29 novembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Interview de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, à "TF1" et "France 2" le 29 novembre 2007, notamment sur les récentes violences urbaines dans le Val d'Oise, la lutte contre la délinquance, la réforme des régimes spéciaux de retraite, la monétisation des jours de RTT, l'indexation des loyers sur l'indice des prix, la loi sur l'autonomie des universités et sur l'agenda social 2008.

PATRICK POIVRE D'ARVOR - Monsieur le Président bonsoir.
NICOLAS SARKOZY - Bonsoir.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Merci de nous accueillir avec Arlette CHABOT.
ARLETTE CHABOT - Bonsoir.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Les événements se sont succédé depuis votre dernière intervention télévisée, c'était le 20 septembre dernier, il y a eu la grève qui a suivi la réforme des régimes spéciaux de retraite et puis il y a eu les violences urbaines du début de la semaine. Puis, évidemment, il y a les attentes, pour ne pas dire les impatiences, des Français sur le pouvoir d'achat. Alors, on va vous interroger chronologiquement peut-être sur ce qui vient de se passer, c'est-à-dire sur ces violences urbaines. Deux questions pour commencer. D'abord, est-ce qu'elles ont été gérées par le gouvernement de la manière dont vous les auriez gérées si vous étiez à Paris ? D'une part. Deuxièmement, est-ce que deux ans après les émeutes d'Aulnay-sous-Bois, c'est pas, au fond, une sorte de constat d'échec après tout ce qu'on avait annoncé sur ce qu'on devait faire là-bas
NICOLAS SARKOZY - D'abord, elles ont été très bien gérées par le Premier ministre et par la ministre de l'Intérieur, François FILLON et Michèle ALLIOT-MARIE. Vous disiez que j'étais en Chine, oui effectivement, mais ne croyez pas parce que je suis en Chine que je ne regarde pas de près ce qui se passe. C'est ce qui me permet de vous dire que ça été bien géré. Deuxièmement, ces événements, je les ai jugés d'une extrême gravité, je ne les prends pas à la légère du tout. Que des individus puissent tirer sur des forces de l'ordre, sur des fonctionnaires, qui font leur métier, sur le territoire de la République française, je ne peux pas l'accepter. C'est la raison pour laquelle, à peine descendu de l'avion, je me suis rendu au chevet de ces policiers blessés, qui ont été exemplaires de sang-froid. Nous avons eu 82 blessés. Je pense particulièrement à un fonctionnaire de police jeune, courageux, qui a perdu un oeil parce qu'un voyou lui a tiré dessus à hauteur de la tête, que la balle est passée sous la visière. Je pense à ce commissaire de police, extraordinaire, que j'ai vu avec sa femme enceinte à ses côtés, qui a été lynché à coups de barre de fer. Je veux dire de la façon solennelle que j'ai fixé un objectif de résultat : nous retrouverons les tireurs.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Ça vous inquiète cette haine de la police qui monte dans certaines banlieues ?
NICOLAS SARKOZY - C'est pas « une haine de la police », ce sont des individus qui sont des voyous, déstructurés, qui sont prêts à tout, qui sont des trafiquants, nous les retrouverons un par un. Pour eux, ce sera la Cour d'assise parce que tirer sur un fonctionnaire, ça s'appelle un crime, une tentative d'assassinat. Je ne suis pas décidé à accepter cela. Nous avons mis tous les moyens de la police scientifique et technique, les forces de police auront les moyens qu'il faut, le temps qu'il le faut pour le retrouver, ça ne peut pas rester sans conséquence. Je le dis, d'ailleurs, aux fonctionnaires de police. On est passé à deux doigts du drame, j'ai rencontré l'un des policiers qui a été blessé, 18 plombs dans le corps, un autre qui en avait un logé sur la pommette et celui-ci m'a dit qu'il avait le tireur dans son viseur, il aurait pu tirer. On aurait pu avoir un drame. Ça n'a rien à voir avec ce drame des deux jeunes qui ont perdu la vie à 15 ans à la suite de l'accident de moto que l'on connaît, pour lequel j'ai d'ailleurs demandé qu'il y ait une instruction pour que la justice puisse passer, que la vérité puisse être révélée et pour que chacun s'apaise. Ça n'a rien à voir avec un problème social. Je ne vois pas au nom de quoi tirer sur des policiers, lyncher un commissaire de police, ça amène en quoi que ce soit à améliorer la situation sociale. Moi, je ne répondrai pas à cela en donnant plus d'argent ou plus de moyens. On donnera plus de sanctions à ceux qui ont fait cela.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Mais, cela dit, il y a un plan qui est toujours prévu et qui sera annoncé en janvier ?
NICOLAS SARKOZY - Naturellement. Fadela AMARA l'annoncera, c'est un plan qui sera fondé non pas sur la rénovation des bâtiments - on a déjà beaucoup fait, il faut arrêter de dire que rien n'a été fait, beaucoup a été fait. Les Français sont en droit de se demander ce qu'on a fait de leur argent, de l'argent de leurs impôts. Beaucoup a été fait. Ce qu'on fera, c'est qu'on investira au maximum sur les personnes parce que, moi, je veux qu'on soit plus généreux pour ceux qui veulent s'en sortir avec un droit à la formation pour trouver un emploi et pour vivre de son travail et qu'on soit plus sévère à l'endroit de cette infime minorité qui se comporte de cette manière. « Un constat d'échec », écoutez, qu'est-ce qui s'est passé ? Pendant des décennies, on a fermé les yeux. Ça fait simplement depuis quelques années qu'on réagit, la République ne cédera pas un pouce de terrain. Voilà ce que j'ai pensé de ces événements, voilà la réponse que nous allons leur apporter, mais, comme vous le voyez, je ne prends pas du tout cela à la légère.
ARLETTE CHABOT - Mais, quand vous dites quand même que ce sont des voyous, effectivement, ils tirent, c'est dangereux, effectivement, qu'ils se saisissent sans doute d'un incident pour passer, mais c'est quand même toujours dans des zones où il y a des situations qui sont quand même extrêmement difficiles. Il y a 20, 30, 40 % de chômeurs dans cette ville, il y a un revenu annuel moyen annuel qui est de 6.200 euros par habitant...
NICOLAS SARKOZY - Madame CHABOT, on va arrêter...
ARLETTE CHABOT - ... il y a un fond de malaise social...
NICOLAS SARKOZY ...bien sûr.
ARLETTE CHABOT - ...autour de ça, qui aggrave, c'est une circonstance aggravante, ça ne justifie pas les violences.
