21 octobre 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, Hans-Gert Pöttering, Président du Parlement européen, et José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, sur la réaction européenne face à la crise financière internationale et ses implications sur la coordination économique au sein de l'Union européenne, à Strasbourg le 21 octobre 2008.

M. PÖTTERING - Je vous remercie. Je voudrais souhaiter la bienvenue au Président du Conseil Européen ainsi qu'au Président de la Commission européenne et je voudrais les remercier pour leur mobilisation pendant la crise financière et pendant la crise de la Géorgie. Ils ont montré que l'Europe gérait la crise et, d'ailleurs, la majorité des parlementaires appuient le Président SARKOZY ainsi que le Président de la Commission Européenne, Monsieur BARROSO. Ceci dit, je voudrais faire une petite observation sur une question à caractère politique. Le Président du Conseil européen a dit ce matin qu'en complément de notre collaboration sur les questions bancaires et financières nous devrions renforcer la collaboration sur les questions économiques. J'insiste là-dessus parce que c'est uniquement lorsque les politiques budgétaire, monétaire et économique formeront une unité que nous atteindrons l'objectif que nous nous sommes fixés, tout particulièrement à un moment où notre économie et Monsieur SARKOZY nous en a parlé, traverse des temps difficiles. Nous voulons renforcer la coordination des politiques économiques et c'est vrai que notre modèle social et économique, l'économie sociale de marché se trouve dans le Traité de Lisbonne et c'est d'ailleurs un modèle que nous pourrions propager à travers l'Europe et défendre à travers le monde d'ailleurs.
QUESTION - Président SARKOZY, Président BARROSO, vous avez parlé de la création des fonds souverains en Europe. Est-ce que vous pourriez expliquer un petit peu quelle est la valeur ajoutée exactement que vous voyez en cela, étant donné que nous avons tout un tas de banques comme la Caisse des Dépôts en France ou la KFV en Allemagne qui font déjà un métier similaire. Deuxièmement, vous avez également demandé, Monsieur SARKOZY, qu'il y ait un gouvernement économique bien identifié, nécessaire. Pourriez-vous expliquer un peu plus ce que cela veut dire pour vous ? Pour Monsieur BARROSO, est-ce qu'il y a d'autres moyens pour éviter qu'il y ait une prise de pouvoir d'une société étrangère d'une entreprise européenne, que l'on ne souhaite pas en dehors des fonds souverains européens ?
LE PRESIDENT - Ecoutez, sur le gouvernement économique, est-ce que l'on est pour un gouvernement économique ou pour une coordination des politiques économiques ? Peu importe. A partir de quand l'Europe a-t-elle pu apporter une réponse coordonnée à la crise financière sans précédent ? Quand nous avons, avec le Président BARROSO, le Président JUNCKER et le Président TRICHET, réuni l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Eurogroupe, cela a été, chacun l'observe, un tournant dans cette crise. Est-ce que se sera un tournant suffisant ? Nous le verrons dans les jours et les semaines qui viennent, mais ça été un tournant. Pourquoi ? Parce que tout d'un coup, tous les pays de l'Eurogroupe ont adopté, selon la belle expression de Mme MERKEL, la boite à outils, qui nous a permis d'aller dans le même sens. Cette crise financière nous amène une crise économique, personne ne le conteste. Face à cette crise économique, a-t-on ou non besoin d'une coordination ? Je dis coordination en faisant écho à ce qu'a dit mon ami Hans-Gert, parce que, de toute façon, la situation de nos pays n'est pas exactement la même. Mais a-t-on besoin d'une coordination économique dans la crise comme on a eu besoin d'une coordination économique dans la crise financière ? Ma réponse est clairement oui. Ce qui a marché avec la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro pour la crise financière, est-ce que ça peut marcher pour la crise économique ? Ma réponse est oui. En tout état de cause, est-ce que les Européens accepteraient qu'après que l'Europe ait fait preuve de son unité dans la crise financière, elle fasse la démonstration de sa désunion dans la crise économique ?
Encore une fois, cela ne veut pas dire que chacun fasse la même chose. Cela ne veut pas dire ouvrir les vannes de la dépense mais, au moins, que l'on parle ensemble, c'est la question que j'ai voulu poser. D'ailleurs, parlant sous le contrôle de José-Manuel BARROSO, l'un des moments les plus intéressants de l'Eurogroupe fût la discussion de grande qualité qui nous a occupés, le Président de la BCE, Monsieur TRICHET, les chefs d'Etat et de gouvernement et le Président de la Commission. C'était passionnant. Je veux rendre hommage à Monsieur TRICHET dans cette crise et je ne pense pas que le fait qu'il ait discuté avec les chefs d'Etat et de gouvernement ait, le moins de monde, affaibli l'indépendance ou la légitimité de la BCE, bien au contraire. Cela nous a permis, à nous chefs d'Etat et de gouvernement, de mieux comprendre ce qui se passait, pourquoi cela se passait, comme cela se passait. Vous savez, ma stupéfaction est de savoir que c'était la première fois. Je me suis dit : mais, enfin, quand même, nous avons la même monnaie, nous avons la même banque, jamais on ne s'était réuni. Donc, si cela a marché pourquoi ne pas poursuivre.
