1 janvier 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur le rôle des personnels des services publics, les incendies de voitures, la question des sans domicile fixes et sur la réforme de l'hôpital, à Paris le 1er janvier 2008.

Mesdames et Messieurs,
Comme l'an dernier, j'ai tenu à ce que la première réception de l'année à la Présidence de la République vous soit consacrée.
Grâce à chacun d'entre vous, des millions de Français ont pu changer d'année cette nuit dans les meilleures conditions. Il était donc juste que vous soyez les premiers à être distingués par la République. Au nom de la Nation, je tiens à vous témoigner notre reconnaissance pour votre dévouement au service de l'intérêt général.
Cette nuit, pendant que tant de nos compatriotes partageaient un repas de fête en famille, vous étiez aux côtés des malades, des voyageurs, des défavorisés, des personnes privées de gaz ou d'électricité, des victimes d'infractions ou d'accidents de la vie. Pendant que beaucoup de nos compatriotes s'offraient une parenthèse dans une vie souvent difficile, vous teniez votre poste, disponibles et attentifs aux autres.
Les Français savent qu'ils peuvent compter sur vous. Ils savent qu'ils seront protégés, soignés, transportés, chauffés et éclairés, qu'ils seront secourus s'ils en ont besoin.
Je pense donc aux gaziers et aux électriciens, sans qui aucun des autres services d'intérêt général ne pourrait fonctionner.
Et quand tout cela ne marche plus, vous faites preuve d'une réactivité et d'un professionnalisme admirables. Cette année encore, votre capacité de mobilisation a été exemplaire, alors que des tempêtes de neige sans précédent s'abattaient sur le Sud de la France et le Massif central, privant plus de 100.000 foyers d'électricité. Merci donc à vous.
Je pense aux cheminots, qui ont été également mis à rude épreuve par les intempéries de fin d'année. La SNCF transporte tous les ans plus d'un milliard de personnes sur ses 32.000 kilomètres de lignes. Ce milliard de personnes, ce doit être une fierté pour vous, c'est la meilleure preuve de la confiance que nos compatriotes placent dans votre travail.
Avec vos 45.000 collègues de la RATP, vous avez accompagné les Français pendant cette nuit de réveillon, en adaptant vos horaires et en multipliant la fréquence de vos trains, de vos bus, de vos tramways, de vos métros et de vos RER. La RATP, c'est près de trois milliards de voyageurs franciliens transportés tous les ans.
Je veux dire aux gaziers, aux électriciens, aux cheminots et aux agents de la RATP que le Plan de relance de l'économie prévoit une accélération sans précédent des investissements que vos entreprises consacrent à la modernisation de vos réseaux : 2,5 milliards d'euros de plus qu'en 2008 y seront consacrés chez EDF en 2009, 200 millions d'euros de plus chez GDF-SUEZ, 450 millions de plus à la RATP et 300 millions de plus à la SNCF. J'insiste : ces sommes s'ajouteront aux investissements initialement prévus. Au total, c'est près de 4 milliards d'euros supplémentaires qui seront investis pour moderniser vos entreprises et vos réseaux. C'est absolument sans précédent.
Je veux également saluer, chère Michèle ALLIOT-MARIE, les forces de sécurité, les policiers, les gendarmes, les pompiers. La nuit de la Saint-Sylvestre n'est pas une nuit comme les autres pour vous. Alors qu'elle est, pour beaucoup, synonyme d'allégresse et de réjouissance, vous savez combien cette nuit peut sombrer dans la violence et dans le drame.
Cette nuit encore, vous avez eu fort à faire, il y a toujours des gens insensés, même si cela a été relativement calme par rapport à ce que l'on a connu parfois. Il y a toujours des gens insensés qui trouvent un malin plaisir à mettre le feu aux voitures des autres, à priver des familles de leur moyen de transport, à empêcher des travailleurs de gagner leur vie, à enfoncer un peu plus les plus fragiles dans la difficulté. J'ai demandé aux ministres de l'Intérieur et de la Justice d'être intraitables avec ces irresponsables qui réduisent en cendres un instrument de travail indispensable. Je demande par ailleurs à la Garde des Sceau de veiller à ce que dès demain matin, des fonctionnaires soient spécialement affectés à l'accueil et à l'information des victimes d'incendies de véhicules dans le ressort du TGI de leur domicile.
