, j'ai pris l'engagement qu'aucune banque française ne tomberait, j'avais pris l'engagement qu'aucun déposant dans une banque française ne perdrait un euro. Cet engagement, je l'ai tenu et je continuerai à le tenir. Je dis d'ailleurs aux banques que je ne regrette nullement de les avoir aidées mais elles ont des engagements à tenir vis-à-vis des acteurs économiques et vis-à-vis des Français.
Sur les 360 milliards d'euros du plan de financement voté pour la période 2008/2009, 47 milliards d'euros de financement ont déjà été injectés dans l'économie. S'y ajoute la montée en charge d'OSEO.
L'Etat aura reçu fin janvier, 300 millions d'euros en rémunération des garanties données et des fonds qu'il a apportés aux banques. 800 millions d'euros d'ici à la fin de l'année. Quand l'Etat intervient vis-à-vis des banques, cela ne doit pas être un cadeau. A tous ceux qui, pour des mauvaises raisons, ont voulu polémiquer avec l'argent que nous avons mis à la disposition des banques, je dis que nous avons évité le désastre financier pour vos économies, pour les épargnants. Cet argent nous l'avons prêté, il est rémunéré et pour le contribuable ce sera, à la fin de l'année, 800 millions d'euros de recettes. Je mets au défi quiconque de voir qu'il y a un cadeau. Mais les banques ont pris et doivent prendre des engagements sur les dividendes à verser, sur la rémunération des dirigeants et sur les bonus. Il ne peut pas y avoir des efforts en bas et aucun effort en haut. Chacun est devant ses responsabilités, il en va de l'image de l'institution qu'il préside.
Je sais bien pour autant que la situation du crédit reste une inquiétude.
Je sais parfaitement que de nombreux chefs d'entreprise se demandent si les banques utilisent pleinement les moyens qui leurs sont apportés par l'Etat pour traiter leur propre cas. A cet égard, je voudrais d'ailleurs rendre hommage à René RICOL qui a fait un travail remarquable et à la médiation du crédit.
Mais il faut aller plus loin.
Je souhaite que nous poussions au maximum tous les curseurs d'intervention, comme la Commission européenne nous a autorisés à le faire pendant cette période de crise. OSEO pourra maintenant garantir jusqu'à 90% des prêts aux entreprises contre 70% aujourd'hui.
Mais OSEO ne peut rien seule. Ce sont toutes les banques qui sont concernées, il faut vis-à-vis d'elles envisager de nouvelles modalités d'intervention pour que les entreprises et les ménages puissent financer leur projet. Le problème de crédit doit être débloqué très rapidement.
Christine LAGARDE va examiner les conditions d'une nouvelle intervention de l'Etat vis-à-vis
des banques. Et cette intervention sera assortie de trois nouvelles contreparties.
Des objectifs précis seront fixés aux banques pour financer les projets concrets des entreprises. Je pense notamment à l'exportation.
Ensuite s'agissant des dividendes, lorsque l'Etat interviendra pour renforcer les banques, ces entreprises et leurs actionnaires doivent naturellement adopter de nouvelles pratiques en termes de distribution des résultats ou de rachat d'actions. Je dis clairement que les rachats d'actions sont incompatibles avec l'objectif de renforcement des fonds propres.
Enfin, la politique de rémunération doit changer. Il est de l'intérêt même des dirigeants des banques de mesurer la responsabilité qui est la leur. Alors que les banques ont traversé la pire crise depuis des décennies, que l'Etat les a soutenues, que leurs clients subissent les conséquences de la situation du crédit, je demande aux banques de prendre de nouvelles initiatives. Suspendre en 2009 les parts variables des principaux cadres dirigeants sur le résultat 2008 est bien le minimum que nous attendons d'elles. Quand il fallait distribuer des bonus, on n'avait aucun mal à trouver les responsables, maintenant qu'il y a des problèmes si vous ne savez pas à qui donner les malus, prenez la liste de l'année dernière. J'en profite d'ailleurs pour dire que ce qui est indispensable pour les institutions financières ne l'est pas moins ailleurs. Il faut mettre un terme à des pratiques qui ont suscité à raison l'indignation des Français.
