23 juin 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse finale de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le contenu de l'accord des 27 pays membres de l'Union européenne concernant le Traité européen simplifié, à Bruxelles le 23 juin 2007.

LE PRESIDENT - Mesdames et messieurs, c'est une très bonne nouvelle que je vais vous donner : l'Europe a montré qu'elle était capable de sortir du blocage, de prendre des décisions difficiles, même à 27. Nous venons de nous mettre d'accord sur un mandat très précis, confié à une conférence intergouvernementale qui devra avoir fini de travailler avant la fin de l'année 2007 en vue d'adopter un Traité simplifié. C'est une très bonne nouvelle pour la France et pour l'Europe ! Nous avons porté l'idée de ce Traité simplifié et il est important qu'elle puisse se réaliser.
Je voudrais dire également combien a été fructueux le travail avec Mme MERKEL et nos amis allemands, avec qui nous avons travaillé tout au long de ces deux nuits, de ces nombreuses heures de discussion, dans un parfait esprit de collaboration, d'entente, d'amitié et de confiance.
Donc, voilà, la conférence intergouvernementale a un mandat clair, extrêmement précis, que va mettre en oeuvre la présidence portugaise dans des délais très brefs, puisque le travail devrait être terminé avant la fin 2007. Les Polonais ont donné leur accord, qu'il s'agisse du Président et du Premier ministre. Les choses sont réglées.
Sur le fond, avec Bernard KOUCHNER et Jean-Pierre JOUYET, nous avons obtenu une réorientation majeure des objectifs de l'Union. La concurrence n'est plus un objectif de l'Union ou une fin en soi, mais un moyen au service du marché intérieur. Un protocole confirme que les questions de concurrence relèvent de l'organisation du marché intérieur, c'est un point majeur.
Par ailleurs et dans ses relations avec le reste du monde, il est désormais affirmé, pour la première fois, que l'Union doit contribuer à assurer la protection des citoyens. Le mot protection n'est plus tabou.
La place des services publics en Europe a été reconnue et consacrée par un protocole qui précise qu'ils y jouent un rôle majeur, que les Européens y sont attachés et que leur organisation relève, d'abord et avant tout, des Etats membres. C'est ailleurs à mettre en liaison avec la concurrence, comme un moyen et non pas une fin en soi.
La Charte des Droits fondamentaux devient juridiquement contraignante. Elle n'est pas intégrée dans le Traité mais ce dernier lui confère une valeur juridique obligatoire. Dans un souci de compromis, la Charte ne concernera pas le Royaume-Uni mais l'ensemble des vingt-six autres pays. Nous avons obtenu la réforme des Institutions : un président du Conseil européen élu pour 2 ans et demi, renouvelable une fois et exclusif de toutes autre responsabilité nationale, un Haut représentant de l'Union pour la politique étrangère et, par-dessus tout, l'extension du vote à la majorité qualifiée. Ceci nous permettra de mettre en place une véritable politique européenne de l'immigration, une véritable politique européenne de l'énergie, une véritable coopération judiciaire.
Comme prévu, le point le plus difficile a été le passage à la double majorité. C'est peu dire qu'il y a eu de longues discussions. La proposition qui a permis de débloquer la situation est la suivante : le Traité de Nice va s'appliquer jusqu'en 2014. De 2014 à 2017, ce sera la règle de la double majorité, sauf si l'un des Etats membres demande l'application de Nice. Voila les bases de cet accord longuement discuté.
Après avoir rendu hommage à la Présidente Angela MERKEL, je voudrais également dire combien a été fructueuse la collaboration avec José Luis ZAPATERO et avec Tony BLAIR. Je voudrais dire également combien j'ai été heureux de toute l'équipe française et de tous nos collaborateurs. Bernard KOUCHNER et Jean-Pierre JOUYET n'ont pas ménagé leurs efforts pour mener les contacts bilatéraux.
Nous voulions le Traité simplifié, nous avons le Traité simplifié. Nous voulions sortir du blocage, nous sortons du blocage. Sur le fond des choses, nous voulions réorienter l'Union, cela montre que c'est possible.
