5 mars 2008 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les réformes engagées en faveur de la croissance économique, de l'emploi et du pouvoir d'achat, à Paris le 5 mars 2008.
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous dire ma confiance dans la capacité de notre économie à tenir le choc. On peut bien sûr regretter que notre croissance n'ait pas été supérieure à 2% en 2007 : mais rappelons que cette croissance a mieux résisté que ce que prédisaient beaucoup de Cassandre, alors que nous avons eu à faire face à un quadruple choc, la crise des subprimes aux Etats-Unis et la hausse de l'euro à un niveau sans précédents. J'ai été, je crois, l'un des premiers à attirer l'attention sur cette bizarrerie : que nos entreprises ont déjà affronté un dumping environnemental, un dumping fiscal, un dumping social. Et qu'il ne me semblait pas absolument indispensable, que de surcroît, elles affrontent un dumping monétaire dans des conditions parfaitement inacceptables.
A ceci s'ajoute un troisième choc : le cours du pétrole qui franchit les 100 dollars, et comme si cela ne suffisait pas, la hausse du cours des matières premières. Et bien malgré cela, en 2007, l'économie française a crée plus de 300 000 emplois, des emplois réels, des emplois solvables, des emplois marchands, et 320 000 entreprises, un record, ont été créées. C'est l'année 2007. L'investissement résiste, et le chômage baisse. Nous aurons des chiffres prochainement qui montreront un niveau sans précédent de baisse du chômage dans notre pays. Je ne dis pas que je me satisfais de la situation. Je dis que dans un environnement qui n'était pas, c'est le moins qu'on puisse dire, porteur, notre économie a fait preuve d'une capacité de résistance qui a été renforcée par les mesures adoptées depuis mai dernier pour soutenir la demande. Ce n'est d'ailleurs pas moi qui le dis, mais le FMI et la Commission européenne, qu'on a connus moins tendres s'agissant du jugement qu'ils portaient sur l'économie française.
Alors, bien sûr qu'il va falloir aller plus loin. Je me suis engagé à 5% de chômage en 2012, à rattraper la croissance qui nous manque.
Et pour faire face à ces objectifs, pour les atteindre, j'ai quatre priorités.
La première : je veux remettre le travail au coeur de nos politiques publiques, car sans travail, il n'y aura pas d'amélioration du niveau de vie des Français, et sans travail, il n'y aura pas de plein emploi.
Et je voudrais vous dire d'ailleurs, que quand j'ai demandé à Madame Christine LAGARDE, qui l'a fait d'ailleurs remarquablement, de présenter la loi TEPA cet été, innombrables ont été les commentaires pour indiquer : mais qu'est-ce qui prend au Président Français, tout va bien. Mois de juillet. Pourquoi soutenir la demande, il n'y a aucun problème - mois de juillet. Et grand débat à ce moment-là, pour savoir s'il convenait de poursuivre une politique de la demande ou une politique de l'offre. Il faudra d'ailleurs qu'on m'explique les différences et l'intérêt de ce débat théologique. C'était au mois de juillet. La crise des subprimes est arrivée au début du mois d'août, et à partir de début août, le contexte économique et financier mondial s'est retourné.
Et ceux-là mêmes qui nous faisaient reproche d'avoir engagé, avant la crise, le puissant facteur que représente la loi TEPA, me demandent aujourd'hui de prendre des mesures en faveur du pouvoir d'achat et donc de la politique de demande. Ceux-là mêmes qui considéraient qu'en juillet, il convenait de faire une politique de l'offre, s'étonnent qu'au mois de février-mars, on ne fasse pas une politique de la demande.
Cher Michel DIDIER, vous pour qui j'ai amitié et respect, vous convenez que s'agissant des spécialistes, il vaut mieux les précéder que les suivre. J'ajoute que depuis, les Etats-Unis d'Amérique ont montré le chemin en faisant la même chose que la France avec simplement huit mois de retard. Que n'aurait-on entendu, si je ne l'avais pas fait ? Et qu'a-t-on voulu faire avec cela ? On a voulu réhabiliter le travail.
Je me souviens de cette époque invraisemblable où, dans notre pays, on envoyait les inspecteurs du travail dans les parkings de vos entreprises pour vérifier que les cadres ne travaillaient pas trop. L'extraordinaire c'est que nous ayons tenu.
