20 novembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur sa politique de réformes et sur le rôle des maires et des communes, à Paris le 20 novembre 2007

Monsieur le Président, Cher Jacques,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Votre association a cent ans. En elle s'incarnent les valeurs de notre République, cette République que vous faites vivre au quotidien dans nos communes, cette République qui, grâce à vous, n'est pas qu'une devise.
A l'idée abstraite de la République, vous donnez un visage, vous donnez au-delà de vos différences une humanité.
Et à l'idéal du civisme, vous apportez l'exemple de votre dévouement et de votre engagement au service J'ai trop longtemps été l'un des vôtres pour ne pas savoir les joies et les peines de la fonction de maire qui n'est pas un métier comme les autres, et qui est dans des dizaines de milliers de petites communes une forme de don de soi, une ultime déclaration d'amour à son village ou à sa commune. La première motivation de l'engagement des maires, c'est l'amour que l'on porte à son territoire, à sa ville, à son village.
Je sais les contraintes sans cesse plus lourdes qui rendent votre mission sans cesse plus difficile. Je sais le courage qu'il vous faut pour continuer quand votre énergie, quand votre imagination doivent suppléer le manque de moyens et quand votre responsabilité personnelle se trouve de plus en plus fréquemment mise en cause devant les tribunaux. Si on continue comme ça et bien un jour on ne trouvera plus personne pour assurer des responsabilités collectives. Notre société doit y réfléchir.
Oh, je sais que ça ne va pas arranger mes affaires de dire ça et pourtant je le pense. II ne peut pas y avoir de pouvoir sans responsabilité. Responsabilité pour tout le monde, mais il y a un moment où l'excès de contrôle, où l'excès de précaution conduit à l'inverse de ce que l'on a cherché. On ne doit pas tarir la source du dynamisme, de l'imagination dans un pays comme le nôtre. On doit prendre des initiatives, encourager ceux qui prennent des initiatives et ne pas décourager celui qui essaie de résoudre un problème. La bonne volonté, ça compte aussi. Bon, Ce n'était pas dans le discours, mais c'était dans mon coeur.
Mais qu'une difficulté surgisse, qu'un accident survienne, qu'un malheur se produise, qu'une injustice soit commise et c'est vers le maire que l'on se tourne d'abord. On lui demande tout, on exige tout, au quotidien, l'impossible. Et lui, qui l'aide ? Qui l'encourage ? Qui le soutient ? J'ai parfaitement conscience, Cher Jacques, qu'on l'assaille de règlements ce maire, de contrôles tatillons qui s'additionnant les uns aux autres finissent par s'annihiler. Surtout, on le met en accusation à la moindre erreur. Je veux changer cet état d'esprit dans notre pays Je veux qu'on remercie ceux qui se dévouent pour leur dévouement, et qu'on arrête de les dénigrer et que ceux qui les dénigrent se présentent aux élections et on verra à ce moment là si c'est si facile d'être un élu. Je veux, moi, qu'on le soutienne au lieu de l'accabler. Parce quand on prend des responsabilités, on doit être soutenu et pas en permanence accablé.
On critique le trop grand nombre de communes en France. Mais faire disparaître la plupart d'entre elles, ce serait assécher cet immense réservoir de civisme qui fait la vitalité de notre République, dont l'unité est aujourd'hui si menacée par tant de forces de dissociation et d'éclatement.
Nos communes sont inscrites au plus profond de notre histoire. Nos communes façonnent depuis des siècles le visage de la France. Nos communes doivent s'entendre, nos communes doivent coopérer, nos communes doivent bien souvent mettre en commun leurs moyens. Je prends mes responsabilités, je crois à l'intercommunalité. Mais je ne crois pas à la politique de la table rase. Je ne crois pas qu'on puisse faire comme si les territoires et les Nations n'avaient pas d'histoire, comme si la géographie n'existait pas, comme si les mentalités, les représentations, les sensibilités forgées par des siècles d'expériences humaines n'avaient aucune importance.
Il faut partir des réalités, et nos communes sont des réalités juridiques, institutionnelles, politiques, mais avant tout ce sont des réalités humaines, des réalités sociales qu'on ne peut pas effacer par décret. Alors je sais que ça gêne de dire cela, mais s'il y a une certaine qualité de la vie spécifique à notre pays, c'est aussi parce qu'il a tant de communes qui permettent d'y faire vivre la démocratie au plus près du quotidien et je n'ai pas l'intention qu'on y touche.