En réponse à notre demande, le MEDEF et l'AFEP ont présenté un ensemble cohérent de recommandations, mais les recommandations, je ne m'en contenterai pas. En ce début d'année, l'adhésion des entreprises à ces nouvelles règles doit être effective. Les chiffres doivent être mis en adéquation avec les principes. C'est très simple, soit les recommandations des organisations patronales sont appliquées, soit elles ne le sont pas et le gouvernement préparera une loi rendant ces recommandations juridiquement contraignantes. Le choix est simple : la maîtrise des rémunérations, des stock options et les conséquences seront tirées de la crise pour qu'il n'y est plus les excès qui ont scandalisé les Français £ soit vous le faites volontairement et nous vous faisons confiance, soit vous ne le faites pas et c'est la loi qui l'imposera. Voilà les termes du choix. Et la clause de rendez-vous, ce n'est pas la fin de cette année, c'est la fin du premier trimestre. Chacun est mis devant ses responsabilités. En période de crise, chacun doit faire un effort et personne ne comprendrait que des conséquences ne soient pas tirées immédiatement pour que les excès d'hier ne se reproduisent plus.
S'agissant maintenant de la relance de l'activité, les moyens engagés vont monter en charge. 65 milliards d'euros seront progressivement injectés dans l'économie, 50 milliards de manière active via le plan de relance que j'ai présenté à Douai, il y a un mois, auquel s'ajoutera l'affaire de la taxe professionnelle qui a été totalement supprimée pour tous les nouveaux investissements les baisses d'impôts s'y ajoutent ce qu'on appelle également les stabilisateurs automatiques et qui traduit simplement le fait que les recettes fiscales vont baisser, qu'elles ne seront pas compensées par des augmentations d'impôts et que la revalorisation des prestations sociales est beaucoup plus importante que l'inflation.
Nous sommes très vigilants sur la situation économique, nous regardons ce que font les autres, nous regardons aussi ce qui a été fait dans le passé. Et moi je n'ai pas vocation à refaire les mêmes erreurs que les autres. Je regarde ce qu'ils ont fait et quand cela n'a pas marché, je ne le refais pas. Il y a eu un plan de relance par la demande faite pas la droite et un autre par la gauche. A l'arrivée, cela a été deux catastrophes qui ont conduit à des plans d'austérité très lourds. Il faut profiter de la crise, et je le dis notamment dans cette région, pour rattraper notre retard en termes d'infrastructures, de TGV, de routes, d'innovation, d'éducation, d'intelligence. Renforcer notre appareil de production, sauver notre industrie, comme je l'avais fait pour ALSTOM, Jean-Pierre CHEVENEMENT s'en souvient bien, alors même que la Commission me demandait de fermer le site de Belfort et je m'y suis opposé avec une énergie totale. De la même façon qu'on sauvera l'industrie automobile et on lui permettra de continuer à produire en France.
Je crois à l'industrie. Je n'ai pas l'intention de changer de conviction mais il faut voir comment évoluent les choses, le faire de la façon la plus intelligente en faisant que chaque euro utilisé soit un euro utilisé efficacement. Mais la crise nous appelle à multiplier les initiatives pas à les stopper. Ce qui compte, c'est que l'on ait des résultats devant une crise d'une ampleur jamais vue et, surtout ce qui est très frappant, c'est une crise dont les paramètres n'ont jamais été réunis de cette façon. Personne n'ayant vu une crise de cette nature, il faut se garder de toute idéologie, être extrêmement pragmatique, extrêmement réactif, ne pas faire d'erreurs, agir au bon moment.
J'ajoute qu'il y a toute une action internationale que nous devons engager que j'évoquais hier avec le Premier ministre britannique. Nous ne pouvons pas continuer avec les mêmes règles internationales. Il faut profondément changer les choses. Et on les changera au sommet de Londres. On ne peut plus tolérer qu'il y ait les fameux hedge funds qui n'obéissent à aucune règle de régulation. On ne peut plus tolérer les paradis fiscaux. Qu'est-ce que c'est un paradis fiscal ? Il ne s'agit pas du tout d'interdir à un Etat de baisser ses impôts, voir de les supprimer mais en revanche il faut de la transparence sur l'origine des fonds qui sont investis et sur l'utilisation de ces fonds. L'Europe a balayé devant sa porte elle-même, dans notre pays, sur notre continent. Il va falloir prendre nos responsabilités. Je suis vraiment décidé à ce qu'on les prenne. Il va falloir changer les systèmes de rémunération qui ont poussé un certain nombre d'opérateurs à prendre des risques incensés.