J'ajoute que j'ai voulu alléger le carcan des 35 heures, en permettant à chacun de négocier - employeurs et salariés - le nombre d'heures supplémentaires. Et dans un pays où on expliquait aux gens que c'était mal de travailler plus parce qu'on prenait l'emploi des autres - si, on a quand même trouvé des gens pour dire cela et ils existent toujours - Remarquez, ce qui est bien sympathique, c'est qu'on peut se tromper à ce point-là et continuer à parler -. Nous avons totalement inversé la logique en défiscalisant les heures supplémentaires. Moi, je ne sais pas si c'est de la demande ou de l'offre, ce que je sais c'est que c'est du bon sens que de pouvoir travailler plus pour gagner davantage et cela marche.
Le premier mois, en octobre, nous avons eu 40% des entreprises de plus de 10 salariés qui s'en servaient. Le deuxième mois, au mois de novembre, nous avons eu 49%, le troisième mois, au mois de décembre, nous en avons 55%. Un demi-million d'entreprises françaises utilise les heures supplémentaires défiscalisées. Et cela se traduit en matière de niveau de vie pour les Français. Je sais bien que c'est très difficile de convaincre sur le sujet, mais je veux dire aux français une chose : c'est que l'augmentation du niveau de vie sans l'augmentation du travail, c'est un mensonge. Il y a un peu moins de 40% de salariés français qui ont vu leur feuille de paye augmenter grâce à la loi sur les heures supplémentaires. 40%, ce n'est pas 100%, je le sais. Mais alors que nous sommes dans un pays où on considérait que quand on augmente le SMIC, on augmente le pouvoir d'achat, je voudrais rappeler, il n'y a que 17% des salariés français qui sont au SMIC. Donc, quand on augmente le SMIC, on laisse tomber 83% des salariés français. Avec les heures supplémentaires, on en a touché 40%, et nous ne sommes qu'à trois mois de résultat.
J'ajoute qu'entre-temps, nous avons rendu possible le rachat des RTT et nous poussons à toute force les salariés français à travailler davantage. J'ajoute que je serai amené à proposer des mesures fortes pour qu'on arrête de mettre en préretraite ou au chômage les quinquagénaires. Je vous le dis comme je le pense, je prendrai mes responsabilités, mais ce sacrifice économique et social n'est plus acceptable, nous n'avons pas assez de seniors au travail. Nous n'avons pas assez de jeunes au travail. Je remettrai en cause toutes les formules qui facilitent le départ en préretraite de gens dont on a besoin pour financer nos retraites et financer notre protection sociale. Chacun prendra ses responsabilités, je prendrai naturellement les miennes, mais mettez-vous à la place des Français, on ne peut pas leur dire que pour payer les retraites, il va falloir travailler plus longtemps et en même temps, mettre à la retraite ou en pré-retraite plus tôt, des hommes et des femmes qui ne demanderaient qu'à continuer. Je le dis en sachant à qui je parle, je sais que cela peut vous poser des problèmes dans l'échelle des salaires, dans l'ancienneté, mais au regard de l'intérêt général, il est capital d'augmenter la quantité de travail en France. Il y a pour moi deux sujets essentiels : le premier, c'est l'emploi de séniors et le second - là aussi, je prendrai mes responsabilités - c'est le fait que l'on ne pourra plus refuser plus de deux offres d'emploi valables si l'on veut garder son système d'indemnisation. C'est une question de justice et c'est une question d'équité. Entre temps, nous avons fait la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC. Je veux d'ailleurs rendre hommage à nos partenaires syndicaux - je pense notamment à la CFDT. Cette affaire de fusion ANPE-UNEDIC, cela fait vingt ans qu'on en parle et bien, Mesdames et Messieurs, c'est fait en neuf mois, de la même façon que la fusion entre la DGI et la comptabilité publique, cela fait vingt ans qu'on en parle. Il y a deux ministres socialistes qui sont légèrement et momentanément descendu de leur piédestal, en l'occurrence Monsieur SAUTTER et Monsieur CHARASSE sur cette réforme. Cette réforme, elle est faite. Ce n'est plus un projet c'est une réalité. J'ai parfaitement conscience qu'avoir un interlocuteur unique pour un chômeur, cela est indispensable. Enfin, quel était ce système incroyable qui fait que celui qui indemnise n'est pas celui qui propose un emploi ? Il y a un interlocuteur unique, j'ai demandé aux syndicats de définir ce que c'est une offre valable, autant que cela soit fait avant fin mars et à partir de ce moment-là je prendrai et je demanderai au gouvernement de prendre ses responsabilités. On ne peut pas être dans un pays où il y a 1 900 000 chômeurs d'un côté et 500 000 offres d'emploi non satisfaites, il y a un moment où chacun doit comprendre que les droits sont la contrepartie des devoirs. Les chômeurs ont le droit à l'indemnité, ils ont le devoir d'accepter une offre d'emploi qui corresponde à leur formation ou à leur espérance de rémunération.