D'ailleurs, il est venu le temps, et je prendrai des initiatives en la matière, que notre pays s'interroge sur la façon dont on doit remercier ceux qui se dévouent, et de la façon dont on doit punir ceux qui empoisonnent la vie des autres. Plus pour les uns, moins pour les autres. Voilà les valeurs que je souhaite défendre dans notre pays. Et d'ailleurs, il n'y a absolument pas à s'excuser, et j'en dirai un mot, de parler du statut de l'élu.
Alors je vais essayer de vous parler comme un chef d'Etat, c'est-à-dire conscient, surtout en ce moment, des responsabilités qui sont les miennes et je ne veux pas faire un discours qui fait plaisir aux uns contre les autres. Je veux dire ce que je pense calmement, simplement. Notre pays n'est pas une page blanche. Si l'on veut réformer la France, il faut la respecter dans son identité, dans son histoire, dans ses valeurs.
Si l'on veut réformer la France, il faut le faire en respectant le principe d'égalité et le principe'de justice auxquels les Français sont attachés parce qu'ils se sont battus pour ces principes tout au long de leur histoire.
Si l'on veut réformer la France, il faut le faire dans le respect, le respect des personnes, dans le respect de leurs croyances, de leurs difficultés, des craintes, des espérances qu'ils ont et éprouvent pour leur avenir et pour celui de leurs enfants.
Il faut respecter ce qui a été acquis par le travail, par le courage et par le sacrifice des générations passées dont le souvenir doit rester vivant.
Les ouvriers qui aiment leur travail, qui se désespèrent de voir mourir l'industrie s'inscrivent dans une histoire, dans une culture, dans une tradition ouvrière. Le mot « ouvrier » ne m'écorche pas la bouche, le mot « ouvrier » est un beau mot, une France sans usine, sans industrie et sans ouvrier serait une France profondément appauvrie moralement, culturellement, politiquement. Ce sont des travailleurs fiers de leur métier, Ils méritent le respect.
Les cheminots, les employés de la RATP, les électriciens, les gaziers s'inscrivent aussi dans une histoire, dans une culture, dans une tradition dont ils sont fiers d'être les héritiers. Ils ont un savoir-faire, ils aiment leur métier, ce ne sont pas des privilégiés et je n'aime pas la façon dont on parle d'eux, et des fonctionnaires, un peu facilement dans notre pays. Le rôle d'un chef de l'Etat n'est pas d'opposer les uns aux autres. Je parlerai de la minorité après, mais je parle de tous ceux qui, parce qu'ils sont travailleurs, méritent qu'on les respecte.
L'immense majorité des fonctionnaires, et vous le savez bien, Maires de France, se dévoue au bien commun parce que dans toutes vos communes, et dans toutes vos écoles, vous avez des exemples de tous ceux qui se sont engagés, par pour la paye mais pour la vocation du service public. Dans toutes vos communes, vous avez des fonctionnaires qui placent l'intérêt général au-dessus de tout, et vous êtes bien placés pour savoir qu'ils ne sont pas des privilégiés. Les élus, ici savent bien qu'ils ne pourraient rien faire sans des fonctionnaires dévoués derrière eux. La crise de l'Etat, la crise de la politique, la crise de l'intérêt général les touchent directement. Je veux que leurs mérites soient mieux reconnus, que leurs carrières soient revalorisées. Mais je n'accepte pas un système où on ne peut pas récompenser celui qui veut en faire davantage que les autres. Je n'accepte pas un système où tout le monde est noté de la même façon. Je n'accepte pas un système qui dévalorise celui qui mériterait d'être récompensé et qui protège celui qui mériterait d'être sanctionné. Je n'accepte pas un système qui traite tout le monde de la même façon et qui amène tout le monde vers le bas, parce que ce système là, il est injuste et que les fonctionnaires de France méritent mieux que cela. J'ajoute que ça fait bien longtemps que je pense qu'il faut arrêter de dire qu'il y a une fonction publique noble, la fonction publique d'Etat, et une fonction publique qui le serait moins, la fonction publique territoriale. Je veux des passerelles et des possibilités pour vous, les élus, de faire venir des fonctionnaires de l'Etat et pour vos collaborateurs d'aller aussi en administration centrale. On est fonctionnaire, on doit pouvoir passer d'une fonction publique à une autre.