Nous aurons également à conduire des discussions extrêmement importantes parce que le monde ne peut pas tourner autour d'une seule monnaie, le dollar. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Américains avaient gagné la guerre, avaient l'économie la plus puissante, c'était au fond la seule monnaie. On peut comprendre qu'après Bretton Woods, ils aient décidé d'organiser aussi le système financier international. Il y avait également le Plan Marshal. Il y avait des raisons à cela et ce n'était pas simplement idéologique. Mais aujourd'hui, le monde du XXIe siècle est multipolaire et ne s'organisera pas autour d'une seule puissance fût-elle notre alliée et notre amie car, naturellement, aucun Français n'oubliera que les Américains sont venus nous aider deux fois. Mais nous ne pouvons pas continuer à ce que le monde finance le déficit géant de la première puissance avec le résultat que l'on connaît aujourd'hui.
On parlera également des normes comptables. Cela vous paraît technique mais vous, les agents économiques, vous savez parfaitement ce qu'il en ait. C'est très important que la Grande-Bretagne retrouve toute sa place en Europe pour que le front anglo-saxon ne soit pas un front contre l'Europe. Nous avons besoin de la Grande-Bretagne pour faire bouger les normes comptables, faire bouger les choses. Franchement, je ne me suis pas plaint, bien au contraire, d'avoir eu le soutien de Gordon BROWN dans toute cette période. Face à la crise, on travaille avec tous les gens de bonne volonté qui veulent changer les choses. Après tout, si les socialistes européens sont pour le changement, il faut les encourager. Cela peut peut-être donner des idées à d'autres.
En tout cas, moi, j'ai plaisir à travailler avec Gordon BROWN, avec Angela MERKEL parce que l'Europe doit manifester la défense de ses valeurs et de son modèle de société beaucoup plus fort que par le passé. C'est ce que nous avons essayé de faire et c'est ce qui doit continuer.
Je comprends parfaitement bien que dans cette crise, nous serons jugés aussi. C'est normal. Sur la justice, qui n'est pas le nivellement et qui n'est même pas forcément l'égalité. Je reste convaincu que sur la ligne de départ de la vie, nous ne partons pas tous du même point et que toutes les régions n'ont pas toutes les mêmes atouts et toutes les mêmes handicaps.
J'attends beaucoup de la mise en place du RSA à partir du 1er juillet 2009 et qui se traduira par une augmentation du pouvoir d'achat d'environ 20% pour tous les titulaires du RMI. Le RMI, au fond, on l'a supprimé. Il avait vingt ans. Michel ROCARD, lorsqu'il l'a créé, a fait quelque chose de très utile. Mais quand je regarde les chiffres du RMI, je constate que 50% des gens au RMI le sont depuis plus de trois ans, donc ils ne s'en sortent pas. Avec le RMI, on ne vit pas, on survit. Et pire, ce que l'on appelle l'affaire des droits connexes. Quand on avait le RMI, par exemple, on avait les transports gratuits. A la minute où l'on reprend un emploi, fût-il un emploi partiel, pour vous encourager on vous supprime la carte gratuite. Qui peut comprendre un système pareil ?
Avec le RSA, nos compatriotes qui étaient au RMI, qui reprennent un emploi, garderont le bénéfice des allocations auxquelles viendra s'ajouter le bénéfice de l'emploi à temps partiel jusqu'à un certain niveau. Pourquoi ? Pour que pas un seul Français, à partir du 1er juillet 2009, ne soit pénalisé s'il a le courage de reprendre un emploi. Parce que l'on doit encourager les gens qui font tout pour s'en sortir et parce que le modèle qui doit être le nôtre dans la crise n'est pas celui de l'assistanat mais de l'encouragement au travail.
