7 janvier 2009 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur la crise économique et financière, le plan de relance économique, la révision constitutionnelle et sur la réforme des collectivités territoriales, à Paris le 7 janvier 2009.
Messieurs les Présidents des Assemblées,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les représentants du Parlement européen,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les Conseillers de Paris,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Premier ministre,
Je suis très heureux de pouvoir vous présenter ces voeux pour cette nouvelle année sous une forme un peu renouvelée. On est toujours partagé entre le souci de la tradition puis le caractère un peu pesant de cette tradition qui impose à chacun des obligations qu'il remplit toujours avec beaucoup d'affection, une affection naturellement sincère, comme il se doit dans la vie politique. Et surtout que les élus de Paris ne soient pas blessés d'être avec les parlementaires, que les parlementaires ne soient pas blessés d'être avec les élus de Paris. C'est un essai, si cela marche, on continuera. Si cela ne marche pas, on fera la rupture comme on dit. En tout cas ce sont des voeux sincères, des voeux pour chacun d'entre vous. Ces voeux sont d'autant plus sincères que j'ai quelques expériences pour vous dire que notre métier n'est pas facile et donc quels que soient vos sentiments politiques, vos appartenances ou vos responsabilités, vous êtes ici dans ce Palais de l'Elysée. Vous avez des mandats et pour avoir ces mandats, vous avez des cicatrices. Vous avez connu des succès, vous avez connu des échecs, j'en parle moi-même de grande expérience - je veux dire des échecs. Et c'est sans doute une vie, la vie politique, particulièrement difficile, qui ne pardonne pas grand-chose, dans laquelle on n'est jamais déçu par la force de ses adversaires et parfois leur cruauté, et parfois un peu déçu par l'absence d'affection de ses amis. Je ne parle pas pour moi, je parle pour ceux qui parmi vous, auraient eu l'expérience à un moment ou un autre, de se sentir minoritaire dans leur propre famille politique. C'est vous dire que ces voeux, les miens à votre endroit, sont parfaitement désintéressés et totalement sincères.
Alors, à l'occasion de ces voeux, aucun d'entre nous ne peut faire l'abstraction de la crise - de la crise sans équivalent - qui s'est abattue sur le monde au second semestre de l'année 2008. Nous avons tous en mémoire l'enchaînement des évènements :
- d'abord, le marché immobilier américain qui se retourne, de nombreux ménages américains qui ne peuvent pas honorer des dettes qui leur avaient été consenties dans des conditions beaucoup trop risquées, un système bancaire brutalement fragilisé par la défaillance de toute une série de débiteurs.
- ensuite, une extension des défaillances à d'autres types de créances, et surtout l'impossibilité de savoir où étaient localisés les risques en raison de leur dispersion dans tout le système financier par le mécanisme de la titrisation, dont on a bien compris que cela revenait au fond à mutualiser les risques de façon à ce que jamais personne ne sache qui est responsable des dettes, on se contentait de savoir qui était responsable des bonus.
- enfin, les difficultés majeures, voire la faillite d'acteurs qui paraissaient insubmersibles, provoquant une panique généralisée, bloquant tout le système bancaire, par la suspension du crédit interbancaire.
C'était il y a quelques semaines...
Face à cette situation totalement inédite - je crois qu'aucun d'entre nous, majorité-opposition, n'aurait même pas pu imaginer assister à un tel spectacle d'ampleur mondiale, nous devions immédiatement agir pour :
- parer le risque de paralysie totale de l'économie en essayant de restaurer le crédit interbancaire sans lequel le système bancaire ne peut pas fonctionner. Pour cela, il fallait restaurer la confiance des banques entre elles. C'est ce qui nous a amenés à garantir les opérations de crédits entre banques à hauteur de 320 milliards d'euros. J'en profite pour redire que ces milliards n'ont pas été donnés ou même promis aux banques mais que l'Etat est dans son rôle quand il intervient pour éviter la faillite du système financier. Que cesse cette habitude de voir des cadeaux ou des dettes chaque fois que l'Etat s'engage ! Si nous n'avions pas fait cela, Mesdames et Messieurs, c'était le collapse total, car ce n'était pas les banques qui s'écroulaient mais ce serait alors les Français qui seraient venus faire la queue devant les guichets bancaires pour réclamer leurs économies. Personne n'aurait pu supporter une telle conséquence.
En restaurant le fonctionnement du système bancaire nous avons donc garanti le dépôt des particuliers, sauvé l'épargne. Il n'y a pas eu en France la panique des épargnants. Ce n'était pas rien. Et quand on a vu ce qui s'est passé en Irlande, en Islande et dans un certain nombre de pays, cela aurait parfaitement pu arriver dans le nôtre.
- ensuite, il a fallu reconstituer les fonds propres des banques pour qu'elles puissent prêter en respectant les normes prudentielles, et sauver celles dont la faillite aurait entraîné des conséquences dramatiques en chaîne. C'est ce que nous avons fait avec Dexia dont j'ai vu avec plaisir les récentes performances boursières. Dexia, c'est 15 000 communes de France qui sont en crédit avec elle. Imaginez la faillite de Dexia, imaginez, vous tous qui êtes des élus, ce que cela aurait représenté pour vos collectivités, la faillite de Dexia. Nous sommes entrés dans le capital de Dexia où nous détenons une minorité de blocage et nous avons changé son équipe dirigeante. Alors on me dit, mais pourquoi vous n'êtes pas entré dans le capital des autres ? Parce que le métier de l'Etat, ce n'est pas de devenir banquier. On n'est pas entré dans le capital des autres parce que, fort heureusement, la situation de nos banques n'a rien à voir avec celles du Royaume-Uni. Pourquoi cela n'a rien à voir ? Parce que le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont beaucoup plus en liaison qu'en France. Au Royaume-Uni, les services à la finance pèsent pour 15% du PIB, en France pour moins de 3. Alors cela ne présente pas que des avantages lorsque cela va bien, mais lorsque cela va mal et que la finance s'écroule, cela s'écroule moins dans un pays qui est moins exposé à la finance.
Quant aux 10,5 milliards qui ont été versés aux banques sur les 40 autorisés par le Parlement, ils sont là, non pas pour sauver une banque de la faillite, mais pour éviter la contraction du crédit.
Sur ce point, j'ai entendu des commentaires : « privatisation des profits, mais socialisation des pertes » - Je voudrais rappeler que ces 10,5 milliards que nous avons mis à la disposition des banques, les banques les rémunèrent et les rémunèrent à 9%. Je veux dire que sur ces 10,5 milliards qui ont été prêtés aux banques pour constituer leur fond propre, je veux dire aux Français qu'ils ont fait une bonne affaire parce que cela a évité la faillite, cela a permis de restaurer, pas assez, le crédit et surtout, c'est 10,5 milliards placés à 9%. Je demande, y a-t-il un seul d'entre vous qui, aujourd'hui, a placé ses économies à 9% ? Nous, nous l'avons fait avec les banques, cela a été d'ailleurs un fameux débat avec la Commission qui pensait qu'on aurait dû demander une rémunération plus importante, je m'y suis opposé parce que, naturellement, on ne peut pas dire qu'il faut que le prix du crédit baisse et soi-même prêter à des taux trop élevés.
Alors, voilà ce que nous avons fait dans un premier temps. Nous irons d'ailleurs, je le dis sous le contrôle de la ministre de l'Économie et des Finances et du Premier ministre, au-delà de la première tranche de soutien aux fonds propres qui a été versée en décembre. Car je suis convaincu que nos banques en ont besoin, comme je suis convaincu qu'elles ont besoin que l'Etat leur redise qu'elles ne doivent pas se contenter de soigner leur bilan mais qu'elles doivent jouer leur rôle vis-à-vis de leurs clients. Le système est très simple, plus les banques ont des fonds propres, plus elles prêtent. Donc les banques, on leur prêtera de l'argent pour augmenter leurs fonds propres pour qu'elles puissent prêter davantage. Nous avons par ailleurs créé une médiation du crédit, et nous réunirons à nouveau les banquiers pour les mettre face à leurs responsabilités. Il n'y a plus aucune raison que le crédit interbancaire ne marche pas, et il n'y a aucune raison qu'on se retrouve devant le médiateur du crédit pour des prêts de 2, 3, 4 ou 5 mille euros. Le système économique a besoin de banques qui prennent des risques maitrisés. Je ne comprendrais pas qu'hier on ait fait n'importe quoi et qu'aujourd'hui on n'accepte plus ce risque.
Tout au long de ces semaines, la France a essayé d'être à la hauteur, à la hauteur de ses responsabilités en tant que présidente de l'Union européenne, et je crois que ce fut quelque chose d'important que de permettre à l'Europe de parler d'une seule voix. Ce n'est qu'un début. Il y a eu le Sommet de Washington. Le 2 avril, il y aura le Sommet de Londres pour le G20. Il est capital que ce qui a été dit à Washington soit transformé en décision à Londres. La France n'acceptera pas un sommet pour rien. Washington, c'était une première étape. Londres doit être conclusif. Il faut refonder le système capitaliste, il faut le moraliser, il faut remettre l'entrepreneur au coeur du système de fonctionnement de l'économie de marché.
Alors un mot sur le plan de relance.
La finance a beau sembler irréelle par les chiffres avec lesquels elle jongle, elle n'est pas tout, derrière, il y a les investissements de l'entreprise, les achats de logements et d'automobiles des ménages.