Je souhaite également à ce qu'on réfléchisse à la possibilité pour les juridictions pénales d'interdire à un mineur condamné pour des faits d'incendie de véhicule de passer un permis de conduire un véhicule 2 ou 4 roues, aussi longtemps que la victime des faits ou le fond de garantie n'a pas été indemnisé en totalité. Il n'y a aucune raison que ce soit les honnêtes gens qui aient à payer les conséquences de comportement de délinquants. On va arriver au bout de ce phénomène. Si certains veulent s'amuser avec cela, tant qu'ils n'auront pas régler les conséquences de leur forfait, ils ne passeront pas le permis de conduire ni pour 2 roues, ni pour 4 roues.
Il nous faut en outre davantage faire appel, et chère Michèle, je sais que c'est ta priorité, à la vidéosurveillance dont le déploiement est indispensable pour dissuader les auteurs de ces forfaits et faciliter leur identification après le passage à l'acte.
Je voudrais également ne pas oublier que votre ardeur à servir les autres, certains d'entre vous la paient de leur vie. Je veux à ce titre saluer la mémoire de Jérôme Gâteau, qui a perdu la vie le jour de Noël en secourant deux personnes prises dans un incendie à Carcassonne. Que sa famille et ses proches sachent que nous n'oublierons pas Jérôme Gâteau.
A travers vous, qu'il me soit d'ailleurs permis de saluer vos familles et de leur rendre hommage. Je n'ignore pas le rôle essentiel qu'elles jouent auprès de vous car votre engagement, c'est aussi le leur.
Particulièrement aujourd'hui, je vais également distinguer plus spécialement l'action des services sociaux, du Samu social, de la Brigade d'Aide aux Personnes Sans Abri et de toutes les associations qui portent assistance aux femmes et aux hommes qui sont aux marges de notre société. Vous êtes de ceux qui donnent par votre travail, corps, au mot « Fraternité » qui est inscrit dans notre devise et au frontispice de nos équipements publics.
Ces derniers mois ont été très durs pour vous. Ils ont été endeuillés par la mort de plusieurs sans-abri. Je le dis clairement : ces morts ne doivent rien à la fatalité et ces morts de sans-abri sont insupportables. C'est pourquoi j'ai souhaité que l'on porte rapidement le nombre de places en hébergement d'urgence à 100.000, c'est-à-dire à un niveau encore jamais atteint. J'ai vu que certains trouvaient que c'était insuffisant. Je me demande, si le niveau jamais atteint d'aujourd'hui est insuffisant, pourquoi ils n'ont pas fait mieux lorsqu'ils étaient aux responsabilités ? Après tout. On a parfaitement le droit de considérer que 100 000 places pour les sans-abri, c'est insuffisant. Mais dans ce cas là, alors que c'est un niveau jamais atteint, pourquoi cela n'a pas été fait avant, si c'était si facile ?
Je n'ignore pas qu'un certain nombre d'exclus ne souhaitent pas rejoindre ces hébergements d'urgence, pour des raisons qui leur appartiennent et qui ne sont pas toutes infondées, comme le refus par exemple, d'abandonner leur animal domestique, la peur d'avoir affaire aux autorités officielles ou tout simplement la honte de donner à voir leur déchéance. C'est leur liberté de choix et nous devons la respecter. On ne peut accepter que l'on contraigne ces femmes et ces hommes à rester dans un endroit contre leur gré. L'hébergement d'urgence ce n'est pas la prison. Mais encore faut-il que les conditions d'exercice de cette liberté soient réunies. Cela suppose un niveau minimal de lucidité sur sa situation et les risques auxquels on s'expose. Et chacun le sait bien, tout les sans-abri ne sont pas toujours en état de porter un jugement lucide sur leur situation et les risques qu'ils encourent en refusant l'hébergement qui leur est proposé. Nous n'avons pas le droit, même au nom d'un idéal de liberté, de laisser mourir de froid des femmes et des hommes livrés à eux-mêmes dans la rue.
