9 juin 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et de Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, notamment sur l'accord entre la France et l'Allemagne en matière d'énergie et de climat dans le contexte de la future présidence française de l'Union européenne, à Straubing le 9 juin 2008.

LE PRESIDENT - Ecoutez, bien sûr, je partage tout ce que vient de dire la chancelière. Je voudrais la remercier pour l'accueil que la population de Bavière et qu'elle-même a réservé à la délégation française, au Premier ministre, François FILLON, aux ministres et à moi-même. C'est très émouvant de voir cet accueil populaire. C'est la première fois que l'on faisait une rencontre franco-allemande de ce type avec un thème particulier et pas n'importe quel thème, puisque nous aboutissons à un double accord qui vient après le troisième accord, celui sur la patrimonialité des réseaux où c'est la position allemande et française qui finit par l'emporter. On a trouvé un accord sur le paquet climat-énergie, sans doute l'une des questions les plus difficiles et j'en remercie la Chancelière. On a trouvé un accord sur les émissions de CO2 pour les voitures. Là aussi, je comprends parfaitement les intérêts de nos amis allemands et l'aspect presque identitaire de la construction automobile de haute qualité en Allemagne. C'est un sujet très important en France.
Et voilà que s'approche la Présidence française et que, sur l'une de nos priorités, le paquet énergie-climat, nous y allons avec un accord franco-allemand. Je le dis, d'ailleurs, sur ce sujet comme sur d'autres, j'ai bien l'intention de travailler main dans la main avec l'Allemagne et avec la Chancelière. Cela avait été un plaisir et un honneur d'aider l'Allemagne lors de sa Présidence. Eh bien, la France a besoin de l'Allemagne pour sa Présidence et qu'on ait commencé comme cela sur le paquet énergie-climat, c'est de très bonne augure.
Nous sommes également d'accord sur l'immigration, les ministres se sont mis d'accord sur l'orientation de la politique de défense. Nous sommes également d'accord sur ce qu'on va faire entre les arbitrages financiers et le bilan de santé de la PAC. Nous avons fait un tour d'horizon de l'ensemble des questions internationales pour lequel nous avons une très grande convergence de vue.
Vous pourriez dire : "écoutez, à chaque fois vous dites que cela se passe bien". Mais il y a une différence, ce n'est pas seulement que l'on dit que cela se passe bien, on aligne à chaque fois des décisions qui montrent dans les faits que cela se passe bien. J'ai eu l'occasion de dire à Angela combien le sommet de l'OTAN à Bucarest avait été un événement décisif de l'amitié franco-allemande puisqu'avec une même position, on l'avait emporté. Lorsque nous étions, je crois que c'était au mois de mars, à Hanovre, on avait indiqué qu'on aurait un accord sur le CO2 pour les véhicules de et un accord sur le paquet énergie-climat. Voilà, en Bavière, et je remercie les autorités de Bavière de leur accueil, cet accord, nous vous l'annonçons. Vous voyez, nous essayons d'être méthodiques, de parler des choses. On part de situation, parfois, où on est éloigné et ce n'est pas un drame d'être éloigné parce que chaque pays a sa propre identité. Mais ce qui est important, c'est qu'à chaque fois, on rapproche les positions pour afficher une amitié, une alliance, une collaboration entre l'Allemagne et la France qui font avancer les dossiers. On peut dire que depuis 14 mois, ce sont deux accords de plus qui viennent s'ajouter à une longue liste. Chère Angela, merci infiniment, on aura l'occasion de se retrouver au prochain Conseil et d'afficher les mêmes positions sur tant de sujets qui sont importants pour notre Europe qui a bien besoin qu'on se rassemble pour protéger les Européens.
LA CHANCELIERE - Merci alors deux questions de chaque côté, peut-être.
QUESTION - En matière d'énergie et de climat, dans tous les sommets, on dit que tout se passe très bien et il y a des résultats. Il y a effectivement des résultats sur l'énergie et le climat. Il y a effectivement des résultats sur les réseaux. Il y a effectivement des résultats sur les voitures. Mais chacun sait que s'il n'y a pas de politique énergétique en Europe, c'est notamment à cause de dissonances franco-allemandes. Alors Mme la Chancelière, une question pour vous : jusqu'à quand l'Allemagne va-t-elle faire cavalière seule en s'opposant frontalement au nucléaire et une question pour vous, M. SARKOZY : qu'est-ce-que l'on va faire de la rente nucléaire ? Est-ce que vous êtes prêts à distribuer aux consommateurs ? Dans votre nouveau mécano industriel-nucléaire, quelle est la part des industriels allemands pour son financement ?