Alors, sur le fonds souverain, c'est une proposition, c'est une idée. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui en Europe ? Les bourses tombent, c'est-à-dire que la valeur d'un certain nombre de nos entreprises est, pour certaines d'entre elles, 30 % de ce qu'elle était il y a six mois. Je regardais une des grandes entreprises françaises parmi les plus performantes, EDF. Elle a perdu près de 30 % de sa valeur en une journée parce que le ministre d'un gouvernement européen a dit qu'il fallait changer les règles de la régulation du marché de l'énergie, peu importe. Mais est-ce qu'EDF a perdu 30 % de sa valeur ? C'est absurde. Et nous avons donc un certain nombre de grands groupes français, européens dont la valeur, aujourd'hui, au prix du marché, est le tiers de ce qu'elle était il y a six mois. Or, il existe dans le monde des fonds souverains avec des moyens considérables. Est-ce que nous ne devons pas réfléchir, pendant la période de crise, à l'utilité de se doter de fonds souverains, nous-mêmes, qui permettent de défendre les intérêts nationaux et européens, en profitant, d'ailleurs, d'un argent qui n'est pas cher, pour acquérir des actifs stratégiques qui sont eux-mêmes dépréciés le temps que la crise passe, que les cours reviennent à un niveau normal et qu'à ce moment-là, on remette sur le marché les actions qu'on aurait acquises à un moment donné ? Et, est-ce que ce que ferait un pays n'aurait pas encore plus de force si d'autres pays le faisaient ? Et, est-ce que si d'autres pays le faisaient, la coordination de l'action de ces fonds sur des entreprises qui sont elles-mêmes européennes ne serait pas utile ? Et qui pourrait me reprocher de proposer de réfléchir à cela ? Je ne veux rien imposer : c'est une idée, il y en a bien d'autres.
L'industrie automobile, en France, avec les concessionnaires, c'est 10 % de la population active. Qui pourrait me reprocher de poser la question au Président de la Commission qui y travaille d'ailleurs ? Comment, en respectant la concurrence, en respectant le marché, en respectant les aides d'Etat, le régime des aides d'Etat, ne pas se poser la question : Comment aider nos industriels à se moderniser pour produire mieux, plus propre ? Est-ce que c'est une décision nationale ou est-ce que l'Europe est concernée par cela ?
Je pense que la crise est une opportunité de repenser notre façon de construire l'Europe pour être plus efficaces. Cela ne veut pas dire vider les caisses dont certaines, d'ailleurs, ne sont pas très remplies. Cela ne veut pas dire faire la relance en distribuant un argent que l'on n'a pas. Mais la stratégie de Lisbonne, c'était d'investir dans la recherche, dans l'investissement, dans le stratégique. Est-ce que cela ne mérite pas au moins que l'on en parle entre nous ? En laissant la responsabilité de chacun dans son pays pour construire une réponse coordonnée, à défaut d'être globale. Voilà, pardon, j'ai été trop long, mais c'est vraiment cela que j'ai en tête.
Je pense, pour terminer, et c'est pour cela que je suis assez optimiste pour l'avenir de l'Europe, qu'après cette crise, l'Europe sera différente et c'est tant mieux. Et je ne crois pas qu'on pourra gouverner, diriger, incarner l'Europe après la crise comme on le faisait avant. En tout cas, je ne serai pas de ceux qui laisseront revenir de mauvaises habitudes. En Europe, nous avons pris l'habitude de l'ambition et de l'unité, du volontarisme. Je souhaite que cela continue.
M. BARROSO - La question de la coordination économique, c'est une vieille question. Et nous, Commission européenne, depuis longtemps, nous cherchons à soutenir l'idée d'une coordination d'une politique économique. Vous vous rappelez lorsqu'il y a eu le débat sur Lisbonne, notamment la révision de Lisbonne, après le rapport KOK. Il y a eu une opposition très forte de certains états membres à toute sorte d'exercices collectifs. A l'époque, nous avions eu une grande discussion : si c'était possible ou pas d'avoir même un système contraignant pour la coordination des politiques économiques sous Lisbonne. Clairement, les états membres n'étaient pas préparés à ça. Nous sommes arrivés à quelques progrès importants. C'est, je crois, la première fois dans l'histoire économique au monde qu'il y a 27 pays qui acceptent de présenter les programmes nationaux de réformes. Il y a un certain exercice collectif d'accompagnement donc il y a déjà quelques mécanismes d'articulation et, là, je suis aussi d'accord avec le Président SARKOZY, c'est vraiment très peu, par rapport à la dimension des défis que nous avons maintenant.
C'est vrai que pour ces débats sur la coordination économique, je suis, comme toujours, très franc, j'aime le franc-parler, la politique du Président SARKOZY. Très souvent, la rhétorique sur un gouvernement économique était perçue, peut-être à tort, comme une idée de mettre la Banque Centrale dans la poche. Ce n'est pas le cas maintenant. Vous avez tous écouté les propos très clairs du Président SARKOZY encore aujourd'hui, en séance plénière, sur l'indépendance de la Banque Centrale et là, je crois que c'est fondamental de garantir cet aspect. Mais, bien sûr, rien n'empêche la Banque Centrale de discuter non seulement avec les ministres des Finances, comme elle fait dans le groupe euro mais aussi avec les chefs d'Etat et de gouvernement quand il y a une réunion, comme celle - c'était un grand succès -, à Paris.