NICOLAS SARKOZY - Arrêtons la pensée... heureusement ! Arrêtons la pensée unique, tous les chômeurs ne tirent pas sur des policiers ou sur des gendarmes. Tous ceux qui ont des problèmes pour boucler leurs fins de mois ne trouvent pas intelligent d'aller mettre le feu dans la bibliothèque où vont leurs enfants, dans l'école où vont leurs enfants. Il faut arrêter maintenant avec cela. La vérité, c'est qu'il y a des trafics, il y a des trafiquants, il y a de la drogue, il y a des voyous. Il faut les traiter comme des trafiquants et comme des voyous. J'ajoute que j'ai demandé aux forces de l'ordre de faire une opération systématique pour aller chercher les armes. Quand un hélicoptère a survolé certains quartiers, il a vu qu'on avait préparé des parpaings, des munitions pour jeter sur les forces de l'ordre. Qu'est-ce que ça a à voir avec le malaise social ? Il faut arrêter maintenant. II y a des comportements inexcusables qui sont donc inexplicables. Quand on veut expliquer l'inexplicable, c'est qu'on s'apprête à excuser l'inexcusable. Pour le reste, il y a un malaise social, il y a une immigration qui, pendant des années, n'a pas été maîtrisée, des ghettos qui ont été créés, des personnes qui ne se sont pas intégrées. C'est la raison pour laquelle le gouvernement met en oeuvre, avec mon soutien et à ma demande, une politique d'immigration choisie. C'est la raison pour laquelle les forces de l'ordre ont des consignes de sévérité à l'endroit des délinquants. C'est la raison, enfin, pour laquelle madame Fadela AMARA, en qui j'ai toute confiance, fera un plan spécifique pour ceux qui, dans ces quartiers - et ils sont l'immense majorité - veulent s'en sortir.
ARLETTE CHABOT - C'est « halte à la glandouille » comme elle l'a dit un peu...
NICOLAS SARKOZY - Oui, mais comment on peut s'en sortir ? Ecoutez, on ne peut pas s'en sortir si on reste couché chez soi jusqu'à midi. On ne peut pas s'en sortir si on ne va pas à l'école. On ne peut pas s'en sortir si on n'a pas une formation. On ne peut pas s'en sortir si on n'a pas la volonté d'exercer un travail. C'est comme ça dans la société française. On ne peut pas s'en sortir, alors on donnera à chaque jeune qui voudra s'en sortir un droit à la formation pour qu'il ait un droit à l'emploi. Il faut maintenant que la République soit plus généreuse à l'endroit de tous ceux qui veulent s'en sortir. Puis, moi, je pense à l'immense majorité des habitants de ces quartiers, mais qui en ont plus qu'assez, c'est eux les premières victimes. On brûle leur bus, mais au nom de quoi ? Qu'est-ce que ça va amener à la situation ? Dans des quartiers qui sont déjà excentrés ? On va leur donner à ces gens, qui habitent dans ces quartiers, le même droit à la sécurité que ceux de nos compatriotes qui habitent en centre-ville. Ils y ont le droit maintenant. Puis, il faut qu'on retrouve un minimum d'autorité. Il y a aussi la faillite...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Ça, vous le disiez vous-même quand vous étiez ministre de l'Intérieur, malheureusement, ça ne change pas beaucoup.
NICOLAS SARKOZY - Monsieur POIVRE d'ARVOR, je ne pense pas que ça ne change pas beaucoup puisque, désormais, la République ne recule pas. Pendant des années - il faut dire la vérité aux Français -, les forces de l'ordre ont évité un certain nombre de quartiers et ont acheté une forme de paix en laissant les trafiquants trafiquer. On peut me faire beaucoup de reproches, sauf celui d'avoir menti aux Français sur la gravité de la situation dans les quartiers. Comment pouvez-vous penser qu'on peut arranger ça, qui est la marque d'un laxisme de 30 ou 40 ans, simplement en 6 mois de présidence de la République ou en 4 années de ministère de l'Intérieur ? Où je n'ai cessé, d'ailleurs, de demander des moyens sur une nouvelle législation. Dieu sait qu'à chaque fois, ça a provoqué des cris d'orfraie. Je pense sur les récidivistes, lorsque j'ai demandé l'accroissement des peines pour les mineurs multirécidivistes. C'est pas parce qu'on est mineur qu'on doit être impuni. Je pense à bien d'autres cas. J'ai reçu ce matin cette enseignante rouée de coups par un de ses élèves de 15 ans, m'enfin où est-on ? C'est d'une gravité extrême. J'ai demandé au ministre Xavier DARCOS une enquête pour savoir exactement ce qui s'était passé et pourquoi cette enseignante, remarquable par ailleurs, n'avait pas été soutenue, comme elle aurait dû l'être, par l'encadrement. Qu'est-ce qu'on va faire de ce garçon de 15 ans ? C'est d'une gravité extrême, frapper son professeur, devant les autres élèves, à l'intérieur de la classe, on ne peut pas l'accepter. Je n'accepterai pas ça. Je suis également, tiens aujourd'hui, les parents de cette jeune fille assassinée par un délinquant sexuel récidiviste dans le RER. Quand je vois, et j'ai demandé à Rachida DATI, qui l'a fait avec beaucoup de courage, de faire voter une loi sur les récidivistes, ce monsieur avait déjà fait une tentative de viol, même un viol. II sort de prison, et voilà que la première chose qu'il fasse, c'est un dimanche matin, cette petite jeune fille de 23 ans prenait le RER à 10 h 30 du matin, un dimanche, on ne peut pas dire qu'elle prenait des risques quand même ! Et elle fait la mauvaise rencontre. Je le dis de la façon la plus claire : je demanderai au Parlement sur le texte de Rachida DATI d'imposer une peine de sûreté, après la peine de prison, à tous ces prédateurs qui tant qu'ils ne se feront pas soigner ne sortiront pas de prison. Non, mais ce sont des affaires très sérieuses où, à chaque fois, je dois me heurter à une pensée convenue, moi, les droits de l'homme auxquels je pense, c'est d'abord ceux de la victime parce que chacun d'entre nous ça aurait pu être un de ces enfants. Je ne banalise pas ces choses. Et à ceux qui s'étonnent que je reçoive les victimes, j'estime que c'est mon devoir de chef de l'Etat que d'apporter pas simplement le soutien, mais de faire de ces victimes un symbole pour que ça ne se reproduise plus. Alors, je sais que c'est une tâche très difficile, je sais que ça demandera du temps, je le demande aux Français, mais je le dis : je me battrai sur ces convictions, sur ce droit à la sécurité et sur la différence entre les voyous et les honnêtes gens parce que c'est la mission que j'ai reçue des Français.
ARLETTE CHABOT - Petite précision sur la police. Petite question : on sait toutes les critiques, on les a entendues, que vous avez faites contre la police de proximité, qui avait été mise en place par la gauche, laxisme, etc., mais pour remettre un peu de lien entre les policiers et les habitants de ces quartiers, je ne parle pas des jeunes en général, est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait une police affectée à un certain type de quartier ou c'est une idée qui revient de la gauche qui est absolument à balayer selon vous ?
NICOLAS SARKOZY - Pas du tout parce qu'elle vient de la gauche, elle est ridicule cette idée. Mais, enfin, on voit ce que le brave policier, dit de proximité, qui était là aux heures ouvrables, aurait pu faire face à des individus qui affirment qui tirent sur des fonctionnaires, ça n'a pas de sens. D'ailleurs, l'immense majorité des habitants des quartiers ne se plaignent pas qu'il y ait trop de police, ils se plaignent qu'il n'y en ait pas assez. Qui est-ce qui se plaint qu'il y ait trop de police ? C'est ceux qui trafiquent...
ARLETTE CHABOT - On ne sait pas trop, c'est une police qu'on connaît...