Il fallait donc que nous prenions les mesures nécessaires pour parer les effets indirects de cette crise sur l'économie. Je veux d'ailleurs dire combien c'est compliqué, combien a été attaqué le plan de soutien à l'économie de l'été 2007, jugé à l'époque parfaitement inutile. La première crise a commencé en août 2007. Vous avez, vous, les parlementaires, voté le plan de soutien à l'activité en juillet 2007. Si c'est de la chance, permettez-moi de vous dire que la baraka fait partie de la bonne gestion. Et quand on connaît les délais d'application entre le moment où le parlementaire vote et le moment où l'économie en profite, le plan de relance de 2007, attaqué parce que trop généreux à l'époque, a été parfaitement utile, parce que ce plan dit TEPA a été appliqué à l'économie française au moment où l'économie mondiale entrait en crise.
Par ailleurs nous avons donc décidé un certain nombre de mesures pour relancer l'économie. J'observe avec grand plaisir que l'Allemagne qui n'avait pas toujours été facile à convaincre, s'est aujourd'hui rangée du côté -et c'est tant mieux parce que c'est la première économie de la zone euro -des pays qui veulent la relance économique.
Les députés commenceront donc, dès cet après-midi, l'examen de ce collectif budgétaire. Sans m'immiscer dans votre débat - et je prends à témoin nos représentants au Parlement européen- je veux vous convaincre de l'ambition de ce plan : 26 milliards d'euros ! 26 milliards d'euros, pour un pays comme le nôtre qui est en déficit depuis une trentaine d'années, 1,3 % du PIB injecté en soutien de l'économie.
Ce plan garantit, en outre, que les dépenses supplémentaires correspondent à des dépenses d'investissement. J'entends bien la controverse sur le pouvoir d'achat, la demande. Mais enfin, Mesdames et Messieurs, si la relance par la consommation cela marchait, on le ferait, cela se saurait. Il y a eu deux exemples de relance par la consommation. Certes les crises ne se ressemblent jamais, d'accord. Une de M. CHIRAC, une de M. MITTERRAND, donc, chacun d'entre nous a eu cet exemple dans notre propre famille politique, un partout, la balle au centre. Qu'est-ce qui est arrivé ? Cela n'a servi à rien. Dans les deux cas, on a versé de l'eau dans le sable, on a accru les déficits de la France, on n'a gagné aucune part de marché, avec l'argent qu'on a distribué, qu'on n'avait pas, par ailleurs. Vous savez ce qu'on a favorisé ? La production à l'extérieur puisque naturellement quand on relance comme cela, outre que l'on crée des déficits, on pousse nos compatriotes à acheter les produits des autres, très bien pour la solidarité, très bien pour l'image de la France, un peu moins bien pour l'économie française.
Qu'est ce qu'on essaye de faire avec le Premier ministre et avec le gouvernement ? On essaye de profiter de la crise, en quelque sorte, sans choquer personne, d'en faire une opportunité pour essayer de rattraper les retards décrits unanimement dans le monde, spécifiques à l'économie française. Quels sont nos retards, qu'on soit de gauche ou de droite ? Pas assez d'investissements, pas assez de recherche, pas assez de réformes, pas assez de travail, pas assez d'infrastructures. Tous les parlementaires, tous les élus qui sont ici pourraient témoigner que, dans leur région, il manque ici une route, un TGV, un campus, un investissement. Quitte à ce que du fait de la crise, le pacte de stabilité soit, en quelque sorte, mis entre parenthèses pour mobiliser le plus d'argent possible, pour créer des dépenses qui ne soient pas récurrentes dans les années à venir, mais des dépenses d'investissement qui ne sont pas récurrentes, qui vont donner du travail aux ouvriers, aux travailleurs français, qui vont créer de la croissance et de l'emploi et qui, en plus, vont nous permettre quand on sera sorti de la crise - parce qu'on sort toujours de la crise -, de pouvoir nous reposer sur des investissements, des infrastructures, de la recherche, des universités.
Voilà très exactement ce qu'on essaye de faire. On me dit que ce n'est pas assez, qu'il faut faire plus. Pourquoi pas ? Mais j'appelle à ce que chacun garde son sang-froid. Pourquoi garder son sang-froid ? La crise est forte, mais en même temps, on nous promettait une rentrée terrifiante, la consommation tient, le témoignage du syndicat des stations de sport d'hiver dit : c'est une saison historique, et quant aux ventes de voitures, grâce à la prime à la casse qui a été tellement critiquée, c'est le marché qui tient le mieux en Europe. J'ajoute que cela nous permet de tenir les voitures moyennes de gamme, c'est-à-dire les voitures fabriquées en France. Je ne dis pas du tout qu'on a arrangé les choses, je ne dis pas du tout qu'on en est sorti, je dis simplement qu'il faut qu'on soit très attentif aux nouvelles de l'économie pour adapter une réponse en fonction de l'évolution des choses, et qui, aujourd'hui, peut nous dire quelle sera l'évolution des choses ?
Donc, on vous propose ce plan de relance de 26 milliards avec l'exonération, par ailleurs, de la taxe professionnelle qui avait été décidée avec le doublement du FCTVA pour engager les collectivités territoriales dans la bagarre. S'il faut faire plus, on fera plus, mais de grâce, que chacun garde son sang-froid pour qu'on soit collé le mieux possible à la réalité de la situation économique d'aujourd'hui.
J'en profite pour dire que, naturellement, chez les constructeurs automobiles se joue une partie capitale pour nous. Les constructeurs automobiles, c'est 10% de la population active française, c'est 2,1 millions d'ouvriers, travailleurs, salariés. On ne peut pas les laisser tomber. Mais que les choses soient claires, nous aiderons nos constructeurs automobiles, mais nous n'accepterons plus la délocalisation de la production, non pas lorsqu'il s'agit de gagner un marché, mais lorsqu'il s'agit de produire ailleurs des voitures que l'on vendra chez nous. Il est parfaitement normal qu'on les aide avec l'argent du contribuable. Mais si on les aide avec l'argent du contribuable, c'est pour garder une structure industrielle. Regardez ce qui se passe avec des pays qui ont vu leur structure industrielle disparaître.
A partir de ce moment-là, on a sauvé les banques, on les surveille, on relance l'économie pour passer le moins douloureusement possible la crise. On refonde le capitalisme parce que les mêmes causes ne peuvent pas produire les mêmes effets. Et moi je comprends que les Français aient été scandalisés par certains excès. Qui ne le serait pas ? On ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de conséquences, on ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de responsables. Lorsqu'il s'agissait de trouver les bénéficiaires de bonus, la liste, elle était connue. Lorsqu'il faut distribuer les malus, juger les responsables, tirer les conséquences, pourquoi on ne connaitrait pas ceux qui nous ont amenés ici ?
Il faut des changements très profonds. Le FMI ne peut pas continuer dans son même rôle. Le FMI était devenu petit à petit l'instance d'examen des pays qui n'ont rien pour savoir s'ils avaient le droit de bénéficier de l'aide des autres. Mais le FMI de Bretton Woods, ce n'était pas cela, c'était l'instance financière et économique pour stabiliser le monde. Il va bien falloir parler de la question monétaire. En 1945, au lendemain de la guerre, il y avait une seule grande puissance au fond, une seule grande économie, donc une seule monnaie. Qui pourrait me dire qu'au XXIème siècle, on va construire un monde avec une seule monnaie ? Il faut bien qu'on discute des rapports entre le dollar, l'euro, le yuan, le yen, peut-être demain la roupie.
En tout cas, s'il y a un nouveau système monétaire à mettre en place, on ne peut pas faire l'économie du débat monétaire international. Par ailleurs, on ne peut pas faire l'économie d'une nouvelle architecture mondiale. Tout le monde s'occupe de tout. Vous allez à la FAO, on vous dit : on ne produit pas assez de matières premières agricoles. Ce sont les mêmes qui font partie de l'Organisation mondiale du commerce. On vous dit : vous produisez trop. Qui dit la vérité ? Ne faut-il pas qu'on spécialise les organisations internationales ? L'ONU, pour les frontières, la paix, la politique au sens noble £ le FMI pour la finance, l'économie £ une autre organisation pour la culture £ une autre pour l'environnement. Et puis, il faut profondément changer nos habitudes. Est-ce qu'on peut continuer à réunir le G8 ? Qui peut penser ici qu'on va résoudre les problèmes du monde sans la Chine, sans l'Inde, sans l'Afrique du Sud, sans une seule puissance africaine, sans une seule puissance sudaméricaine ?
La France doit porter le message du changement, du changement en Europe et du changement dans le monde. Eh bien, cette crise nous donne l'opportunité d'être entendus. Personne ne comprendrait le conservatisme. Alors je vois bien que dès qu'on propose quelque chose, c'est normal, il n'y a pas à s'en choquer, tous ceux qui n'ont pas intérêt au changement trouvent des vertus au statu quo, mais si on ne change pas dans la crise, on changera quand ? Et qui ne voit qu'en France, on a besoin de changer ? Alors, ce sera le programme de 2009.
Je sais que le nombre de textes que vous avez à étudier est très important, je sais le nombre de séances de jour, de nuit, ordinaires ou extraordinaires, durant lesquelles vous siégez. Je vous remercie sincèrement pour ce que vous faites. Votre pugnacité pour l'opposition, votre opiniâtreté pour la majorité. Vous incarnez tous la souveraineté nationale.