Donc, soyons clairs, je vous parle au nom de la Commission européenne. Nous sommes pour un renforcement de tous les mécanismes de coordination des politiques économiques de l'Europe, des états européens. En même temps, je crois qu'il ne faut pas créer l'illusion qui serait, à mon avis, très dangereuse, de donner des instructions à la Banque centrale ou ne pas mettre en cause l'indépendance de la Banque centrale, mettre en cause aussi l'acquis communautaire, le Traité de Rome et tous nos acquis.
Et là, c'est la réponse à la deuxième question. Nous avons besoin du marché intérieur, ce n'est pas une question de dogme de la Commission, une doctrine, c'est dans notre idée. Pourquoi ? Parce que notre grande force en Europe, c'est précisément qu'une petite entreprise, en France, en Allemagne, au Portugal, en Irlande, en Pologne, elle a accès à tout le marché. Donc, la Commission, le message sur lequel elle insiste beaucoup - c'est un point très intéressant dans le débat de Paris avec la Banque Centrale Européenne, avec les chefs d'Etat et de gouvernement - la Commission est, en principe, en faveur de toutes les mesures de soutien à l'industrie, à l'économie, à l'emploi, à la croissance, si ces mesures ne sont pas discriminatoires, si elles ne mettent pas en cause le marché intérieur. Et pas parce que nous sommes des dogmatiques de la concurrence, pas du tout mais parce que nous sommes des Européens convaincus. Il ne faut pas mettre en cause ce système que nous avons et c'est là le problème. Parfois, on doit voir comment trouver des solutions concrètes. La question des fonds souverains, c'est très intéressant l'opinion, l'idée du Président SARKOZY. Mais regardez, je viens de voir qu'aujourd'hui, l'Italie a annoncé quelques mesures pour restreindre l'investissement mais l'Espagne a fait un appel à des investissements des fonds souverains arabes pour les fonds de dettes publiques espagnoles. C'est très curieux, n'est-ce pas ? Il y a maintenant des pays européens qui sont en train de demander aux fonds souverains non européens d'investir et la vérité, c'est que nous savons qu'il y a dans plusieurs banques qui sont maintenant en difficulté des mouvements en demandant à ces fonds souverains d'investir. C'est pourquoi, c'est un sujet extrêmement complexe où j'appelle de tous mes voeux une discussion entre les états membres et la Commission bien sûr et toutes les institutions européennes, du Parlement, sur cette question. Nous connaissons déjà ce débat.
Excusez-moi d'être un peu long mais c'est une question vraiment très difficile avec une partie technique. Dans le paquet du marché intérieur de l'énergie, vous avez sans doute remarqué que la Commission a proposé une close que l'on a d'ailleurs appelée la close Gazprom. Mais ce n'était pas contre Gazprom, c'était une close qui était une close de réciprocité, c'est-à-dire que nous aurions le droit de refuser les investissements venant de pays tiers si ces pays tiers n'acceptaient pas les mêmes règles d'investissement d'entreprises européennes. Et vous avez vu comment était le débat. De façon très curieuse, certains qui étaient à l'origine de cette idée, à la fin, étaient contre cette idée. Et, la vérité, c'est que cette close a été très nuancée dans le débat et nous avons déjà obtenu un accord au niveau du Conseil sur ce paquet de marché intérieur de l'énergie. Donc, c'est un sujet très compliqué et nous ne pouvons pas donner l'idée que nous sommes, par principe, contre les fonds souverains. Il y a des fonds souverains qui sont peut-être intéressants aussi. En même temps, je suis absolument sensible à l'argument que le Président SARKOZY vient de présenter et que certains chefs d'Etat et de gouvernement m'ont déjà aussi posé. Qu'est-ce que l'on fait si, maintenant, il y a des attaques - disons des prédateurs - sur nos économies. Je crois qu'au moins, on pourrait se mettre d'accord que l'on n'ait pas d'accord avec les investissements qui sont déterminés par des raisons autre qu'économiques ou commerciales. Parce que cela pourrait se faire aussi mais il faut trouver quelques règles, si possible communes, parce que si il n'y a pas de règles communes, quel est le risque ? Il y a le risque précisément, comme le Président SARKOZY le disait tout à l'heure en séance plénière que les flux de capitaux aillent chercher les meilleures places. Il y aura l'introduction de désavantages compétitifs à l'intérieur même du marché unique et ça, c'est un problème.
Donc, c'est tout un sujet, un sujet passionnant et nous, à la Commission, nous sommes prêts à le discuter de façon très constructive avec, bien sûr, la Présidence française mais aussi avec tous les états membres en vous montrant que notre problème et notre but sont de garantir dans toutes ces adaptations que l'on doit faire, la préservation de l'acquis communautaire pour ne pas mettre en cause tout ce qui est vraiment l'acquis du marché intérieur qui est vraiment une source extraordinaire de croissance et de richesse. Ceci dit, nous sommes convaincus par notre propre analyse que les règles, telles quelles, permettent, s'il y a la flexibilité, s'il y a le bon sens, le niveau d'élasticité nécessaire pour intégrer beaucoup de ces idées dans une perspective, celle qui nous intéresse, la défense de l'intérêt européen.
