30 octobre 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les mesures en faveur des entreprises et de l'emploi face à la crise économique, à Paris le 30 octobre 2008.

Monsieur le Premier ministre,
Madame la Ministre de l'Intérieur,
Madame le Ministre,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Trésoriers Payeurs Généraux,
J'ai pris l'initiative inhabituelle de réunir ici même, à l'Élysée, les préfets et les trésoriers payeurs généraux de France. Je l'ai prise parce que notre pays vit comme le reste du monde une situation de crise économique brutale et que l'État et ses représentants ont une responsabilité critique dans la manière dont vont se passer les prochains mois.
Depuis un mois et demi, les acteurs économiques sont désorientés, les marchés ne savent plus où ils vont, et le principal facteur de crise, la cause des faillites plus que leur conséquence, c'est l'anxiété. Une anxiété irrationnelle et généralisée. Les ménages et les entreprises ne sont pas surendettés, le prix du pétrole a baissé de moitié, le dollar est remonté de 25%, beaucoup d'entreprises sont rentables. Mais l'affolement peut conduire l'économie entière à sa perte. Le seul acteur capable de redonner une visibilité, de montrer une direction, d'apaiser les craintes, c'est l'État.
C'est l'État ici, à Paris, Monsieur le Premier ministre, c'est l'État dans les instances internationales, mais c'est également l'État dans chaque département et dans chaque préfecture. Je vous ai réunis parce que vous êtes l'État et que vous avez en ce moment plus qu'en tout autre la responsabilité d'incarner la stabilité, d'assurer la continuité, et de rassurer les acteurs économiques.
Nous avons pris ces dernières semaines à l'échelle mondiale, à l'échelle européenne et à l'échelle nationale des décisions essentielles dont il faut bien dire qu'elles sont sans précédent. C'est désormais à vous, Mesdames et Messieurs les trésorier payeurs généraux, Mesdames et Messieurs les préfets, de vérifier et de démontrer que ces mesures concernent en réalité chaque agence bancaire, chaque PME, chaque ménage dans chaque département de France. C'est pour cela qu'avec le Premier ministre, la ministre de l'Intérieur et le gouvernement, nous vous avons réunis.
Nous vous demandons donc trois choses : être réceptifs, être réactifs et être mobilisateurs.
Être réceptifs, c'est vous organiser pour que toutes les entreprises, et notamment les PME, qui rencontrent des difficultés brutales et inattendues à cause du resserrement du crédit trouvent en vous un interlocuteur qui les écoute, qui les comprenne et qui traite leur dossier. Lorsque des banques prennent le prétexte d'un dépassement de découvert de 20 euros pour couper une ligne de trésorerie, lorsqu'un assureur crédit réduit sans préavis ses encours sur une filière entière, lorsqu'un investissement financé il y a quinze jours devient subitement infinançable, il faut que vous en ayez connaissance, que vous réagissiez face à des comportements intolérables qui ne seront d'ailleurs pas tolérés.
Les banques que j'ai rassemblées ici aujourd'hui ont passé un pacte moral avec la nation. Parce que l'État devait préserver la stabilité du système, l'État a mobilisé sa signature à hauteur de 360 milliards d'euros, l'État a injecté plus de 10 milliards d'euros de capitaux. Je le dis aux banquiers ici présents qui le savent bien, l'État n'a pas fait cela pour les banques elles-mêmes. L'État l'a fait pour éviter une coupure dramatique du crédit à l'économie, aux entreprises et aux ménages. C'est à cette seule condition que la représentation nationale a voté la loi de finances exceptionnelle qui lui a été soumise en urgence par le Premier ministre et la ministre de l'Economie et des Finances. J'appelle les banques à leurs responsabilités. Dans les circonstances très exceptionnelles que nous traversons, les entreprises, notamment les plus petites, ont plus que jamais besoin de visibilité et de stabilité dans leurs financements bancaires. Pour cela, les entreprises ont besoin que leurs partenaires bancaires maintiennent leurs offres de crédit à des prix compétitifs. Je demande donc aux banques, sauf exception incontestable, de ne pas renégocier les termes et les conditions de leurs engagements actuels. Je précise que cette initiative nous la prenons le même jour, quasiment à la même heure, que le Premier ministre britannique et le Président du Conseil des ministres d'Italie.