NICOLAS SARKOZY - Oh ben oui, vous pensez, la police, quel est le rôle de la police ? C'est pas qu'elle connaisse, c'est qu'elle arrête les délinquants. La police n'est pas là pour organiser des matchs de football ou faire des relations publiques, il y a pour cela des travailleurs sociaux, des animateurs de clubs sportifs. M'enfin, revenons à des idées simples qui ne sont pas simplistes. Pour le reste, j'ai demandé également à la police, pas plus tard que ce matin, de se garder de toute familiarité avec les jeunes, avec qui que ce soit d'ailleurs, d'avoir le souci de l'éthique et de respecter les règles de la police républicaine. Mais, je veux quand même dire quelque chose, nous avons 82 policiers à l'hôpital, tous étaient armés, on leur a tiré dessus, il n'y en a pas un seul qui a répondu. Je crois qu'en ces périodes, on peut quand même se dire qu'on a le droit d'être fier du comportement de la police républicaine.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Deuxième gros événement de ces dernières semaines, les retraites avec tout d'abord la réforme des régimes spéciaux, les grèves que l'on a vues. Est-ce que la prochaine étape maintenant c'est l'augmentation de la durée des cotisations pour tout le monde ?
NICOLAS SARKOZY - Permettez-moi de dire un mot sur ces questions parce que j'ai entendu beaucoup de commentaires. D'abord - et peut-être cela va-t-il vous étonner -, je veux rendre hommage aux partenaires sociaux...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Tous ?
NICOLAS SARKOZY - Tous. Tous. François FILLON, Xavier BERTRAND et moi-même avons travaillé main dans la main pour essayer que le dialogue puisse prévaloir. Mais, je veux le dire aux Français, bien sûr qu'on n'était pas d'accord tous, monsieur THIBAULT, monsieur CHEREQUE, monsieur MAILLY, le patron de la CGC, de la CFCE, on n'était pas d'accord sur tout, mais on était d'accord sur une chose, c'est qu'il fallait qu'on dialogue. J'avais dit aux partenaires sociaux que je ne pouvais pas céder parce qu'il n'y avait pas de raison que tous les Français cotisent 40 ans et que les Français des régimes spéciaux cotisent 37,5 années. C'était une question d'équité.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Les compensations, vous les avez prévues...
NICOLAS SARKOZY - Bien sûr, il y a des négociations, elles se déroulent, nous suivons ça jour après jour. Mais, le gouvernement et moi-même, on a été heureux de trouver des partenaires sociaux qui ont pris leurs responsabilités. Alors, je pense aux usagers, ça été la galère pendant 9 jours, ç'a été terrifiant pour un certain nombre d'entre eux, mais je veux leur dire une chose : ça n'avait jamais été fait ce qu'on a fait parce que c'était le plus difficile, 9 jours.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Mais, s'il y avait eu le service minimum, ça aurait été mieux, apparemment pas.
NICOLAS SARKOZY - Le service minimum s'appliquera à partir du 1" janvier, on n'a pas à prendre les gens en otage. Mais, un gouvernement qui veut conduire une politique de réformes doit dialoguer, pour dialoguer, il faut qu'il y ait des partenaires. Des partenaires, y compris ceux dont je suis théoriquement le plus éloigné, ont pris leurs responsabilités. Aujourd'hui, les négociations ont lieu, j'espère que tout ceci conduira à ce que les cheminots, les électriciens, les gaziers, les agents de la RATP comprendront que nous n'avons pas voulu les humilier, qu'il y avait un travail à faire, je l'ai fait. Mais, je comprends parfaitement, par ailleurs, qu'ils aient des demandes sociales, qu'ils aient des problèmes, que c'est pas facile la vie, pour eux, comme pour tant d'autres. En revanche, ceux qui ont cassé, ceux qui ont saboté, ceux qui ont détruit des éléments du service public...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Ils ont été très minoritaires.
NICOLAS SARKOZY - Très. Mais, ceux qui ont fait ça auront à rendre compte devant la justice.
ARLETTE CHABOT - Vous aviez dit « Il n'y aura pas de vainqueurs et de vaincus », néanmoins le gouvernement n'a pas reculé sur l'essentiel. Alors, qu'est-ce que vous pensez, là quand même, qu'il y a une page qui s'est tournée par rapport au gouvernement précédent, vous n'avez pas cédé sur les principes : dialogue, mais on ne cède pas et pas de recul. Donc, ça change beaucoup le paysage ?
NICOLAS SARKOZY - Madame CHABOT, pourquoi j'ai dit qu'il ne fallait pas qu'il y ait un vainqueur et un vaincu ? Parce que, moi, j'ai été élu pour 5 ans, je suis président depuis 6 mois, il y a encore tant de travail à faire, j'ai encore tant de réformes à conduire, il y a encore tant de problèmes où on attend de moi des solutions. Le but, c'était pas de faire les régimes spéciaux, de sortir avec des syndicats exsangues, un gouvernement prétendument triomphant, et qu'est-ce qu'on fait après ? On se regarde pendant 4 ans en disant « J'ai gagné, toi tu as perdu » ? Mais, c'est pas comme ça qu'on conduit un pays...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Parce qu'il y a d'autres réformes...
NICOLAS SARKOZY - C'est pas comme ça...
ARLETTE CHABOT - Les réformes, on a reculé£ le gouvernement a retiré...
NICOLAS SARKOZY - Moi, j'ai pas à juger mes prédécesseurs, j'ai déjà bien assez à faire. Non, je ne pouvais pas reculer parce que c'est l'intérêt national que de conduire cette réforme. Mais, l'intérêt national, c'est aussi de garder des interlocuteurs. Il y a encore 4 ans et demi de réformes. Je fais une première proposition ce soir : je proposerai aux partenaires sociaux, salariés comme patronat, l'organisation à la mi-décembre d'une conférence sociale que j'introduirai pour faire ensemble l'agenda social de 2008. Les grandes réformes que nous allons mettre en oeuvre avec un seul but, on me dit « Mais, il faut redonner de la cohérence » et puis quel est mon but ? C'est le plein emploi. Vous avez vu que les chiffres du chômage viennent de sortir: 23.000 chômeurs de moins. 23.000 chômeurs de moins ! Pour la première fois depuis 1982, on passe en dessous de 2 millions de chômeurs, c'est encore beaucoup trop. Moi, j'ai promis le plein emploi. Alors, nous allons faire une grande conférence sociale sur l'agenda social, mais je vais y mettre des têtes de chapitre et je veux qu'on en discute. C'est une véritable révolution que je propose. D'abord, dans un certain nombre d'entreprises, s'il y a un accord majoritaire, accord majoritaire entre le chef d'entreprise et les syndicats, les salariés, ils pourront s'exonérer des 35 heures en échange d'augmentations de salaire. Je veux sortir de l'atonie de la négociation salariale.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Dans toutes les entreprises où il y a accord ?
NICOLAS SARKOZY - Dans toutes... Patrick POIVRE d'ARVOR, c'est simple. Quand il n'y a pas d'accord, ça sera les 35 heures. Dans toutes les entreprises où les partenaires sociaux négocieront un accord majoritaire, on échangera plus de travail contre plus de salaire. Je veux mettre sur la table un autre sujet absolument révolutionnaire. Nous payons quelque chose comme 20 milliards d'allègements de charges et c'est normal pour la compétitivité de nos entreprises, les branches où il n'y aura pas de négociations salariales, je remettrai en cause les allègements de charges.
ARLETTE CHABOT - C'est bonus-malus comme on dit, un petit peu, pour les entreprises. C'est ça, c'est conditionné.