Par ailleurs, je veux rendre hommage également à M. José SOCRATES qui a été, en tous points, solidaire. C'est très important, puisqu'il va occuper la prochaine présidence et c'est donc lui qui va devoir mettre en oeuvre le mandat. Celui-ci est d'une très grande précision. Vous verrez les documents et nous sommes satisfaits. Il y a, ce matin, un accord et pourtant, nous ne sommes pas passés loin de la rupture. Mais je peux vous dire que la France n'a jamais renoncé. Au nom de la France, j'ai eu l'occasion de dire au Conseil qu'il n'était pas possible, après la chute du mur de Berlin, de laisser de côté le plus grand des pays d'Europe de l'Est. Je veux que chacun mesure ce qu'aurait signifié, pour l'Europe, après sa réunification, la décision d'avancer à 26, sans le vingt-septième. En cas de crise, il aurait bien fallu envisager cette possibilité. Cela a été envisagé, mais je crois qu'il était vraiment important de garder l'unité de l'Europe.
Avez-vous des questions à nous poser ?
QUESTION - Sur l'extension du vote à la majorité : est-ce que la
Grande-Bretagne a finalement accepté tous les domaines ou a-t-elle le droit a une exemption ?
LE PRESIDENT - Il y a simplement la coopération judiciaire pour laquelle elle a demandé une exonération.
QUESTION - Monsieur le Président, comment avez-vous réussi à convaincre Jaroslaw KACZYNSKI ? Quatre heures de discussions au téléphone, vous étiez plusieurs ?
LE PRESIDENT - Nous n'avons pas eu quatre heures de discussion avec lui.
QUESTION - ···.plus d'une heure en tout cas
LE PRESIDENT Cela a bien fait quatre avec le Président et entre le Président et le Premier ministre.
QUESTION - D'accord, mais quel discours lui avez-vous tenu pour l'amener à cet accord, pour le convaincre ?
LE PRESIDENT - Il y a eu tellement de discours···
QUESTION - Alors quelle a été la corde la plus sensible ?
LE PRESIDENT - Ecoutez, j'ai même été jusqu'à proposer d'aller parler devant la Diète, de tenir une conférence de presse avec Mme MERKEL, le Président polonais et moi. Je pense que le Président polonais et le Premier Ministre ont compris que nous étions vraiment décidés à obtenir un compromis sans lequel les conséquences auraient été désastreuses pour tout le monde.
Le peuple polonais est un peuple profondément européen. Il serait quand même curieux que l'un des pays dont l'opinion publique est si fortement européenne, soit décroché du train. Je me suis permis de dire au Président que l'on connaissait toujours les dates de rupture mais qu'on ne connaissait jamais les dates où l'on se retrouvait. C'est pour cela nous avons vraiment toujours essayé de maintenir le contact. Bernard KOUCHNER et Jean-Pierre JOUYET peuvent en porter témoignage. Et ce, même lorsque le Président polonais nous a dit qu'il n'était pas d'accord avec la proposition que nous avions faite avec la Chancelière. A ce moment-là, il a fallu reprendre nos discussions directement avec le Premier Ministre polonais. Le Président nous a rejoints dans le bureau de la délégation française et puis -et cela a peut-être été le miracle de cette négociation- petit à petit, nous avons fait un effort de plus et ils en ont aussi fait un. Je ne rentre pas dans les détails. Il y a également un compromis du type de celui de loannina qui s'appliquera jusqu'en 2017.
QUESTION - Monsieur le Président, c'est le dernier sommet du Premier Ministre BLAIR. Vous avez dit que, ce soir, vous aviez travaillé en étroite collaboration. Comment évaluez-vous sa contribution à l'Europe ?
LE PRESIDENT - Sa contribution à l'accord de ce soir est très importante. Je regrette beaucoup le départ de M. BLAIR. Il a toujours été un homme qui a cherché le compromis en Europe et qui a amené le Royaume-Uni en Europe. J'ai eu l'occasion de parler avec Gordon BROWN et Tony BLAIR. J'espère et je suis sûr que Gordon BROWN, en passant du 11 au 10 Downing Street, aura à coeur d'avoir un discours positif.
