3 mars 2008 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Conférence de presse conjointe de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale, sur les relations franco-allemandes, notamment concernant la présidence française de l'Union européenne et le projet d'Union pour la Méditerranée, à Hanovre le 3 mars 2008.


LA CHANCELIERE - Nous avons parlé d'un certain nombre de projets. Et, en vue de la Présidence française, je voudrais dire, de même que la France nous a soutenu pendant la Présidence allemande, nous allons étroitement soutenir la France pendant sa présidence. Nous sommes convenus qu'en ce qui concerne la coopération entre l'Union européenne et la Méditerranée, nous voulions faire évoluer le processus de Barcelone et lui donner une nouvelle dimension. Cela s'appellera Union pour la Méditerranée, ce sera un projet des 27 Etats membres de l'Union européenne. Nous devons en parler avec les autres Etats membres pour ne pas placer tout le monde devant le fait accompli. La France et l'Allemagne sont des pays importants mais ce ne sont que 2 pays sur 27 et il faut naturellement en parler aussi avec les Etats riverains de la Méditerranée. Mais il y aura une évolution qualitative si les choses se passent comme nous le souhaitons et ce sera un projet des 27 Etats membres de l'Union.
D'autre part, nous sommes convenus que sous présidence française, nous allons soutenir la France dans son projet de lutte contre les paradis fiscaux afin d'arriver à une fiscalité juste et surmonter les différences qui existent. L'Allemagne entend pleinement soutenir ce que la France entend réaliser pendant sa présidence. Par ailleurs, dans le domaine de la politique de sécurité et de défense, dans le domaine du climat, de l'immigration et de l'agriculture, -qui sont plusieurs des chantiers de la Présidence française-. , nous allons mettre en place des groupes de travail franco-allemands afin de pouvoir nous préparer de manière concertée dans ces domaines. J'ai souligné que, malgré la décision du groupe E.ON, l'Allemagne continue de défendre ce qu'on appelle la "troisième voie", la séparation patrimoniale des entreprises énergétiques. Nous avons présenté une proposition franco-allemande commune et nous avons trouvé un certain nombre d'alliés au sein du Conseil. Nous allons poursuivre dans cette voie sur le terrain politique, même si une entreprise allemande a fait un autre choix.
Je pense que nos entretiens ont été couronnés de succès. Encore un point sur la question du CO2 et des automobiles. Nous allons mettre en place un groupe de travail, pas seulement au niveau des ministres de l'Environnement, mais au niveau de la Chancellerie et de l'Elysée. Nous voulons rapidement arriver à un accord afin que ce dossier puisse avancer sur le plan européen.
Nous avons bien travaillé. Nous avons utilisé le temps qui nous restait après l'inauguration du CeBIT, il y a beaucoup à faire dans les jours à venir. Nous allons également parler de l'Union pour la Méditerranée et de l'évolution du processus de Barcelone au dîner du Conseil européen la semaine prochaine. Nous allons demander à la Présidence slovène de mettre ce point à l'ordre du jour.
LE PRESIDENT - Je remercie Angela MERKEL pour son hospitalité. Ce qu'elle a dit, je le signe des deux mains. Nous avons évoqué toutes les questions qui étaient en suspens entre nous. Elle l'a dit elle-même, l'Union pour la Méditerranée se fera, ce sera un projet européen. Nous ferons une proposition franco-allemande au prochain Conseil européen. Nous ne rentrons pas dans le détail de cette proposition sur lequel nous nous sommes mis d'accord ce soir parce que nous souhaitons associer nos partenaires et ne pas donner le sentiment que la France et l'Allemagne imposent leur idée.
Je peux vous dire que nous sommes d'accord, à la fois sur le principe et, je crois pouvoir le dire Angela, sur le détail de la nécessité de l'Union pour la Méditerranée.
Sur la Présidence française de l'Union européenne, nous allons y travailler ensemble. De la même façon que j'ai aidé de toutes mes forces Angela MERKEL lorsqu'elle a présidé l'Union, avec le succès que l'on connaît, je souhaite que l'Allemagne puisse être associée sur les gros dossiers et sur les priorités de la présidence. Cela nécessite que nous y travaillions ensemble. Sur la question difficile du CO2 automobile, nous ferons une proposition franco-allemande de compromis dans les jours qui viennent et nous avons demandé aux ministres de l'Environnement et de l'Economie d'y travailler ensemble très rapidement. Je crois pouvoir dire que nous avons déjà en tête les éléments d'un compromis, à défaut de les avoir sur le papier. Mais cela fonctionne.