Que les choses soient claires, avec le Premier ministre et le gouvernement, nous avons pris nos responsabilités et nous avons mis tout le crédit d'État pour sauver les banques, pour protéger l'épargne. J'entends que cet argent soit utilisé comme vous vous êtes engagés à ce qu'il le soit et pas simplement au niveau du président d'un grand groupe, au niveau de chaque directeur de banque centrale.
J'ai demandé à René RICOL, que je remercie, d'être le gardien à l'échelle nationale de ce pacte moral passé entre la collectivité nationale et les établissements de crédit. René RICOL n'aura pas hésité à aller à la télévision et devant les médias pour dénoncer les exemples de restriction inacceptable de crédit. Dans chaque département et de la part de chaque établissement, cela sera très bon, comme on dit dans certains milieux pour le benchmarking. On comparera alors qui fait son travail et qui ne le fait pas. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les trésoriers payeurs généraux et les préfets, je vous demande d'être les gardiens de ce pacte dans votre région, dans votre département. Vous êtes fondés à demander des comptes sur la destination des sommes que l'ensemble des Français a prêtées au système bancaire. Je le dis aux responsables des banques : je ne le regrette pas et si c'était à refaire, je le referais. A ceux qui nous font le reproche d'avoir mobilisé cet argent pour sauver le système bancaire de la faillite, je veux dire que si nous ne l'avions pas fait, ce sont les épargnants qui auraient été spoliés. Il faut avoir le courage de dire la vérité. Si nous n'avions pas vu ce spectacle effrayant de gens venant devant leur banque pour chercher leurs épargne parce qu'ils n'avaient plus confiance, ce n'est pas parce que les banques tenaient bien leur réseau commercial, c'est parce que l'État a apporté sa signature et son crédit, son crédit financier et son crédit politique. Mais nous ne l'avons pas fait pour qu'il n'y ait pas de résultat.
Je parle devant le gouverneur de la Banque de France, il sait la confiance que j'ai en lui, comme la confiance que j'ai dans les banques. Mais je le dis aussi : trop de risques hier, trop de prudence aujourd'hui. Les deux cas sont coupables. Que ceux qui ont pris tous les risques hier, ne viennent pas accumuler toutes les prudences aujourd'hui pour qu'après la crise bancaire, nous ayons une crise économique.
Voilà ce que l'État assume. J'en ai parlé longuement avec Gordon BROWN lorsqu'il est venu en France, avant-hier, nous sommes parfaitement d'accord là-dessus. Croyez bien, c'est parce que nous avons confiance que nous disons cela. Je le dis par ailleurs, je redis ce que j'avais dit à l'époque : lorsqu'il y a une faute dans un établissement bancaire, c'est au sommet que la responsabilité doit être assumée, pas à la base. Parce que, quand il y a une victoire dans un établissement bancaire, c'est au sommet que les bonus sont les plus grands. Les décisions qui ont été prises dans l'établissement récemment qui a connu des problèmes, je les soutiens, je les approuve quels que soient par ailleurs les liens de confiance personnelle que je peux avoir ou d'amitié avec tel ou tel. J'ai regretté que, lorsqu'il y a eu un grand sinistre dans une grande banque de France, on n'ait pas pris une décision aussi claire. Quand on refuse de prendre une décision de responsabilités au moment o?? elle doit être prise, c'est l'ensemble du système qui après doit rendre des comptes devant les Français.
Vous savez, je ne me cache pas derrière mon petit doigt ! Mais les Français non plus. Nous allons sur le terrain, les ministres, Premier ministre et moi et ils nous disent : « d'accord, vous avez apporté votre crédit aux banques, mais est-ce que vous vérifierez que les banques font leur travail ? ». Il faut que chacun en soit conscient. Nous avons pris nos responsabilités. Notre devoir, c'est d'en assurer le suivi chaque jour, chaque minute. Et c'est vous, Mesdames et Messieurs.