Deuxième priorité, c'est vraiment ce que l'on a fait et cela marche, nous voulons investir dans l'avenir et libérer les capacités créatrices de nos entreprises pour qu'elles puissent croître et prospérer.
C'est d'abord tout ce que nous avons fait pour la recherche. Mesdames et Messieurs, le crédit d'impôt-recherche a été porté à 30%. C'est le système de soutien à la recherche le plus avantageux du monde. Nous l'avons triplé, nous en verrons les résultats en 2009, mais d'ores et déjà un certain nombre d'entreprises, je pense à Thalès pour les systèmes de navigation ont indiqué, alors qu'ils voulaient délocaliser leurs services de recherche aux zones dollars, puisque naturellement cela devient compliqué de fabriquer en zone euro et vendre en zone dollar. Pour toute personne qui veut réfléchir aux problèmes économiques et monétaires - naturellement si on ne veut pas y réfléchir on n'y réfléchit pas - le crédit d'impôt-recherche français, c'est le plus puissant levier dans le monde pour soutenir l'investissement dans la recherche de nos entreprises.
En neuf mois, nous avons donné l'autonomie à toutes les universités de France Mesdames et Messieurs, depuis combien de temps parlions-nous de l'autonomie des universités ? Pour en parler, on en parlait, et le cimetière des Ministres des universités et de l'Education Nationale qui ont parlé de l'autonomie est rempli de tous ceux qui étaient convaincus qu'il fallait le faire et qui n'ont pas pu le faire. C'est fait. La totalité des universités françaises bénéficie de l'autonomie. Et dans le même temps, la gouvernance des universités a été modifiée. Il y avait un Président qui ne pouvait décider de rien, cette gouvernance a été changée. Et nous allons mettre 20 milliards d'euros dans nos universités pour avoir les meilleures universités du monde. C'est fait.
J'ai vu que l'on m'accusait de vouloir modifier l'organisation de la recherche en France, c'est vrai, pas la peine d'insister, j'avoue tout de suite. Je veux rapprocher les universités de la recherche, je souhaite donner davantage de moyens aux chercheurs.
Je veux mettre un terme à cette bizarrerie qui consiste à ce que nos meilleurs chercheurs, les plus jeunes, soient débauchés par les autres parce qu'ils sont payés trois fois plus cher ailleurs. Et ce système invraisemblable, où un vieux statut mité fait que nos meilleurs chercheurs sont trop vieux pour chercher chez nous et assez jeunes pour être rémunérés à prix d'or chez les autres, si on pense qu'il n'y a rien à faire, c'est qu'on n'a pas la même vision de la recherche française.
Et j'étais très heureux d'ailleurs de voir qu'il y avait en tout et pour tout 200 personnes dans la rue hier. Et cela prouve que les chercheurs ont parfaitement compris qu'ils étaient pour nous une priorité, mais je l'ai dit aussi et je tiendrai : l'argent en plus et la réforme. Pas de réforme, pas d'argent public en plus. Ce sont les deux qui vont de pair, parce que je n'ai pas été élu pour fournir le tonneau des danaïdes : toujours plus d'argent, toujours moins de réformes. L'argent public et la réforme au service de l'efficacité. J'assume également parfaitement l'idée que chacun doit être évalué. Et qu'on doit des comptes aux Français.
J'ajoute que la loi pour la modernisation de l'économie, sur laquelle travaille Christine LAGARDE, Luc CHATEL et Hervé NOVELLI, sera défendue au printemps. Elle portera sur un certain nombre de grands sujets, nous aurons l'occasion d'en reparler.
Enfin, troisième priorité : rétablir le sérieux dans la gestion des finances de l'Etat. Ecoutez, je veux bien être responsable de beaucoup de choses, mais enfin cela fait quand même 30 ans que la France présente un budget en déficit. Je regarde, j'écoute, j'entends des conseils de tous côtés. Vous connaissez ce proverbe : « quand je m'ausculte je m'inquiète, quand je compare il m'arrive de me rassurer ». Il n'y a pas d'autre chemin que celui de la maîtrise des dépenses publiques, comprenez de la réduction du poids des dépenses publiques sur notre économie. Ce n'est pas une question d'idéologie, comment alléger les charges ? Comment alléger la fiscalité sans maîtriser et réduire nos dépenses ? J'ai vu que là encore, on me faisait un procès de ne pas avoir tenu le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Je m'en explique très bien. J'ai regardé les budgets sur les 20 dernières années. Pas un gouvernement, de gauche comme de droite, n'a osé aller au-delà du non-remplacement de 10 000 départs à la retraite. Sur les 20 dernières années. Qu'avons-nous fait cette année ? Nous avons non remplacé 23 000 départs à la retraite. C'est certainement insuffisant, c'est malgré tout un peu plus du double de ce qu'avaient fait les plus courageux. Cela ne me met pas en situation de dire que tout va bien, cela en met un certain nombre en situation de discrétion sur leur appréciation de cette politique.