NICOLAS SARKOZY - Moi, je veux sortir d'une situation invraisemblable. Parlons du pouvoir d'achat où le SMIC augmente pour 17 % des salariés, selon un calendrier qui n'a rien à voir d'économique, mais exclusivement politique, en général les gouvernements l'augmentent quand il y a des élections et où 83 % des salariés n'ont pas d'augmentations de salaire. Les 35 heures ont été payées de l'atonie de la négociation salariale. Mais, je mettrai aussi en débat la question du travail le dimanche.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Avec ouverture des magasins par exemple ?
NICOLAS SARKOZY - Je veux que les salariés qui veulent travailler le dimanche puissent le faire sur la base de l'accord, le volontariat, qu'ils soient payés le double, mais qu'on puisse élargir les possibilités de travailler pour retrouver de la croissance. J'ai été élu sur une conviction : qu'il fallait réhabiliter le travail. Mais, on me dit « Il faut donner du pouvoir d'achat », mais pour donner du pouvoir d'achat, il faut réhabiliter le travail, il faut permettre plus de travail et il faut mieux le rémunérer. C'est ça la solution pour avoir plus de croissance...
ARLETTE CHABOT - Parce que s'il n'y a pas d'argent, de toute façon, il n'y a pas d'argent à distribuer en plus.
NICOLAS SARKOZY - Qu'est-ce qu'on attend de moi ? J'ai vu que le Parti socialiste, avec beaucoup de sens de l'humour, prévoit un paquet de dépenses supplémentaires sans prévoir aucune recette en face et, dans le même temps, me dit que je ne vais pas assez vite pour réduire les déficits.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Si dans les recettes, par exemple, il propose qu'on s'en prenne un peu aux compagnies pétrolières qui font de gros profits...
Nicolas SARKOZY - Très bien, mais on va en parler. Vous pensez qu'avec ça, il suffit par ailleurs que les compagnies pétrolières mettent leur siège ailleurs et il n'y a plus de recettes. La démagogie doit avoir des limites, on n'attend pas de moi quoi ? Il y a déjà plein de déficits et trop d'endettements, la seule façon de donner du pouvoir d'achat, c'est de créer les conditions de la croissance et de réhabiliter le travail. Je fais une autre proposition. Dans les 35 heures, on avait prévu des RTT, alors je connais quantité de salariés qui accumulent les RTT, ils ne savent plus quoi en faire des RTT d'ailleurs. Moyennant quoi, quand ils sont en RTT, il y a moins de travail. Eh bien, je propose la monétisation des RTT, c'est-à-dire que tous les salariés qui se mettent d'accord avec le chef d'entreprise puissent transformer les jours de RTT en argent. Ça représente 5 milliards de pouvoir d'achat en plus.
ARLETTE CHABOT - C'est vrai pour la fonction publique aussi...
Nicolas SARKOZY - Alors, pour la fonction publique, bien sûr qu'il n'y a aucune raison de traiter les fonctionnaires différemment. Pour la fonction publique, je dis autre chose parce que je n'ignore rien du malaise des fonctionnaires qui ont un travail de plus en plus dur. Je parlais de cette enseignante, vous vous rendez compte, être traitée comme ça, c'est un travail très dur. Alors, pour les fonctionnaires, d'abord je veux une mesure de justice et désormais les heures supplémentaires seront payées pour les fonctionnaires comme elles sont payées dans le privé. Dans le privé, les heures supplémentaires, c'est 25 % de plus, eh bien, il n'y a aucune raison que les fonctionnaires aient des heures supplémentaires qui parfois sont payées moins chères que l'heure normale. Deuxièmement, les fonctionnaires pourront monétiser - pardon de cette expression - les RTT...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Comme dans le privé.
NICOLAS SARKOZY - ... ce qui est du pouvoir d'achat, se faire payer au lieu d'avoir, ce qui donne de la souplesse à l'administration et à l'entreprise. Je pense que c'est très important. Par ailleurs, je demanderai que dans la fonction publique le Premier ministre organise des négociations pour régler cette affaire du stock d'heures supplémentaires qui n'ont pas été payées dans l'hôpital comme dans l'administration. Ça, ce sont des mesures très pratiques pour le pouvoir d'achat.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Pourquoi pas supprimer carrément les 35 heures puisque, mine de rien, vous y arrivez ?
NICOLAS SARKOZY - Mais, parce que la question pour moi n'est pas de supprimer les 35 heures, la question pour moi c'est d'arriver au plein emploi. Je ne veux pas revenir sur un acquis social, je veux donner aux Français la chance de travailler plus pour gagner davantage. Mais, je vais aller encore plus loin parce que je pense qu'il y a un vrai problème de coût de la vie qui se pose. Les gens qui font leurs courses voient parfaitement que la vie a augmenté beaucoup plus vite que n'augmentent leurs revenus...
PA TRICK POIVRE D'ARVOR - Et l'INSEE leur dit le contraire, donc...
NICOLAS SARKOZY - ...c'est la raison pour laquelle je demande qu'on crée un indice du pouvoir d'achat qui corresponde enfin à la vie quotidienne des Français...
ARLETTE CHABOT - C'est avec les nouvelles dépenses, notamment... ou l'importance des nouvelles dépenses que ça change.
NICOLAS SARKOZY - Mais, bien sûr ! Pour que les Français aient le sentiment qu'on ne se moque pas d'eux. Quand ils entendent qu'il n'y a plus d'inflation ou qu'il n'y a pas d'augmentation des prix, qu'ils le constatent dans les bacs du supermarché et non pas qu'on leur raconte des fariboles. On a tout intérêt à faire la vérité et à faire la clarté sur cette question. Mais, je veux également engager une grande discussion avec la distribution car aujourd'hui nous sommes dans un système qui ne nous convient pas, les producteurs et les petites entreprises ne sont pas rémunérés au prix de leurs produits et les consommateurs ne retrouvent pas les efforts qui sont demandés aux producteurs. Donc, je veux aller très loin, indépendamment du texte qu'a fait voter à l'Assemblée monsieur CHATEL sur la négociabilité, je veux aller très loin pour qu'on obtienne la baisse des prix dans nos grandes surfaces.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Quand vous étiez au Budget, vous le demandiez déjà, ils vous avaient dit « oui », puis finalement rien ne s'était passé.
NICOLAS SARKOZY - Monsieur POIVRE d'ARVOR, pardon... D'abord, je n'étais pas au Budget, j'étais ministre des Finances à l'époque, c'était en 2004, on a eu 3,5 % de baisse des prix. Alors, c'est d'autant plus nécessaire qu'on a en plus la hausse des matières premières. Mais, pendant qu'on y est, je pense également à un autre poste de dépenses des Français qui est le logement. Sur le logement, je vais proposer deux changements importants et qui donneront du pouvoir d'achat immédiatement. D'abord, quand vous êtes locataire, ça m'a toujours frappé, on vous indexe vos loyers sur l'indice des prix à la construction, comme les matières...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - C'est opaque d'ailleurs comme...
NICOLAS SARKOZY - Oui, mais comme les matières premières augmentent, le prix des loyers va augmenter beaucoup plus que les revenus des locataires. Eh bien, je demande que l'indexation ne se fasse plus sur l'indice des prix à la construction, mais l'indice des prix tout court...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Sur l'inflation.