Je sais combien vous êtes accaparés. Vous êtes nombreux à me le dire, mais je sais surtout quelle est l'immense attente de nos concitoyens. Enfin, quel parlementaire pourrait-il se plaindre d'avoir trop de travail dans la situation actuelle de notre pays, d'attendre les textes comme soeur Anne sans rien voir venir, de se dire : mon Dieu qu'on s'ennuie ? Dans le fond, à tout prendre, faut-il trop de textes ou pas assez de textes ? Vous me direz, il faut le juste milieu. Très bien, mais alors soit on réforme, soit on ne réforme pas.
Par ailleurs, j'ai voulu la réforme du Parlement et cette réforme, elle est plus enthousiasmante lorsque l'on perçoit l'ampleur de ce que l'on à accomplir que lorsqu'on légifère comme à l'habitude avec des textes de transposition et trois personnes en séance.
Le Parlement joue un rôle essentiel. Nous sommes à un moment de l'histoire de notre pays où il faut réformer le pays et, par conséquent, on va continuer à travailler et à travailler très dur. Moi, j'avais introduit mon propos de l'année 2008 en souhaitant que cela marque le début d'une ère de renouveau pour vos assemblées. Eh bien, nous l'avons réalisé en adoptant à Versailles le 21 juillet dernier, la révision constitutionnelle la plus ambitieuse depuis 50 ans. Au fond, nous étions tous d'accord. Même ceux d'entre vous qui ne l'ont pas votée ont été les premiers -- avant même son entrée en vigueur - à demander l'application de ses dispositions. Elle ne devait pas être si mauvaise cette réforme ! C'est vrai, c'est moi qui la proposais, c'est un problème, mais quand il s'agit de voter pour savoir si l'on a des soldats en Afghanistan et ce qu'ils y font, y a-t-il un seul parlementaire qui était contre le vote ? Aucun, ils l'ont voulu et c'est parfaitement normal. Rendez-vous compte, une démocratie où le Parlement n'a même pas son mot à dire lorsque l'on envoie des soldats ou quand il dit son mot, c'est six mois après. Qui reviendra sur cette réforme, qui reviendra sur la possibilité de voter des résolutions pour le Parlement, qui reviendra sur l'ordre du jour partagé ?
Alors l'histoire retiendra peut-être le caractère romanesque d'une victoire obtenue de justesse grâce au courage, à la cohérence de quelques parlementaires. On ne peut quand même pas leur reprocher de mettre leur vote en accord avec leurs convictions ou alors remplaçons les parlementaires de nos partis politiques par des machines à voter. Vous êtes de droite, donc vous ne votez jamais de mesure de gauche, vous êtes de gauche, donc vous ne votez jamais une mesure de droite. Dans ce cas là, ce n'est pas la peine de vous déplacer. Il y a un certain nombre de parlementaires de gauche, et je les remercie, ils ont été courageux, qui sont venus voter avec les autres non pas pour me faire plaisir, non pas parce qu'ils ne se sentent pas de gauche mais parce qu'ils pensaient qu'il n'était pas anormal de voter une réforme de la Constitution dont les 4/5ème des mesures étaient prévus dans tous les programmes de gauche. On ne va tout de même pas leur reprocher d'être des femmes et des hommes de conviction et de courage
Nous avons - vous avez - commencé à mettre en oeuvre la révision constitutionnelle. Mais des textes d'application importants restent à prendre £ ils feront l'objet de vos travaux au cours de l'année 2009.
Que les choses soient claires entre nous. Depuis 50 ans, tous les présidents de la République ont critiqué la dérive monarchique de leurs prédécesseurs. Un must. Je me souviens de ce que l'on disait de François Mitterrand et dans "Le coup d'État permanent", je me souviens de ce que François Mitterrand disait du général de Gaulle. Toutes les révisions constitutionnelles depuis 1958 n'ont eu pour seul effet que d'accroître les prérogatives du chef de l'État ou du moins de renforcer son rôle institutionnel.
Aujourd'hui, j'assume les responsabilités que m'ont confiées les Français. Je n'ai pas sollicité cette charge auprès d'eux pour leur dire, ensuite, que je ne suis pas comptable des décisions prises en leur nom. On dit "l'omniprésident". Je préfère que l'on dise cela que le "roi fainéant", on en a connus....A force de dire que j'en fais trop, au moins on ne se pose pas la question de savoir ce que je fais. C'est arrivé dans l'histoire de notre pays. Qu'est-ce qu'il fait donc là-haut ?
Mais dans ma conception d'une démocratie saine et exemplaire, un exécutif fort implique un législatif, un Parlement fort, et la plus sincère démonstration que je pouvais en faire, c'était de demander par la Constitution que vous soit confiée la maîtrise de la moitié de l'ordre du jour. Honn??tement, c'est pour moi parfois difficile de comprendre comment des parlementaires refuseraient d'avoir la maîtrise de la moitié de l'ordre du jour. Étrange.... Et d'ailleurs, personne ne reviendra sur cette réforme, personne surtout pas ceux qui ne l'ont pas votée.
Il n'y a pas un Gouvernement qui gouverne de son côté et un Parlement qui parlemente du sien. Il y a deux pouvoirs imbriqués, deux acteurs de la réforme.
C'est un grand pouvoir qui vous a été confié par cette révision constitutionnelle. Mais qui dit grand pouvoir, dit grande responsabilité. Il s'agit d'être plus exemplaire encore. Cela implique que le Parlement se donne les moyens d'améliorer ses méthodes de travail. Enfin, j'ai été parlementaire pendant 20 ans, qui peut dire que le problème des méthodes de travail du Parlement en France ne se pose pas, qui peut le dire, qui sérieusement peut dire cela ?
Il vous faudra plus de temps pour contrôler l'action du Gouvernement, plus de temps pour évaluer les politiques publiques. C'est fascinant dans notre pays, on se déchire sur un amendement, on se déchire sur un projet de loi, l'amendement est voté, le projet de loi est voté, l'avantage fiscal est enregistré, on n'en parle plus. D'ailleurs, il y a un seul exemple : le débat budgétaire est un débat passionné et passionnant, la loi de règlement se passe dans l'indifférence la plus totale. J'affirme que la loi de règlement est plus importante que la loi budgétaire puisque d'un côté, c'est une prévision, de l'autre c'est une réalisation. Qui en tient compte ? Qui s'y intéresse et qui même en parle ? Ceci veut dire que l'opposition aura plus de droits, cela veut dire qu'il vous faudra plus de temps pour réévaluer la législation. Je suis toujours stupéfait de constater que l'on peut passer autant de temps à discuter d'amendements, sans se soucier, ensuite, de connaître leurs effets !
Je vais vous parler avec sincérité quitte à briser un tabou. Est-ce que le renforcement des droits du Parlement que nous avons souhaité collectivement peut se résumer à passer toujours plus de temps en séance publique à examiner des amendements purement, strictement, littéralement répétitifs ?
Est-ce que c'est cela la conception que l'on se fait des droits du Parlement ? Droite et gauche, nous avons tous fait ce que l'on appelle le "flibustering", tous, et tous, nous avons d'ailleurs observé les dégâts que cela représentait pour nous dans l'opinion. Est-ce qu'un groupe politique au Parlement est plus fort, plus écouté plus respecté, plus utile parce qu'il défend des milliers d'amendements sur un texte qui ne comporte que quelques articles ? Amendements rédigés à la machine où l'on change une virgule ou un mot pour bien dire qu'il est différent. Pour ma part, je ne le crois pas.
J'ai la conviction qu'on respecte mieux un groupe parlementaire en discutant avec lui sur ses amendements les plus importants et en cherchant à voir si un accord est possible. C'est peut-être possible d'avoir un accord entre nous. J'ai la certitude qu'un groupe est mieux respecté lorsqu'il dépose des amendements que l'on peut discuter sans a priori, plutôt que lorsqu'il en dépose des milliers et, qu'à l'arrivée, aucun n'est adopté, aucun. Bien sûr, même celui qui les dépose ne veut pas qu'ils soient adoptés puisque ce ne sont pas des amendements pour être adoptés, ce ne sont même pas des amendements pour être discutés, ce sont des amendements pour bloquer. Eh bien moi, je trouve que ce n'est pas une démocratie mature qui fait comme cela.
Alors peut-on arriver d'une manière consensuelle à dégager du temps en séance publique pour faire plus de contrôle et plus d'évaluation ? Majorité et opposition seront gagnantes. A passer plus de temps sur ces nouvelles prérogatives constitutionnelles y compris sur les nominations, tout en conservant le temps nécessaire à l'examen des textes de loi ?
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, vous allez maintenant avoir un avis conforme à donner sur les nominations les plus importantes de l'exécutif. Cà, c'est la démocratie. Quel gouvernement un jour reviendra là-dessus y compris sur le Président de France Télévisions. J'entends dire : "il est nommé par le Président de la République".
Ce n'était pas le Président de la République qui nommait avant le Président du CSA ? Ce n'était pas le Président du CSA avec son petit collège qui nommait le Président de France Télévisions ? Là, c'est tout-à-fait différent, le gouvernement proposera un nom, le CSA peut dire non, vous pouvez dire non à une majorité qualifiée qui impose l'accord entre la majorité et l'opposition. Qui reviendra sur ce droit ?