Mais je vais aller plus loin devant vous. Si nous avions voulu remplacer un départ sur deux, il eut fallu faire entre 33 000 et 34 000 non-remplacements. Pourquoi ne l'ai-je pas voulu ? Pour une raison très simple : j'ai été élu en mai, j'ai obtenu une majorité législative en juin, nous avons voté la loi de finance rectificative dans l'été, il a donc fallu faire tout cela à mi-année, c'est-à-dire que j'ai dû faire cela alors même que les réformes n'avaient pas produit leurs effets, parce que naturellement, il ne s'agit pas de faire du rabot, il s'agit de réformer pour réduire. Si vous ne réformez pas et que vous réduisez, vous créez des trous, vous faites du mitage. Mais naturellement, les objectifs je les tiendrai, pas du tout dans un esprit idéologique mais simplement parce que c'est du bon sens. J'ajoute que nous continuerons à associer les fonctionnaires aux gains de productivité et que nous redistribuerons sous forme de pouvoir d'achat 50 % des gains de productivité. 50 % pour les fonctionnaires, moins nombreux, mieux payés. 50 % pour la réduction du déficit de la France. Il me semble que c'est une politique juste.
Enfin, quatrième priorité économique pour nous, solidarité, responsabilité sur des dossiers aussi lourds : retraite, santé, dépendance, hôpital. Là encore, Mesdames et Messieurs, moi j'aurais été très heureux de ne pas trouver tous ces dossiers sur ma table. On dit que je veux tout, non ! Honnêtement, si l'affaire des réformes des régimes spéciaux avait été faite avant, c'eut été une excellente nouvelle. J'observe que la réforme des régimes spéciaux de retraite ne devait pas être si facile puisque soit ils n'ont pas voulu la faire, soit quand ils l'ont faite, ils ont reculé. Et neuf mois après, je me présente devant vous, je n'ai retiré aucun texte. Nous n'avons reculé sur aucun sujet et la réforme des régimes spéciaux a été menée à terme après 9 jours de grève générale que nous avons assumée.
J'ajoute, pour être parfaitement compris, que je veux rendre hommage moi, aux partenaires syndicaux, y compris à ceux qui ne partagent pas mes convictions bien sûr, parce que quand c'est la crise et la difficulté on est bien content de trouver des gens de courage, d'opinions certes différentes mais avec qui vous pouvez dialoguer et éviter soit le sabotage des équipements publics, soit des affrontements. De ce point de vue, je dois le dire, nous avons discuté avec FO, avec la CFDT, avec le CGT, de façon souvent rude, mais de façon loyale et permettez moi de le dire, responsable. C'est une chose de ne pas être en accord et ils n'étaient pas en accord. Je peux les comprendre. C'en est une autre d'être irresponsable. Et quant aux cheminots, aux gaziers, aux électriciens, aux agents de la RATP, je comprends parfaitement leur mécontentement. Il s'agissait quand même de leur demander de passer 37 années de cotisations à 40 ! Ce n'est pas rien, c'était juste, c'était équitable, mais c'était un effort.
Mesdames et Messieurs, je l'avais promis pendant la campagne, je l'ai fait. Il me semble que l'économie française n'a, semble-t-il, pas trop à en pâtir. Et donc on continuera en 2008.
Nous devrons conduire la réforme de l'hôpital. L'hôpital, c'est 50 % des dépenses de l'assurance maladie. L'assurance maladie, c'est six milliards de déficit. J'ai regardé avec beaucoup d'intérêt les plans des vingt dernières années. Il y a un grand absent, c'est l'hôpital. Alors il ne faut pas s'étonner que les déficits aient continué puisqu'on prend un prix supposé, et qu'on ne touche pas à 50 % des dépenses. Ce qui évidemment nuit à l'efficacité de la stratégie.