NICOLAS SARKOZY - ... ce qui permettra de diviser par deux l'indexation et la hausse. Enfin, je faisais la remarque, un jeune couple, quand il prend un appartement, il doit payer le premier mois d'avance, il doit payer deux mois de garantie, ça fait trois mois, et il doit en plus fournir bien souvent une caution. J'ai demandé au Premier ministre et à la ministre du Logement de conduire des négociations pour que, d'abord, au lieu de deux mois de garantie, ça ne soit plus qu'un mois, et deuxièmement je souhaite qu'on ne demande pas de caution, qu'on fasse une mutualisation publique qui permette de ne pas demander une caution. Tout ceci ce sont des mesures extrêmement concrètes...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Qui pourraient rentrer en vigueur à quel moment ?
NICOLAS SARKOZY - Mais, qui vont rentrer en vigueur dès le début de l'année. Enfin, je pense qu'il faut débloquer les fonds de participation, un plafond sera à déterminer, peu importe, 10.000 euros je crois, pour qu'on puisse... Ça représente quand même 12 milliards d'euros...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - C'est pas dans toutes les entreprises.
NICOLAS SARKOZY - Dans les 6 mois qui viennent, mais je vais y venir... dans les 6 mois qui viennent pour remettre du carburant dans la croissance française et du pouvoir d'achat. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, comme vous le dites très bien, il n'y a pas de participation. Eh bien, dans ces entreprises, je souhaite que toutes les entreprises qui donneraient une prime à leurs salariés, puisqu'il n'y a pas de participation, ça puisse être défiscalisé de cotisations sociales. Vous voyez, ce que j'essaie de faire, c'est de redonner du carburant à la croissance française. Depuis que je suis élu, il y a quand même 92.000 chômeurs de moins, alors on va dire « C'est pas grâce à vous », peut-être, mais s'il y en avait eu 92.000 de plus, on dirait « C'est à cause de vous ». Donc, je ne peux pas être celui qui perd la bataille et quand la bataille progresse, pas être celui qui la fait progresser. Je veux réhabiliter le travail et répondre de cette façon au problème du pouvoir d'achat des Français.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Mais, est-ce qu'on peut décréter tout seul la croissance au milieu d'un environnement international...
ARLETTE CHABOT - ...vous lui avez dit la dernière fois, d'ailleurs « J'irai chercher le point de croissance supplémentaire », vous cherchez, mais vous n'êtes pas seul, on est dans un environnement international un peu compliqué...
NICOLAS SARKOZY - En même teins, vous m'interrogez, une heure après la publication d'un indice, c'est le 2° mois consécutif où la France diminue le nombre de ses chômeurs de plus de 20.000, 23.000 ce mois-ci. Si on était resté les bras croisés... Moi, je me souviens de la polémique au mois de juillet quand le texte, les mesures fiscales ont été votées. On a dit « Oh, là, là, quelle erreur, il fait une politique du pouvoir d'achat, alors qu'il faudrait faire une politique de l'offre sur la compétitivité des entreprises ». Voilà que trois mois après, on me reproche le contraire.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Elles ont été utiles ces mesures fiscales ?
NICOLAS SARKOZY - Oui, elles ont été utiles et je vais m'en expliquer. Sur la dizaine de milliards...
ARLETTE CHABOT - Vous traînez comme un boulet le paquet fiscal, voilà on dit « C'est terrible, il a mangé toutes ses marges de manoeuvre, le président et le gouvernement, et maintenant il a fait le cadeau aux riches ». Alors, voilà ce qui se dit.
NICOLAS SARKOZY - Je ne sais pas, ça c'est encore un argument...
ARLETTE CHABOT - Moi, je répète ce qu'ils disent.
NICOLAS SARKOZY - Oui, bien sûr, avec difficulté d'ailleurs. Je vois que c'est un argument de très bonne foi. Qu'est-ce qu'on a fait avec cette dizaine de milliards mobilisés ? J'ai voulu qu'on puisse donner davantage d'heures supplémentaires. On me dit « Ça ne marche pas », mais c'est invraisemblable, le texte sur les heures supplémentaires s'applique depuis le 1" octobre...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Les chefs d'entreprise disent que c'est un peu une usine à gaz, il faudrait l'arranger.
NICOLAS SARKOZY - J'y viens. Depuis le 1er octobre ça s'applique, nous sommes au mois de novembre, vos pensées de spécialistes qui peuvent en un mois et demi juger que ça marche ou ça marche pas. Il y a 900 millions d'heures supplémentaires, c'est 5 milliards d'euros qui ont été donnés aux salariés. Ceux qui font le plus d'heures supplémentaires, c'est les ouvriers et les salariés les plus modestes, est-ce que, ça, c'est un cadeau aux riches ? Puis, 2,5 milliards que nous avons mis pour quoi faire ? Pour que tous ceux qui achètent un logement puissent déduire jusqu'à 40 % des intérêts d'emprunt, c'est un cadeau aux riches ? De ne pas être obligé de payer des impôts sur les intérêts qu'on verse à sa banque, mais au nom de quoi c'est un cadeau aux riches ? Puis, j'ai mis un peu d'argent également pour que toutes les successions moyennes et modestes soient exonérées d'impôts sur les successions, c'est un cadeau aux riches ? Quand on a travaillé toute sa vie, de devoir en plus payer un impôt parce qu'on laisse à ses enfants le produit d'une vie de travail ? On n'a pas la même conception que les riches. Je sais qu'en son temps monsieur HOLLANDE avait dit qu'il n'aimait pas les riches, il les fixait à ceux qui gagnaient plus de 3.000 euros par mois, il ne doit pas s'aimer lui-même alors ? Non, mais, quand même, il y a un minimum, me semble-t-il, de bonne foi à avoir. C'est en train de marcher. Alors, bien sûr, qu'on s'est pris - et c'est pas une bonne surprise - la crise des subprimes, qui n'est absolument pas terminée.... Ecoutez, la hausse du pétrole, c'est extraordinaire, quand j'étais ministre des Finances en 2004, le baril de pétrole était à 42 dollars, il est à près de 100. La baisse du yuan, l'euro qui monte à...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - A un dollar et demi pratiquement...
NICOLAS SARKOZY - Pas pratiquement, quasiment oui, exactement, un dollar et demi. Mais, monsieur POIVRE d'ARVOR ces difficultés-là, si j'avais pas eu celles-ci, j'en aurais eu d'autres. De toute manière, on ne m'a élu pour dire « Excusez-moi, il y a des problèmes aux Etats-Unis, je ne peux rien faire, il y a de problèmes en Chine, je ne peux rien faire ». Je reviens de Chine, on ramène pour l'industrie française 20 milliards d'euros de contrats, mais ça c'est du travail pour nos usines parce que, moi, j'ai promis que je ne laisserai pas tomber les usines dans notre pays. Je pars en Algérie, je vais ramener encore des contrats pour aider nos usines parce que le rôle du président de la République, c'est d'être derrière les entrepreneurs de France, c'est de les aider, c'est d'aller chercher la croissance. J'ai été au Maroc, 2 milliards de contrats pour les entreprises, dans le TGV, le 1" TGV dans un pays musulman. Donc, je me bats sur tous les fronts pour faire les réformes en France avec les partenaires sociaux, pour qu'on soit plus compétitif, pour revaloriser et réhabiliter le travail, pour avoir plus de croissance et donc moins de chômeurs. Mais, qu'est-ce qu'on attendait de moi ? Qu'est-ce qu'il fallait que je fasse d'autre ? De surcroît, on investit dans l'université dans la recherche. Nous allons mettre 1 milliard d'euros de plus chaque année pendant 5 ans sur le budget de l'université. Mais, je vous annonce autre chose : nous allons vendre 3 % d'une grande entreprise publique française, EDF, pour faire un plan d'investissement de 5 milliards dans nos universités, pour doter nos universités des plus beaux campus, pour que les étudiants puissent travailler dans des locaux dignes de ce nom, pour avoir des logements dans les cités universitaires. C'est pas possible qu'on continue comme ça ! On a fait voter la loi sur l'autonomie des universités, nous voulons les meilleurs universités du monde en France, voilà ce qu'on essaie de faire, le tout en 6 mois.
