15 octobre 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Propos introductifs de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, lors de la séance du Conseil européen sur la crise financière, à Bruxelles le 15 octobre 2008.

1- Au cours de la semaine qui vient de s'achever, les initiatives prises en Europe ont permis de fournir une première réponse globale à la crise financière. Celle-ci n'est pas achevée mais pour la première fois les Européens ont montré leur capacité à agir dans l'urgence de manière coordonnée.
2- Pour la première fois dans l'histoire financière, ce sont des plans élaborés dans l'Union européenne qui ont inspiré les mesures prises dans d'autres pays du monde, y compris aux Etats-Unis. L'Europe a fait preuve de leadership dans le traitement de la crise et je m'en félicite.
3- Nous devons aussi montrer ce leadership dans la réflexion pour l'avenir et nous avons commencé. Cette crise n'est pas d'origine européenne. Mais ce sont les Européens qui formulent -et parfois depuis longtemps- des propositions de réforme de notre système financier international. J'avais moi-même saisi le G8 en ce sens dès août 2007, et j'ai renouvelé cet appel à la tribune des Nations Unies.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à un double défi, d'ampleur historique. Tout d'abord assurer le traitement définitif de cette crise. Ensuite être sûr que les erreurs commises lors des précédentes crises de 1998, celle des pays émergents, et de 2001, celle de la bulle internet, ne se reproduiront pas. Nous avions alors traité les signes immédiats de la crise, mais sans nous attaquer aux racines du mal.
4- Cette crise est la crise de trop. Il faut refonder le système. Cette refondation doit être globale. Il faut fonder un nouveau capitalisme sur des valeurs qui mettent la finance au service des entreprises et des citoyens et non l'inverse :
- Il faut revoir le rôle des acteurs publics : je propose un principe simple, aucune institution financière ne doit échapper à la régulation et à la surveillance. Je pense par exemple à la nécessaire discipline à laquelle nous devons soumettre les agences de notations et à la surveillance qu'il convient d'exercer sur les Hedge Funds. Les règles doivent être revues, mises en cohérence, et veiller à éviter l'apparition de nouvelles bulles spéculatives. A cet égard, la méthode d'élaboration des normes comptables, leur cohérence avec les règles prudentielles, doivent être revisitées.
- Les acteurs privés doivent être responsabilisés : je pense par exemple à la question des rémunérations sur laquelle nous progressons déjà en Europe.
5- Cette refondation ne peut s'arrêter à l'Europe. L'économie est globale, aucun pays ne peut se protéger seul. Certes les Etats sont souverains, certes il y a des différences entre les pays les plus riches, les pays émergents et les autres pays en développement. Mais la théorie du découplage n'a pas résisté à l'épreuve des faits. Il y a un seul monde, tout le monde est concerné. Nous devons associer à nos réflexions ceux qui sont d'ores et déjà des puissances économiques et financières, les pays émergents. Nous devons aussi oeuvrer pour éliminer les zones d'ombres qui compromettent nos efforts de coordination, en l'occurrence les centres off-shore.
Je veux dire enfin que nous ne laisserons pas tomber les pays les plus pauvres et ruiner les bénéfices d'années d'efforts en faveur du développement.
6- La gouvernance économique mondiale est trop fragmentée. Nous devons rechercher une nouvelle articulation entre tous les acteurs : organisations internationales, autorités de régulation et de supervision, et plus généralement toutes les enceintes qui produisent des normes dans le domaine économique. Mais je pense aussi à la nécessaire mise en cohérence des mandats donnés à tous ces acteurs.
Je l'ai dit à New York à la tribune de l'Assemblée Générale des Nations Unies en septembre. Il nous faut un nouveau Bretton Woods. Le nouveau système devra avoir toute la légitimité politique nécessaire et montrer sa capacité à traiter les nouveaux défis globaux.
7- Je propose que nous sortions du Conseil Européen en portant ensemble ce message. C'est dans cet esprit que j'ai proposé un Sommet international avant la fin de l'année, de préférence à New York là où tout a commencé. Je souhaite que sur ce sujet nous Européens, soyons pleinement unis. Ce Sommet est un point de départ qui doit arrêter l'agenda, les objectifs et les valeurs de cette grande réforme. Je fais appel dès maintenant à vos propositions.