Alors j'ai parfaitement conscience qu'on ne peut pas refaire la France sans les Français et a fortiori contre eux, qu'il ne faut pas les diviser, pas les opposer.
Le rôle du Président de la République et du gouvernement, c'est de rassembler, c'est de mobiliser autour d'un même objectif.
La France, Mesdames et Messieurs, a besoin de réformes pour relever les défis que le monde lui impose.
Ces réformes, elles ont trop tardé. Peu importe la faute à qui, sans doute à chacun d'entre nous et j'en prends ma part.
Mais après tant d'hésitations, tant d'atermoiements, tant de reculs, on ne cédera pas et on ne reculera pas, pas pour une question personnelle, mais parce qu'il s'agit de la France et c'est une véritable rupture qui est nécessaire pour empêcher quoi ? Le déclin, pour éviter de perdre ce que ceux qui nous ont précédés avaient conquis pour nous.
La rupture, c'est un mot que j'ai promis pendant la campagne présidentielle. Les Français m'ont donné mandat de l'accomplir.
J'ai tout dit avant les élections pour pouvoir tout faire après.
Cette rupture ça ne doit pas être une rupture avec ce que nous sommes. Ce ne doit pas être une tentative de rompre avec notre identité, avec nos valeurs, avec notre histoire, d'aller copier je ne sais qui.
C'est une rupture avec les habitudes, les comportements, les idées qui ne sont plus adaptées aux circonstances d'aujourd'hui.
Quand elle était jeune, ma génération découvrait le monde à travers la littérature et le cinéma. Maintenant nos enfants le découvrent le monde en voyageant à bas prix et en surfant sur Internet. Cela change tout. Notre pays doit changer. Et ces changements, chacun en est bien persuadé, collectivement, là où ça va moins bien, il faut les appliquer, il faut les décider.. Jacques, si j'ai bien compris ton message, il faut que je réduise les déficits, sans faire de mal à trop de monde et notamment pas aux maires qui ont déjà bien des difficultés. Il faut que je garantisse les services publics et en même temps que je maîtrise la dépense publique.
Il faut qu'on fasse une politique volontariste d'aménagement du territoire et en même temps qu'on donne de la compétitivité à nos entreprises.
Je ne crois pas à la réforme qui est toujours synonyme de sacrifices. Je ne crois pas à la réforme qui fait souffrir comme si la souffrance avait une vertu en elle-même. Comme si le débat intelligent dans notre pays, c'était les sérieux qui font souffrir, les dispendieux qui font sourire. S'il suffisait de faire souffrir les Français pour résoudre les problèmes... Ca fait 25 ans, 30 ans qu'on leur demande des sacrifices et tant de problèmes qui sont encore là.
On a demandé pendant 25 ans des sacrifices et ces sacrifices ont malheureusement été vains. On a trop souvent fait souffrir les Français au nom de réformes qui n'ont rien résolu ou qui n'ont pas pu être appliquées.
Je veux une politique de l'effort et non une politique du sacrifice.
Alors je le sens bien, La réforme de la carte judiciaire, on en parle depuis 1958. Qu'on soit de gauche, de droite ou du centre, dans tous les projets, on en parle. Promis avant l'élection, oublié après. Bien sûr que cela pose des problèmes dans tel ou tel village, dans telle ou telle ville, dans telle ou telle commune mais je pose la question, est-ce que vous croyez que la France de 1958, c'est la France de 2007 ? Je veux bien qu'on me dise d'économiser les dépenses publiques, mais est-ce qu'il est raisonnable de garder deux tribunaux de grande instance à 18 kilomètres de distance et dans le même temps, d'avoir dans chaque tribunal, les magistrats compétents, dévoués pour apporter une réponse au service public de la justice ? Cette réforme je l'avais promis, j'ai demandé au Garde des Sceaux de la mettre en oeuvre, elle l'a mise en oeuvre avec courage.
La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, mais ça fait 20 ans qu'on en parle. 20 ans qu'on le promet et d'ailleurs, ça fait l'unanimité sur tous les bancs politiques. 20 ans qu'on en parle avant les élections, et on n'a pas eu le temps après. Remarquez, ça sert, ça permet de remplir la case du prochain programme électoral de la prochaine élection ! Et bien, la prochaine fois, il n'y aura pas besoin de remplir cette case, parce que cette réforme aussi on l'a mise en oeuvre.