Cela veut dire que l'année 2009 est la première année où les parlementaires de la majorité comme de l'opposition auront à donner leur point de vue sur la nomination d'un responsable d'entreprise publique.
Je me souviens, ministre des Finances, comment s'est passée la nomination du dernier PDG, excellent par ailleurs, d'EDF. Pas un parlementaire n'a été informé, c'était une décision parfaitement régalienne. Circulez, il n'y a rien à voir ! Il se trouve que le choix était très bon. Pas de débat, pas de procédure d'audition, pas de vote. Est-ce que c'est cela la conception d'une démocratie mature ? Est-ce que c'est cela que l'on veut pour le Parlement français ? En 2009, vous aurez à débattre des grandes nominations de l'exécutif. Vous donnerez votre avis et vous pourrez les bloquer.
Alors, je n'ai naturellement aucun conseil à vous donner. Je forme le voeu que vous vous empariez, majorité et opposition, sans tabou, de la question de l'organisation de votre travail. Soyez imaginatifs, soyez innovants.
Quasiment aucun parlement dans le monde ne siège autant que le vôtre. Dans les principales démocraties, seuls les Italiens siègent davantage. Et encore, les sessions des Italiens ne font que quelques heures par jour et, en volume d'heures, ils travaillent moins que vous. Comment font les autres ? Est-ce qu'ils légifèrent plus mal ?
Nos concitoyens attendent que vous soyez imaginatifs. Je suis persuadé qu'on peut trouver un bon accord qui permettent à l'opposition d'avoir davantage de droits, davantage d'influence et, en même temps, ne pas donner ce spectacle, pardon, un peu consternant sur des sujets si importants, de voir des amendements déposés à la brouette simplement pour obliger le gouvernement à déposer une mesure de procédure pour que l'opinion puisse dire : regardez comme ils sont méchants. Ce n'est pas cela une démocratie mature. J'ai toujours pensé que les parlementaires de gauche, du centre ou de droite valaient mieux, devaient être mieux considérés, et que ce n'était pas cela la solution.
Enfin, 2009 sera l'année de la réforme des collectivités territoriales. Je forme le voeu qu'on puisse trouver un consensus sur cette réforme qui pourrait bien dire en 2009 que rien ne doit changer ? Lequel d'entre nous n'a pas pesté contre les enchevêtrements absurdes des différents échelons territoriaux ? Je sais, j'ai un mauvais souvenir avec ma tentative en Corse. Il y en a un certain nombre qui m'avait aidé à l'époque sans être de ma famille politique. Cela ne me décourage pas.
Je n'insulte personne quand je dis que notre système territorial marche sur la tête, qu'il ressemble parfois, vous savez, à une pyramide inversée. Les étagères croulent sous des rapports de plus en plus fréquents, de plus en plus convergents et de plus en plus vite rangés sous la pile. Plus ils sont convergents, plus ils sont intelligents, plus on les range sous la pile. Sans que jamais aucun ne soit suivi d'effet. C'est attristant, sur le constat, nous sommes à peu près tous d'accord.
Sur l'illisibilité des compétences, nous sommes d'accord. Y a-t-il quelqu'un qui comprenne quelque chose au fait que les lycées relèvent des régions et les collèges des départements ? Et que naturellement pour les cités scolaires, quand il y a les deux, il faut naturellement un accord entre le département et la région. Et encore, dans ce cas précis, le partage des compétences est relativement lisible. Mais il n'y a qu'un petit nombre de compétences des collectivités dans cette situation. La règle générale est l'enchevêtrement, soit parce que les compétences sont partagées, soit parce qu'elles sont déléguées.
Je ne parle pas, bien évidemment, de la clause générale de compétence que la loi reconnaît aux collectivités et qui fait que chacun intervient sur ce qu'il veut dès lors qu'il estime qu'il a un intérêt local à agir. Lorsque tout le monde se mêle de tout, personne n'est responsable de rien. Y a-t-il encore quelqu'un pour penser qu'il n'y a rien à changer ?
Les financements croisés procèdent de la même logique. D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, ils sont souvent la conséquence même de l'enchevêtrement des compétences. Mais ils renforcent l'impression de confusion.
Le plus grave à mes yeux, ce n'est pas tant cette confusion des compétences que l'irresponsabilité à laquelle elle conduit. C'est particulièrement vrai en matière de fiscalité locale. Je ne sais pas si la spécialisation des impôts locaux est la solution. Mais ce que je sais, c'est que lorsqu'on ignore qui est l'origine de l'augmentation des prélèvements, cela déresponsabilise tous les acteurs de la chaîne. Le contribuable ne sait pas ce qui relève de la part régionale, ce qui relève de la part départementale ou de la part communale, les différents acteurs sont moins regardants lorsqu'il s'agit de revoir sans cesse à la hausse les impôts locaux. Il ne faut accuser personne. Depuis 5 ans le produit de la fiscalité locale a augmenté de 28 %. La part régionale de 54 % et la part départementale de 36,5 %.
Ce sont les raisons pour lesquelles lorsqu'on me dit :
« C'est de la folie. La réforme des collectivités territoriales, tu n'y penses pas. Combien s'y sont cassé les dents !»,
J'ai envie de répondre :
« C'est vous qui êtes fous. C'est vous qui ne voyez pas que les élus n'en peuvent plus de ce système. C'est vous qui ne voyez pas que les élus sont les premiers à vouloir de ce changement. Parce que ce sont eux qui en subissent les conséquences au quotidien. Ce sont eux qui effectuent le parcours du combattant pour porter leurs projets parce que les interlocuteurs sont multiples. »
Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour parler du contenu de la réforme. Je ne peux pas, d'un côté dire il faut la concertation, il faut le consensus et annoncer, alors que cela commence, le résultat. Mais si la page est encore blanche, il faut qu'on l'écrive ensemble. Et je me porte garant du fait que toutes les questions seront posées, que toutes les pistes seront explorées, expertisées, qu'aucun sujet ne sera tabou et puis il faudra qu'on décide, quelque part après les élections européennes, avant l'été 2009.
C'est bien la raison pour laquelle nous avons créé, autour d'Edouard BALLADUR, un comité de réflexion pluraliste, comprenant des personnalités respectées, incontestables, venues d'horizons politiques divers et disposant d'une expertise particulière.
Edouard BALLADUR remettra le fruit de ses travaux avant la fin du mois de février. S'ouvrira alors le temps d'appropriation par tous les élus de ce rapport et de ses conclusions.
Députés et sénateurs. Parlementaires de la majorité ou de l'opposition. Conseils régionaux ou conseillers généraux. Maires et conseillers de Paris. Je souhaite que chacun prenne sa part à ce débat et qu'on décide, qu'on donne là aussi le sentiment qu'on est une démocratie mature. Bien sûr, je connais la force du département, je connais l'attrait de la région mais on ne va pas continuer comme cela. Je prends un engagement, au nom du Premier ministre et du gouvernement : nous voulons changer les choses.
Par ailleurs, on a trop d'échelons. Je crois que M. MAUROY a parfaitement raison : on n'a pas de vrai statut d'agglomération. Le Maire de Paris sait bien que, pour moi, le grand Paris, cela compte. Pour lui, aussi. Peut-être qu'on n'a pas la même vision. Mais, enfin, est-ce que l'on peut adapter les mêmes règles pour une région de 12 millions d'habitants avec un problème à un moment que pour une autre ? Tout ceci nous les mettrons sur une table et il faudra que quelque part, autour de l'été, l'automne 2009, on prenne des décisions.
Mesdames et Messieurs, je ne voudrais pas naturellement abuser de ce propos. Je voudrais également en terminant former les voeux que la France, sur le plan international, continue à être au service de la paix, des droits de l'Homme. À tous ceux qui s'interrogeaient pour savoir, pourquoi nous avions décidé d'aller au Proche-Orient, c'est parce que les images que l'on voit sont insupportables pour tout le monde, que vous soyez de gauche, de centre ou de droite. Il n'y a pas aujourd'hui un leadership américain et quand bien même, il y aurait un leadership américain, je reste convaincu que l'Europe, une Europe indépendante, imaginative, autonome a quelque chose à dire. C'est ce que je voulais faire comprendre à tous nos interlocuteurs. Le problème de Gaza n'est pas qu'un problème régional, c'est un problème mondial. Parce que les affrontements là-bas peuvent conduire à une fracture durable entre l'Occident et l'Orient. Est-ce que nous pourrions la supporter ? Est-ce que nous sommes si loin de cela ? Alors, bien sûr, la situation est très difficile, mais ils ont besoin de femmes et d'hommes de bonne volonté pour les aider à se comprendre et à parler, et pour amorcer une sortie de crise. La France a condamné l'entrée de l'armée israélienne dans Gaza. Et la France a condamné le lancement des roquettes par le Hamas. J'espère de tout coeur que l'initiative que nous avons prise avec le Président MOUBARAK permettra de trouver les voies de l'apaisement. Il faut que les armes se taisent. Nous n'avons pas le temps. Elles doivent se taire tout de suite parce que la situation est catastrophique et c'est le rôle de la France de porter un message de paix et de rassemblement.
Mesdames et Messieurs, merci d'avoir accepté notre invitation.
Merci aux Parlementaires de la majorité de leur soutien.
Merci aux Parlementaires de l'opposition de leur présence.