LA CHANCELIERE - Effectivement, nous sommes en accord et les décisions prises sont importantes. Pour ce qui est du nucléaire, c'est une question qui m'est difficile. Je préside un gouvernement de coalition où l'un des membres s'est engagé à la sortie du nucléaire et, d'ailleurs, l'industrie a signé cet accord au cours de la législature précédente. Je crois que nous prenons ici une mesure qui n'est pas comprise sur le plan international. Parmi les pays membres du G8, l'Allemagne est la seule à avoir fait ce choix et, en Bavière, 60 % de l'électricité est d'origine nucléaire. La Bavière est dans le sud, enclavée, n'a pas accès au charbon et n'est pas proche d'un port. Si vous pensez que dans 12 ans, ces 60 % d'électricité ne pourront plus être produits ici, alors que nos centrales nucléaires sont sûres, parmi les meilleures du monde, cela entraînera nécessairement la réouverture de cette question. Mais je respecte les accords et, dans l'accord de coalition que j'ai signé, je n'obtiendrai pas de changement. Ma conviction personnelle est que cela n'est pas une bonne chose.
LE PRESIDENT - D'abord, à partir de ce point-là, c'était d'autant plus important qu'on ait un accord sur les autres. Parce qu'auriez-vous dit, à juste titre, si en plus de ce point spécifique du nucléaire, on n'avait pas trouvé un accord sur le reste ? Deuxièmement, il ne m'appartient pas de porter un jugement sur la politique intérieure allemande. Je peux dire qu'avec le Premier ministre, on a décidé d'engager la France dans les centrales nucléaires de nouvelle génération. Troisièmement, une décision avait été prise en 2004 pour un EPR en France et nous sommes en train de travailler, le Premier ministre et moi-même, sur un deuxième EPR. Je dis, d'ailleurs, à la Chancelière, qu'une fois qu'on produit de l'électricité, ce n'est pas tout. Il faut également travailler sur les réseaux de distribution puisque, grâce à toi, Angela, on a pu obtenir cet accord franco-allemand qu'on donne à toute l'Europe pour la patrimonialité. Car cela ne sert à rien de produire de l'énergie si on ne peut pas l'exporter or nous voulons exporter de l'énergie. La décision serait l'opportunité d'un deuxième EPR et l'opportunité de réseaux de distribution comme les 47 kms souterrain que nous venons de décider entre la France et l'Espagne, puisque l'Espagne a besoin de cette énergie supplémentaire.
Sur la question de l'industrie, je vous rappelle qu'un grand de l'industrie allemand, Siemens est, à ma connaissance, membre du capital de Framatome et que Framatome, si je suis à peu prêt informé, est une filiale d'Areva. Si je vais encore un peu plus loin, en 2009, il y a une décision qui est à prendre par Framatome, par Areva et par Siemens de la poursuite ou pas de cette alliance capitalistique. Le désir des Français, c'est de travailler avec nos amis allemands pour produire de l'énergie nucléaire. Naturellement, c'est un choix qui appartient à nos amis allemands même si je suis extrêmement attentif à ce qu'Angela MERKEL a dit à titre personnel. Je crois savoir qu'il y aura également des rendez-vous électoraux en Allemagne comme en France, si mes souvenirs sont exacts. Et chacun aura un choix à faire.
En tout cas, nous disons aux Européens : nous les Français, face à l'explosion du prix du pétrole, face à l'explosion du prix du gaz -qui est pour beaucoup lié au prix du pétrole-, l'énergie nucléaire est une solution d'avenir. Mais nous voulons aussi nous inspirer de ce qu'ont fait nos amis allemands avec les énergies renouvelables. Ce que nous disons, les Français, c'est que le nucléaire de nouvelle génération, c'est plus de nucléaire mais, en même temps, plus d'énergie renouvelable et nous voulons travailler avec les Allemands qui ont de l'avance sur nous. S'agissant des énergies renouvelables, je pense à l'éolien, je pense aux biocarburants de la nouvelle génération et tu as fait l'inauguration, il y a quelques semaines, d'une usine de sciure de bois qui permet de produire 4 à 5 fois plus d'énergie sur le même nombre d'hectares. Nous disons oui au nucléaire. On y va à fond, mais cela ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin d'énergie renouvelable. J'ajoute, que dans la directive paquet climat-énergie, que nous allons essayer de faire passer pour l'Europe, la France a 23 % de part de son énergie en énergie renouvelable d'ici 2020. C'est donc que ce n'est pas parce qu'on est très en avance sur le nucléaire, qu'on ne veut pas rattraper notre retard sur les énergies renouvelables. En résumé, nous, la porte est ouverte, la main est tendue. Nous voulons travailler sur le nucléaire nouvelle génération avec les Allemands mais c'est un choix qui appartient à nos amis allemands.