ARLETTE CHABOT - Ces réformes-là, aujourd'hui, les étudiants, c'est qu'ils n'ont pas bien compris la réforme à votre avis ?
NICOLAS SARKOZY - D'abord, c'est une curieuse conception qui consiste à faire grève quand on est étudiant. On peut être mécontent, mais enfin théoriquement on ne fait pas grève dans l'université, c'est pas prévu en tout cas, le droit de grève... Enfin, bon, passons.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Le mécontentent a toujours existé.
NICOLAS SARKOZY - Ça, c'est autre chose, le mécontentement peut exister, bien sûr, mais enfin...
ARLETTE CHABOT - Mais, qu'ils bloquent, ils n'ont pas compris la réforme à votre avis ?
NICOLAS SARKOZY - Enfin, je ne suis pas sûr que ceux qui ont bloqué... D'abord, la notion de blocage est parfaitement inadmissible. Je généraliserai la question du vote à bulletins secrets. Une minorité n'a pas à bloquer, on doit laisser les étudiants étudier et les salariés travailler. Ce sont des méthodes... Enfin, dans notre pays, ça n'existe nulle part ailleurs. Il est tout à fait normal qu'un étudiant... On peut être en désaccord avec le gouvernement, c'est la démocratie. On peut être en désaccord avec un projet, un texte, mais de là à empêcher les autres de venir travailler, ça prouve qu'on n'est pas tellement sûr de ses idées. L'autonomie des universités qui a été votée au mois de juillet, mais c'est un texte qui fait confiance à l'université. Toutes les universités dans le monde qui ont réussi sont des universités à qui on a donné de l'autonomie. Et alors j'entendais l'autre jour à la télévision quelqu'un qui disait : oh, il veut privatiser l'université. Je veux privatiser l'université !! On met un milliard d'euros de plus sur le budget de l'université et de la recherche, ça ne s'est jamais produit dans l'histoire de la République et je viens d'annoncer cinq milliards de plus de travaux pour investir dans nos universités ! Mais si on voulait les privatiser on ne ferait pas ça. La vérité, c'est que c'est de la politique dans pas, d'ailleurs, ce qu'elle a de plus noble et de plus intelligent. Nous voulons les meilleures universités pour la France. Et je veux des conditions de travail pour les étudiants, qui soient bien meilleures. Et puis Madame CHABOT, moi j'ai été élu pour ça, quand même, j'ai été élu pour changer les choses. Pour trouver des solutions aux problèmes de la France, pas pour les commenter. Alors bien sûr on me dit : vous avez des difficultés, Monsieur ! ben oui, mais je regarde. Vous savez Gordon BROWN a des difficultés, Angela MERKEL a des difficultés. Toutes les personnes qui essaient de faire des choses ont des difficultés.
ARLETTE CHABOT - Ca veut dire que vous n'allez évidemment pas ralentir le rythme des réformes que vous voulez engager.
NICOLAS SARKOZY - Ah, je crois même qu'on va les accélérer.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Et dans la conférence dont vous nous parlez, vous en annoncerez d'autres réformes ?
NICOLAS SARKOZY - Bien sûr, je veux qu'on travaille sur quelque chose qui me tient très à coeur, d'ailleurs qui tient à coeur au Premier ministre et il a bien raison. Comment se fait-il que la législation sociale française - vous en parliez vous-même tout à l'heure - soit la plus complexe et théoriquement la plus protectrice et que les salariés ne se soient jamais sentis en un tel état de précarité et que les chefs d'entreprises se soient jamais sentis aussi contraints. Je veux qu'on sorte de cela. Comment peut-on faire ? et ça sera l'un des objets de cet agenda social que je vais négocier avec les partenaires sociaux. Comment on peut faire pour donner davantage de flexibilité aux entreprises et en même temps, donner davantage de garanties aux salariés. C'est la sécurisation des parcours professionnels. Qu'une femme ou un homme de 45 ans qui se trouve au chômage ait le droit à la formation. Qu'on ne le laisse pas tomber. Qu'on puisse généraliser le contrat de transition professionnelle qu'avait expérimenté Jean-Louis BORLOO, qui permet vous savez, à un salarié licencié pour des raisons économiques, de ne pas être au chômage, d'avoir un contrat avec l'Etat, d'avoir une nouvelle formation pour trouver un nouvel emploi. C'est ça qu'on va négocier avec les partenaires sociaux. J'ai conscience que ce sont des changements considérables, mais je demande aux Français de réfléchir à çà. Il y a une dizaine de pays en Europe qui ont le plein emploi, pas nous. Comment ça se fait ! on a avec les 35 heures choisi de travailler moins, vous l'avez payé de votre pouvoir d'achat. Je ne veux plus qu'on mette les gens dehors à 52 ans ou à 53 ans, alors que dans le même temps on leur dit de cotiser plus longtemps pour la retraite.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Pourtant c'est encore ce qui se passe dans les...
NICOLAS SARKOZY - Eh bien ....
PATRICK POIVRE D'ARVOR - ... inaudible...
NICOLAS SARKOZY - Ce n'est pas acceptable. Je ne veux pas que les jeunes aient tant de difficulté à trouver des emplois. Mon rôle c'est de porter les changements pour qu'on fasse aussi bien que les autres. Il n'y a pas de fatalité à l'échec. J'ai été élu pour cela £ écoutez, je sais où je vais, je l'ai dit aux Français, je veux le faire avec beaucoup de détermination Arlette CHABOT, tranquillement mais je ne renoncerais pas, je ne reculerais pas.
ARLETTE CHABOT - Jamais le président SARKOZY se dit: Nicolas SARKOZY candidat a fait un peu trop de promesses, je vais avoir du mal à les tenir ?
NICOLAS SARKOZY - Alors interrogez-moi sur les promesses que je ne pourrai pas tenir.
ARLETTE CHABOT - Non, je vous demande, c'est vous qui regardez, vous vous dites : je fais une réforme, vous dites, je vais au contraire peut-être même les accélérer, vous ne dites pas là : je n'ai pas bien mesuré les difficultés ?