Merci aux élus de la Ville de Paris et puis merci à tous d'avoir, au fond, ce point commun d'être passionnés de la France, de son avenir et de son destin.
Bonne année.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les représentants du Parlement européen,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les Conseillers de Paris,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Premier ministre,
Je suis très heureux de pouvoir vous présenter ces voeux pour cette nouvelle année sous une forme un peu renouvelée. On est toujours partagé entre le souci de la tradition puis le caractère un peu pesant de cette tradition qui impose à chacun des obligations qu'il remplit toujours avec beaucoup d'affection, une affection naturellement sincère, comme il se doit dans la vie politique. Et surtout que les élus de Paris ne soient pas blessés d'être avec les parlementaires, que les parlementaires ne soient pas blessés d'être avec les élus de Paris. C'est un essai, si cela marche, on continuera. Si cela ne marche pas, on fera la rupture comme on dit. En tout cas ce sont des voeux sincères, des voeux pour chacun d'entre vous. Ces voeux sont d'autant plus sincères que j'ai quelques expériences pour vous dire que notre métier n'est pas facile et donc quels que soient vos sentiments politiques, vos appartenances ou vos responsabilités, vous êtes ici dans ce Palais de l'Elysée. Vous avez des mandats et pour avoir ces mandats, vous avez des cicatrices. Vous avez connu des succès, vous avez connu des échecs, j'en parle moi-même de grande expérience - je veux dire des échecs. Et c'est sans doute une vie, la vie politique, particulièrement difficile, qui ne pardonne pas grand-chose, dans laquelle on n'est jamais déçu par la force de ses adversaires et parfois leur cruauté, et parfois un peu déçu par l'absence d'affection de ses amis. Je ne parle pas pour moi, je parle pour ceux qui parmi vous, auraient eu l'expérience à un moment ou un autre, de se sentir minoritaire dans leur propre famille politique. C'est vous dire que ces voeux, les miens à votre endroit, sont parfaitement désintéressés et totalement sincères.
Alors, à l'occasion de ces voeux, aucun d'entre nous ne peut faire l'abstraction de la crise - de la crise sans équivalent - qui s'est abattue sur le monde au second semestre de l'année 2008. Nous avons tous en mémoire l'enchaînement des évènements :
- d'abord, le marché immobilier américain qui se retourne, de nombreux ménages américains qui ne peuvent pas honorer des dettes qui leur avaient été consenties dans des conditions beaucoup trop risquées, un système bancaire brutalement fragilisé par la défaillance de toute une série de débiteurs.
- ensuite, une extension des défaillances à d'autres types de créances, et surtout l'impossibilité de savoir où étaient localisés les risques en raison de leur dispersion dans tout le système financier par le mécanisme de la titrisation, dont on a bien compris que cela revenait au fond à mutualiser les risques de façon à ce que jamais personne ne sache qui est responsable des dettes, on se contentait de savoir qui était responsable des bonus.
- enfin, les difficultés majeures, voire la faillite d'acteurs qui paraissaient insubmersibles, provoquant une panique généralisée, bloquant tout le système bancaire, par la suspension du crédit interbancaire.
C'était il y a quelques semaines...
Face à cette situation totalement inédite - je crois qu'aucun d'entre nous, majorité-opposition, n'aurait même pas pu imaginer assister à un tel spectacle d'ampleur mondiale, nous devions immédiatement agir pour :
- parer le risque de paralysie totale de l'économie en essayant de restaurer le crédit interbancaire sans lequel le système bancaire ne peut pas fonctionner. Pour cela, il fallait restaurer la confiance des banques entre elles. C'est ce qui nous a amenés à garantir les opérations de crédits entre banques à hauteur de 320 milliards d'euros. J'en profite pour redire que ces milliards n'ont pas été donnés ou même promis aux banques mais que l'Etat est dans son rôle quand il intervient pour éviter la faillite du système financier. Que cesse cette habitude de voir des cadeaux ou des dettes chaque fois que l'Etat s'engage ! Si nous n'avions pas fait cela, Mesdames et Messieurs, c'était le collapse total, car ce n'était pas les banques qui s'écroulaient mais ce serait alors les Français qui seraient venus faire la queue devant les guichets bancaires pour réclamer leurs économies. Personne n'aurait pu supporter une telle conséquence.
En restaurant le fonctionnement du système bancaire nous avons donc garanti le dépôt des particuliers, sauvé l'épargne. Il n'y a pas eu en France la panique des épargnants. Ce n'était pas rien. Et quand on a vu ce qui s'est passé en Irlande, en Islande et dans un certain nombre de pays, cela aurait parfaitement pu arriver dans le nôtre.
- ensuite, il a fallu reconstituer les fonds propres des banques pour qu'elles puissent prêter en respectant les normes prudentielles, et sauver celles dont la faillite aurait entraîné des conséquences dramatiques en chaîne. C'est ce que nous avons fait avec Dexia dont j'ai vu avec plaisir les récentes performances boursières. Dexia, c'est 15 000 communes de France qui sont en crédit avec elle. Imaginez la faillite de Dexia, imaginez, vous tous qui êtes des élus, ce que cela aurait représenté pour vos collectivités, la faillite de Dexia. Nous sommes entrés dans le capital de Dexia où nous détenons une minorité de blocage et nous avons changé son équipe dirigeante. Alors on me dit, mais pourquoi vous n'êtes pas entré dans le capital des autres ? Parce que le métier de l'Etat, ce n'est pas de devenir banquier. On n'est pas entré dans le capital des autres parce que, fort heureusement, la situation de nos banques n'a rien à voir avec celles du Royaume-Uni. Pourquoi cela n'a rien à voir ? Parce que le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont beaucoup plus en liaison qu'en France. Au Royaume-Uni, les services à la finance pèsent pour 15% du PIB, en France pour moins de 3. Alors cela ne présente pas que des avantages lorsque cela va bien, mais lorsque cela va mal et que la finance s'écroule, cela s'écroule moins dans un pays qui est moins exposé à la finance.
Quant aux 10,5 milliards qui ont été versés aux banques sur les 40 autorisés par le Parlement, ils sont là, non pas pour sauver une banque de la faillite, mais pour éviter la contraction du crédit.
Sur ce point, j'ai entendu des commentaires : « privatisation des profits, mais socialisation des pertes » - Je voudrais rappeler que ces 10,5 milliards que nous avons mis à la disposition des banques, les banques les rémunèrent et les rémunèrent à 9%. Je veux dire que sur ces 10,5 milliards qui ont été prêtés aux banques pour constituer leur fond propre, je veux dire aux Français qu'ils ont fait une bonne affaire parce que cela a évité la faillite, cela a permis de restaurer, pas assez, le crédit et surtout, c'est 10,5 milliards placés à 9%. Je demande, y a-t-il un seul d'entre vous qui, aujourd'hui, a placé ses économies à 9% ? Nous, nous l'avons fait avec les banques, cela a été d'ailleurs un fameux débat avec la Commission qui pensait qu'on aurait dû demander une rémunération plus importante, je m'y suis opposé parce que, naturellement, on ne peut pas dire qu'il faut que le prix du crédit baisse et soi-même prêter à des taux trop élevés.
Alors, voilà ce que nous avons fait dans un premier temps. Nous irons d'ailleurs, je le dis sous le contrôle de la ministre de l'Économie et des Finances et du Premier ministre, au-delà de la première tranche de soutien aux fonds propres qui a été versée en décembre. Car je suis convaincu que nos banques en ont besoin, comme je suis convaincu qu'elles ont besoin que l'Etat leur redise qu'elles ne doivent pas se contenter de soigner leur bilan mais qu'elles doivent jouer leur rôle vis-à-vis de leurs clients. Le système est très simple, plus les banques ont des fonds propres, plus elles prêtent. Donc les banques, on leur prêtera de l'argent pour augmenter leurs fonds propres pour qu'elles puissent prêter davantage. Nous avons par ailleurs créé une médiation du crédit, et nous réunirons à nouveau les banquiers pour les mettre face à leurs responsabilités. Il n'y a plus aucune raison que le crédit interbancaire ne marche pas, et il n'y a aucune raison qu'on se retrouve devant le médiateur du crédit pour des prêts de 2, 3, 4 ou 5 mille euros. Le système économique a besoin de banques qui prennent des risques maitrisés. Je ne comprendrais pas qu'hier on ait fait n'importe quoi et qu'aujourd'hui on n'accepte plus ce risque.
Tout au long de ces semaines, la France a essayé d'être à la hauteur, à la hauteur de ses responsabilités en tant que présidente de l'Union européenne, et je crois que ce fut quelque chose d'important que de permettre à l'Europe de parler d'une seule voix. Ce n'est qu'un début. Il y a eu le Sommet de Washington. Le 2 avril, il y aura le Sommet de Londres pour le G20. Il est capital que ce qui a été dit à Washington soit transformé en décision à Londres. La France n'acceptera pas un sommet pour rien. Washington, c'était une première étape. Londres doit être conclusif. Il faut refonder le système capitaliste, il faut le moraliser, il faut remettre l'entrepreneur au coeur du système de fonctionnement de l'économie de marché.
Alors un mot sur le plan de relance.
La finance a beau sembler irréelle par les chiffres avec lesquels elle jongle, elle n'est pas tout, derrière, il y a les investissements de l'entreprise, les achats de logements et d'automobiles des ménages.
