25 octobre 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, Wen Jiabao, Premier ministre de la République populaire de Chine, Hassanal Bolkiah, Sultan de Brunei Darussalam, et José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, sur les relations euro-asiatiques dans un contexte de crise financière et environnementale, à Pékin le 25 octobre 2008.

LE PRESIDENT - Je voudrais d'abord remercier, au nom de l'Union européenne, le Président HU Jintao et le Premier ministre WEN Jiabao pour la qualité parfaite de ce sommet et pour cette Présidence, Monsieur le Premier ministre, tout en souplesse et en rigueur. Il était très important que l'Europe et l'Asie, qui représentent plus de la moitié de l'humanité, puissent, pendant 24 heures, échanger sur tous les grands sujets. Je veux remercier le Premier ministre, WEN Jiabao, d'avoir mis la crise financière au coeur de nos débats. C'était nécessaire, c'était opportun. Cela nous a permis d'échanger en profondeur entre l'Asie et l'Europe. Chacun sait bien qu'au prochain sommet de Washington la Chine, l'Inde, la Corée du Sud, l'Indonésie joueront un rôle de premier plan. L'Europe veut avec eux et, bien sûr, le Japon, essayer de définir des positions communes sur les réponses opérationnelles à apporter à cette crise financière d'une gravité sans précédent.
Je veux dire et je le dis devant le Sultan de Brunei, combien les Européens ont été impressionnés par la capacité de dialogue qui a pu avoir lieu entre l'Asie et l'Europe - disons les choses comme elles sont - sur les problèmes financiers, sur les problèmes monétaires, sur les questions économiques. Ce dialogue approfondi, c'est une nouveauté. Je veux également dire combien nous avons été intéressés, un certain nombre de pays d'Asie souhaitant être au rendez-vous de l'après-Bali et considérer que les changements climatiques, que le réchauffement de la planète sont un problème de préoccupation pour l'Europe mais aussi pour l'Asie, donc un problème pour le monde. Toutes les questions ont été abordées, je veux en remercier Monsieur le Premier ministre, y compris les plus difficiles. Je veux dire qu'au nom de l'Union européenne, je l'ai dit également, combien nous étions préoccupés de la situation en Birmanie.
En résumé, c'est un sommet très utile, prometteur pour l'avenir. L'Europe et l'Asie, Monsieur le Premier ministre, ont beaucoup de choses à construire ensemble. Et, après l'événement qu'ont représenté les Jeux Olympiques, voici un deuxième événement mondial, qui se déroulait ici, à Pékin. Croyez bien que toute l'Europe s'en est réjoui.
M. HASSANAL BOLKIAH - Bonne après-midi à tous, Mesdames et Messieurs. Je crois que le Premier ministre chinois a parfaitement résumé les choses. Moi-même et les collègues de l'ASEM sommes tout à fait d'accord avec les résultats auxquels nous sommes parvenus. Je crois que notre réunion s'est parfaitement déroulée et nous avons tenu des discussions de très bonne facture sur les questions très importantes au niveau régional et, bien entendu, au vu de la situation actuelle sur les marchés financiers. Nous, à l'ASEAN, pensons qu'il s'agit probablement d'une des plus importantes réunions de l'ASEM à laquelle il nous a été donné de participer. Nous sommes, dès lors, ravis d'avoir l'occasion de discuter des conséquences de la situation avec un nombre si important, si influent de collègues. Nous avons tout à fait apprécié leur évaluation informée et amicale. Au nom de nos collègues de l'ASEM, je voudrais saisir l'occasion, tout d'abord, de féliciter le Premier ministre WEN Jiabao, le gouvernement et la population de la République populaire de Chine quant à ce sommet tout à fait réussi.
M. JOSE MANUEL BARROSO - Merci. Permettez-moi de féliciter du fond du coeur le Premier ministre WEN Jiabao et la Chine d'avoir organisé ce sommet. Mais je voulais surtout féliciter le Premier ministre WEN Jiabao de la façon dont il a conduit les travaux de main de maître et puis, après chaque intervention, il nous présentait le résumé, la substantifique moelle de cette intervention, ce qui nous a permis de progresser de façon efficace et rapidement. L'Europe et l'Asie se rencontrent ici, à Pékin, à un moment de tourmente économique et financière. Nous sommes aujourd'hui justement dans l'attente d'un véritable travail d'équipe. Nous avons besoin de travailler ensemble. Nous nagerons ensemble ou nous coulerons ensemble. La crise financière a retenu toute notre attention au cours de ces deux derniers jours et je suis ravi de pouvoir dire que l'Asie et l'Europe se sont engagées fermement à travailler ensemble, à oeuvrer ensemble avec une déclaration conjointe en la matière, approuvée par tous, également un appui à l'organisation du sommet de Washington qui se tiendra le 15 novembre et qui nous permettra de travailler plus étroitement avec nos partenaires asiatiques à cette fin.