Alors, naturellement, il ne s'agit de changer les conditions d'un contrat, juridiquement parlant, mais sachez utiliser la publicité que donnent les médias. Quand vous voyez quelque chose qui ne va pas, dites-le ! Quand vous voyez des crédits qui sont supprimés et qui ne devraient pas l'être, dites-le ! Ne gardez pas ces informations pour vous et vous verrez que les choses rentreront dans l'ordre très rapidement. En tout cas nous n'avons pas mobilisé tous ces crédits pour regarder indifférents l'économie s'asphyxier parce qu'on ne va pas jusqu'au bout d'une logique. Parce que nous, quand il s'est agi d'intervenir, on est intervenu massivement. J'ajoute qu'on ne pouvait pas faire reproche aux banques de voir leurs capacités de crédit amoindries parce que leur valeur en bourse diminuait. Et on ne peut pas voir les mêmes banques dire à leurs partenaires industriels : ce qui nous est arrivé à nous l'Etat nous est arrivé pour nous compenser, mais vous, donnez-nous plus de garanties puisque votre cours de bourse diminue. Ce qui a valu pour les uns doit valoir pour les autres. Et cela ne veut pas dire soutenir des gens qui ne le méritent pas, cela veut dire soutenir les gens qui en ont besoin.
Je vous demande également, Mesdames et Messieurs les Préfets et les Trésoriers Payeurs Généraux, de présider chaque semaine une réunion rassemblant les principales banques de votre département ou de votre région, Oséo, et vos services économiques. Vous les réunirez toutes les semaines. Cette cellule de veille vous permettra de vous assurer que les engagements nationaux sont tenus. Vous y ferez le point sur l'évolution locale du crédit aux ménages et aux entreprises et sur la situation économique, aussi bien en matière de dynamique d'investissement que de défauts de paiement. C'est aussi l'occasion, je n'hésite pas à le dire, d'évoquer les dossiers particuliers d'entreprises qui vous paraîtront le mériter, et de rappeler à cette occasion aux organismes de crédit l'effort financier qu'a consenti la collectivité nationale. Et si les choses ne peuvent se régler raisonnablement au niveau local, appelez René RICOL.
Quand les difficultés sont avérées, je vous demande d'être réactifs. La situation est exceptionnelle et demande une rapidité d'action exceptionnelle. Je vous demande donc de présider personnellement les réunions du comité départemental d'examen des difficultés financières des entreprises, le CODEFI. N'envoyez pas vos Directeurs de Cabinet, vous y allez vous-mêmes. Sur les dossiers difficiles ou d'ampleur nationale, soyez en liaison constante avec Luc CHATEL, qui dispose d'une équipe renforcée, efficace pour piloter les dossiers de restructurations. Je demande à Christine LAGARDE et à Luc CHATEL et de renforcer les moyens du comité interministériel des restructurations industrielles. Le Premier ministre autant que de besoin, s'engagera lui-même. Vous avez un rôle de médiation essentiel dans la résolution de situations difficiles et conflictuelles. En mettant suffisamment tôt autour de la table les créanciers publics et privés, les actionnaires et les investisseurs potentiels, vous pouvez éviter que la partie viable d'une activité ne soit emportée dans la tourmente. Vous devez exercer ce rôle à fond, vous avez les moyens de l'exercer.
En amont, pour améliorer le traitement des difficultés de paiements des entreprises, je vais signer bientôt l'ordonnance qui réforme la procédure de sauvegarde. Elle permettra de restructurer en bon ordre le passif d'une entreprise et de la recapitaliser, sans pour autant déposséder le management. C'est un outil essentiel, qui sera avant tout celui des tribunaux de commerce mais qui facilitera grandement la gestion par vous de ces situations.
Mais je n'ai pas l'habitude de masquer la réalité aux Français, je ne vous la cacherai pas, nous ne pourrons pas éviter qu'il y ait des licenciements, d'ailleurs il y en a même quand il y a croissance.