QUESTION - En mettant l'accent sur le fait qu'il faudrait effectivement avoir une initiative sur les fonds souverains, est-ce que vous n'abandonnez pas l'idée qu'il faut effectivement se protéger contre les fonds souverains étrangers ? Parce que l'idée, au départ, c'était plutôt que les fonds souverains sont une menace et qu'il s'agit de se protéger. Est-ce que vous considérez toujours que les fonds souverains sont une menace et qu'il faut s'en protéger ? Sur le gouvernement économique de la zone euro, vous avez dit que le format des réunions des ministres des finances n'était pas suffisant et qu'il faudrait peut-être passer à un autre format et renouveler l'exercice que vous avez fait à Paris il y a deux semaines ? Est-ce que vous songez à institutionnaliser ce genre de réunions et, le cas échéant, l'organiser une fois par an selon quelle périodicité ?
LE PRESIDENT - D'abord, je ne considère pas que les fonds souverains soient une menace et, deuxièmement, la conception que j'ai de l'Europe, ce n'est pas une conception défensive. Et, enfin, je pense que cela est difficile de faire la différence entre ceux qui y vont pour des raisons économiques et ceux qui y vont pour des raisons politiques parce qu'il y en aura assez peu qui diront : « on y va pour des raisons politiques ». Ils mettront tous en avant un intérêt économique. Et, d'ailleurs, pourquoi pas ? Je suis pour la liberté de l'échange, je suis pour la circulation des investissements mais je veux une Europe qui ne soit pas simplement défensive. Il ne s'agit pas d'établir une ligne Maginot. Il s'agit de tenir compte d'une situation pragmatique. Les marchés sont déprimés. Le marché des actions n'a pas grande signification aujourd'hui, il est erratique comme on dit. Est-ce que l'on doit en tirer des conclusions ou pas, surtout si cela devait perdurer ? Ma réponse est oui. Quelle est la meilleure façon de préparer l'avenir ? Moi, je l'avais déjà fait £ pas sous la forme d'un fond souverain, mais ce que j'ai fait avec Alstom en 2004, après une fameuse discussion avec Monsieur MONTI, c'était quoi sinon faire jouer à l'Etat son rôle de régulateur à un moment donné ? Et puis, l'Etat a vendu. Nous avions racheté 20 % d'Alstom à 800 millions, le gouvernement a revendu ces mêmes 20 % à 2 milliards et demi, deux ans après. Cela veut dire que l'on peut faire de bonnes affaires, y compris lorsque l'on est un ministre des Finances. Ce n'est pas interdit. Alors, pourquoi ne le ferait-on pas ? Pourquoi ne le discuterait-on pas ? Pourquoi, aujourd'hui, ne se poserait pas cette question de stratégie offensive ?
Sur l'Eurogroupe : franchement, une réunion tous les 8 ans, c'était raisonnable, cela ne fatigue pas trop ! Est-ce que l'on doit passer pour autant à une réunion par an ? Je ne sais pas. Je suis pour une solution plus pragmatique. Je pense que tout dépend de l'analyse qu'on fait de la gravité de la crise économique. Les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro ont analysé la crise financière comme grave. Ils se sont dit : « c'est grave, il faut donc que l'on s'en occupe, il faut que l'on monte au créneau ». D'ailleurs qui pense que ce sont les seuls ministres des Finances qui auraient pu mobiliser 1.800 milliards d'euros ? Si l'on pense que la crise économique n'est pas grave, que cela s'arrangera, que l'on n'a pas besoin de s'en occuper, il n'y a pas besoin d'une nouvelle réunion de l'Eurogroupe en composition chefs d'Etat et de gouvernement. Si on pense, au contraire, qu'après la crise financière, ou pendant la crise financière, on a une crise économique forte, c'est plutôt intéressant que l'on parle, ne serait-ce que pour faire du benchmarking. Qu'est-ce que tu fais chez toi ? Qu'est-ce que je fais chez moi ? Comment peut-on harmoniser les choses alors que nous sommes tous tellement intégrés dans l'économie européenne ? Mais quelle drôle d'idée, quand même, de penser que l'on peut avoir une même banque centrale, une même monnaie, un même marché et que de parler de politique économique ce n'est pas bien ? Honnêtement, c'est quand même une idée curieuse. Le tout avec un scepticisme européen qu'il faut combattre. Mais pas le combattre en disant que ce n'est pas bien d'être pour l'Europe £ le combattre en tirant les conclusions de ce scepticisme pour agir autrement et je crois que les Européens, en ce moment, comprennent que l'Europe, cela compte. Mais il faut en tirer les conséquences. Et je pense que c'est extrêmement important.