NICOLAS SARKOZY - Madame CHABOT, j'ai beaucoup réfléchi à mon projet de campagne, j'ai pris tous les risques. Dans le débat qui nous a occupé avec Madame ROYAL, j'avais dit que je ferai la réforme des régimes spéciaux et je savais parfaitement que ça détournerait de moi des cheminots, des électriciens, des gaziers. Je l'ai dit. J'ai dit que je ne ferai pas la ratification du traité simplifié par le référendum, j'ai tenu.' J'ai indiqué qu'il fallait travailler plus pour gagner plus. Vous savez, je ne suis pas venu à l'élection présidentielle comme un écervelé. C'est un choix de vie, c'est beaucoup de peine, enfin beaucoup de peine au sens de lourdeur, la vie d'un président de la République est passionnante mais elle est lourde, je n'ai pas fait ça au hasard, j'ai beaucoup travaillé et rien de ce que j'ai fait depuis six mois n'est fait comme ça, d'une lubie, le matin quand je me lève. J'ai la responsabilité d'un pays à conduire, je n'ai pas le droit de me tromper. Mais ça peut m'arriver comme à tout le monde. Dans ce cas-là je m'en explique. Mais quand je dis : je ne veux pas céder, ce n'est pas une question d'ego. Le président de la République n'a pas à avoir d'ego. Ce sera parfaitement inadmissible. Quand je dis : on va faire d'autres réformes et je vous en donne des exemples et des exemples alors très lourds, mais c'est parce que je crois que c'est l'intérêt de la France de le faire. Si je veux justement être à la hauteur des promesses que j'ai faites aux Français. Quand je rends hommage aux partenaires sociaux, ce n'est pas une habileté, c'est parce que je ne peux pas réformer tout seul. Je sais parfaitement qu'il faut des partenaires, qu'il faut qu'on discute. La fermeté est nécessaire, le dialogue aussi. Et c'est ça que j'essaie de faire. C'est un grand pays la France.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Vous voudriez des syndicats plus forts avec une représentativité plus reconnue, différente ?
NICOLAS SARKOZY - Oui c'est d'ailleurs un des sujets que je mettrai dans l'agenda social, aussi, très lourd, mais je crois qu'il faut tout faire en même temps parce qu'il y a une cohérence. Je veux poser le problème du critère de représentativité...
PATRICK POIVRE D'ARVOR ... financement aussi.
NICOLAS SARKOZY - Oui, mais la dernière fois qu'on a parlé des critères de représentativité c'était 1966 et avant c'était 1945. On peut peut-être s'y interroger aujourd'hui. Je veux parler du financement. La moitié seulement des recettes des syndicats sont des cotisations, nous sommes le seul pays en Europe où c'est comme ça.
ARLETTE CHABOT - ... de l'UIMM, vous choque ?
NICOLAS SARKOZY - Ce qui est amusant c'est qu'on passe son temps à me demander de garantir l'indépendance de la justice, de ne pas m'en mêler, et à chaque étape on me demande sur les affaires en cours ce que j'en pense. En tant que président de la République je n'ai pas à penser quelque chose de ces affaires-là. J'observe qu'il y a un problème. Je veux revivifier le dialogue social. Je veux poser la question des accords d'entreprise. Au fond, pourquoi la loi empêcherait-elle dans une entreprise, des salariés et un chef d'entreprise de se mettre d'accord ? Et à quelle condition on peut faire un accord majoritaire ? Et c'est une grande avancée pour les syndicats, cette notion d'accord majoritaire. Et je dis aux Français : il ne faut pas que vous soyez inquiets de toutes ces réformes que je porte. Ce qui devrait vous inquiétez c'est si je ne faisais des réformes que dans un coin, parce que je déséquilibre le reste de la société française. La société française doit avancer à la même vitesse. Je dois faire du quinquennat que vous m'avez confié, un quinquennat utile pour le pays. Vous avez des problèmes dans les banlieues, vous avez un problème de chômage, vous avez un problème de pouvoir d'achat. Vous avez un problème d'éducation. Il y a un problème d'autorité dans le pays. Il y a un problème d'intégration et d'immigration. Je ne peux pas dire : écoutez, la première année je m'occupe de l'emploi et je ne m'occupe pas de la formation. La deuxième année je m'occupe de la formation mais je ne m'occupe pas du social. II y a le problème des retraites, il y a le problème de l'assurance maladie, j'ai le problème de l'hôpital. Il y a un problème de la formation professionnelle que je mettrai dans cet agenda social. Mais franchement, la formation professionnelle, elle marche bien pour celui qui n'en a pas besoin. C'est-à-dire vous avez fait HEC, vous avez envie de faire l'INSEAD, vous trouvez certainement un grand groupe pour vous financer. En revanche, vous êtes dans le textile, votre boite ferme, vous n'avez pas de quoi apprendre un nouveau métier. C'est ça que je veux changer.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - On parlait tout à l'heure de problèmes judiciaires, votre prédécesseur est poursuivi pour des faits qui remontent à longtemps. Est-ce que vous pensez qu'il doit siéger encore au Conseil constitutionnel ?
NICOLAS SARKOZY - Bah ! il est présumé innocent comme n'importe quel justiciable. Du reste, je n'ai pas de commentaires à faire si ce n'est que c'est toujours dommage que la justice vienne si tard.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Sur l'Algérie où vous allez partir, il y a eu des propos plus qu'étonnants de la part d'un ministre du président BOUTEFLIKA, qui parlait de lobby juif qui vous incitait ou même vous demandait carrément la repentance pour tous les crimes du « colonialisme ». Qu'est-ce que vous allez lui dire ?
NICOLAS SARKOZY - J'ai eu longuement le président BOUTEFLIKA au téléphone cet après-midi et il m'a indiqué - ce sont ses mots - que ce qui avait été dit ne reflétait en rien la position de l'Algérie. Je lui ai dit que je combattrai de toutes mes forces l'antisémitisme, l'islamophobie et toute forme de racisme. Je considère que l'incident est clos et j'irai en ami en Algérie.
ARLETTE CHABOT - Pour que les choses soient tout à fait claires sur l'agenda social et la réunion que vous allez tenir, il y a un délai. C'est-à-dire que l'agenda social 2008, la première réunion qui va se tenir si j'ai bien compris, à l'Elysée, devra avoir bouclé jusqu'à la fin de l'année ?
NICOLAS SARKOZY - A la mi-décembre et on fera avec les organisations patronales et syndicales l'agenda social sur l'année 2008. On le fera ensemble.
ARLETTE CHABOT - Une sorte de Grenelle, puisque l'expression est à la mode, on fait un Grenelle de l'agenda social, c'est l'Elysée...
NICOLAS SARKOZY - Nous l'avons fait pour le Grenelle de l'Environnement...
ARLETTE CHABOT - Oui, ça a marché.
NICOLAS SARKOZY - Non, mais c'est un agenda social, mais ce que les Français, je voudrais qu'ils comprennent c'est que je comprends leur inquiétude, le sentiment de précarité, parfois même l'exaspération. Je leur demande de croire à une chose, j'essaie de prendre tous les problèmes à bras le corps pour y apporter des solutions. Je ne veux en éviter aucun. Je leur rendrai des comptes. Alors vous pouvez me dire : mais enfin, si ça ne marche pas ? Eh bien si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas eh bien le gouvernement prendra ses responsabilités, déposera des textes. C'est ma conception du dialogue social. Mais ce n'est plus possible de continuer en disant: voilà, il y a un problème, on le commente, on ne fait rien. Je ne peux pas moi-même décider d'une augmentation générale des salaires dans les entreprises. Je peux en revanche dire négociez ou les allègements de charges seront négociés. Je peux dire : les 35 ans ont tout bloqué, si vous vous mettez d'accord dans l'entreprise, salariés et chefs d'entreprises, alors vous pouvez vous en exonérer. Voilà ce que je veux faire, voilà la méthode que je propose. Ecoutez, ça n'a pas si mal marché pour les régimes spéciaux, pour l'autonomie des universités, pour la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, eh bien on va continuer.