A l'égard des grandes entreprises, votre rôle est néanmoins d'en limiter le nombre au maximum le nombre en poussant à fond l'utilisation par les entreprises de l'outil de la mobilité et des reclassements internes.
Et les grandes entreprises, quand elles ne peuvent éviter le licenciement, devront financer et mettre en oeuvre les moyens d'accompagner le retour à l'emploi de leurs anciens salariés. Je vous demande de veiller personnellement au respect scrupuleux de ces obligations.
Pour les entreprises de moins de 1 000 salariés, nous avons décidé, avec le Premier ministre et Xavier BERTRAND, le renforcement considérable des outils permettant d'accompagner les licenciements économiques. Ce sera d'abord le prolongement de l'expérimentation sur le contrat de transition professionnelle que nous allons élargir, c'est un succès, tous les bassins d'emploi les plus en difficultés auront le contrat de transition professionnelle. Et je le dis aux Français, en faisant cela, je reste attaché à la valeur travail. Je préfère que des gens travaillent en se formant et en prenant un autre métier plutôt que de les mettre au chômage. Le contrat de transition professionnelle n'a rien à voir avec les contrats aidés auparavant. Il ne s'agit pas de subventionner des gens pour qu'ils restent au chômage, il s'agit de les mettre au travail après un licenciement économique. Parce qu'un licenciement économique, le salarié n'y peut rien, il subit une situation économique. Donc le devoir de l'Etat ce n'est pas de le laisser tomber, ce n'est pas de l'accompagner au chômage avec de quoi survivre, c'est lui donner les moyens d'apprendre un nouveau métier, de l'accompagner avec un suivi personnalisé. C'est cela notre politique : le travail, le travail et encore le travail. Mais avant le travail il faut la formation parce que ce n'est pas qu'une question de volonté c'est aussi une question de moyen. Voilà le coeur de notre politique. Deuxièmement, pour le reste du territoire, pour les bassins d'emploi les plus en difficulté, pour l'ensemble du territoire, nous demandons avec le Premier ministre à Laurent WAUQUIEZ et Christine LAGARDE d'engager tout de suite une concertation étroite avec les partenaires sociaux pour trouver un contrat qui viendra remplacer ce qui existe aujourd'hui et ne marche pas, et qui ne sera pas tout à fait le contrat de transition professionnelle. Même logique : tout pour le travail, tout pour mettre les gens au travail, tout pour valoriser le travail. C'est la politique que nous voulons mettre en oeuvre. Alors Laurent WAUQUIEZ et Christine LAGARDE le feront dans le cadre d'une concertation étroite avec les partenaires sociaux parce que tant les négociations sur l'assurance chômage que sur la formation professionnelle sont concernées il faut maintenant que cela débouche. Je la dis à Laurent comme à Christine, c'est le dernier discours que je fais sur la nécessité d'une réforme de la formation professionnelle. Le prochain c'est pour prendre des décisions. Alors soit les partenaires sociaux le font et dans ce cas-là c'est parfait, soit ils ne le font pas et dans ce cas-là l'Etat prendra tout de suite ses responsabilités. Mais on ne va pas continuer comme cela. Je lis ici ou là qu'on va trop vite, je pense tellement qu'on ne va pas assez vite. 15 mois pour discuter de l'évolution de la formation professionnelle dans un pays qui sait depuis 20 ans que cette formation professionnelle ne produit pas 50% de ce qu'elle devrait produire ! Il faut maintenant réorienter les crédits vers les Français qui en ont le plus besoin, c'est cela la formation professionnelle. Il faut qu'on y aille.