QUESTION - Monsieur le Président, dans 3 jours, il y aura un référendum en Irlande sur le Traité européen et il y a un risque de victoire du non. Cela obérerait votre Présidence et ce que vous nous avez présenté. Que devrait faire l'Union européenne si cette éventualité se réalisait ?
LA CHANCELIERE - Je crois qu'il faut se garder de toute spéculation au stade actuel. Nous espérons tous que le oui l'emportera mais vous pouvez prévoir qu'il y aura une réaction franco-allemande commune quelle que soit l'issue du scrutin. J'espère que cette issue sera positive.
LE PRESIDENT - Ce n'est pas l'éventualité d'un refus irlandais. Ce ne serait pas seulement un problème pour la Présidence française mais pour l'Europe. C'est aux Irlandais de décider mais ce que nous avons décidé avec Mme MERKEL, c'est que, quoi qui se passe, la réaction, elle, sera franco-allemande. Quel que soit le choix de nos amis irlandais, et on espère de toutes nos forces que l'Irlande, qui a montré comment elle savait construire une économie moderne en s'appuyant sur l'Europe, quel que soit le choix des Irlandais, il y aura une initiative franco-allemande.
Vous comprendrez que l'on n'en dise pas davantage parce que l'on ne veut pas compliquer les choses.
QUESTION - Quel profil devra avoir, selon vous, le Président stable du Conseil européen ? Ce sera quelqu'un qui sera fort sur la scène internationale ou un courtier entre les chefs d'Etat ? Est-ce qu'il doit être membre du PPE selon vous ? Deuxième question, est-ce que vous souscrivez à la proposition de M. SARKOZY de parler au prochain Conseil des aides fiscales pour les automobilistes sachant qu'il y a un débat en Allemagne lancée notamment par la CSU ici ?
LA CHANCELIERE - Le profil. Il faut que ce soit un ex-chef d'Etat ou de gouvernement ou un actuel chef d'Etat ou de gouvernement. Et ils sont tous formidables. Je ne m'étendrai pas sur le profil.
En ce qui concerne votre deuxième question, nous avons parlé aujourd'hui, bien sûr, de la hausse des prix de l'énergie. C'est un point qui restera constamment sur le programme des prochaines rencontres tant en ce qui concerne le Conseil européen mais également le G8 qui va avoir lieu. Nous avons eu un échange là-dessus. Je crois que les conditions sont particulières dans chaque pays. Vous venez de le dire vous-même, nous avons certains débats partiels sur cette question mais nous n'avons pris aucune décision en la matière.
QUESTION - Une question au Président de la République, avez-vous eu du mal à accepter l'invitation à dîner alors que l'équipe de France joue à 18h00 ?
LE PRESIDENT - Enfin une question de fond. D'abord, je voudrais féliciter nos amis allemands, sans accabler nos amis polonais, pour ce magnifique succès. Deuxièmement, Angela nous a promis qu'on dînerait mais qu'on ne serait pas coupés du monde donc, avec François FILLON, on aura des nouvelles de ce qui va se passer à partir de 18h00 et on a demandé de nous faire parvenir des nouvelles, spécialement si elles étaient bonnes.
Enfin, je voudrais dire un mot. Nous avons parlé de la situation du marché pétrolier qui est extrêmement préoccupante. Ma conception de l'Europe, c'est que l'Europe doit protéger. J'ai expliqué ma proposition sur la fiscalité pétrolière. Il faut que les gouvernements de tous les pays y réfléchissent. Le Conseil européen abordera le sujet les 18 et 19 juin prochains, tant mieux. Ce n'est, bien sûr, pas simplement la proposition de la France, le sujet de la hausse de l'énergie. Qui pourrait comprendre, d'ailleurs, que 27 chefs d'Etat et de gouvernement se réunissent sans en parler ? Croyez-bien que l'on va au fond de ces questions-là. De mon point de vue, l'économie européenne et l'économie mondiale sont soumises, là, à un choc d'une force sans précédent, d'une brutalité sans précédent. Si on a fait l'Europe, c'est pour réagir ensemble, pas pour que chacun réagisse séparément. Et donc, j'explique mes convictions, chacun met sur la table ses convictions et ses problèmes et il faudra que l'on essaie de trouver une solution commune le moment venu, c'est-à-dire les 18 et 19 juin prochains.LA CHANCELIERE - Merci.