QUESTION - Monsieur le Président, M. KOUCHNER, qu'en est-il de la réunification de l'Europe avec les Balkans occidentaux ? Qu'en est-il des futurs élargissements avec le nouveau Traité et envisagez-vous un début de négociation avec la Macédoine ?
LE PRESIDENT - Je laisserai Bernard Kouchner répondre sur les Balkans, région qu'il connaît parfaitement.
Pour l'élargissement, c'était déjà tellement difficile, tellement compliqué, tellement extraordinaire de trouver un compromis que nous n'avons pas ouvert cette discussion. Je veux que vous le compreniez : il s'agissait de sortir de deux ans d'immobilisme complet. L'Europe va se doter d'institutions qui vont marcher. Le Traité simplifié, auquel si peu de gens croyaient, à travers l'Europe, est une réalité. Maintenant, on va pouvoir faire un autre travail, parler de l'élargissement. Mais je vous dis franchement que si nous avions mis cette question sur la table, nous n'aurions pas eu l'accord. Vous imaginez ce qui s'est passé pendant ces deux jours, c'est quand même extraordinaire
Bernard kouchner - Rien d'autre que l'évocation directe et indirecte des Balkans à propos du Kosovo. Nous en avons parlé des heures et des heures c'est un problème très difficile. Nous avons évidemment parlé de la Serbie et des Balkans. Mais l'attitude, l'unité de tous les Européens à propos des problèmes posés par le futur du Kosovo a été au centre des discussions des ministres des Affaires étrangères. Ce qu'il faut noter sur un sujet aussi difficile que l'avenir du Kosovo, c'est qu'il y a eu des discussions formidables et très positives
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé de négociations difficiles. Il y a aussi une sorte de rébellion du camp un peu maximaliste qui craignait que le projet ne soit pas assez ambitieux. Le texte final vous paraît-il suffisamment ambitieux aujourd'hui ?
LE PRESIDENT - Le texte est très ambitieux. Que voulait-on ? Pouvoir faire des coopérations renforcées plus facilement, on le peut ! Cela ouvre le champ à une politique européenne de l'énergie, une politique européenne de l'immigration. On voulait un Président de l'Union pour deux ans et demi, qui ne se consacre qu'à l'Europe, on l'a. On voulait quelqu'un qui porte la politique étrangère de l'Europe, on l'a. C'est le Haut représentant. Les instruments juridiques, on les a. On aura la double majorité à partir de 2014 et, le cas échéant, à partir de 2017.
Enfin, j'observe que, depuis deux ans, il n'y avait rien du tout. On voulait le Traité simplifié, on l'a. On voulait que cela bouge sur la concurrence, cela bouge sur la concurrence. On voulait que cela bouge sur les services publics, cela bouge. On ne voulait pas perdre la Charte des droits fondamentaux, on l'a.
Si cela n'est pas ambitieux, qu'est-ce que l'ambition, que manque-t-il ? Alors c'est vrai, ce n'est pas une Constitution mais c'est le mandat qui nous a été donné par les Français. Nous nous sommes battus pour expliquer notre conception de la concurrence, mais c'est le mandat que nous avait donné les Français. Sur le paquet institutionnel, je voudrais vous demander de me dire sur quoi avons-nous cédé ? A quoi avons-nous renoncé ?
Franchement, je pense que c'est un bon équilibre. Alors, bien sûr, il y a des gens qui vont regretter l'affaire de l'hymne, du drapeau. Mais le mandat n'était pas d'avoir une Constitution. Ce n'est pas un Traité constitutionnel. Nous n'en voulions pas, parce que les Français n'en ont pas voulu.
Les Parlements nationaux ont des pouvoirs renforcés pour contrôler la subsidiarité et cela a été une fameuse bagarre, jusqu'au dernier moment, entre les Néerlandais et les Belges. Le renforcement de la co-décision pour le Parlement européen, nous l'avons.