Enfin, pour les personnes qui sont dans les situations les plus difficiles et que la crise va fragiliser bien sûr davantage, on a actionné les contrats aidés du secteur non marchand. Pourquoi ? Parce que les êtres humains, cela compte, et qu'il vaut mieux donner un contrat aidé dans le secteur non marchand à des personnes qui ne peuvent pas prendre un contrat dans le secteur marchand. Il y a ceux qui trouvent qu'on en fait trop. Qu'est-ce qu'ils proposent ? De laisser nos compatriotes les plus fragiles sans rien faire à la maison avec le RMI ? Ce n'est pas la philosophie politique. Je préfère le travail, le travail, toujours le travail. Alors le travail idéal, c'est le travail dans le cadre d'un contrat marchand. Eh bien, s'il y a une personne qui n'est pas capable de prendre tout de suite un contrat dans l'entreprise, on lui proposera un contrat dans le secteur non marchand. Pourquoi ? Parce qu'on veut tout baser sur le travail, sur l'activité. J'ajoute à ceux qui voudraient des détails qu'effectivement, avec le ¨Premier ministre, nous avons demandé au gouvernement d'augmenter à 330 000 le nombre d'embauches dans le projet de loi de finances, 100 000 de plus que ce que nous avions envisagé. Je rappelle qu'en 2006, en pleine croissance on était à 400 000 contrats aidés. Naturellement les contrats aidés quand il y a de la croissance, cela ne sert à rien mais quand il y a la crise cela sert à maintenir la tête hors de l'eau de ceux de nos compatriotes qui n'ont plus rien. Et mon devoir de Président de la République ce n'est pas de les laisser tomber. Alors après, les idéologues, les professeurs sur ce qu'il faudrait faire et ce qu'ils n'ont jamais fait, les théoriciens de la fatalité et du on n'y peut rien, je les laisse. Nous, nous avons à gérer un pays dans une crise mondiale sans précédent. Donc on utilise tous les outils. Je vous demande de les utiliser à plein.
Et Laurent WAUQUIEZ vous indiquera la répartition de ces contrats aidés pour 2009 entre vos différentes régions. Je souhaite que vous veilliez personnellement, mois après mois, à ce qu'ils soient utilisés et bien utilisés. On aura d'ailleurs un tableau de bord national pour vérifier qu'on reste en phase avec les objectifs.
Bien utiliser ces contrats, c'est éviter que leurs bénéficiaires ne reviennent, en fin de contrat, à la case départ : le RMI ou le chômage. Laurent WAUQUIEZ prépare un plan d'action pour veiller à ce qu'une véritable offre de services soit destinée aux bénéficiaires, en cours même de contrat, pour leur donner le maximum de chances d'obtenir à la sortie un emploi dans une entreprise. Ces contrats sont financés par l'argent de l'Etat. Il est de votre responsabilité de vous assurer qu'il est correctement utilisé. Je demande donc aux préfets de faire régulièrement le point avec les responsables de Pôle Emploi dans les départements et les régions, pour veiller à ce que les consignes soient suivies à la lettre.
Des instructions ont également été données à Pôle Emploi pour faire preuve d'une réactivité exemplaire face à la crise. Comprenez déjà qu'en croissance, il y ait d'offres d'emploi non satisfaites, c'est un scandale. Mais en récession, en difficulté économique, qu'il y ait des offres d'emploi non satisfaites, c'est inacceptable. Il est inacceptable que des entreprises ne parviennent pas à recruter aujourd'hui. Il est inacceptable qu'on attende 4 mois avant de recevoir des demandeurs d'emploi en fin de mission d'intérim ou de contrat à durée déterminée. Mais dans quel monde vivons-nous ? On perd son intérim, on perd son CDD, on est reçu tout de suite par Pôle Emploi. Pourquoi attendre 4 mois au chômage ? C'est cela qui coûte de l'argent. C'est cela qui coûte cher. C'est cela qui brise les gens.
Les politiques de l'emploi, ce sont des politiques de l'Etat. Votre responsabilité, dans vos départements et dans vos régions, est donc de vous assurer que le service public de l'emploi est totalement mobilisé.