Outre la crise économique et financière, nous avons abordé d'autres défis majeurs, à savoir le changement climatique, le développement durable, le fait qu'il convient d'atteindre maintenant les objectifs du Millénaire en matière de développement. La déclaration de Pékin, par exemple, sur le développement durable est un document important car elle établit les principes-clés entre l'Europe et l'Asie. Elle tire des conclusions très importantes sur, notamment, la nécessité qu'il y a à lutter contre les effets du changement climatique. Soyons clairs, la crise financière n'est pas une raison pour être un prétexte nous amenant à postposer nos engagements en matière de lutte contre le changement climatique. Le fait que nous connaissions une crise financière ne signifie pas que les risques liés au changement climatique s'estomperont à l'horizon. Nous devons, au contraire, construire, sur la base du consensus atteint à Bali, puis à Potsdam cette année encore, et à Copenhague l'année prochaine. Nous devons arriver à un dialogue complet, global sur la base de responsabilités partagées et différenciées. Je pense qu'après les excellents échanges de vue que nous avons pu avoir aujourd'hui, il devrait être possible d'arriver à un tel accord.
A l'occasion du 60ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme, il est important de réaffirmer collectivement ici, à Pékin, notre volonté d'en préserver les principes. Les droits de l'Homme sont universels. Nous les avons approuvés. C'est notre responsabilité à tous de veiller à ce qu'ils soient respectés. Nous avons abordé franchement et énormément de points y compris une question aussi sensible que celle de la Birmanie ou du Myanmar. S'agissant des échanges que nous avons eus, je dirai qu'ils étaient informels, qu'ils allaient droit au but parfois qu'ils exprimaient, bien sûr, des positions différentes mais sans jamais se départir d'une même volonté d'effort, de surmonter nos différences pour créer et maintenir ce climat de confiance entre nous. Merci à la Chine, merci au Premier ministre WEN Jiabao. Merci également au Président français Nicolas SARKOZY.
QUESTION - Est-ce qu'au terme de ce sommet, il est possible de penser qu'il y aura des décisions concrètes sur la réforme du système financier au G20 à Washington ? Monsieur SARKOZY, est-ce que vous avez, pour cela, l'impression que vous avez le soutien des Asiatiques et, en particulier, des Chinois ? Est-ce que l'Europe et l'Asie sont en position de force pour ce sommet ? Monsieur WEN Jiabao, on remarque que l'économie chinoise subit les premiers effets de la crise. Est-ce que cela vous amène justement au sommet des 20 à Washington ? Est-ce que cela amène la Chine à vouloir des décisions concrètes ? Qui représentera la Chine là-bas ? Est-ce que c'est vous ?
M. WEN JIABAO - Tout d'abord, je voudrais dire que ce sommet a choisi comme thème prioritaire la lutte contre la crise financière internationale et significative à l'heure actuelle. Nous avons déjà dégagé un consensus et publié une déclaration là-dessus. Face à cette crise, je crois que nous devons faire ceci, c'est-à-dire avoir la confiance, la coopération et la responsabilité. En termes de confiance, cela veut dire que tous les pays du monde et notamment les pays développés, doivent adopter le plus tôt possible des mesures efficaces afin de stabiliser le marché financier. Pour rétablir la confiance parmi la population, nous nous réjouissons que beaucoup de pays aient adopté des mesures face à cette crise et ces mesures ont été efficaces. Pourtant les mesures ne suffisent pas. Il faut continuer à déployer des efforts. La stabilité du marché financier est très importante pour la stabilité du marché économique.
Le premier message passé par ce sommet, c'est qu'il faut avoir une ferme confiance. A mon avis, la confiance nous permet d'avoir la force. Deuxièmement, la coopération, face à cette crise rarement vue dans l'histoire, nous avons à renforcer la coopération entre les différents pays, c'est-à-dire il faut travailler la main dans la main pour surmonter cette crise. Seule la coopération nous permet d'avoir la force de surmonter les difficultés. A l'heure actuelle, ce genre de coopération se traduit d'abord par l'importance accordée par les dirigeants d'Etat. Ce sommet de l'ASEM et le sommet qui se tiendra prochainement à Washington témoignent de la volonté des dirigeants d'Etat à renforcer la coopération. En ce qui concerne la coopération, on doit clarifier la responsabilité des gouvernements face à la crise financière, la responsabilité des entrepreneurs et la responsabilité des institutions de supervision. Il faut tirer la leçon de cette crise financière. A mon avis, ce qui compte, c'est de bien traiter le rapport entre innovation financière et la supervision financière. Nous avons besoin des innovations financières pour servir le développement économique mais ce qui compte le plus, c'est de renforcer la supervision ou le contrôle financier afin d'assurer la sûreté ou la sécurité financière.