La fusion, et je parle devant Michel CHARASSE, de la Direction générale des Impôts et de la comptabilité publique, cette seule idée évoquée a réussi à faire partir deux ministres. Ils avait, ces ministres - cher Michel tu vois ce que je veux dire-- l'intelligence de comprendre que c'est quand-même curieux d'avoir un système avec d'un côté celui qui calcule l'impôt et de l'autre, dans une autre administration, celui qui le perçoit. Où le citoyen contribuable qui veut demander une explication ne va pas au même bureau que celui qui veut verser son chèque aux Impôts. Celui qui a inventé ça avait de l'imagination et ça a duré : 80 000 fonctionnaires d'un côté, 60 000 de l'autre. Et bien la fusion de la DGI et de la CP, nous l'avons décidée, elle se fera parce que c'est l'intérêt des contribuables d'avoir un interlocuteur unique et par ce que je ne sais pas comment on peut réduire les dépenses publiques dans notre pays sans modifier les structures administratives de notre pays.
L'autonomie des universités, Oh, je suis en plein dans le sujet du Congrès des Maires, on ne peut pas être plus dans la cible. Les maires, ça fait de la politique dans le vrai sens du terme et les sujets dont je parle, permettez-moi de vous dire qu'ils vont bien au-delà de la différence entre la droite et la gauche, parce que l'autonomie des universités, il y en a autant à gauche qu'à droite qui sont persuadés que si la France veut les meilleures universités du monde, elle doit leur faire confiance et leur donner l'autonomie. Valérie Pécresse a conduit cette politique je n'y reviendrai pas, parce que c'est l'intérêt des universités de France, des Universitaires de France, des enseignants de France et de nos enfants. L'école primaire, le collège, nous avons écrit avec Xavier Darcos aux enseignants de France, Michel Charasse me parlait de la mémoire de Clémenceau, et tu m'en parles toujours, des enseignants de France à l'époque de la IIIe République, quand on débattait des programmes électoraux et qu'on parlait de ce sujet essentiel qu'est l'éducation nationale.
Parce que pour vous, les maires, la revendication de vos concitoyens qu'elle que soit par ailleurs le peu de responsabilité que vous avez en matière pédagogique, c'est quand même la question de l'école et bien permettez-moi de vous dire que Président de la République, je n'accepterai pas que l'on réduise la question de l'éducation nationale à la seule question du statut.
Je veux qu'on puisse débattre du contenu. Qu'est-ce que ça veut dire enseigner en 2007 ? Quelle est la mission des enseignants, quelle est leur place, quel est le programme, quelles sont les valeurs qui soutiennent l'école de la République ? Ayons le courage d'assumer ces débats qui sont des débats nobles.
Et la réforme de l'Etat ? Et la réforme de la fonction publique ? On n'a rien touché depuis 1958 ! Le statut, à force de protéger personne, à force de protéger tout le monde, il finit par pénaliser chacun.
Depuis 30 ans réformes, contre-réformes pas d'idée directrice, pas de continuité, on a désorganisé notre appareil administratif sans l'alléger, et naturellement que la question n'est pas de réduire l'emploi public au rabot, pour faire du chiffre, comme l'on dit. La question c'est de porter des réformes de structure qui vont nous permettre d'être au rendez-vous, incontournables. La France ne peut pas être dans la compétition mondiale avec le poids des dépenses publiques que nous avons aujourd'hui. Quel que soit le Gouvernement, quel que soit le Président de la République, ce rendez-vous, il est incontournable.
Et la réforme des régimes spéciaux ! 12 ans, qu'on l'attend ! Et depuis l'échec de la tentative de réforme de 1995, on n'en parle plus.
Et pendant ce temps tous ceux qui relèvent des autres régimes ont vu leur durée de cotisation passer à 40 annuités et leurs pensions indexées sur l'inflation pour avoir une retraite à taux plein.
Et dans le même temps, les veuves des agriculteurs, des pêcheurs, des artisans qui ont travaillé toute leur vie attendent avec anxiété leur maigre pension de réversion qui ne leur permet même pas de vivre décemment.
La réforme des régimes spéciaux de retraites, ce n'est pas une attaque contre les cheminots, ce n'est pas une attaque contre les employés de la RATP, les électriciens ou les gaziers. C'est une question d'équité dans la répartition de l'effort face à l'évolution de la démographie, à la vie qui se prolonge, au nombre des retraités qui augmente par rapport au nombre des actifs.