Je l'ai dit d'ailleurs tout à l'heure sur la concurrence. Je suis très attaché à la concurrence et au libre-échange. Ce n'est pas une fin en soi. C'est un moyen, la concurrence. C'est un moyen de créer des richesses, d'abaisser les prix, de favoriser le consommateur. Ce n'est pas une religion. J'ajoute que toutes ces règles doivent être discutées par les autorités légitimes des Etats aussi. Ce n'est pas parce que l'on est élu que l'on ne doit pas avoir d'idées. Je pense que le fait d'être élu ne prive pas d'avoir des idées et des convictions. Moi, j'ai toujours été pour l'indépendance des banques centrales nationales et de la Banque Centrale Européenne. Mais je dis que le débat est utile, très utile.
QUESTION -: Pouvez-vous nous citer des exemples concrets de la refonte de l'architecture financière sur une base globale, des exemples bien concrets ? Et ensuite si la Chine et l'Inde participent à ce sommet mondial, est-ce que ces pays seraient des partenaires sur un pied d'égalité ou bien des invités ?
LE PRESIDENT - Vous savez que je pense depuis longtemps que le format G8 est insuffisant. Je plaide pour un G13 et qui peut penser que l'on peut inviter la Chine et l'Inde, deux milliards trois cent millions habitants, sans leur donner le droit à la parole, avec un strapontin ? La Chine et l'Inde ! Je pense qu'ils doivent être invités comme des partenaires incontournables et essentiels du sommet international qu'avec le Président BARROSO, nous avons appelé de nos voeux. C'est quand même tellement évident ! La Chine est aujourd'hui une puissance monétaire, une puissance capitalistique au sens de la disponibilité des fonds qui sont les siens, une puissance économique. Quant à l'Inde, dans 30 ans elle sera le premier pays du monde par sa démographie. Il est normal de les associer à la refondation du système.
Trois exemples très rapides : la rémunération des opérateurs dans les salles de marchés. Cette rémunération, faite à coups de bonus a poussé un certain nombre de ces opérateurs à prendre des risques inconsidérés. Est-ce que l'on peut imaginer une réflexion sur la façon dont sont rémunérés les opérateurs de salles de marchés ? Deuxièmement, les paradis fiscaux. Serait-il normal qu'une banque qui bénéficie de la garantie d'un Etat ou de fonds propres d'un Etat puisse continuer à travailler avec un paradis fiscal ? Qui pourrait l'accepter ? Troisièmement, les hedge funds qui ont levé des milliards de dollars depuis toutes ces dernières années, ne sont soumis à aucune règle de supervision, aucun contrôle, aucune règle prudentielle. Est-ce que l'on peut continuer comme cela ? Parce qu'eux, quand ils ont gagné beaucoup d'argent, quand ils ont fait des fortunes, ils ne nous ont pas demandé de partager. Maintenant qu'ils nous ont amenés, entre autres, à la catastrophe, on n'aurait pas le droit de demander et de poser des questions ? Ce sont trois exemples parmi d'autres. Il y en a bien d'autres que je pourrais prendre devant vous et je suis sûr que, sur ces points-là - c'est ce que nous avons défendu avec le Président BARROSO et le Président BUSH-, on peut obtenir un consensus.
QUESTION - Excusez-moi de revenir au format. A Paris, il y a eu quand même M. BROWN qui a été à cette réunion. J'aimerais savoir si cela peut devenir une norme pendant la crise. Le cas échéant, quand l'Eurogroupe doit-il se réunir une deuxième fois ou une troisième ou une quatrième ou est-ce que cela a été une exception exceptionnelle ? Et, toujours sur le même sujet, j'aimerais savoir si votre proposition sur le G8 élargi au G5 peut inclure aussi des exceptions étant donné que le Premier ministre espagnol avait demandé exactement de pouvoir être présent et que M. BROWN l'avait soutenu ? Est-ce que vous excluez cette possibilité ?
LE PRESIDENT - Sur l'Eurogroupe, je ne vais pas prolonger la discussion. En tant que Président du Conseil, je dois réunir les 27. Mais, enfin, il y a une spécificité de ceux qui ont la même monnaie en partage. On ne peut pas le leur reprocher. Alors, on verra, par exemple, comment on doit préparer le sommet international. Est-ce que l'on doit le préparer en faisant simplement les quatre Européens, membres du G8, en faisant la zone euro ou en faisant les 27 ? On va en discuter. Je pense que tous ont leur mot à dire.
Sur l'Espagne. L'Espagne a joué un rôle considérable et M. ZAPATERO en premier, puisque c'est lui qui a proposé la réunion de l'Eurogroupe dans un déjeuner à Paris. Réunion, bien sûr, qu'avec M. BARROSO nous avons acceptée.
Maintenant, ce n'est pas moi qui fais les membres du G8. Ce n'est pas par mon mérite que la France est au G8. J'ai trouvé cette situation là. S'agissant du G8, de la place de l'Espagne, qui a beaucoup progressé cette année, on peut souhaiter effectivement qu'à terme, l'Espagne, qui est une grande nation, une grande économie, y prenne toute sa place. Mais ce n'est pas à moi, simplement, d'en décider. Vous le savez d'ailleurs parfaitement bien. Puis, il y aurait le problème de la Pologne et de ses 38 millions d'habitants... Il ne s'agit pas de refaire tout ce qui existe £ il s'agit simplement de trouver les enceintes les mieux adaptées. J'ajoute qu'avec le Président BARROSO, on a proposé que le Secrétaire national des Nations Unies, M. BAN KI-MOON, que le Président de la Banque Mondiale et que le Directeur général du FMI soient présents.