Il faut, par ailleurs, bien traiter le rapport entre l'économie virtuelle et l'économie réelle. Nous avons besoin d'un développement sain de l'économie virtuelle afin de contribuer au développement de l'économie réelle. C'est pourquoi l'économie réelle doit s'opérer en équilibre avec l'économie virtuelle. Les problèmes posés par l'économie virtuelle ne doivent pas affecter le développement de l'économie réelle.
Troisièmement, il faut bien traiter le rapport entre l'épargne et la consommation. Il faut avoir un équilibre entre l'épargne et la consommation. Cela contribue à la stabilité économique. Et, en termes de responsabilité, il faut identifier les responsabilités des différents acteurs et cela est très important. Tout d'abord, il faut stabiliser rapidement l'ordre financier et ce, afin de contrôler et prévenir les risques financiers. Il faut tout faire pour prévenir les risques posés par la crise financière sur le développement de l'économie réelle, d'où la nécessité pour le gouvernement des différents états d'assumer la responsabilité d'une manière ferme et déterminante.
Depuis ces dernières années, la Chine a procédé à une ouverture financière d'une manière progressive et régulière. Il n'y a pas de vastes échanges entre la Chine et les autres pays sur le plan financier. Cette crise a un certain impact sur l'économie chinoise mais il n'y a pas un impact direct sur l'économie chinoise. Pourtant, cette crise financière a un impact sur l'économie mondiale, surtout cela engendre le ralentissement de l'économie mondiale, ce qui a des répercussions sur l'économie chinoise. Comme vous le savez tous, le PIB de la Chine au cours des trois trimestres de l'année 2008 est de 9,9 %. C'est la première fois depuis six ans que le taux de croissance est inférieur à 10 %. Il y a des raisons du point de vue de la macroéconomie. Il faut avouer que l'économie mondiale et surtout la diminution de la demande extérieure ont des impacts sur l'économie chinoise. Franchement parlant, au moins de juin dernier, nous avons ajusté notre politique de régulation macroéconomique et nous avons adopté une politique flexible et prudente. Face à des problèmes de développement économique dans notre pays, nous avons pu cibler et nous avons accordé la priorité au développement régulier de l'économie. En même temps, nous accordons de l'importance à juguler l'inflation et à assurer l'équilibre du commerce international. Nous avons adopté une série de mesures et la mesure la plus importante, c'est d'élargir la demande domestique et surtout la demande en consommation. Certaines mesures ont déjà apporté leurs fruits, certaines autres auront des fruits à l'avenir.
Mesdames et Messieurs les journalistes, comme vous pouvez le voir, la Chine a une large superficie en région rurale et aussi une vaste superficie de régions de l'ouest. Il existe un écart entre les régions rurales et les rurales urbaines, entre la ville et la campagne. Nous avons donc un grand potentiel de la demande domestique et de grandes marges de manoeuvre du marché domestique. Avec de bonnes politiques, nous sommes capables d'assurer un développement régulier et rapide de l'économie et nous en sommes convaincus.
Nous estimons que, face à cette crise qui se propage dans le monde, un développement rapide et régulier de l'économie chinoise constitue une contribution remarquable au développement économique du monde. Nous allons participer activement au sommet qui se tiendra à Washington. Nous sommes prêts à mener une coopération pragmatique avec les autres pays pour discuter des solutions à affronter la crise et nous espérons que ce sommet apportera ses fruits.
QUESTION - Ma question s'adresse au Premier ministre WEN Jiabao, qui concerne la sécurité alimentaire. Monsieur le Premier ministre, cette fois-ci, outre la crise financière, le sommet actuel est largement consacré à la sécurité alimentaire, notamment le scandale lié au lait frelaté. Il a suscité beaucoup de crainte parmi les consommateurs coréens et japonais. Qu'est-ce que le gouvernement chinois compte faire pour rétablir la confiance dans les produits « made in China » ? Comment voulez-vous faire pour calmer l'inquiétude ?
M. WEN JIABAO - Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, après l'affaire du lait frelaté, nous sommes profondément attristés par cette affaire. Je crois que dans cette affaire, pas seulement les entreprises sont responsables, le gouvernement doit assumer sa part de responsabilité dans cette affaire, en ce qui concerne surtout la supervision. Nous allons prendre trois mesures essentielles pour assurer la sécurité alimentaire.