S'agissant de la préservation de l'activité et l'accompagnement des salariés, je vous demande enfin d'être réactifs pour revitaliser les territoires. Vous avez les contrats territoriaux, vous avez les contrats de site, vous avez le fonds national d'aménagement du territoire. Vous avez le nouveau fonds, le fonds national de revitalisation des territoires dont j'ai annoncé la création à Noyelles-Godault. Il n'a pas vocation à se substituer à l'obligation de revitalisation qui pèse sur les entreprises de plus de 1000 salariés. Mais il reste le cas d'entreprises moyennes comme Métaleurop ou Smoby, qui sont en cessation de paiements et dont les difficultés fragilisent un bassin d'emploi entier. Pour celles-là, nous avons créé le nouveau fonds. Il faut l'utiliser.
Ce fonds sera actionné sur une décision nationale conjointe du ministre de l'Industrie et du ministre de l'Aménagement du territoire, qui décideront que la situation d'un territoire justifie son emploi. Ils définiront alors une enveloppe mise à la disposition des projets d'investissements des entreprises sur ce territoire, sous forme de quasi fonds propres, versés à des conditions préférentielles. Oséo assurera l'instruction des dossiers sous votre coordination. Je demande au président d'Oséo de donner à ses directeurs régionaux des consignes d'étroite coordination avec les préfets.
Je voudrais vous dire deux mots du fonds stratégique d'investissement que nous allons mettre en place avec la Caisse des Dépôts, pour éviter tout malentendu. Ce fonds a vocation à intervenir dans des PME comme dans de grandes entreprises, donc à investir éventuellement dans des entreprises de votre région, des entreprises quelles qu'elles soient. Mais ce n'est pas un outil dédié aux entreprises en difficulté. Ce fonds n'investira pas comme un fonds privé, il va cibler les entreprises qui disposent de compétences et de technologies clés, parce que ce fonds vise le long terme, parce qu'il ne sera pas affecté par la crise du crédit mais au contraire renforcera son activité en période de crise. Ce fonds placera l'argent des Français. Il n'a pas vocation à le perdre pour retarder, sans les empêcher, les restructurations inéluctables. Il aura un comité d'investissement qui suivra des règles et l'une de ces règles sera de choisir des bons projets. Christine LAGARDE travaille intensément avec la Caisse des Dépôts pour le mettre en place. Il sera installé dans trois semaines. Dans l'immédiat, CDC Entreprises, à qui j'avais demandé l'an dernier de doubler son activité, continuera plus que jamais à investir en fonds propres dans les PME en croissance. Mais si vous avez des entreprises que vous sentez menacées alors qu'elles ont un avenir, le fonds servira à intervenir.
J'attends enfin de vous que vous jouiez un rôle de mobilisation collective, des services de l'État bien sûr, mais aussi des acteurs économiques et des collectivités locales. Que les régions donnent à plein sur leurs compétences en matière de soutien à l'activité économique et en matière de formation professionnelle. Un dossier vous est remis qui présente et explique les trois séries de mesures prises depuis le début de la crise pour stabiliser le système bancaire, pour soutenir les entreprises et pour soutenir l'emploi, notamment l'exonération totale et définitive de la taxe professionnelle sur tous les investissements. Nous avons décidé de relancer par l'investissement, par l'innovation, par la connaissance, par la recherche. La France a maintenant le meilleur système fiscal de soutien à la recherche, le crédit impôt recherche à 30%. L'exonération de la taxe professionnelle de façon totalement transparente et complète nous est demandée depuis 20 ans. C'est fait. C'est décidé. Je demande aux préfets d'exposer dès demain à la presse et au grand public, aux intervenants économiques dans votre département, cette mesure, le sens du plan bancaire, et l'ensemble du dispositif mis en place pour les entreprises et les salariés. Allez aux contacts de la population et des entreprises. Montrez leur la boîte à outils que nous avons mis à leur disposition. Allez-y et c'est ainsi que l'on sortira de la crise et que l'on en sortira renforcer.
Je sais que vous traversez une réforme importante de l'organisation territoriale, et que vos services sont en pleine réorganisation. D'accord, que cela ne vous empêche pas d'y aller quand même. Les investissements du Grenelle de l'environnement, le plan Campus, le soutien massif à l'innovation par le crédit impôt recherche, ce sont des bonnes nouvelles. Il faut aussi les expliquer.