En ce début d'année 2009, nous n'avons pas que des mauvaises nouvelles. Quand on est parti en vacances, on nous disait que le grand problème, c'était la hausse des prix et la hausse du pétrole. Au mois de juillet, le baril de Brent, le pétrole était aux environs de 150 dollars et l'inflation suivait un parcours jamais vu par sa brutalité. Tout le monde ne me parlait que de la nécessité de lutter contre l'inflation et des économies d'énergie, à juste titre, du fait du pétrole. C'était en juillet, autant dire un autre siècle ! Aujourd'hui, les prix baissent, je regarde les chariots qui sont présentés dans la presse : pour la première fois depuis un an, dans les magasins parisiens, on assiste à une baisse de 1% et à une baisse de 0,5% en province. La chute du prix du pétrole n'explique pas tout. J'ajoute que le baril de Brent est passé de 150 dollars à 46 dollars ce matin, c'est-à-dire le niveau de 2004.
Imaginez, pour le Président de la République et les ministres la difficulté de conduire la bonne politique économique, la bonne stratégie économique dans un monde où le prix de l'énergie, la plus vitale pour l'économie, est divisé par trois en cinq mois, et où l'on passe d'un contexte d'inflation à un contexte de déflation.
C'est pourquoi, le conjoncturel nous est interdit. Il faut faire du structurel pour être sûr de ne pas se tromper. Comment peut-on être sûr de ne pas se tromper ? Il me semble de ce qui est important, c'est de faire des choses qui nous permettent de préparer l'avenir : les investissements, l'autonomie des universités, la réforme du lycée, la libération du travail, la réforme de la formation professionnelle. On est sûr en faisant cela de ne pas se tromper.
Je voulais ce matin me rendre sur la seule ligne TGV en construction, à Crevans. Il y a en France, en ce moment, une seule ligne TGV en chantier, une seule. Mais cela fait vingt ans qu'il y en a qu'une seule. J'ai pris la décision d'engager en deux ans des chantiers qui auraient mis vingt ans à voir le jour. Entre 2010 et 2011, il y aura quatre lignes de TGV en chantier. C'est sûr que l'on ne se trompe pas en faisant cela. La mobilité est une nécessité et le patron de la SNCF qui est ici ne me démentira pas. On s'est battu tous pour maintenir à Strasbourg le Parlement européen. C'est un combat qui a rassemblé la gauche et la droite, souverainistes et européens, tout le monde. Mais quelle est la logique d'un pays qui veut garder le Parlement européen à Strasbourg et qui, vingt ans après, a un TGV qui n'arrive pas encore à Strasbourg ? Quelle est la logique ? Il n'y en a aucune. Je ne porte de jugement contre personne, je dis simplement que cela finit par décrédibiliser la parole de la France, et surtout, décrédibiliser la parole du politique. Comment voulez-vous que les Alsaciens se disent que l'on veut vraiment défendre Strasbourg autrement que par un discours si on n'est pas capable d'amener en temps rapide le TGV là-bas. Le TGV, que je regardais, cela fait vingt ans que l'on en parle. Cela ne peut plus continuer.
Quand je vois le mal des élus locaux, des ministres, des dirigeants d'entreprise pour prendre une décision, je me dis que nous vivons dans un système où finalement est favorisé celui qui ne veut décider de rien. De ce point de vue, il faut changer nos procédures pour que l'on puisse réaliser un certain nombre d'équipement beaucoup plus rapidement.
Nous investissons d'une manière jamais vue sur les universités avec le plan Campus, en mobilisant 5 milliards d'euros pour 10 grands projets. L'effort financier que fait l'Etat par étudiant augmentera de 30% entre 2007 et 2011 parce qu'il faut que l'on amène davantage de jeunes à l'université et que nos universités préparent nos jeunes à des diplômes qui amènent à des emplois et non pas à des impasses. Je sais parfaitement qu'il y a un droit à se cultiver. Et personne n'est empêché de se cultiver. Mais au moins que l'on dise aux familles qui inscrivent leurs jeunes dans des filières, qu'à l'arrivée il y a zéro chance d'avoir un emploi. Et que l'on demande à l'Etat d'investir dans des filières qui débouchent sur des emplois.
Nous aurons en 2009 un certain nombre de décisions très lourdes à prendre, je pense à la question de la taxe professionnelle. Je le dis devant le Président de PSA. La taxe professionnelle n'existe pas dans les autres pays. Elle pèse extrêmement lourdement sur la production de chaque voiture.