Sur les paradis fiscaux et sur la séparation patrimoniale des réseaux d'énergie, notre position est la même. Je crois pouvoir dire que c'est une bonne nouvelle pour l'Europe, la France et l'Allemagne. L'Allemagne et la France regardent l'avenir, l'avenir de l'Europe et l'avenir de ces différents dossiers dans la même direction, sur le même rythme, avec la même volonté.
QUESTION - Nous avons le sentiment que depuis 9 mois les choses ne vont pas de soi entre vous. A quoi attribuez-vous ces difficultés ?
LA CHANCELIERE - Ce qui va de soi entre nous depuis 9 mois, c'est que nous nous mettons toujours d'accord quand c'est important, quand nous nous voyons et que nous abordons les problèmes, à commencer par EADS. Cela a même commencé avant que Nicolas SARKOZY ne soit élu, lorsqu'il a vu la nécessité d'un nouveau traité et lorsqu'il s'est engagé, dès la campagne électorale, à ne pas recourir au référendum. C'est cela qui a rendu possible le succès de la présidence allemande. Dès le premier jour de la présidence, nous sommes convenus de nous voir à Toulouse. Nous avons pris une décision sur une structure monocéphale chez EADS, ce qui a énormément amélioré l'efficacité de cette entreprise. Ce que nous avons réussi n'aurait pas été possible si la France et l'Allemagne n'avaient pas ouvert un nouveau chapitre dans la relation transatlantique. Nous avons réussi à ce qu'EADS remporte un marché extraordinaire aux Etats-Unis. Aujourd'hui, nous avons mis en route toute une série de projets communs. Je dois dire que nous n'avons pas à rougir de notre efficacité.
LE PRESIDENT - Ecoutez, je ne sais pas ce qu'il faut faire pour que vous considériez que l'on travaille main dans la main. Si on regarde ces 9 mois, indépendamment de toute autre considération, le Traité simplifié, c'est l'Allemagne sous présidence allemande européenne, c'est l'Allemagne et la France qui l'ont voulu, qui l'ont porté, qui l'ont défendu. J'ai été aux côtés de la Chancelière à chaque instant de sa présidence. On a débloqué la situation. Il n'y a pas eu l'ombre d'une feuille de papier à cigarette entre nous.
Sur l'exemple le plus extraordinaire de coopération industrielle entre la France et l'Allemagne, EADS., ce qui avait été raté jusqu'à présent, nous l'avons obtenu. Excusez du peu : une nouvelle gouvernance pour EADS. Mieux que cela, sur les rapports avec les Etats-Unis d'Amérique - qui était un sujet un peu de discussion, disons-le, entre l'Allemagne et la France - la Chancelière marquant une amitié avec les Etats-Unis, disons plus marquée que la politique qui était suivie jusque-là en France, il se trouve que j'ai affirmé le même choix d'amitié avec les Etats-Unis. Quand même, cela a joué dans le contexte du marché qu'a obtenu Airbus.
Sur l'Union pour la Méditerranée, nous n'avons pas nié qu'il puisse y avoir des malentendus et des difficultés. Eh bien, on s'est vu pour cela. Peut-être que c'est un tort de notre part, quand il y a un problème, nous n'avons pas un tempérament, Angela et moi, à le nier mais à le regarder et à essayer de trouver une solution. Mais s'il n'y avait pas de problème, pourquoi se verrait-on tout le temps ? Il se trouve que ce qui est important, ce n'est pas qu'il y ait des problèmes, c'est que l'on trouve des solutions. C'est cela qui est important. C'est vrai que sur l'Union pour la M??diterranée, on en a parlé, pour mieux se comprendre. Angela à bien voulu comprendre la vision que je proposais et moi, je pense avoir fait l'effort de comprendre la crainte qui était la sienne. Cela n'est pas un problème et à l'arrivée, qu'est-ce qu'on vous dit ? Ce sera une initiative franco-allemande.