Il fallait donc que nous prenions les mesures nécessaires pour parer les effets indirects de cette crise sur l'économie. Je veux d'ailleurs dire combien c'est compliqué, combien a été attaqué le plan de soutien à l'économie de l'été 2007, jugé à l'époque parfaitement inutile. La première crise a commencé en août 2007. Vous avez, vous, les parlementaires, voté le plan de soutien à l'activité en juillet 2007. Si c'est de la chance, permettez-moi de vous dire que la baraka fait partie de la bonne gestion. Et quand on connaît les délais d'application entre le moment où le parlementaire vote et le moment où l'économie en profite, le plan de relance de 2007, attaqué parce que trop généreux à l'époque, a été parfaitement utile, parce que ce plan dit TEPA a été appliqué à l'économie française au moment où l'économie mondiale entrait en crise.
Par ailleurs nous avons donc décidé un certain nombre de mesures pour relancer l'économie. J'observe avec grand plaisir que l'Allemagne qui n'avait pas toujours été facile à convaincre, s'est aujourd'hui rangée du côté -et c'est tant mieux parce que c'est la première économie de la zone euro -des pays qui veulent la relance économique.
Les députés commenceront donc, dès cet après-midi, l'examen de ce collectif budgétaire. Sans m'immiscer dans votre débat - et je prends à témoin nos représentants au Parlement européen- je veux vous convaincre de l'ambition de ce plan : 26 milliards d'euros ! 26 milliards d'euros, pour un pays comme le nôtre qui est en déficit depuis une trentaine d'années, 1,3 % du PIB injecté en soutien de l'économie.
Ce plan garantit, en outre, que les dépenses supplémentaires correspondent à des dépenses d'investissement. J'entends bien la controverse sur le pouvoir d'achat, la demande. Mais enfin, Mesdames et Messieurs, si la relance par la consommation cela marchait, on le ferait, cela se saurait. Il y a eu deux exemples de relance par la consommation. Certes les crises ne se ressemblent jamais, d'accord. Une de M. CHIRAC, une de M. MITTERRAND, donc, chacun d'entre nous a eu cet exemple dans notre propre famille politique, un partout, la balle au centre. Qu'est-ce qui est arrivé ? Cela n'a servi à rien. Dans les deux cas, on a versé de l'eau dans le sable, on a accru les déficits de la France, on n'a gagné aucune part de marché, avec l'argent qu'on a distribué, qu'on n'avait pas, par ailleurs. Vous savez ce qu'on a favorisé ? La production à l'extérieur puisque naturellement quand on relance comme cela, outre que l'on crée des déficits, on pousse nos compatriotes à acheter les produits des autres, très bien pour la solidarité, très bien pour l'image de la France, un peu moins bien pour l'économie française.
Qu'est ce qu'on essaye de faire avec le Premier ministre et avec le gouvernement ? On essaye de profiter de la crise, en quelque sorte, sans choquer personne, d'en faire une opportunité pour essayer de rattraper les retards décrits unanimement dans le monde, spécifiques à l'économie française. Quels sont nos retards, qu'on soit de gauche ou de droite ? Pas assez d'investissements, pas assez de recherche, pas assez de réformes, pas assez de travail, pas assez d'infrastructures. Tous les parlementaires, tous les élus qui sont ici pourraient témoigner que, dans leur région, il manque ici une route, un TGV, un campus, un investissement. Quitte à ce que du fait de la crise, le pacte de stabilité soit, en quelque sorte, mis entre parenthèses pour mobiliser le plus d'argent possible, pour créer des dépenses qui ne soient pas récurrentes dans les années à venir, mais des dépenses d'investissement qui ne sont pas récurrentes, qui vont donner du travail aux ouvriers, aux travailleurs français, qui vont créer de la croissance et de l'emploi et qui, en plus, vont nous permettre quand on sera sorti de la crise - parce qu'on sort toujours de la crise -, de pouvoir nous reposer sur des investissements, des infrastructures, de la recherche, des universités.
Voilà très exactement ce qu'on essaye de faire. On me dit que ce n'est pas assez, qu'il faut faire plus. Pourquoi pas ? Mais j'appelle à ce que chacun garde son sang-froid. Pourquoi garder son sang-froid ? La crise est forte, mais en même temps, on nous promettait une rentrée terrifiante, la consommation tient, le témoignage du syndicat des stations de sport d'hiver dit : c'est une saison historique, et quant aux ventes de voitures, grâce à la prime à la casse qui a été tellement critiquée, c'est le marché qui tient le mieux en Europe. J'ajoute que cela nous permet de tenir les voitures moyennes de gamme, c'est-à-dire les voitures fabriquées en France. Je ne dis pas du tout qu'on a arrangé les choses, je ne dis pas du tout qu'on en est sorti, je dis simplement qu'il faut qu'on soit très attentif aux nouvelles de l'économie pour adapter une réponse en fonction de l'évolution des choses, et qui, aujourd'hui, peut nous dire quelle sera l'évolution des choses ?
Donc, on vous propose ce plan de relance de 26 milliards avec l'exonération, par ailleurs, de la taxe professionnelle qui avait été décidée avec le doublement du FCTVA pour engager les collectivités territoriales dans la bagarre. S'il faut faire plus, on fera plus, mais de grâce, que chacun garde son sang-froid pour qu'on soit collé le mieux possible à la réalité de la situation économique d'aujourd'hui.
J'en profite pour dire que, naturellement, chez les constructeurs automobiles se joue une partie capitale pour nous. Les constructeurs automobiles, c'est 10% de la population active française, c'est 2,1 millions d'ouvriers, travailleurs, salariés. On ne peut pas les laisser tomber. Mais que les choses soient claires, nous aiderons nos constructeurs automobiles, mais nous n'accepterons plus la délocalisation de la production, non pas lorsqu'il s'agit de gagner un marché, mais lorsqu'il s'agit de produire ailleurs des voitures que l'on vendra chez nous. Il est parfaitement normal qu'on les aide avec l'argent du contribuable. Mais si on les aide avec l'argent du contribuable, c'est pour garder une structure industrielle. Regardez ce qui se passe avec des pays qui ont vu leur structure industrielle disparaître.
A partir de ce moment-là, on a sauvé les banques, on les surveille, on relance l'économie pour passer le moins douloureusement possible la crise. On refonde le capitalisme parce que les mêmes causes ne peuvent pas produire les mêmes effets. Et moi je comprends que les Français aient été scandalisés par certains excès. Qui ne le serait pas ? On ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de conséquences, on ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de responsables. Lorsqu'il s'agissait de trouver les bénéficiaires de bonus, la liste, elle était connue. Lorsqu'il faut distribuer les malus, juger les responsables, tirer les conséquences, pourquoi on ne connaitrait pas ceux qui nous ont amenés ici ?
Il faut des changements très profonds. Le FMI ne peut pas continuer dans son même rôle. Le FMI était devenu petit à petit l'instance d'examen des pays qui n'ont rien pour savoir s'ils avaient le droit de bénéficier de l'aide des autres. Mais le FMI de Bretton Woods, ce n'était pas cela, c'était l'instance financière et économique pour stabiliser le monde. Il va bien falloir parler de la question monétaire. En 1945, au lendemain de la guerre, il y avait une seule grande puissance au fond, une seule grande économie, donc une seule monnaie. Qui pourrait me dire qu'au XXIème siècle, on va construire un monde avec une seule monnaie ? Il faut bien qu'on discute des rapports entre le dollar, l'euro, le yuan, le yen, peut-être demain la roupie.
En tout cas, s'il y a un nouveau système monétaire à mettre en place, on ne peut pas faire l'économie du débat monétaire international. Par ailleurs, on ne peut pas faire l'économie d'une nouvelle architecture mondiale. Tout le monde s'occupe de tout. Vous allez à la FAO, on vous dit : on ne produit pas assez de matières premières agricoles. Ce sont les mêmes qui font partie de l'Organisation mondiale du commerce. On vous dit : vous produisez trop. Qui dit la vérité ? Ne faut-il pas qu'on spécialise les organisations internationales ? L'ONU, pour les frontières, la paix, la politique au sens noble £ le FMI pour la finance, l'économie £ une autre organisation pour la culture £ une autre pour l'environnement. Et puis, il faut profondément changer nos habitudes. Est-ce qu'on peut continuer à réunir le G8 ? Qui peut penser ici qu'on va résoudre les problèmes du monde sans la Chine, sans l'Inde, sans l'Afrique du Sud, sans une seule puissance africaine, sans une seule puissance sudaméricaine ?
La France doit porter le message du changement, du changement en Europe et du changement dans le monde. Eh bien, cette crise nous donne l'opportunité d'être entendus. Personne ne comprendrait le conservatisme. Alors je vois bien que dès qu'on propose quelque chose, c'est normal, il n'y a pas à s'en choquer, tous ceux qui n'ont pas intérêt au changement trouvent des vertus au statu quo, mais si on ne change pas dans la crise, on changera quand ? Et qui ne voit qu'en France, on a besoin de changer ? Alors, ce sera le programme de 2009.
Je sais que le nombre de textes que vous avez à étudier est très important, je sais le nombre de séances de jour, de nuit, ordinaires ou extraordinaires, durant lesquelles vous siégez. Je vous remercie sincèrement pour ce que vous faites. Votre pugnacité pour l'opposition, votre opiniâtreté pour la majorité. Vous incarnez tous la souveraineté nationale.