J'ai même pris des responsabilités lourdes. Avec cette histoire d'Alzheimer, épouvantable ! Près d'un million de Français qui sont frappés d'Alzheimer. Il y en aura dans toutes les familles de France. 250 000 cas nouveaux chaque année. Des gens qui prennent l'Alzheimer à 50 ans ou moins, il fallait faire quelque chose ! On ne connaît rien de cette maladie. Il fallait investir de l'argent. J'ai décidé que l'on allait investir un milliard cinq cents millions pour un plan qui a été unanimement reconnu comme cohérent et, je l'espère, efficace. Mais, Mesdames, Messieurs, il y a une différence avec le plan que j'ai annoncé et ce qui s'est passé les autres fois. C'est que j'ai annoncé les dépenses et les recettes. J'ai assumé, moi, le choix de la franchise médicale pour mettre cet argent nouveau au service de la bataille contre l'Alzheimer ou au service de l'augmentation du nombre de lits pour ceux qui se trouvent dans la situation terminale et qui n'en sont pas moins des êtres humains. Je dirais même qu'ils sont encore davantage des êtres humains qui doivent vivre en sachant que c'est fini. Et donc j'ai assumé les franchises parce que nous avions besoin d'argent pour faire le plan Alzheimer et il me semble qu'en faisant cela j'ai essayé de participer à la gestion de la France d'une façon raisonnable. On me dit : ah, il ne faut pas s'exposer, ah oui, c'est facile, mais moi, ma conception du rôle du Président, ce n'est pas celui qui annonce les dépenses et qui oublie les recettes. C'est celui qui s'engage sur les dépenses mais qui s'engage aussi sur les recettes. C'est moins facile mais c'est plus honnête.
A partir de ce moment là, ces réformes, nous n'avons pas le choix, il faut les conduire. J'ai demandé également et je la conduirai, la réforme de la formation professionnelle. Enfin, écoutez près de 23 milliards d'euros engagés chaque année. Qui peut me dire que c'est satisfaisant la situation aujourd'hui ? Ah, c'est sûr, pour faire l'INSEAD quand on est membre d'un groupe international et qu'on est déjà à Bac +22 c'est possible ! Mais quand vous êtes employé dans le textile, dans un de nos territoires de France, que la boîte ferme parce que le métier est terminé, que vous avez 52 ans et qu'il faut apprendre un nouveau métier...
Je ne suis pas sûr que notre système de formation professionnelle soit efficace et soit juste. Je veux recentrer l'argent de la formation professionnelle sur nos compatriotes qui doivent se dire, ce n'est pas grave de perdre son emploi parce que la société, l'Etat, est là, qui me permettra d'obtenir la formation pour avoir un autre emploi. Le drame n'est pas de perdre son emploi, le drame c'est la certitude qu'ayant perdu son emploi, on ne peut pas en trouver un autre. Voilà la logique que je veux changer dans notre pays. C'est celle-ci !
Et bien sûr que je conduirai également la création du cinquième risque : le risque dépendance. Malgré les 800 000 enfants de plus chaque année, une politique familiale dynamique, l'allongement de la durée de la vie fait que nous vivrons de plus en plus longtemps. Comment cela va se passer ? Qui va payer ? Qui va créer les places dont vous aurez besoin, un jour pour vous et avant pour vos parents ?
Ce ne sont pas des petits sujets. J'ai été élu pour répondre, apporter des solutions à ces grandes questions qui concernent les entreprises moyennes comme toutes les autres, parce que si la France ne fait pas les réformes, l'économie française ne gagnera pas le point de croissance qui lui manque. Et vous, les chefs d'entreprises, vous ne pourrez pas partir à la conquête des autres marchés parce que pour partir à la conquête des marchés européens et mondiaux, il faut être assuré et être fort sur son marché national. Parce qu'il n'y a pas une conquête extérieure qui ne puisse se construire si d'abord on ne se sent pas fort sur son marché d'origine. Et je ne connais pas d'entreprise qui réussisse magnifiquement à l'international et qui échoue magnifiquement au plan national. C'est la réussite nationale qui permet la conquête européenne ou la conquête mondiale.
A partir de ce moment là, je sais vous qui ne faites pas la une des journaux économiques tous les jours, quelle chance ! Je retire économie, je dis les journaux ! Vous vous sentez parfois oubliés, quel avantage ! Et partant que vous avez un certain nombre de problèmes particuliers. Avec Hervé NOVELLI on en a bien conscience puisque moi, je me suis fixé un objectif, voir l'émergence de deux mille nouvelles entreprises de cinq cents personnes et plus d'ici à 2012. J'étais en Allemagne, il y a deux jours. Notre faiblesse, elle est là ! Notre faiblesse, elle est double en quelque sorte.
Nos grands groupes sont très anciens. Il y en a moins de 10 % qui ont moins de 10 ans, ce qui prouve qu'il n'y en a pas de nouveau et nos entreprises de plus petite taille ont un mal fou à devenir des entreprises moyennes. Voilà le coeur de nos problèmes.