Il ne s'agit pas de sacrifier les salariés de la SNCF, de la RATP, d'EDF et de GDF mais de leur demander, comme à tous les Français, un effort pour empêcher la diminution des retraites qui sans cela deviendrait inéluctable. La chose est simple en matière de retraites : soit vous diminuez les pensions de retraites, elles qui sont déjà si petites, soit vous augmentez les cotisations, elles qui sont déjà si lourdes, soit vous posez la question de durée de cotisation. Il y a trois solutions, il n'y en a pas quatre ! Si, il y en a une quatrième, on ne fait rien et on laisse aux autres, c'est-à-dire à nos enfants, les conséquences de l'inaction. Je ne laisserai pas à nos enfants les conséquences de notre inaction. Nous ferons donc cette réforme.
J'ai été, il y a quelques semaines, à la rencontre des électriciens et des cheminots. C'était intéressant. Dans notre pays, on devrait se rencontrer et dialoguer plus souvent. Je suis allé leur dire que moi j'avais de l'estime pour ce qu'ils faisaient, qu'ils n'étaient pas des nantis, pas des privilégiés et que le but des réformes ce n'était pas de leur faire mal, mais d'améliorer le sort de tous grâce à l'effort de chacun.
Je comprends qu'ils soient attachés à ce qui les distingue, à l'héritage d'une longue lutte sociale.
Le gouvernement n'a jamais cherché l'épreuve de force. Dans le respect des principes de la réforme qui ont été débattus pendant la campagne présidentielle, et qui ont été approuvés par les Français, j'ai souhaité que jamais le dialogue ne soit rompu.
Et chacun doit bien comprendre que, pour moi, dans un tel conflit, je ne veux pas qu'il y ait un vainqueur et un vaincu. Jusqu'au bout je resterai déterminé, la réforme se fera, que nul n'en doute. Mais jusqu'au bout je resterai ouvert parce que c'est mon devoir. Mais je dis qu'il faut savoir terminer une grève lorsque s'ouvre le temps de la discussion. Je dis parce que c'est mon devoir, que chacun doit s'interroger sur la poursuite d'une grève qui a déjà coûté si cher aux usagers qui n'ont pas à être pris en otage dans un conflit qui ne les concerne pas. Je dis qu'il faut penser à tous ceux qui ont besoin d'aller travailler et qui n'en peuvent plus d'être privés de transports en commun.
Je dis qu'il y a des millions de Français qui, après une journée de travail, quand il n'y a pas de bus, pas de métro, pas de train sont exaspérés d'avoir le sentiment justifié d'être pris en otage.
Je dis qu'il faut penser aux entreprises qui risquent d'être obligées de supprimer des emplois.
Ma conception de service public, c'est que le service public est d'abord au service des usagers et dire cela me semble être une idée consensuelle à droite comme à gauche, sinon ce n'est pas le service public.
La grande majorité des salariés de la RATP et de la SNCF ainsi que la quasi-totalité de ceux de GDF et d'EDF ont repris le travail. Désormais l'esprit de négociation doit l'emporter sur l'esprit de confrontation.
Entreprise par entreprise, des négociations s'ouvrent. Elles ont commencé lundi à EDF et à GDF. Elles débuteront demain à la SNCF et à la RATP.
C'est sur ce terrain que chacun doit désormais s'efforcer de faire valoir son point de vue. Ceux qui veulent travailler et qui sont de loin les plus nombreux doivent pouvoir le faire librement. Une petite minorité ne saurait imposer sa loi à une majorité, ni dans les services publics ni dans les universités, ce qui est un comble.
La démocratie, comme l'ordre public, je les ferai respecter, tout simplement parce que c'est mon devoir. L'ouverture et le dialogue continueront. Mais ce qui doit être fait sera fait. Ce qui doit être accompli sera accompli. Je ne trahirai pas la confiance de ceux qui m'ont élu. J'irai jusqu'au bout de mes engagements et j'irai avec vous. Dans quelques jours, je prendrai d'autres initiatives pour répondre à l'angoissante question du pouvoir d'achat, de la croissance et de l'emploi. Mais dans une démocratie apaisée on dialogue, dans une démocratie civilisée on arrête la grève avant de mettre une économie à genoux. Dans une démocratie aboutie, la majorité doit l'emporter sur une minorité très minoritaire fusse-t-elle violente. Dans une démocratie, le devoir du Président de la République c'est d'être un homme de fermeté et de dialogue.