Il y a un an, lorsque j'ai parlé du Traité simplifié pour la première fois, je me souviens qu'on n'en était pas là. Peut-être même que, dans cette salle, certains d'entre vous se disaient :" jamais ils ne l'obtiendront". A un moment, en tout début de soirée, on a cru qu'on l'aurait à vingt-six. Mais, à vingt-six, à la majorité, vous pouvez convoquer une conférence intergouvernementale mais vous ne pouvez pas voter un mandat à la majorité. Il faut l'unanimité et c'est l'argument que nous avons fait valoir à nos amis. On peut convoquer la conférence mais on ne peut pas avoir un mandat s'il n'y a pas d'unanimité. On a le mandat et l'unanimité, un mandat précis, que fallait-il obtenir de plus ? Quelle est la différence entre ce que nous avons obtenu et ce que nous voulions obtenir ? Je dois dire que nous avons travaillé main dans la main avec Angela MERKEL et que j'ai été très heureux de l'attitude de M. ZAPATERO. En effet, son pays a voté oui à plus de 70% et on a été sur la même ligne, absolument d'un bout à l'autre. On a même fait un document commun, au début, en douze points.
QUESTION - Pour revenir sur les objectifs de l'Union européenne, sur la concurrence et la protection des citoyens : qu'est-ce que cela va signifier exactement dans la vie quotidienne des Français, des Européens, ces changements de texte que vous avez proposés ?
LE PRESIDENT - Cela va peut-être donner un peu plus d'humanité à l'Europe. Parce qu'en tant qu'idéologie, que dogme, qu'a donné la concurrence à l'Europe ? Elle a donné de moins en moins de gens qui votent aux élections européennes, de moins en moins de gens qui croient à l'Europe.
Il y avait peut-être un besoin de réfléchir. Je crois à la concurrence, je crois aux marchés, mais je crois à la concurrence comme un moyen et pas à une fin en soi. Cela va peut-être aussi donner une jurisprudence différente à la Commission. Celle d'une concurrence qui est là pour favoriser l'émergence de champions européens, pour porter une véritable politique industrielle. La protection rappelle peut-être à tous les Chefs d'Etat et de gouvernement que l'Europe est là pour protéger, pas pour inquiéter. Mais si tout allait bien en Europe, si tout était parfait, je me demande vraiment pourquoi on connaissait tellement de problèmes.
La question est qu'il ne s'agissait pas de faire un Traité d'économie ou le Traité du libéralisme expliqué à tous les Européens. Il s'agissait de tourner le dos à l'idéologie, au dogme et à la naïveté.
Alors, bien sûr, on peut considérer que c'est de la politique. Mais justement, nous sommes des responsables politiques, et c'est peut-être parce qu'on n'a pas fait assez de politique en Europe qu'on s'est trouvés avec une Europe dans laquelle les gens ne se reconnaissaient plus. De ce point de vue, j'ai fait valoir, avec mes amis, que la France et les Pays-Bas n'étaient pas en retard, que ce qui nous était arrivé, pouvait arriver à d'autres. En cela, je trouve que c'est une prise de conscience extrêmement importante. Nous sommes dans un pays qui a voté non et c'était une façon de dire à nos collègues et amis d'Europe : "réveillons-nous, il faut voir les choses différemment". Nous avons prouvé que c'était possible, à vingt-sept, sans laisser personne derrière. Je dois dire que cela m'aurait fait vraiment mal au coeur de laisser derrière nous le plus grand des pays de l'Europe de l'Est, après la chute du mur de Berlin.
QUESTION - Vous avez tiré les leçons du non au referendum en France.
Est-ce que vous trouvez que ces deux années ont été une bonne occasion pour obtenir quelque chose de préférable à la Constitution ?
LE PRESIDENT - Je ne suis pas sûr que ces deux années aient été très positives, parce que quand j'ai vu l'état des négociations, elles étaient à zéro. Peut-être que ce qui a été positif, c'est qu'un candidat à la présidentielle ait eu le courage de dire qu'il ne ferait pas de référendum. Peut-être même que c'est cela qui a débloqué un certain nombre de choses en Europe.