Vous avez été à l'origine de plusieurs propositions. Vous continuez à l'être. Je voudrais dire très simplement ce que j'en pense. D'abord, cela a été une grande erreur pour la société française que de tourner le dos au capitalisme familial. Cela a été une grande erreur que de dire du mal et de dénoncer celles et ceux de nos compatriotes qui ayant des moyens, de l'argent, avaient choisi de l'investir dans des entreprises, dans des usines, dans des industries. Parce que lorsqu'on n'a pas la chance d'avoir un entrepreneur familial ou un actionnaire familial dont on connaît le nom, qui a engagé son propre argent, on sait que c'est bien moins commode de se trouver avec comme propriétaire un fonds de pension dont on connaît une personne si ce n'est que l'on sait qu'il veut que ça rende et que ça rende tout de suite. Par conséquent, détourner de l'économie française des femmes et des hommes qui voulaient y investir sous prétexte qu'on déteste la réussite, c'était une erreur stratégique majeure. Parce que dans nos départements, on est bien content d'avoir quelques familles et quelques entrepreneurs personnels qui investissent leur argent pour sauver la boîte qui, sans eux, n'intéresserait personne, et certainement pas les fonds de pension des veuves écossaises -contre qui je n'ai rien d'ailleurs, mais qui ne peuvent pas à elles seules porter toute l'économie française.
C'est la raison pour laquelle, et cela vous concerne très précisément, j'ai eu le courage, je le crois, de faire en 9 mois le bouclier fiscal à 50 %, CSG comprise. J'entends un certain nombre d'impatiences. Permettez-moi de vous dire que depuis le temps que j'entends cette revendication, que je la vois promettre, au moins aurais-je eu cela. Plus personne n'aura à le promettre puisque c'est fait.
J'ajoute que je n'ai pas craint d'attaquer les problèmes de l'lSF, vaste sujet. Les responsables de gauche comme de droite étaient inarrêtables dans les salons, dans les dîners : il faut, y'a qu'à, c'est évident, bien sûr, dormez tranquille, on ne fera rien. Et ils tenaient promesse et quels que soient les gouvernements. Permettez-moi de vous dire que c'est changé puisque désormais on pourra défiscaliser sa cotisation ISF dans des proportions très importantes si on investit dans une entreprise.
Je n'ai pas voulu porter témoignage qu'on me parle des entreprises innovantes parce qu'il y en a assez. Pour moi, une entreprise qui gagne de l'argent, c'est une entreprise innovante forcément. Qu'on ne vienne pas me dire, cela suffit, on nous a déjà fait le coup entre l'économie moderne et l'économie ancienne. L'économie moderne qui disait, c'était celle où on n'avait pas de client, pas d'acheteur, pas de métier, pas de produit, pas de réseau de distribution. La modernité, on levait des fonds. On a vu où cela nous a amené, à une bulle spéculative qui a explosé en même temps que ceux qui expliquaient : l'avenir de cette économie disparaissait dans un passé dont ils ne sortiront plus jamais. Il faut arrêter de faire la différence entre les entreprises innovantes. Dans tous les secteurs, à toutes les tailles, l'entreprise est forcément innovante si elle tient son marché, si elle a des clients et si elle arrive à dégager du profit. Ce n'est pas à l'Etat d'aller dire qu'il y en a qui sont plus utiles que d'autres. Elles sont parfaitement utiles.
Vous savez à quel point je tiens à l'industrie. Mais quel que soit le secteur, cela veut dire que tous ceux qui paient l'ISF vont pouvoir investir chaque année dans votre entreprise. J'y vois deux avantages. Le premier, c'est que cela vous mette de l'argent à disposition. Dans un pays comme le nôtre qui est très sympathique, qui a un réseau bancaire parmi les plus développés au monde et dont j'ai observé qu'ils adoraient prêter de l'argent à ceux qui n'en avaient pas besoin. -Cela vous est arrivé ? Oui, c'est vrai. Moi aussi. J'ajoute que cela va créer une génération d'actionnaires, c'est-à-dire d'hommes et de femmes qui vont investir dans une entreprise. J'attends beaucoup de cette réforme qui est extrêmement utile.
En France, il est beaucoup plus difficile de faire grandir les entreprises existantes que de les faire naître. Je crois que l'on a, à peu près, résolu le problème de la création d'entreprise. Les chiffres le montrent. Il y a encore des choses à faire, mais cela a énormément progressé. Mais on n'a pas résolu le problème de la croissance de ces entreprises.
A l'occasion de la fusion entre OSEO et l'Agence de l'Innovation Industrielle, - je ne voyais pas ce que cela venait faire, plusieurs guichets, je n'en voulais qu'un seul- On dégage 300 millions d'euros pour financer vos entreprises moyennes en plus de ce qui est prévu.
Nous avons ainsi rompu avec une politique d'innovation qui favorisait exclusivement les grands groupes ou les PME, car Ivan a raison. Il y avait soit une politique pour les TPE, soit une politique pour les grands groupes et au milieu, les entreprises de taille intermédiaire étaient toujours les oubliés.