Je sais parfaitement que dans vos communes vous êtes confronté tous les jours aux difficultés des Français.
Nous avons besoin de vous pour que le Grenelle de l'environnement auquel votre association a pris une part si importante débouche sur des changements concrets.
Vous serez associé Jacques, à ces changements.
J'ai besoin de vous pour la modernisation de nos services publics. Je ne vais pas fuir devant vous, nous avons à parler aussi de l'hôpital, de la gouvernance de l'hôpital, de la carte hospitalière, cela concerne au premier chef les maires. On ne peut pas fuir ce débat. Ce débat, il se pose. Et on ne va pas le résoudre avec le chacun pour soi en se disant : « l'essentiel c'est que je sauve ma boutique et peu importe le sort de mon pays ! ». Vous avez un problème avec des maisons de long séjour, de moyen séjour. Vous avez un problème avec Alzheimer, Vous avez un problème avec les personnes âgées qui ne peuvent pas rester au domicile. Il y a matière à négocier.
Ce que je veux, surtout, c'est que le Gouvernement engage avec vous une discussion d'ensemble, pour que celui qui se voit avec une difficulté sur un service public ne sente pas que sa ville est condamnée ou que son village est condamné, ou que son terroir est condamné ! Je veux cette discussion globale et je ne veux pas que les maires se trouvent petit à petit, Jacques, amenés dans un combat des Horaces et des Curiaces, avec simplement la direction des Affaires Sociales pour l'hôpital, l'inspecteur d'académie pour l'école et les classes. Qu'on globalise la discussion pour faire dans notre pays la carte des services publics adaptée à la France de 2007.
A partir de ce moment là, il faudra qu'on pose le problème de votre statut. Je suis désolé, être maire c'est s'engager. Il faut respecter les élus qui sont dans la nécessité d'attirer les meilleurs, les plus capables, les plus dévoués dans les fonctions électives. II faut que la nation dise enfin quelle démocratie elle veut, et quel statut elle est prête à reconnaître à ses élus, à ses maires en particulier.
Parce que le statut de l'élu a trop attendu. Il faut le mettre en chantier, arrêter avec les frilosités et les tabous. Quand on se dévoue à la cause générale, on n'a pas à s'en excuser. Vous ne faites pas cela pour en avoir la récompense, mais à l'inverse il n'est pas normal que cela vous coûte de vivre l'engagement qui est le votre au service de vos villages et de vos communes ! Voilà la réalité des choses.
Et comment bâtir une démocratie irréprochable si le maire n'est pas protégé, n'est pas rémunéré, s'il n'a aucun soutien, aucune aide, aucun accompagnement notamment lorsqu'il perd ses mandats, et cela peut arriver à tout le monde ?
Naturellement je me visais moi-même. Encore qu'en début de mandat, on est plus décontracté avec ces questions que vous, en fin de mandat !
Je voudrais dire un mot d'une question très difficile, et faire une proposition. Jacques a parlé de la nécessité d'élargir les assiettes, enfin la fiscalité. Il y a une façon de les élargir, c'est la question de la réactualisation des bases de la fiscalité locale. Et moi, je n'ai pas été élu pour fuir les problèmes. On en parle depuis 1991 et un Ministre du budget qui est à cette tribune le sait bien ! Tous les rapports ont été commandés, alors je propose qu'on fasse l'actualisation des bases parce que le statu quo indéfini qui conduit à un écart croissant entre les bases d'imposition et la réalité économique ne peut pas durer.
Je propose que l'on cesse d'attendre sans rien faire et que l'on procède à la réactualisation des bases à l'occasion de chaque changement de propriétaire. Au lieu de faire comme toujours en France : soit on ne fait rien, soit on fait tout ! Et au moment où on fait tout, aïe aïe aïe !
Je propose que vous les maires, en accord avec les services fiscaux, vous fassiez l'actualisation des bases à chaque fois qu'il y a un changement de propriétaire. Et il vaut mieux prendre une dizaine d'années ou une quinzaine d'années pour faire l'actualisation des bases progressivement, plutôt que de se retrouver soit avec l'immobilisme, soit avec la brutalité.