En fonction du nombre de sommets que nous ferons - parce que nous nous sommes mis d'accord sur le fait qu'il y en aurait plusieurs, notamment un sur la gouvernance mondiale -, il s'agira de voir comment on élargi le cercle car il s'agit, bien sûr, de partir de la régulation monétaire financière, peut-être même fiscale, pour aller vers une nouvelle gouvernance mondiale. A ce moment-là, plus on sera nombreux, plus on aura de légitimité à décider. Ce qui était important, c'était de lancer le processus.
QUESTION - Vous souhaitez vous appuyer sur l'Eurogroupe pour le gouvernement économique européen. Il se trouve que l'Eurogroupe est présidé depuis de longues années - il a d'ailleurs été reconduit - par Jean-Claude JUNKER. Il y avait ce matin, à Paris, une réunion importante sur les paradis fiscaux. Le Luxembourg n'a pas souhaité se rendre à cette réunion. Est-ce qu'il n'y a pas un problème ? Est-ce qu'il n'y a pas, plus largement, un problème autour du Luxembourg ou peut-être de M. JUNKER ?
LE PRESIDENT - Je ne peux pas dire du mal de M. JUNKER. D'abord, parce je n'en pense pas. Deuxièmement, parce qu'à l'époque où j'étais ministre des Finances, en 2004, M. PÖTTERING comme M. BARROSO s'en souviennent certainement, nous avons décidé d'élire un Président des ministres des Finances de l'Eurogroupe, pour 2 ans et demi. Nous pouvions le faire parce que l'Eurogroupe n'étant pas une institution au sens où ce n'est pas prévu dans les Traités, nous avions plus de souplesse pour adapter son organisation.
Pour le reste je vous reverrai à la réponse que j'ai faite à M. GOEBBELS, socialiste, luxembourgeois lui-même, qui m'appelait à ne pas rester dans la plomberie et à faire de l'architecture. Lui-même étant bien placé pour savoir qu'il peut y avoir, en Europe, des pays plus ou moins volontaires pour assurer la transparence et mettre de la régulation. En tout cas, je rejoins tout à fait ce qu'a dit Mme DE SARNEZ. On n'aura aucune crédibilité si on demande aux autres, en dehors d'Europe, de respecter des règles que nous ne serions pas décidés à respecter en Europe. Cela va de soi. Mais aucune raison ne laisse à penser que M. JUNKER serait contre cette évolution. Ce n'est pas possible. On ne peut pas demander la transparence aux autres et ne pas se l'appliquer à soi-même. Donc il faut bien savoir que ces règles s'appliqueront à nous-mêmes. Et puis j'ai cru comprendre que maintenant nous étions associés : l'Etat français, l'Etat luxembourgeois et l'Etat belge £ nous avons ce plaisir. Cela va être l'occasion de parler de tout cela et je m'en réjouis.
QUESTION - Une question courte à M. le Président de la Commission, José Manuel BARROSO. Vous adorez le franc-parler. Dites-nous vraiment si pour le commissaire MAC GREEVY que l'on voit de moins en moins, qui a toujours été un chantre de l'autorégulation par les banques, qui a toujours refusé toute régulation pour les hedge funds - encore il n'y a pas très longtemps, il y a encore, il me semble ,trois semaines - vous pensez qu'il est toujours crédible aujourd'hui pour être à la conduite du marché intérieur des secteurs financiers ou est-ce que ce n'est pas plutôt le commissaire ALMUNIA que l'on voit le plus souvent sur ce sujet et qui parait le plus adéquat ? Et, si je peux me permettre, une petite question pour le Président SARKOZY. Réunion de l'Eurogroupe présidé par JUNKER en mars 2009, c'est cela la prochaine au niveau des chefs d'Etat ?
M. BARROSO - En ce qui concerne la question que vous me faites, franchement, si vous voulez un bouc émissaire ! Dire que la responsabilité de cette crise est d'un commissaire. Ecoutez, ne comptez pas avec moi. Franchement, je trouve que n'est pas politiquement, ni intellectuellement honnête. Cette crise est née au Etats-Unis. Il y a eu des problèmes structurels très graves. C'est vrai qu'en Europe nous avons aussi certaines défaillances de régulation. En tout cas, déjà, dans cette Commission nous avons présenté 32 mesures législatives qui ont été adoptées soit par codécision soit par comitologie en matière de services financiers. Tout cela seulement depuis le début de cette Commission. Donc, fin 2004, parmi ces initiatives, 19 ont été approuvées en codécision. C'est vrai que l'on peut toujours critiquer. Nous ne sommes pas parfaits. Je ne dis pas que l'on a tout fait ou que tous les membres de la Commission ont tout fait. Je ne le dis pas. Ce ne serait pas honnête de ma part. Parfois, moi aussi, je discute avec mes commissaires : qu'est-ce que l'on peut faire de plus ? Est-ce que c'est vrai ?