J'ai demandé à la Commission européenne que soit reconnue une catégorie d'entreprises intermédiaire entre les groupes et les PME, j'en ai parlé il y a quelques instants. La définition communautaire actuelle de la PME, limitée à 250 salariés, conduit d'une certaine manière à assimiler toutes les entreprises de plus de 250 salariés à des grands groupes, excluant les entreprises moyennes du bénéfice des politiques visant à les accompagner. C'est un grand malheur. Si vous ne faites pas de catégorie précise, vous ne faites pas une politique qui convienne à cette catégorie-là parce qu'immédiatement à Bercy on vous dit : cela coûte trop cher, puisque tout le monde est concerné. C'est le gros avantage d'avoir des catégories qui permettent de cibler votre effort.
De la même façon, je souhaite que les entreprises puissent garder pendant un temps limité le bénéfice du statut de la PME, même si l'un des critères est dépassé du fait de la croissance de leur chiffre d'affaires, pour qu'on les laisse grandir. L'objectif doit être de neutraliser les effets de changement de seuil qui peuvent être un frein à la croissance !
L'ensemble de cette politique favorable au développement des PME de croissance constituera une priorité forte de la Présidence française de l'Union européenne. J'ai demandé à Lionel STOLERU, je l'en remercie, de s'engager sur le « Small Busines Act », extraordinaire. Mais ce que les entreprises américaines peuvent faire, pourquoi donc les entreprises européennes n'auraient pas le droit de faire ? Je suis pour la concurrence, je suis pour l'ouverture. Mais une concurrence loyale pas une concurrence déloyale. C'est très important le « Small Busines Act » puisque cela va permettre aux entreprises moyennes de s'appuyer sur un marché français pour pouvoir partir à la conquête des marchés extérieurs.
Il y a bien sûr le problème des transmissions des entreprises.
Ce marché de la transmission / reprise est estimé à 700 000 entreprises dans les 10 ans à venir, toutes tailles confondues. Je sais parfaitement que c'est un sujet considérable puisque moins de 10% des transmissions de vos entreprises en France sont des transmissions familiales, contre 58% en Allemagne, 55% aux Pays-Bas, et 72% en Italie ! Si on veut décourager les familles d'investir dans l'entreprise, écoutez, continuons comme cela !
C'est préoccupant et ce n'est pas acceptable.
Vous savez l'importance que j'attache au capitalisme familial. Je vous l'ai dit il y a un instant.
J'ai donc demandé à Christine LAGARDE et à Hervé NOVELLI dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie du printemps, de faire adopter un certain nombre de mesures importantes.
Notre fiscalité concernant les transmissions doit être simple, lisible, et stable. Des choses ont été faites dans les années récentes, notamment pour l'augmentation de l'abattement des droits de transmission par bénéficiaire. Mais il faut que l'on aille plus loin avec une fiscalité qui ne doit pas décourager le repreneur à prendre des risques. De mon point de vue, la moindre des choses c'est qu'il puisse déduire de son revenu les intérêts des emprunts qu'il a consentis pour racheter son entreprise. Cela me semble le b.a- ba en la matière.
Je veux également réduire le coût fiscal de l'achat d'une entreprise, cher Hervé : est-il normal que le repreneur doive s'acquitter d'une taxe de 5% sur la valeur de l'entreprise qu'il rachète, avant même d'avoir réalisé le moindre bénéfice que cela soit ? Aujourd'hui, le régime fiscal applicable conduit à taxer plus fortement les cessions de petites entreprises, des SARL, alors que les sociétés anonymes bénéficient d'un régime plus favorable. Ce n'est pas la peine de mettre "Egalité" au frontispice de tous nos équipements, pour pénaliser la SARL sur les la Société Anonyme. Je ne pense pas que le rôle de la fiscalité soit de produire ces acrobaties juridiques ? Nous ferons avec Hervé et Christine des propositions très fortes. Cela ne sert à rien de taxer une transmission d'entreprise qui meurt. Je veux faire comprendre au fisc français qu'il vaut mieux avoir plein de transmissions qui rapportent moins, mais qui rapportent en plus au total, que d'empêcher la transmission et de faire mourir les entreprises. J'admets, cela est très compliqué, mais quand même, je ne renonce pas à me faire comprendre, peut-être.