Simplement, si nous ne simplifions pas le nombre d'échelons territoriaux, nous ne pourrons pas supprimer les impôts. Et par ailleurs il conviendra de garder un lien entre le tissu économique et les collectivités territoriales, sinon plus personne ne voudra d'usine sur son territoire.
Mais enfin, Mesdames et messieurs, communes, communautés de communes, départements, régions, pays, Etat, Europe : qui y comprend encore quelque chose ? Personne.
Les compétences sont croisées Les financements sont croisés et tous les niveaux demandent des compétences générales. Je suis déterminé à ce que nous prenions des décisions. Je le dis comme je le pense parce que je crois que la France ne peut pas supporter ce poids d'une organisation qui crée des dépenses publiques immenses.
Je l'ai dit nous aiderons certains secteurs à commencer par le secteur de l'automobile. Nous voulons garder la production d'automobiles en France. Et je suis quand même stupéfait d'avoir constaté que la France qui a deux des plus grands constructeurs mondiaux est devenue importatrice de véhicules. Le 20 janvier, auront lieu les Etats généraux pour faire un bilan. Très rapidement après, nous prendrons des décisions pour aider nos constructeurs à garder nos emplois et nos industries en France, à soutenir l'évolution vers la voiture électrique, à alléger les charges. Nous prendrons des engagements et nous leur demanderons également des engagements.
Moi, je ne peux pas leur reprocher, quand vous pensez ici que la France a perdu 30% de compétitivité par rapport à l'Allemagne depuis 2000 ? Qu'est-ce qui s'est passé en 2000 ? Les 35 heures. Comment voulez-vous que notre pays soit compétitif si on explique aux gens qu'ils travailleront moins et gagneront autant ? A l'arrivée, cela conduit à quoi ? A des discussions sur les salaires qui n'existent plus et à la délocalisation de nos entreprises chez nos voisins. Cette réalité là, nous ne pouvons pas l'accepter. Nous ne pouvons pas l'accepter parce qu'elle mortelle.
Ces réformes seront conduites avec le souci du dialogue.
Je crois que le problème de la France n'est pas d'avoir des syndicats trop puissants. Les syndicats français, nous avons intérêt à les renforcer, à faire qu'ils soient davantage représentatifs et qu'ils se consacrent au travail qui est le leur : défendre les intérêts sociaux de ceux qu'ils représentent. Il n'y a pas de démocratie sans parti politique. Il n'y a pas de démocratie sans syndicat. Les grandes organisations syndicales françaises ne sont pas des interlocuteurs faciles mais ont été très responsables, notamment lorsqu'il s'est agi de réforme les régimes de retraites spéciaux. J'ai du respect pour eux, ils jouent un rôle irremplaçable et nous devons les encourager à développer leur représentativité.
Mais, en tant que Président de la République, je ne peux pas accepter qu'une organisation syndicale irresponsable casse le service public et bafoue l'intérêt des usagers du service public en fermant la deuxième gare de France sans prévenir personne, en se moquant de l'intérêt des usagers, des personnes qui étaient là, qui se sont retrouvées devant des grilles fermées tout simplement parce qu'une organisation irresponsable essaye de tourner la loi, se moquant de son outil de travail, de la déontologie du service public et portant gravement atteinte à l'image d'une entreprise exceptionnelle qui est le patrimoine de tous les Français, la SNCF.
Je ne laisserai pas ces comportements irresponsables, dégrader l'image du service public alors que tant de cheminots aiment leur métier, le font consciencieusement et ne veulent que l'on donne de leur entreprise, l'image qui a été donnée il y a quarante-huit ans. J'ajoute, je le dis aux Français, qu'il convient de ne pas associer ce comportement irresponsable avec l'attitude, elle, responsable des syndicats les plus opposés, par ailleurs, à la politique du gouvernement, ce qui est parfaitement leur droit.