Mais, ceci dit, je trouve que certaines critiques qui ont été adressées au commissaire MAC GREEVY sont absolument exagérées. C'est vrai qu'il n'est pas le plus populaire au Parlement européen, je le sais bien. Mais je crois que si l'on veut faire un examen vraiment honnête, alors on doit demander aux états membres ce qu'ils ont fait et aux différents gouvernements.
Je l'ai dit tout à l'heure, peut-être étiez vous déjà en salle de presse. Mais je l'ai dit en séance plénière. Il y a quelques mois, moi-même, j'ai demandé aux états membres : est-ce que vous êtes prêts pour une réglementation des agences de notation ? Réponse : « non ». Ce n'était pas possible, ce n'était pas le commissaire le problème.
Il y a même quelques semaines, le changement des règles comptables et le Président SARKOZY connaît bien cela. Certains états membres ne voulaient même pas en entendre parler. Ce n'était pas le commissaire.
Pour beaucoup d'autres initiatives, je trouve que, dans ce domaine, nous devons aller ensemble. Mais, écoutez, le droit d'initiative, c'est de la Commission. C'est vrai mais les services financiers ce n'est pas comme d'autres domaines. Dans les services financiers, je crains beaucoup qu'il y ait ce que l'on appelle un effet d'annonce vide. Cela, je crois que c'est mauvais.
Si, en pleine crise, la Commission venait avec certaines propositions en sachant que certains des états membres et parmi les plus importants, en termes financiers, économiques, diraient immédiatement non, vous pensez que cela serait bon pour l'Europe d'avoir cette fracture ? C'est pourquoi il faut bien voir les moments pour agir. Je peux vous dire, en tout cas, que la Commission, dans son ensemble - bien sûr, vous comprenez que je doive défendre la Commission dans son ensemble - elle est toujours pour une approche européenne et incluse dans les domaines de la réglementation des services financiers.
Mais il faut le faire quand même avec un accord avec les états membres. Sinon, cela ne marche pas. C'est très important. Je peux vous dire encore, au début de cette crise j'ai écrit un article que j'ai publié dans plusieurs pays européens. En France, ce n'était pas votre journal mais le Figaro. En Allemagne, le Handelsblatt, en Espagne, El Pais, en Italie La Repubblica, vous l'aviez vu. J'ai fait appel à une dimension européenne. Je peux vous dire que certains gouvernements ont dit : « mais pourquoi tu défends une approche européenne. Chacun peut, pour soi-même résoudre le problème. Ce n'est pas nécessaire une approche européenne ». C'est cela, la question.
C'est pourquoi j'ai dit au Parlement européen, tout à l'heure, que, maintenant, nous avons une crise qui ouvert les esprits. Il y a maintenant un changement potentiel, utilisons-le pleinement. Et, là, je suis complètement solidaire avec les efforts du Président SARKOZY. Mais franchement, je ne crois pas que cela soit honnête de - même si parfois on peut être d'accord ou pas avec lui - rendre responsable de cette crise un commissaire qui, d'ailleurs, je vais vous dire n'est pas un idéologue, c'est un homme pragmatique, peut-être trop pragmatique, direz-vous. Mais c'est un homme pragmatique. Je crois que nous devons travailler. Mon devoir, en tant que Président de la Commission, est de travailler avec tous les commissaires, avec les collèges des commissaires. En comprenant, bien sûr, que le commissaire et le collège, c'est une grande coalition Nous avons des socialistes, des libéraux, des démocrates-chrétiens, des conservateurs. Et nous devons trouver un consensus. Je crois pouvoir dire et je dis que le problème n'était pas la Commission. La Commission, surtout dans cette crise, est fière du travail qu'elle a apporté. Bien sûr, je tiens à le dire, ce n'est pas la Commission qui peut délivrer les Etats, qui peut rendre les états. C'est pourquoi, nous avons besoin d'une Présidence forte du Conseil. Je ne dis pas cela pour être courtois avec le Président SARKOZY pour qui, vous savez, j'ai une grande admiration, une sincère amitié.
Mais nous avons besoin aussi d'une Présidence forte. C'est pourquoi, je pense que cette crise a mis en relief le besoin, encore une fois, du Traité de Lisbonne pour avoir une Présidence stable. Mais ne demandez pas à la Commission, la Commission ne peut pas donner. La Commission fait son travail, honnêtement, certes pas parfait, mais il faut aussi avoir de la part des états membres, de la part de nos gouvernements, un minimum de disponibilité pour avancer dans certains chantiers.
LE PRESIDENT - Qu'est ce qui m'a étonné depuis que je suis Président du Conseil ? Ce n'est pas la difficulté d'avoir des soutiens parce qu'au fond, on les a beaucoup plus facilement qu'on ne le croit. Ce qui m'a étonné, c'est un système qui était devenu tellement rigide dans sa façon de penser que toute idée nouvelle est, à priori, désignée comme sulfureuse. Alors que le monde bouge. On a changé de siècle. Que la crise ne ressemble à aucune des crises que nous avons connues et que les continents qui vont s'en sortir, ce sont les continents qui vont faire preuve de jeunesse d'esprit, d'imagination, d'innovation, de recherche, de novation. Et, dès que l'on dit quelque chose, vraiment, c'est tout le monde aux abris !