Je sais combien vous êtes accaparés. Vous êtes nombreux à me le dire, mais je sais surtout quelle est l'immense attente de nos concitoyens. Enfin, quel parlementaire pourrait-il se plaindre d'avoir trop de travail dans la situation actuelle de notre pays, d'attendre les textes comme soeur Anne sans rien voir venir, de se dire : mon Dieu qu'on s'ennuie ? Dans le fond, à tout prendre, faut-il trop de textes ou pas assez de textes ? Vous me direz, il faut le juste milieu. Très bien, mais alors soit on réforme, soit on ne réforme pas.
Par ailleurs, j'ai voulu la réforme du Parlement et cette réforme, elle est plus enthousiasmante lorsque l'on perçoit l'ampleur de ce que l'on à accomplir que lorsqu'on légifère comme à l'habitude avec des textes de transposition et trois personnes en séance.
Le Parlement joue un rôle essentiel. Nous sommes à un moment de l'histoire de notre pays où il faut réformer le pays et, par conséquent, on va continuer à travailler et à travailler très dur. Moi, j'avais introduit mon propos de l'année 2008 en souhaitant que cela marque le début d'une ère de renouveau pour vos assemblées. Eh bien, nous l'avons réalisé en adoptant à Versailles le 21 juillet dernier, la révision constitutionnelle la plus ambitieuse depuis 50 ans. Au fond, nous étions tous d'accord. Même ceux d'entre vous qui ne l'ont pas votée ont été les premiers -- avant même son entrée en vigueur - à demander l'application de ses dispositions. Elle ne devait pas être si mauvaise cette réforme ! C'est vrai, c'est moi qui la proposais, c'est un problème, mais quand il s'agit de voter pour savoir si l'on a des soldats en Afghanistan et ce qu'ils y font, y a-t-il un seul parlementaire qui était contre le vote ? Aucun, ils l'ont voulu et c'est parfaitement normal. Rendez-vous compte, une démocratie où le Parlement n'a même pas son mot à dire lorsque l'on envoie des soldats ou quand il dit son mot, c'est six mois après. Qui reviendra sur cette réforme, qui reviendra sur la possibilité de voter des résolutions pour le Parlement, qui reviendra sur l'ordre du jour partagé ?
Alors l'histoire retiendra peut-être le caractère romanesque d'une victoire obtenue de justesse grâce au courage, à la cohérence de quelques parlementaires. On ne peut quand même pas leur reprocher de mettre leur vote en accord avec leurs convictions ou alors remplaçons les parlementaires de nos partis politiques par des machines à voter. Vous êtes de droite, donc vous ne votez jamais de mesure de gauche, vous êtes de gauche, donc vous ne votez jamais une mesure de droite. Dans ce cas là, ce n'est pas la peine de vous déplacer. Il y a un certain nombre de parlementaires de gauche, et je les remercie, ils ont été courageux, qui sont venus voter avec les autres non pas pour me faire plaisir, non pas parce qu'ils ne se sentent pas de gauche mais parce qu'ils pensaient qu'il n'était pas anormal de voter une réforme de la Constitution dont les 4/5ème des mesures étaient prévus dans tous les programmes de gauche. On ne va tout de même pas leur reprocher d'être des femmes et des hommes de conviction et de courage
Nous avons - vous avez - commencé à mettre en oeuvre la révision constitutionnelle. Mais des textes d'application importants restent à prendre £ ils feront l'objet de vos travaux au cours de l'année 2009.
Que les choses soient claires entre nous. Depuis 50 ans, tous les présidents de la République ont critiqué la dérive monarchique de leurs prédécesseurs. Un must. Je me souviens de ce que l'on disait de François Mitterrand et dans "Le coup d'État permanent", je me souviens de ce que François Mitterrand disait du général de Gaulle. Toutes les révisions constitutionnelles depuis 1958 n'ont eu pour seul effet que d'accroître les prérogatives du chef de l'État ou du moins de renforcer son rôle institutionnel.
Aujourd'hui, j'assume les responsabilités que m'ont confiées les Français. Je n'ai pas sollicité cette charge auprès d'eux pour leur dire, ensuite, que je ne suis pas comptable des décisions prises en leur nom. On dit "l'omniprésident". Je préfère que l'on dise cela que le "roi fainéant", on en a connus....A force de dire que j'en fais trop, au moins on ne se pose pas la question de savoir ce que je fais. C'est arrivé dans l'histoire de notre pays. Qu'est-ce qu'il fait donc là-haut ?
Mais dans ma conception d'une démocratie saine et exemplaire, un exécutif fort implique un législatif, un Parlement fort, et la plus sincère démonstration que je pouvais en faire, c'était de demander par la Constitution que vous soit confiée la maîtrise de la moitié de l'ordre du jour. Honn??tement, c'est pour moi parfois difficile de comprendre comment des parlementaires refuseraient d'avoir la maîtrise de la moitié de l'ordre du jour. Étrange.... Et d'ailleurs, personne ne reviendra sur cette réforme, personne surtout pas ceux qui ne l'ont pas votée.
Il n'y a pas un Gouvernement qui gouverne de son côté et un Parlement qui parlemente du sien. Il y a deux pouvoirs imbriqués, deux acteurs de la réforme.
C'est un grand pouvoir qui vous a été confié par cette révision constitutionnelle. Mais qui dit grand pouvoir, dit grande responsabilité. Il s'agit d'être plus exemplaire encore. Cela implique que le Parlement se donne les moyens d'améliorer ses méthodes de travail. Enfin, j'ai été parlementaire pendant 20 ans, qui peut dire que le problème des méthodes de travail du Parlement en France ne se pose pas, qui peut le dire, qui sérieusement peut dire cela ?
Il vous faudra plus de temps pour contrôler l'action du Gouvernement, plus de temps pour évaluer les politiques publiques. C'est fascinant dans notre pays, on se déchire sur un amendement, on se déchire sur un projet de loi, l'amendement est voté, le projet de loi est voté, l'avantage fiscal est enregistré, on n'en parle plus. D'ailleurs, il y a un seul exemple : le débat budgétaire est un débat passionné et passionnant, la loi de règlement se passe dans l'indifférence la plus totale. J'affirme que la loi de règlement est plus importante que la loi budgétaire puisque d'un côté, c'est une prévision, de l'autre c'est une réalisation. Qui en tient compte ? Qui s'y intéresse et qui même en parle ? Ceci veut dire que l'opposition aura plus de droits, cela veut dire qu'il vous faudra plus de temps pour réévaluer la législation. Je suis toujours stupéfait de constater que l'on peut passer autant de temps à discuter d'amendements, sans se soucier, ensuite, de connaître leurs effets !
Je vais vous parler avec sincérité quitte à briser un tabou. Est-ce que le renforcement des droits du Parlement que nous avons souhaité collectivement peut se résumer à passer toujours plus de temps en séance publique à examiner des amendements purement, strictement, littéralement répétitifs ?
Est-ce que c'est cela la conception que l'on se fait des droits du Parlement ? Droite et gauche, nous avons tous fait ce que l'on appelle le "flibustering", tous, et tous, nous avons d'ailleurs observé les dégâts que cela représentait pour nous dans l'opinion. Est-ce qu'un groupe politique au Parlement est plus fort, plus écouté plus respecté, plus utile parce qu'il défend des milliers d'amendements sur un texte qui ne comporte que quelques articles ? Amendements rédigés à la machine où l'on change une virgule ou un mot pour bien dire qu'il est différent. Pour ma part, je ne le crois pas.
J'ai la conviction qu'on respecte mieux un groupe parlementaire en discutant avec lui sur ses amendements les plus importants et en cherchant à voir si un accord est possible. C'est peut-être possible d'avoir un accord entre nous. J'ai la certitude qu'un groupe est mieux respecté lorsqu'il dépose des amendements que l'on peut discuter sans a priori, plutôt que lorsqu'il en dépose des milliers et, qu'à l'arrivée, aucun n'est adopté, aucun. Bien sûr, même celui qui les dépose ne veut pas qu'ils soient adoptés puisque ce ne sont pas des amendements pour être adoptés, ce ne sont même pas des amendements pour être discutés, ce sont des amendements pour bloquer. Eh bien moi, je trouve que ce n'est pas une démocratie mature qui fait comme cela.
Alors peut-on arriver d'une manière consensuelle à dégager du temps en séance publique pour faire plus de contrôle et plus d'évaluation ? Majorité et opposition seront gagnantes. A passer plus de temps sur ces nouvelles prérogatives constitutionnelles y compris sur les nominations, tout en conservant le temps nécessaire à l'examen des textes de loi ?
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, vous allez maintenant avoir un avis conforme à donner sur les nominations les plus importantes de l'exécutif. Cà, c'est la démocratie. Quel gouvernement un jour reviendra là-dessus y compris sur le Président de France Télévisions. J'entends dire : "il est nommé par le Président de la République".
Ce n'était pas le Président de la République qui nommait avant le Président du CSA ? Ce n'était pas le Président du CSA avec son petit collège qui nommait le Président de France Télévisions ? Là, c'est tout-à-fait différent, le gouvernement proposera un nom, le CSA peut dire non, vous pouvez dire non à une majorité qualifiée qui impose l'accord entre la majorité et l'opposition. Qui reviendra sur ce droit ?
Cela veut dire que l'année 2009 est la première année où les parlementaires de la majorité comme de l'opposition auront à donner leur point de vue sur la nomination d'un responsable d'entreprise publique.