ARLETTE CHABOT - Et on continuera à voir le président de la République allez voir les pêcheurs en colère au Guilvinec £ le président de la République aller récupérer des journalistes qui ont été arrêtés au Tchad. On verra aussi un président quand il y a un conflit qui s'annonce avec les régimes spéciaux face à des grévistes à la SNCF. Le président sur tous les fronts ça reste normal ?
NICOLAS SARKOZY - Je veux m'en expliquer parce que j'ai vu qu'il y avait des interrogations, mais en démocratie c'est normal. Pourquoi j'ai été au Guilvinec ? vous savez ce n'était pas commode, je ne m'attendais pas à être accueilli avec des vivats. J'ai été au Guilvinec parce que j'ai estimé que c'était le rôle du chef de l'Etat d'aller voir des pêcheurs qui étaient en train de mourir. Parce que la pêche française c'est comme l'agriculture française ou l'industrie française, c'est identitaire. C'est une question d'identité nationale. Et je n'ai pas l'intention de laisser ces gens mourir. Et ils mourraient pour des raisons, Arlette CHABOT, ils n'y étaient pour rien, compte tenu du prix du fuel dans le bateau. Et donc j'ai estimé que c'était mon devoir d'y aller. Ce n'était pas très commode. Mais enfin avec Michel BARNIER en deux jours on a dénoué la crise. Parce que je n'accepte pas qu'un pays qui porte l'Atlantique, la Manche et la Méditerranée, on laisse notre pêche à la dérive. La SNCF comme la RATP, moi j'ai été les voir parce que j'ai trouvé que c'était profondément anormal qu'aucun président de la République n'ait été les voir alors que l'actionnaire, enfin... le propriétaire... c'est l'Etat. Et je suis le chef de l'Etat. Là non plus ce n'était pas facile. Mais je voulais leur dire que je ne tenais pas à les humilier, que je comprenais leurs problèmes. Je n'aime pas la caricature qu'on a fait d'eux, par moment. C'était une façon de les convaincre. Mais qu'est-ce qu'on attend de moi ? Que je reste enfermé dans ce palais ? j'observe d'ailleurs que sur les six mois, pendant cinq mois et demi on a dit que j'en faisais trop, et voilà que pendant les grèves je n'ai pas parlé pendant huit jours...
PATRICK POIVRE D'ARVOR - ... çà vous a pesé ?
NICOLAS SARKOZY - Pas du tout, mais parler pourquoi faire ? Alors que les trains étaient bloqués. J'ai beaucoup discuté, j'ai beaucoup parlé, mais justement je restais en réserve au cas où il y aurait un problème, parce que c'est toute l'ambiguïté et la difficulté de la tâche d'un président de la République, Vème République, il doit être à la fois le moteur du changement et l'arbitre, il doit être les deux. Celui qui impulse l'énergie nécessaire pour porter les changements et pour apporter les solutions et en même temps celui qui est l'arbitre pour équilibrer. Par exemple, recevoir les familles de ces deux jeunes, c'était mon devoir. C'était mon devoir. Pour montrer à chacun que sa douleur était prise en compte.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - II y a beaucoup de victimes en France, dans tous les domaines.
NICOLAS SARKOZY - Et alors ! Eh bien c'est mon de devoir. Il y a beaucoup de travail, oui. Mais moi je ne pense pas que mon rôle c'est d'être uniquement dans les sommets internationaux et de me désintéresser de ce qui se passe ici. Et puis je vais vous dire autre chose, je suis comme ça, j'ai été élu pour faire un travail, j'ai envie de le faire. J'ai envie de le faire pleinement. J'ai envie de le faire complètement, totalement. Je pense qu'il ne faut pas s'économiser, qu'il ne faut pas être avare de ses sentiments, de son énergie. J'ai une place passionnante, j'ai un rôle lourd mais j'en suis heureux. Je n'ai pas à me plaindre parce que je sais que la vie quotidienne des Français est beaucoup plus à plaindre que la mienne.
ARLETTE CHABOT - Si l'essentiel de notre rencontre ce soir c'est évidemment le pouvoir d'achat avec beaucoup d'attentes, on l'a dit, des Français, à votre avis les Français diront : tiens, ça change pour moi ! à quel horizon à votre avis ?
NICOLAS SARKOZY - Mais tout de suite. Comprenez-moi bien...
ARLETTE CHABOT - En terme d'argent, je veux dire, on est très concret.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - ... attendaient de cet entretien de ce soir...
NICOLAS SARKOZY - Oh vous savez, les gens sont beaucoup plus raisonnables qu'on l'imagine. Je ne pense pas qu'ils attendent, qu'ils soient si sots, qu'ils pensent qu'il suffit qu'un président dise quelque chose pour que tout change pour eux. Mais ils exigent une chose, c'est qu'on se mette au travail tout de suite. Je pense qu'il y a deux exigences pour les Français. La première c'est que j'aie l'honnêteté - alors qu'ils ont voté pour moi, majoritairement, je suis président même de ceux qui n'ont pas voté pour moi - est-ce qu'il a l'honnêteté de reconnaître que le problème qui est le nôtre c'est un vrai problème. J'ai regardé de très près ce qu'avait fait Monsieur JOSPIN à l'époque, sur le sentiment d'insécurité. Non, non ce n'est pas un sentiment, c'est une réalité. II n'y a pas un sentiment d'exaspération vis-à-vis du pouvoir d'achat, il y a un problème de pouvoir d'achat. Est-ce qu'il prend en compte notre problème ? Première chose. Et deuxième chose, est-ce qu'il s'y attaque vraiment ? Après, les résultats on verra, mais est-ce qu'il s'y attaque vraiment ? Voilà l'objectif qui est le mien. Vous savez, les Français n'attendent pas que je distribue les cadeaux de Père Noël alors qu'ils savent parfaitement bien qu'il n'y a pas d'argent dans les caisses. La seule façon de répondre à cette question c'est de permettre aux gens de travailler plus et de gagner plus.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - La France n'est pas en faillite !
NICOLAS SARKOZY - Non.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Votre Premier ministre n'avait pas raison sur ce point ?
NICOLAS SARKOZY - On en a parlé ensemble.
ARLETTE CHABOT - Il a raison de dire qu'il n'y a pas d'argent, effectivement, comme il le dit.
NICOLAS SARKOZY - Oui. II n'y a pas de problème entre le Premier ministre et moi. Vous savez, parfois je lis de ces choses. II n'y a pas de problème entre le Premier ministre, les ministres et moi. On fait une équipe, on travaille dur. Vous savez, quand il y a eu ces évènements à Villiers-le-Bel, et Michèle ALLIOT-MARIE et François FILLON m'ont tout de suite appelé. La question du décalage horaire, je m'en moque. Je dois être mobilisable 24 heures sur 24. Je savais parfaitement ce qu'ils faisaient. Ils l'ont très bien fait. Et quand je suis arrivé, eh bien Michèle m'attendait et on a été ensemble à l'hôpital. C'est une équipe. Alors c'est vrai que... moi, je pense que le chef ce n'est pas celui qui se met derrière et qui laisse les autres prendre les coups et qui dit : ah bah, voilà, ce n'était pas ma faute, c'était la leur. Moi, mon tempérament c'est plutôt de me mettre devant parce que si les choses ne vont pas je suis le premier responsable du fait qu'elles n'aillent pas.
PATRICK POIVRE D'ARVOR - Voilà, c'est la fin de cet entretien et on approche des 21 heures, merci de nous l'avoir accordé.NICOLAS SARKOZY - Non, merci de m'avoir invité.