OSEO doit être plus présent pour accompagner les repreneurs. Je voyais les patrons de la Caisse des Dépôts hier, le Président du Conseil de surveillance, le Député Michel BOUVARD, et le Directeur général. Je leur disais que je ne verrai que des avantages à ce que la Caisse des Dépôts se comporte comme un véritable fonds souverain français, et que la Caisse des Dépôts investisse, pas simplement dans le CAC 40, mais qu'elle investisse aussi dans les entreprises de taille moyenne, qui justement ont le plus de difficultés à trouver des financements, des partenaires et des actionnaires. Cela sera une des nouvelles orientations, en tout cas, que je souhaite pour la Caisse.
Puis, au fond, et pour en terminer, tout ne passe pas que par la Loi. Au fond, qu'est-ce que j'essaye de faire ? C'est faire que les gens aiment de nouveau leur travail, le respecte et se disent : on n'est pas traité de la même façon si l'on se donne du mal et si l'on ne fait rien.
Ce que j'essaye de faire, c'est de réconcilier les Français avec la réussite, que celui qui prenne beaucoup de risques en soit récompensé en gagnant plus d'argent, c'est normal, c'est juste et c'est honnête. Ce qui n'est par normal, c'est que l'on soit très rémunéré quand on ne prend pas de risque. Ce qui n'est par normal, c'est que l'on soit très rémunéré quand on a échoué. Ce qui est normal, c'est quand on misé son argent, misé son temps, et que l'on a réussi, qu'on ait la juste récompense.
Moi, vous savez, ce n'est pas les gros salaires qui me choquent, mais les gros salaires c'est pour les grandes responsabilités. Donc, quand il y a un échec, celui qui a une grande responsabilité, il doit en assumer les conséquences, sinon il n'y avait aucune raison qu'il ait un gros salaire Ce n'est pas normal que l'on soit traité de la même façon quand on est au SMIC et quand on a plusieurs millions d'euros de rémunération par an. Le niveau de responsabilité et d'engagement ne peut pas être le même.
Pourquoi, moi, je n'aimais pas les parachutes dorés ? Ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est une question de principe. Que l'on soit beaucoup rémunéré parce que l'on prend de grands risques, oui. Mais beaucoup rémunéré avec la certitude qu'on a un parachute à la sortie, cela ne s'appelle pas des grands risques, cela veut dire que la rémunération n'était pas justifiée. Vous, les chefs d'entreprise, des entreprises de taille intermédiaire, vous savez parfaitement ce que je veux dire.
Nous aurons sans doute un débat difficile. Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin en matière d'intéressement et de participation, je le dis de la façon la plus claire et la plus franche, une entreprise elle est le produit du travail de tous ses salariés. Quand je vois des groupes qui font plusieurs milliards d'euros de bénéfices, je m'en réjouis. Je m'en réjouis pour eux, et je m'en réjouis pour notre pays. En même temps, je me dis, cela n'est pas anormal que tout n'aille pas qu'à l'actionnaire, et qu'une partie aille aux salariés. Parce que le salarié il a participé à la création de richesses dans l'entreprise. Par ailleurs, c'est un élément de la compétitivité que d'avoir des salariés qui se disent, je travaille, je trime, mais j'en aurai moi aussi la juste récompense.
Pareil pour les plans de stock-options, moi je trouve cela très bien. Je dis simplement, cela ne peut pas être simplement une discussion entre membres d'un même conseil d'Administration. Qu'on en donne plus à ceux qui sont tout en haut, c'est normal, mais qu'on en exclut systématiquement ceux qui sont tout en bas, c'est parfaitement anormal.
Je n'ai rien contre tel ou tel dont on a parlé dans la presse. Mais quand il y a un grand sinistre dans une entreprise, c'est n'est pas normal que le grand patron n'en tire aucune conséquence, la faute ce n'est pas moi, c'est les autres. Ce n'est pas ma conception de la responsabilité, ce n'est pas ma conception de l'économie de marché, ce n'est pas la conception du capitalisme, ce n'est pas la conception des valeurs qui sont les miennes. Je veux des valeurs qui sont normales. Quand on travaille plus, on gagne plus. Quand on prend plus de responsabilités, on gagne davantage si l'on a la réussite. Quand on s'engage, on en a la valorisation.
Mesdames et Messieurs, il faut que l'on apprenne à respecter ceux qui réussissent et à s'en inspirer comme des exemples, plutôt qu'à les critiquer et à les détester. C'est ainsi que la France qui a une longue histoire derrière elle, pourra s'engager avec un avenir joyeux. Je veux faire de la France un pays jeune, un pays dynamique, un pays qui croit dans l'avenir. Un pays qui ne se contenterait pas de dire aux autres, faites exactement le contraire de ce que je fais moi-même. La crédibilité du message français c'est la force et la profondeur des réformes que nous sommes en train d'engager, j'espère que vous l'avez compris.
Pour moi, venir ici, c'était un réel plaisir.Merci.