Il faut donc mettre ces hommes et ces femmes en situation de décider, après leur avoir donné à manger un bon repas chaud, leur avoir proposé de les soigner, leur avoir permis de prendre une douche, puis leur avoir montré la chambre ou le lit qu'on leur offre. Si la personne ne veut pas, alors elle retourne dans la rue, c'est son choix et elle peut enfin exercer sa liberté de manière lucide et éclairée. Vous comprenez bien : une personne on ne la laisse pas mourir dans la rue. On la conduit dans un lieu d'hébergement, on la nourrit, on la soigne, on lui permet de se laver, on lui montre la chambre et le lit. Si elle veut partir, elle part. Si elle veut rester, elle reste. Mais on ne laisse pas mourir en 2009 des femmes et des hommes dans la rue, dans un des pays les plus riches du monde. Il me semble qu'en agissant ainsi, on concilie notre devoir d'assistance à personne en danger et le respect de la liberté. Car l'hébergement d'urgence, ce n'est pas, cela ne doit jamais être bien sûr la privation de liberté. Voilà les directives que je demande instamment au gouvernement et aux préfets d'appliquer sur tout le territoire. Sur ce dossier tellement complexe et si douloureux, il faut que chacun sorte des postures idéologiques. La seule ligne qui vaille, c'est une ligne pragmatique mue par une seule ambition, celle qui doit tous nous rassembler : sauver des vies.
Sauver des vies, c'est aussi le rôle des médecins et plus largement de tous les personnels de santé, que je veux saluer tout particulièrement aujourd'hui. Je dis les choses comme je les pense. Je n'ai pas aimé la façon dont on a parlé des hôpitaux et des personnels qui les font fonctionner. Parce que le dévouement et la compétence que l'on trouve dans nos hôpitaux publics, c'est admirable. J'en ai entendu beaucoup qui ont parlé des hôpitaux, ils n'ont pas dû s'y rendre souvent.
Je comprends et je partage évidemment l'émotion suscitée par des drames tels que ceux qui ont récemment endeuillé l'hôpital et les familles des victimes : le décès d'un enfant de trois ans à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris à cause d'une erreur de manipulation dans l'administration d'un médicament £ le décès à Paris d'un homme de 56 ans, victime d'un malaise cardiaque, et qui a dû attendre de trop longues heures avant d'être pris en charge dans un service de réanimation ou l'évasion de l'hôpital psychiatrique Edouard Toulouse à Marseille d'un schizophrène auteur d'un meurtre barbare en 2004. Il vient d'être retrouvé et interpellé à Aix-en-Provence. Je m'en réjouis et je tiens à saluer une nouvelle fois les services de police et de gendarmerie, dont il est inutile de rappeler combien ils sont efficaces en France. Je veux d'ailleurs les assurer de mon soutien et de ma confiance.
Les enquêtes diligentées détermineront les dysfonctionnements et les responsabilités en cause. Je veillerai à ce que toutes les conséquences en soient tirées. S'il y a des responsables, il y aura des sanctions. On ne peut pas se contenter de dire : « c'est le système ». Mais il me semblerait profondément injuste que ces drames jettent le discrédit sur l'hôpital et ses personnels dans leur ensemble, comme il m'apparaîtrait profondément déplacé que ces drames soient exploités au service de polémiques médiocres qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. L'hôpital et ses personnels méritent beaucoup mieux que cela.
Figurez-vous que je vais très souvent dans les hôpitaux, à Paris et en province. Je discute souvent avec les personnels hospitaliers, ainsi qu'avec les malades et leurs familles lors de mes visites.
A chaque fois, je suis impressionné par la grande compétence, le professionnalisme, le dévouement des médecins, des infirmières, des aides soignantes comme des personnels administratifs. A chaque fois je vois un investissement personnel et une passion pour leur métier absolument hors du commun, qui vont bien au-delà des exigences professionnelles que l'on demande à chacun. A chaque fois, je suis admiratif devant la capacité à prendre rapidement des décisions qui sauvent des vies. Je pense notamment aux urgentistes, à qui je veux dire ma gratitude. Depuis plusieurs années, les services d'urgence sont au confluent des principales carences de notre système de santé et en subissent tous les effets négatifs. Ils sont déstabilisés en aval par les dysfonctionnements internes à l'hôpital, et en amont par l'insuffisance de synergies organisées entre les soins hospitaliers et les soins de ville.