Je me souviens, ministre des Finances, comment s'est passée la nomination du dernier PDG, excellent par ailleurs, d'EDF. Pas un parlementaire n'a été informé, c'était une décision parfaitement régalienne. Circulez, il n'y a rien à voir ! Il se trouve que le choix était très bon. Pas de débat, pas de procédure d'audition, pas de vote. Est-ce que c'est cela la conception d'une démocratie mature ? Est-ce que c'est cela que l'on veut pour le Parlement français ? En 2009, vous aurez à débattre des grandes nominations de l'exécutif. Vous donnerez votre avis et vous pourrez les bloquer.
Alors, je n'ai naturellement aucun conseil à vous donner. Je forme le voeu que vous vous empariez, majorité et opposition, sans tabou, de la question de l'organisation de votre travail. Soyez imaginatifs, soyez innovants.
Quasiment aucun parlement dans le monde ne siège autant que le vôtre. Dans les principales démocraties, seuls les Italiens siègent davantage. Et encore, les sessions des Italiens ne font que quelques heures par jour et, en volume d'heures, ils travaillent moins que vous. Comment font les autres ? Est-ce qu'ils légifèrent plus mal ?
Nos concitoyens attendent que vous soyez imaginatifs. Je suis persuadé qu'on peut trouver un bon accord qui permettent à l'opposition d'avoir davantage de droits, davantage d'influence et, en même temps, ne pas donner ce spectacle, pardon, un peu consternant sur des sujets si importants, de voir des amendements déposés à la brouette simplement pour obliger le gouvernement à déposer une mesure de procédure pour que l'opinion puisse dire : regardez comme ils sont méchants. Ce n'est pas cela une démocratie mature. J'ai toujours pensé que les parlementaires de gauche, du centre ou de droite valaient mieux, devaient être mieux considérés, et que ce n'était pas cela la solution.
Enfin, 2009 sera l'année de la réforme des collectivités territoriales. Je forme le voeu qu'on puisse trouver un consensus sur cette réforme qui pourrait bien dire en 2009 que rien ne doit changer ? Lequel d'entre nous n'a pas pesté contre les enchevêtrements absurdes des différents échelons territoriaux ? Je sais, j'ai un mauvais souvenir avec ma tentative en Corse. Il y en a un certain nombre qui m'avait aidé à l'époque sans être de ma famille politique. Cela ne me décourage pas.
Je n'insulte personne quand je dis que notre système territorial marche sur la tête, qu'il ressemble parfois, vous savez, à une pyramide inversée. Les étagères croulent sous des rapports de plus en plus fréquents, de plus en plus convergents et de plus en plus vite rangés sous la pile. Plus ils sont convergents, plus ils sont intelligents, plus on les range sous la pile. Sans que jamais aucun ne soit suivi d'effet. C'est attristant, sur le constat, nous sommes à peu près tous d'accord.
Sur l'illisibilité des compétences, nous sommes d'accord. Y a-t-il quelqu'un qui comprenne quelque chose au fait que les lycées relèvent des régions et les collèges des départements ? Et que naturellement pour les cités scolaires, quand il y a les deux, il faut naturellement un accord entre le département et la région. Et encore, dans ce cas précis, le partage des compétences est relativement lisible. Mais il n'y a qu'un petit nombre de compétences des collectivités dans cette situation. La règle générale est l'enchevêtrement, soit parce que les compétences sont partagées, soit parce qu'elles sont déléguées.
Je ne parle pas, bien évidemment, de la clause générale de compétence que la loi reconnaît aux collectivités et qui fait que chacun intervient sur ce qu'il veut dès lors qu'il estime qu'il a un intérêt local à agir. Lorsque tout le monde se mêle de tout, personne n'est responsable de rien. Y a-t-il encore quelqu'un pour penser qu'il n'y a rien à changer ?
Les financements croisés procèdent de la même logique. D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, ils sont souvent la conséquence même de l'enchevêtrement des compétences. Mais ils renforcent l'impression de confusion.
Le plus grave à mes yeux, ce n'est pas tant cette confusion des compétences que l'irresponsabilité à laquelle elle conduit. C'est particulièrement vrai en matière de fiscalité locale. Je ne sais pas si la spécialisation des impôts locaux est la solution. Mais ce que je sais, c'est que lorsqu'on ignore qui est l'origine de l'augmentation des prélèvements, cela déresponsabilise tous les acteurs de la chaîne. Le contribuable ne sait pas ce qui relève de la part régionale, ce qui relève de la part départementale ou de la part communale, les différents acteurs sont moins regardants lorsqu'il s'agit de revoir sans cesse à la hausse les impôts locaux. Il ne faut accuser personne. Depuis 5 ans le produit de la fiscalité locale a augmenté de 28 %. La part régionale de 54 % et la part départementale de 36,5 %.
Ce sont les raisons pour lesquelles lorsqu'on me dit :
« C'est de la folie. La réforme des collectivités territoriales, tu n'y penses pas. Combien s'y sont cassé les dents !»,
J'ai envie de répondre :
« C'est vous qui êtes fous. C'est vous qui ne voyez pas que les élus n'en peuvent plus de ce système. C'est vous qui ne voyez pas que les élus sont les premiers à vouloir de ce changement. Parce que ce sont eux qui en subissent les conséquences au quotidien. Ce sont eux qui effectuent le parcours du combattant pour porter leurs projets parce que les interlocuteurs sont multiples. »
Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour parler du contenu de la réforme. Je ne peux pas, d'un côté dire il faut la concertation, il faut le consensus et annoncer, alors que cela commence, le résultat. Mais si la page est encore blanche, il faut qu'on l'écrive ensemble. Et je me porte garant du fait que toutes les questions seront posées, que toutes les pistes seront explorées, expertisées, qu'aucun sujet ne sera tabou et puis il faudra qu'on décide, quelque part après les élections européennes, avant l'été 2009.
C'est bien la raison pour laquelle nous avons créé, autour d'Edouard BALLADUR, un comité de réflexion pluraliste, comprenant des personnalités respectées, incontestables, venues d'horizons politiques divers et disposant d'une expertise particulière.
Edouard BALLADUR remettra le fruit de ses travaux avant la fin du mois de février. S'ouvrira alors le temps d'appropriation par tous les élus de ce rapport et de ses conclusions.
Députés et sénateurs. Parlementaires de la majorité ou de l'opposition. Conseils régionaux ou conseillers généraux. Maires et conseillers de Paris. Je souhaite que chacun prenne sa part à ce débat et qu'on décide, qu'on donne là aussi le sentiment qu'on est une démocratie mature. Bien sûr, je connais la force du département, je connais l'attrait de la région mais on ne va pas continuer comme cela. Je prends un engagement, au nom du Premier ministre et du gouvernement : nous voulons changer les choses.
Par ailleurs, on a trop d'échelons. Je crois que M. MAUROY a parfaitement raison : on n'a pas de vrai statut d'agglomération. Le Maire de Paris sait bien que, pour moi, le grand Paris, cela compte. Pour lui, aussi. Peut-être qu'on n'a pas la même vision. Mais, enfin, est-ce que l'on peut adapter les mêmes règles pour une région de 12 millions d'habitants avec un problème à un moment que pour une autre ? Tout ceci nous les mettrons sur une table et il faudra que quelque part, autour de l'été, l'automne 2009, on prenne des décisions.
Mesdames et Messieurs, je ne voudrais pas naturellement abuser de ce propos. Je voudrais également en terminant former les voeux que la France, sur le plan international, continue à être au service de la paix, des droits de l'Homme. À tous ceux qui s'interrogeaient pour savoir, pourquoi nous avions décidé d'aller au Proche-Orient, c'est parce que les images que l'on voit sont insupportables pour tout le monde, que vous soyez de gauche, de centre ou de droite. Il n'y a pas aujourd'hui un leadership américain et quand bien même, il y aurait un leadership américain, je reste convaincu que l'Europe, une Europe indépendante, imaginative, autonome a quelque chose à dire. C'est ce que je voulais faire comprendre à tous nos interlocuteurs. Le problème de Gaza n'est pas qu'un problème régional, c'est un problème mondial. Parce que les affrontements là-bas peuvent conduire à une fracture durable entre l'Occident et l'Orient. Est-ce que nous pourrions la supporter ? Est-ce que nous sommes si loin de cela ? Alors, bien sûr, la situation est très difficile, mais ils ont besoin de femmes et d'hommes de bonne volonté pour les aider à se comprendre et à parler, et pour amorcer une sortie de crise. La France a condamné l'entrée de l'armée israélienne dans Gaza. Et la France a condamné le lancement des roquettes par le Hamas. J'espère de tout coeur que l'initiative que nous avons prise avec le Président MOUBARAK permettra de trouver les voies de l'apaisement. Il faut que les armes se taisent. Nous n'avons pas le temps. Elles doivent se taire tout de suite parce que la situation est catastrophique et c'est le rôle de la France de porter un message de paix et de rassemblement.
Mesdames et Messieurs, merci d'avoir accepté notre invitation.
Merci aux Parlementaires de la majorité de leur soutien.
Merci aux Parlementaires de l'opposition de leur présence.
Merci aux élus de la Ville de Paris et puis merci à tous d'avoir, au fond, ce point commun d'être passionnés de la France, de son avenir et de son destin.
Bonne année.