Sur le CO2 automobile, on ne peut pas avoir plus éloignées que les positions qui étaient les nôtres. Je peux comprendre que, pour l'Allemagne, l'industrie automobile, cela compte. Pour la France aussi. Bien sûr qu'il y a eu un désaccord sur la directive mais l'important, c'est que l'on est en train de réduire ce désaccord et de trouver un compromis. Je ne sais pas, on est peut-être trop franc, quand il y a un problème, on essaie de trouver une solution. Il y a des gens qui trouvent des solutions en disant qu'il n'y a pas de problème. En général, c'est une mauvaise solution. Nous, on reconnaît qu'il y a un problème et on trouve une solution et des bonnes solutions.
QUESTION - Madame la Chancelière, est-ce c'est vrai que vous étiez d'abord opposée à l'Union pour la Méditerranée ou c'est une erreur de communication qui a été faite ?
LA CHANCELIERE - Je pense que la coopération entre l'Union européenne et le sud de la Méditerranée doit être un projet européen central. Je pense que c'était juste de créer le processus de Barcelone en 95, mais rétrospectivement, force est de constater que ce processus a ses forces et ses faiblesses. Je suis tout à fait favorable à ce que dans ce projet des 27, cette Union pour la Méditerranée évolue vers une coopération plus étroite. Et pour nous, qui ne sommes pas riverains de la Méditerranée, il est simplement important que nous puissions apporter notre contribution car nous estimons que cela doit être un souci stratégique des Européens de bien coopérer avec les Méditerranéens. Tout cela doit être plus efficace, il y aura des propositions en ce sens.
LE PRESIDENT - Je peux porter témoignage que jamais Angela n'a été opposée au principe de l'Union pour la Méditerranée, que son souci était que tous les Etats européens puissent y participer. Après, nous avons tourné autour de plusieurs idées, entre Barcelone, où Angela m'a toujours dit qu'il fallait le faire évoluer, et l'Union pour la Méditerranée que je portais. Dans les jours qui viennent -ce n'est pas pour faire des cachotteries, c'est simplement dans un souci de faire avancer cela, on est 27 en Europe-. vous verrez que l'on a trouvé un compromis autour de cette Union pour la Méditerranée que nous voulons tous les deux et qui n'exclura personne. C'est un nouveau projet qui s'appuie sur tout ce qu'a fait Barcelone et qui n'exclut personne. On a essayé de faire preuve d'un peu d'originalité dans la réflexion. Mais ce n'était pas un désaccord entre nous sur la nécessité d'une nouvelle entente entre le nord de la Méditerranée et le sud de la Méditerranée. C'est : comment y arriver ? Je pense que l'on a trouvé comment y arriver.
LA CHANCELIERE - Exactement. Maintenant, cette solution, il faut la peaufiner mais nous ne voulons pas court-circuiter la Présidence slovène et tous les autres pays sur ces questions de détails.
QUESTION - Inaudible
LA CHANCELIERE - Nous allons proposer à la Présidence slovène de discuter au dîner où nous aurons le temps d'un échange politique en cercle restreint, de parler des projets et des idées. Nous allons demander au Président de la Commission de nous dire où l'on en est aujourd'hui mais ce ne sera pas une prise de décision formelle. Cela demanderait beaucoup plus de temps. On en parlera, il y aura un premier échange politique pendant le dîner, nous aurons également les idées de la Présidence française que soutient l'Allemagne.
QUESTION - Le fait que vous appeliez cela maintenant "Union pour la Méditerranée", et que vous ayez abouti à un compromis aujourd'hui avec l'Allemagne signifie-t-il que vous avez fait des concessions sur votre projet initial ? Quelles sont ces concessions ?
LE PRESIDENT - D'abord "Union pour la Méditerranée", c'était le nom. C'était à Rome avec M. ZAPATERO et M. PRODI. On l'a appelé "Union pour la Méditerranée". Ce n'était d'ailleurs pas mon idée, c'était celle de M. ZAPATERO, pour dire les choses.
LA CHANCELIERE - Le problème, ce n'était pas le nom. Que ce soit l'Union méditerranéenne ou l'Union pour la Méditerranée, peu importe. Ce qui compte, c'est que nous soyons d'accord pour que ce soit un projet de l'Union européenne avec les pays sud de la Méditerranée et qu'il faut que cela marche mieux que ce qui existe.LE PRESIDENT - Et forcément pour y arriver, on a fait un effort l'un et l'autre, ce qui est la règle en matière européenne. Mais nous donnerons les détails de cela dans quelques jours. Bonne soirée à tous.