Cela montre que l'immobilisme n'est pas une option, et que c'est moins la question des moyens qui doit être posée, que celle du déficit d'organisation et de modernisation. Je veux d'ailleurs redire l'erreur grave qu'a constituée la généralisation des 35 heures à l'hôpital public, qui n'a rien arrangé. Parce que l'on oubliait que l'hôpital public est ouvert du 1er janvier au 31 décembre, de jour comme de nuit, le week-end compris. Alors allez mettre les 35 heures sans prévoir des adaptations, et vous compliquez la tâche des personnels sans leur donner les moyens d'y faire face. Ecoutez, si l'augmentation indéfinie des moyens était la réponse à tout, cela se saurait car cela fait plus de 20 ans que les financements alloués au fonctionnement de l'hôpital ne cessent de progresser.
L'hôpital doit se réformer. L'hôpital doit être mieux organisé. L'hôpital doit davantage coopérer avec les autres établissements, avec les médecins de ville, avec les maisons de retraite. C'est l'objet du projet de loi qui sera débattu au Parlement dans les toutes prochaines semaines.
Nous aiderons les hôpitaux qui s'engageront dans la réforme. Le plan d'investissement « Hôpital 2012 » représente un effort d'investissement de 10 milliards d'euros entre 2008 et 2012. 250 projets ont déjà été retenus, pour un investissement total d'1.8 milliard d'euros.
Les hôpitaux psychiatriques ne seront pas oubliés. Un plan d'investissement spécifique a été prévu pour eux. 342 opérations de modernisation doivent être réalisées d'ici à 2010 pour un montant sans précédent d'1,5 milliard d'euros. Et j'ai annoncé des moyens supplémentaires pour renforcer la sécurité des hôpitaux psychiatriques. L'actualité récente nous montre combien cela est nécessaire. Les établissements psychiatriques ont besoin de plus de moyens de surveillance, de plus d'unités fermées et de plus d'unités pour malades difficiles. Je ne veux pas que les malades aillent en prison. Je veux dire les malades, psychiatriquement parlant. Mais s'ils ne vont pas en prison, je ne veux pas non plus qu'ils restent dans la rue. Parce que j'ai un devoir de sécurité vis-à-vis de l'ensemble des citoyens. S'ils ne vont pas en prison, parce que la prison ce n'est pas pour les malades, s'ils ne vont pas dans la rue, il faut bien que l'on prévoit dans l'hôpital des structures d'accueil différenciées pour des malades qui sont dangereux pour eux-mêmes et pour la société.
Vous l'aurez compris, la réforme de l'hôpital est pour moi une réforme essentielle. Nous avons de grandes ambitions pour l'hôpital et croyez bien que nous ne les décevrons pas.
Mesdames et messieurs, enfin, notre pays est fier de pouvoir compter sur votre dévouement et votre compétence. A la place qui est la vôtre, vous garantissez la permanence de l'Etat et la continuité des services essentiels à la population. Je souhaitais donc vous en remercier de façon chaleureuse, je l'espère, et en tout cas solennelle.
Si vous me permettez en terminant je voudrais saluer et féliciter le personnel de l'Elysée qui, lui aussi, a veillé hier soir et a travaillé toute la journée pour vous accueillir. Il travaille beaucoup, tout au long de l'année. Je veux saluer les gardes républicains, le service de permanence ou du standard téléphonique, qui sont les piliers de la Présidence. Je veux également souligner l'importance du service des travaux et de l'audiovisuel, qui vraiment n'ont pas été préservés durant l'année dernière et qui auront encore plus de travail l'année prochaine.
A vous tous, c'est donc du fond du coeur que je vous souhaite, ainsi qu'à vos familles et à vos proches, une très bonne année 2009. Plus que jamais, en cette période de crise où s'annoncent des difficultés plus grandes pour nos compatriotes les plus fragiles, les Français comptent sur l'Etat. Vous représentez l'Etat, les services publics. Il était normal en tant que chef de l'Etat que je vous reçoive, que je vous dise la reconnaissance la nation et si vous le permettez que je forme pour vous et pour vos familles des voeux chaleureux, des voeux très sincères, des voeux très amicaux.
Que 2009 vous épargne les douleurs les plus grandes, notamment celles qui concernent votre santé. Et si jamais par extraordinaire tel ou tel d'entre vous, d'entre nous, devait connaître des problèmes de santé, que vous ayez la force de les surmonter. Avec l'entourage familial et amical qui permet dans les cas de coup dur de s'appuyer sur une épaule amie.
Vous l'avez compris, c'est pour moi un très grand bonheur de commencer la série de voeux par de hommes et des femmes comme vous, qui aimez votre métier et qui le faites bien.
Je vous remercie.