Je veux dire que, depuis le début avec le Président BARROSO, on a travaillé main dans la main et je veux lui rendre hommage sincèrement parce que il a, à chaque fois, au-delà des responsabilités qui sont les siennes, voulu accompagner, aider, ce mouvement de rénovation. Regardez : l'Union pour la Méditerranée : quand je pense que pour faire une aussi belle idée, cela a été tant de mal.... C'est extravagant, c'est extraordinaire ! J'ai été accusé de vouloir mettre à terre l'Europe parce que je voulais une Union pour la Méditerranée. On se demande où on va chercher des idées pareilles ! Vous avez dit au Président BARROSO qu'il détestait la langue de bois, vous auriez pu me le dire à moi. Mais on a travaillé ensemble et cela a été un succès.
Pareil pour la Géorgie et la Russie : toutes les habitudes communautaires auraient du nous conduire à rester tranquillement là, à faire un bon petit Conseil européen mais en respectant la tradition. On ne se réunit pas au mois d'août ! Cela ne se fait pas. Vraiment, il y a une règle non écrite et elle est d'autant plus gravissime qu'elle n'est pas écrite ! Au grand tableau des grands Européens il n'y a pas de réunion au mois d'août. Pourquoi pas de réunion au mois d'août ? On se demande vraiment...Sur la crise financière, quand j'ai proposé la réunion avec quatre européens du G8 : crime de lèse-majesté ! Est-il vraiment Européen cet homme qui pense que l'Allemagne, en matière financière, cela compte plus que... j'ai oublié quel autre pays européen... et que, peut-être, cela sera plus facile de se mettre d'accord à 27 si déjà les quatre plus grands ont commencé la discussion.
Toutes les idées que je propose, tout ce que l'on essaye de faire avec José Manuel, c'est, non pas pour imposer une vérité, pas pour que la France se montre arrogante ou pour donner des leçons à qui que ce soit £ c'est parce que lorsque l'on est Président du Conseil européen pour six mois, c'est un honneur, c'est une responsabilité : on doit faire bouger le système, on doit le faire avancer. On doit essayer de trouver les réponses pour demain, non pas les réponses d'avant-hier.
Je pense, comme José Manuel, que ce n'est pas bien de choisir un bouc émissaire. Mais ce n'est pas bien non plus que ceux qui pourraient être bouc émissaire ne comprennent pas que l'on a changé de monde. Je le pense profondément, j'ai toujours pensé cela et je trouve très injuste parfois que l'on dise : il est pour une politique européenne donc il est pour le déficit. Il est pour un Gouvernement économique donc il est contre l'indépendance de la Banque Centrale. Je vous le dis, je le dis à mes amis allemands : je suis profondément convaincu de la nécessité de l'indépendance de la Banque Centrale. Je suis profondément convaincu que les déficits n'amèneront rien et je vois bien tous les progrès que nous avons à faire en France. Mais je crois profondément à un idéal européen qui ne peut pas être décliné comme c'était décliné il y a 50 ans. Ce n'est pas possible.
Est-ce que Jean-Claude ferait un bon Président de l'Eurogroupe ? Bien sûr ! Pourquoi pas ? Il faudra qu'on l'élise. Puisque le Président de l'Eurogroupe, auquel j'ai participé, c'est le Président des ministres des Finances. Est-ce qu'il faudra, un jour ou l'autre, décliner cela au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement ? C'est à eux de décider.
Je pense que l'on ne pourra pas continuer encore huit ans sans réunir l'Eurogroupe au niveau des chefs de gouvernement et des chefs d'Etat. Je pense que ce n'est pas raisonnable. Alors après, est-ce qu'il faut un Président ou pas ? Peu importe. Jean-Claude JUNKER pourrait très bien faire les deux. C'est un homme de grande qualité pour qui j'ai beaucoup de considération et beaucoup d'amitié. Mais je vais vous dire une chose : j'ai essayé de créer, avec José Manuel BARROSO, l'unité de l'Europe. Je ne laisserai pas défaire cela. J'ai essayé de porter une Europe - et, avec Hans-Gert, on en a beaucoup parlé d'ailleurs, on a fait un chemin l'un vers l'autre parfois pour être en accord £ je revendique d'ailleurs son terme d'économie sociale de marché. Mais je ne laisserai pas revenir sur l'ambition d'une Europe volontariste. Parce que cela, on pourra me reprocher beaucoup de choses, pas de ne pas avoir été un Pr??sident du Conseil qui a voulu promouvoir l'unité de l'Europe et l'ambition de l'Europe. Je vous l'assure : je crois que cette crise est l'opportunité de changer les comportements. Et puis, on a dans huit mois des élections européennes. Il faut que l'on ait une Europe qui protège, une Europe qui incarne quelque chose. Et je pense que l'Europe se réconcilie avec les Européens dans cette crise parce que les Européens voient bien que, tous ensemble, on est plus forts que seuls.
Merci à tous.