Premièrement, bien traiter l'affaire du lait frelaté. Il s'agit non seulement de poursuivre en justice les responsables directs mais aussi les responsables politiques. Récemment, nous avons intenté un procès au tribunal chinois contre les responsables directement impliqués dans cette affaire. Il s'agit de tirer toutes les leçons de ce drame.
La deuxième mesure consiste à tirer tous les enseignements de cette affaire. La nourriture, les aliments, l'industrie alimentaire, c'est de la terre jusqu'à notre table. C'est toute une filiale, de la production à notre table, de la consommation en passant par les transports, la transformation. Il faut assurer une supervision efficace et effective dans chaque maillon de la chaîne. Il faut définir les responsabilités de chaque acteur dans ce processus surtout les responsabilités en termes juridiques afin d'assurer une sécurité totale des consommateurs.
Troisièmement, la sécurité alimentaire doit faire l'objet d'une législation. Après cette affaire du lait frelaté, nous avons élaboré un règlement sur le renforcement de la sécurité alimentaire dans le secteur du lait. Nous sommes en train de travailler sur une loi sur la sécurité alimentaire. Il s'agit d'une belle occasion pour nous de renforcer, dans tous les domaines, la gestion et la supervision. Chers collègues, je peux vous assurer solennellement ici que le gouvernement chinois accorde une très haute importance à la sécurité alimentaire. Car c'est non seulement un problème du peuple chinois, c'est dans l'intérêt du peuple chinois mais aussi dans celui du monde entier. Dans les années à venir, nous allons tout faire pour répondre aux normes internationales mais aussi, s'agissant des exportations, nous devons répondre aux normes des pays de destination. Chers amis, nous sommes conscients que cette affaire du lait frelaté a eu de lourdes conséquences sur notre pays. Pour régler tous ces problèmes et pour nous engager enfin dans une voie de production alimentaire sûre et saine, il nous reste une tâche très lourde à assumer mais nous avons tout à fait confiance et la détermination. Nous sommes un pays avec 1,3 milliards de population et nous allons franchir des pas importants dans ce domaine. Et nous allons prouver, par notre propre action et par la qualité de nos produits, que nous méritions la confiance du peuple chinois et du monde entier.
QUESTION - Est-ce que vous avez parlé des changes et est-ce que vous espérez qu'à Washington, on parlera de la relation entre le yuan et le dollar ? Est-ce que ces sujets sont à l'ordre du jour ?
LE PRESIDENT - Je vais répondre comme cela en une seule fois au deux questions. Je vais essayer de le faire le plus brièvement qu'il est possible. Monsieur Richard ARZT a demandé s'il y aurait des décisions concrètes au sommet de Washington. Ma réponse est oui.
Ce qu'a dit le Premier ministre chinois est très illustratif de l'état d'esprit de nos amis d'Asie avant la préparation de ce sommet. Mais, par ailleurs, nous avons eu des entretiens bilatéraux soit avec Monsieur BARROSO, soit tout seul, avec le Président indonésien, le Président de la Corée du Sud, avec le nouveau Premier ministre japonais. Tous nous ont fait part de leur volonté que le sommet à Washington soit conclusif, qu'il y ait des décisions et chacun a parfaitement compris qu'il n'était pas question de se réunir uniquement pour parler. Donc des décisions seront prises.
Deuxièmement, je me réjouis de ce que viens de dire le Premier ministre chinois sur le sommet de Washington, c'est-à-dire que la Chine y participerait pleinement.
Troisièmement, s'agissant des questions monétaires, il me semble impossible d'évoquer la question fiscale, la crise financière sans parler monnaie, de la façon dont elles évoluent les unes par rapport aux autres et ce, alors même, que le yen a pris 11% en quelques heures. Donc, il est évident que tout ceci fera partie de la discussion.
Par ailleurs, vous savez qu'il y aura d'autres sommets. La seule question qui se pose c'est de savoir si on parlera de toutes ces questions-là au premier sommet ou est-ce que l'on fera de la régulation sur le premier et on évoquera ces autres questions au second. Mais, de toute façon, il est bien de l'intention de l'Europe de poser ces problèmes pour obtenir des solutions.
QUESTION - J'ai une question pour sa Majesté le Sultan du Brunei. Est-ce que vous pouvez parler de la coopération internationale de l'ASEAN et le rôle joué par l'ASEAN dans le cadre de l'ASEM ?
M. HASSANAL BOLKIAH - L'intégration au niveau de l'ASEAN telle qu'elle avait été prévue et au niveau de la Charte devait être complétée pour 2015 et pour ce qui est de l'intégration en tant que communauté de l'ASEM, cela devrait avoir lieu au mois de décembre.