Et avec cela, je demande à l'association des maires de France, si elle le veut bien, d'y travailler et d'y réfléchir. Vous aurez une augmentation de votre assiette, donc une augmentation de vos ressources, sans brutalité et sans conséquences politiques trop lourdes. Comme je le propose à tous les maires, on ne peut pas m'accuser de le faire au service d'un camp contre les autres.
Jacques, tu as proposé un Grenelle de la fiscalité locale, j'y suis prêt. Et là encore, nous aurons à choisir deux voies la voie des impôts que l'on ne reconnaît plus à force de les avoir modifiés partiellement. Je pense notamment à la taxe professionnelle dont le premier contributeur est aujourd'hui l'Etat. J'attire quand même votre attention sur le fait qu'elle est cruelle pour les finances publiques, puisque comme l'ATP est plafonnée, on peut l'augmenter sans faire mal aux entreprises et comme l'ATP est compensée, on peut l'augmenter sans se soucier des ressources des communes, mais à la fin des fins, c'est quand même le contribuable qui paye.
J'ajoute que plus personne ne comprend rien au maquis de notre fiscalité. Et moi je suis prêt à aller vers la spécialisation des impôts par niveau de commune. Le principe, j'en ai bien conscience cher Bertrand, est plus facile à avancer qu'à réaliser. Mais au moins, mettons-nous d'accord sur des principes directeurs. Etant entendu que je suis très attaché au maintient d'un lien financier entre les entreprises et leurs communes, sinon il n'y aura plus un seul endroit où on acceptera d'installer une entreprise et une usine. Et ce jour-là, il ne faudra pas dire aux Français, qu'il n'y a pas assez d'emplois pour eux !
Et si, me haussant au dessus de ma condition, je pouvais souhaiter pour ce Grenelle de la Fiscalité en parlant devant Madame la Ministre de l'Intérieur, qu'on agisse en deux temps. Dans un premier temps, on se mettrait d'accord sur des principes, des principes assez précis pour reformer la fiscalité locale. On discuterait pour voir si l'on peut trouver un consensus au-delà du débat droite-gauche parce que, excusez du peu, mais s'il s'agit de faire une réforme de la fiscalité locale de droite, en attendant la réforme de la fiscalité locale de gauche, je crains qu'on ne soit pas au rendez-vous de l'efficacité que souhaitent les contribuables. Peut-être pourrions-nous nous mettre d'accord sur des principes. Une fois qu'on s'est mis d'accord, Madame le Ministre, sur des principes, peut être pourrions-nous demander à des techniciens de nous préparer des pistes et de les soumettre alors à la concertation de l'ensemble des maires de France. Vous me direz cela prendra quelques mois ! Et alors, cela fait tant d'années qu'on n'en dit rien. En tout cas, moi, je ne veux pas d'un système où l'on raisonne sur ces questions qu'au sein de la section financière du Conseil d'Etat, pour lequel par ailleurs, j'ai le plus grand respect. C'est un sujet extrêmement complexe, mais en même temps à conséquences politiques lourdes. Les élus doivent prendre leurs responsabilités. Je les prendrai, si vous le voulez bien, avec vous.
Enfin, dernier point, s'agissant de la décentralisation, en parlant devant mon ami, Jean-Pierre RAFFARIN, je crois qu'il serait temps également que nous fassions le bilan des lois de décentralisation successives depuis le premier train de lois de décentralisation de Gaston DEFERRE au début des années 80. Est-ce qu'on ne pourrait pas là aussi, en associant tout le monde, se dire : voilà ce qui a été parfaitement fait depuis 1982, voilà ce qui ne marche pas et ce que l'on peut changer. Et j'aimerais beaucoup qu'on puisse mettre de l'ordre dans les lois de décentralisation avant d'imaginer, comme dans une sorte de fuite en avant, une nouvelle étape de la décentralisation. Je ne ferai pas une nouvelle étape de la décentralisation avant qu'on ait fait un bilan exhaustif des conséquences de ces trente années de décentralisation. Je crois là aussi que nous vous le devons.