J'insiste particulièrement sur la loi de modernisation de l'économie et le sujet des délais de paiement. L'État doit être absolument irréprochable sur son engagement de payer dans les 30 jours. Comment pouvons-nous faire respecter une règle si on ne l'applique pas nous-mêmes ? Christine LAGARDE et Eric WOERTH vont suivre un tableau de bord région par région et département par département des délais de paiement de l'État. J'ajoute que nous n'avons pas voulu contraindre collectivités locales et hôpitaux à agir de même, mais que ce serait une réponse simple et saine à la question des liquidités des entreprises dont il faut rechercher la mise en oeuvre sur la base du volontariat. Je vous demande donc de réunir les ordonnateurs et les comptables concernés pour leur demander un engagement volontaire dans cette direction. L'objectif, c'est un paiement en 30 jours partout où c'est possible. Je ne vois pas pourquoi on attendrait cela d'une PME si un organisme financé par l'argent public n'y arrive pas. Sur ce sujet des collectivités locales et hôpitaux aussi, je souhaite la tenue d'un tableau de bord. Voilà, Mesdames et Messieurs.
Vous êtes les plus hauts fonctionnaires de la République, et la République a besoin de vous. Nous sommes face à une crise financière et économique sans précédent. Les Français font confiance en l'Etat, à l'Etat de répondre. C'est une tâche passionnante pour chacun d'entre vous. Soyez à la hauteur de la confiance que vous témoigne l'Etat et soyez à la hauteur de la confiance que vous témoignent les Français. Engagez-vous totalement dans la lutte contre la crise. Je dis aux banquiers qui sont présents ici : on ne les a pas soutenus par des mots ou par des discours mais par des décisions. Et si ces garanties devaient un jour être utilisées, les Français demanderaient des comptes à qui ? Pas à vous. À nous et à moi. Chacun est placé aujourd'hui devant ses responsabilités. Il y a un pacte moral. Et ce pacte moral, ce n'est pas simplement de prendre un engagement national, c'est de vérifier que chacun de ses collaborateurs, dans la dernière des agences, le respecte. Il nous revient de tout côté, quand on se déplace, que ce n'est pas encore le cas. Il faut faire changer cette réalité. Parce que cette réalité est mortelle pour nous.
Mesdames et Messieurs,
J'ai confiance que notre pays va sortir de la crise plus fort. Mais à une condition, c'est que l'on se batte, que l'on se batte le matin, que l'on se batte à midi, que l'on se batte l'après-midi, que l'on se batte le soir, que l'on se batte tout le temps pour apporter les réponses que les Français attendent de nous. Ce n'est pas la peine de dire que c'est difficile. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'on a déjà tout essayé. Je suis de ceux qui pensent qu'on a été élu, en tout cas moi, par les Français pour avoir des résultats. Ces résultats, on les a par son travail, par son engagement. On ne va pas regarder cela comme un mauvais film à la télévision. Il faut s'engager totalement dans cette bataille et se tenir bien éloigné de tous ces débats théoriques qui n'ont pas grand intérêt. Les mêmes, qui me trouvaient trop libéral hier, me trouvent trop social aujourd'hui. Laissez les parler. Nous, nous avons à agir. Et cela repose sur les épaules d'un petit nombre de femmes et d'hommes, du public et du privé. La seule question qui se pose, dans quelques mois, lorsque l'on regardera cette crise : est-ce qu'on a été à la hauteur de nos responsabilités ou est-ce que l'on a failli ? Moi, je vous dis une chose : je ne laisserai pas passer les choses comme cela. Je veillerai à ce que l'on soit à la hauteur de nos responsabilités. Après, le succès viendra à ceux qui vont le chercher, pas à ceux qui l'attendent. Mais que l'on ne compte pas sur moi pour être indulgent sur le privé ou sur le public, sur l'obligation de moyens, sur la nécessité de s'engager à la hauteur de la crise que ressentent les Français. Ils sont inquiets, ils doivent sentir que le navire est piloté, qu'on forme une équipe et qu'on est décidé à les aider à traverser cette mauvaise passe.
Je vous remercie.