S'il y a des faiblesses dans la loi sur le service minimum, nous les changerons par la loi. La loi s'applique à tout le monde, y compris à ceux qui appartiennent à Sud. La loi sera respectée par tout le monde, y compris par ceux-là. J'ai été très choqué de voir les images hallucinantes de gens qui n'y étaient pour rien, pris en otage dans des conditions d'une violence inacceptable, alors que le service public appartient à tout le monde et que le service public s'est d'abord l'intérêt des usagers. S'il y a des problèmes sociaux à l'intérieur du service public, parlons-en, s'il y a des problèmes de sécurité, parlons-en. Mais on n'a pas à accepter une attitude qui n'est à l'honneur de personne.
Mesdames et Messieurs, comme vous le voyez, 2009 sera une année passionnante. Face à la situation qui est la nôtre, il faut qu'il y ait un capitaine et qu'il amène le navire à bon port. Je voyais justement un responsable syndicaliste me conseillant de ne plus m'exposer à la suite de mon déplacement à Saint-Lô.
Voyez-vous, ce n'est pas ma conception du rôle de Président de la République. Si j'ai été élu, c'est pour assumer des responsabilités, pour prendre des décisions, pour essayer de trouver des solutions. Pour ne pas rester les bras ballants face à la crise en disant, je n'y peux rien, on n'y peut rien. J'avais beaucoup de respect pour l'homme, François MITTERRAND. Quand il a dit à la télévision : contre le chômage, on a tout essayé, je pense qu'il a eu tort. Lorsqu'il y a eu les fameux événements de Vilvorde, et qu'un Premier ministre a dit à l'époque : on n'y peut rien, je crois qu'il a eu tort. L'Etat n'est pas responsable de tout. Mais à quoi cela sert-il de voter pour un homme, ou une femme, si cet homme ou cette femme dit : c'est trop difficile, je n'y peux rien. Moi je m'exposerai, pas parce que j'aime cela, je m'exposerai parce que c'est ma conception de la responsabilité présidentielle. Mon devoir, c'est de trouver des idées, de trouver la voie de passage, de trouver le moyen de sortir le pays de la difficulté dans lequel il se trouve. Je plaide pour que l'engagement politique ne soit pas simplement l'engagement de faire des discours, mais d'agir, de s'engager comme j'ai voulu m'engager lorsque j'étais Président de l'Europe, s'engager sur la Géorgie et la Russie, s'engager dans la crise financière, s'engager sur le paquet énergie-climat. Ceux qui ont dit que je n'avais pas de mandat pour le faire avaient raison. Mais si j'avais demandé un mandat, je serai encore entrain de le négocier et les Russes et le Géorgiens encore en train de se battre.
J'ai reçu un mandat : conduire le pays pendant cinq ans avec le gouvernement, avec le Premier ministre, avec les ministres pour résoudre les problèmes de la France et qui vont bien au-delà de la crise : pas assez d'innovations, pas assez d'universités, pas assez de travail, trop d'immobilisme, trop de conservatisme, trop d'habitude quand le monde bouge. Voilà pourquoi je dois m'engager. Voilà pourquoi je n'accepte pas le petit système qui a tellement servi : quand il y a un problème, c'est la faute du ministre, on lâche le ministre, on en change et après, on ne fait plus rien.
Mais à l'arrivée, est-ce que les lycéens sont plus heureux ? S'il suffisait que d'embaucher au ministère de l'Education nationale, depuis le temps que l'on embauche, ils devraient être les plus heureux du monde. On fera les réformes dans le domaine économique, dans le domaine social, pas par idéologie, pas par esprit de système, mais parce que quand le monde bouge, la France ne peut pas rester immobile. Je continuerai à appeler au gouvernement et dans la majorité tous ceux, au-delà de ma propre famille politique, qui ont fait le choix de la réforme, du changement, du mouvement, de l'énergie, de la volonté, qu'ils viennent de gauche ou de droite. Parce que la France a besoin de la meilleure équipe possible. C'est ainsi que l'on gagnera et que l'on résoudra nos problèmes, bien au-delà de nos familles politiques habituelles.
Ce n'était pas dans le discours, mais cela m'a fait bien plaisir de vous le dire, parce que c'est ce que je crois le plus profondément, c'est l'idée que je me fais de l'intérêt de notre pays et de la responsabilité éminente qui est la mienne.
Mesdames et Messieurs, recevez nos voeux, de ministres et de moi-même, les plus chaleureux pour vous-même pour vos familles et pour tous ceux que vous aimez.
Je vous remercie.