J'ajoute que je souhaite qu'on réforme le contrôle de l'égalité. Pourquoi ? Parce que je voudrais un contrôle de l'égalité qui conseille les maires plutôt qu'il les considère comme des formes de coupables qui doivent eux-mêmes se justifier avant même qu'une délibération ait été faite. Après tout, quand on prend une décision en conseil municipal avec le scrutin pour partie proportionnelle, c'est qu'on n'a quand même pas la volonté de dissimuler quoi que ce soit. En revanche, nos textes sont si difficiles à appliquer qu'on a besoin de l'administration d'état pour conseiller, pour guider. J'aimerais également qu'on réfléchisse, Chère Michèle, avec Jean-Louis BORLOO, à la question des documents d'urbanisme. Je ne sais pas, Jacques, si cela doit être l'intercommunalité ou la commune, on peut en discuter. Mais j'aimerais là encore qu'on protège, parce que nous avons pris des engagements bien sûr, notamment la trame verte, la biodiversité. Mais en même temps, je voudrais tellement que notre pays revienne à la pointe de l'architecture, de l'innovation, de la création, du développement durable. Et pour y arriver, on n'a pas besoin d'un empilement de normes, de réglementations et de règles. On a besoin de gens qui prennent des initiatives, qui font des rêves pour leurs communes, qui ont de l'ambition pour leur commune. Et je le dis au maire de Paris, s'il me le permet, le débat absurde pour savoir s'il faut des tours ou pas de tours. Mais si elles sont laides il n'en faut pas, si elles sont belles il en faut ! Ce n'est pas une question idéologique : pour les tours ou contre les tours ! N'ayez pas crainte d'être d'accord avec moi Bertrand. C'est si bon d'être ensemble de temps en temps !
Mon rôle de toute manière c'est d'être d'accord avec un maximum de Français. J'ai commencé à 53, je vais terminer plus loin ! C'est une plaisanterie naturellement !
Ce qui ne l'est pas, en revanche, c'est que je ne veux pas qu'on arrive dans un pays où on est normé, où on vous permet de faire des petits cubes, et ils sont beaux vos petits cubes parce qu'ils ne dépassent pas une certaine hauteur ! Je ne veux pas que l'architecture, la créativité, l'imagination soient réservées à l'Espagne, aux Etats-Unis, à l'Italie, je veux que la France reste le pays de la création architecturale. Et qu'un certain nombre d'entre vous puisse avoir une ambition architecturale pour leur ville ! On arrive à quoi ? On ne peut plus rien faire, dans nos centres-villes. Et on fait n'importe quoi en périphérie de nos villes. Et bien je ne suis pas d'accord avec ces choix là, je dis qu'il est temps de les changer !
Je ne plaide pas pour que n'importe quoi devienne le centre-ville naturellement. Et au fond, quel doit être le juge suprême de tout cela ? Et croyez bien que j'ai soutenu Jean-Louis BORLOO dans la démarche du Grenelle de l'environnement. Et bien c'est la responsabilité des élus. Il y a des élections quand même. Et si les gens ne sont pas contents, ils le disent et ils sanctionnent ! Mais si l'on avait eu que la règle, est-ce que l'on aurait les plus beaux bâtiments qui ont couvert notre pays ? S'il n'y avait que la norme, est-ce qu'on aurait ce long chapelet de cathédrales et d'églises qui font que, dans la république Française, cela a compté ? Si simplement on avait dû appliquer à la lettre un code de l'urbanisme auquel d'ailleurs personne ne comprend plus rien tant l'enchevêtrement des règles conduit à une jurisprudence illisible...
Vous l'avez compris je suis complètement sorti du discours ! Mais au fond, je le dis parce que c'est une forme de déclaration d'amour à notre pays, à sa jeunesse, à sa capacité à innover. Oui, Jean-Louis, je me battrai pour que tous les engagements que nous avons pris au Grenelle de l'environnement soient tenus. Mais ils seront tenus par une volonté politique implacable, pas par le doublement des bottins administratifs ! Ils seront tenus parce que l'on va vous convaincre de vous engager avec passion dans la bataille pour le développement durable, pas parce qu'on vous aura absolument empêché de faire quoi que ce soit en mettant un inspecteur derrière chacun d'entre vous. Je veux un pays vivant, un pays dynamique, un pays qui croit en l'avenir, un pays qui veut construire, un pays qui veut bâtir, un pays où celui qui veut innover, il ne craindra pas l'échec parce qu'il sait parfaitement qu'on lui sera reconnaissant d'avoir pris une initiative ! Un pays où les citoyens sont des acteurs debout, un pays où on ne craint pas la réforme, un pays simplement où on a envie de vivre !Merci simplement de m'avoir donné l'occasion d'exprimer cette envie.