Le fait nouveau était que, tout d'un coup, la France pouvait dire : "s'il y a un Traité simplifié, on le fera ratifier par la voie parlementaire". Je pouvais me permettre de le dire puisque j'avais pris cet engagement devant les Français. Et, dans le débat qui m'a opposé à Mme ROYAL, à trois jours du deuxième tour, j'ai dit que je ne ferai pas de référendum, que je proposerai un Traité simplifié. Mme ROYAL a dit qu'elle ferait un référendum. On se demande sur quoi d'ailleurs, je pense que c'est cela le point.
Vous vous rendez compte qu'on a obtenu, sans rouvrir le paquet institutionnel, de mettre tout le monde d'accord. Je suis certain que nombreux sont ceux qui diront que c'était facile, sans doute les mêmes qui disaient que cela était impossible. En tous cas, j'ai le sentiment qu'on a fait le travail, tous les Européens ensemble, sans laisser personne derrière. Il n'y a pas de gagnant, il n'y a pas de perdant, et cela est important.
L'Europe s'est remise en marche, le mandat est clair et précis, les dates sont fixées et vous allez avoir une Europe avec des institutions. C'est une nouvelle très importante. C'est peut-être le sommet européen le plus important depuis des années et des années. Il y a ceux qui trouveront que ce n'est pas assez, il y a ceux qui trouveront que c'est trop. Mais je pense que l'Europe ne bougeait plus et qu'elle s'est remise en mouvement.
Vous êtes des spécialistes, vous pouvez le dire, vous pouvez en juger. Il n'y a pas de tricherie dans tout cela. Tout s'est fait de façon parfaitement transparente. On vous a dit quels étaient nos objectifs et on vous dit quels sont nos résultats. Mais de là à dire que c'est parce qu'il y a eu le non que l'on a pu obtenir cela, franchement, c'est un pas que je ne franchirai pas. D'ailleurs, si c'était le cas, on se demande pourquoi cela n'a pas bougé depuis deux ans.
QUESTION - Qu'en est-il de la demande de la Pologne d'obtenir des avancées sur la solidarité énergétique ? Si on y a accédé, qu'est-ce que cela peut signifier ? Sur les délais, sept ans, puis dix ans, est-ce que cela ne vous semble pas un petit peu long notamment pour l'opinion publique ?
LE PRESIDENT - Attention, c'est juste pour la double majorité. L'entrée en vigueur des institutions n'est absolument pas pour 2014 ou 2017. Ce sera quand le Traité sera ratifié. On espère que ce sera 2008 pour une application en 2009. C'est cela qui est important. La CIG commence le 23 juillet et finira avant la fin de l'année 2007. La seule chose qui soit reportée, c'est le système de la double majorité.
QUESTION - Traditionnellement, à chaque étape importante de l'histoire de l'Europe, on parle du couple franco-allemand. Dans ce sommet, quel rôle a joué ce couple ? Et dans l'Europe à venir, quel rôle va-t-il jouer ?
LE PRESIDENT - Je crois pouvoir dire que Mme MERKEL et moi avons été d'accord depuis ma passation de pouvoir. C'est à ce moment que je suis allé la voir, le premier soir, et elle m'a donné son accord sur le Traité simplifié ce jour-là. Nous en avions déjà parlé avant. Nous avons fait les choses dans la transparence. Nous étions d'accord sur le même texte et nous avons travaillé main dans la main.
La seule chose qui marque peut-être une évolution est que j'ai tout fait pour que les Anglais et les Espagnols soient associés à ce couple franco-allemand. C'est toujours ce que j'ai pensé, le couple franco-allemand est essentiel. Mme MERKEL a fait un travail remarquable mais il ne devait pas être exclusif et le soutien permanent de M. ZAPATERO et de M. BLAIR a renforcé les choses.
Quand on est revenus en séance, tout à l'heure avec Bernard KOUCHNER, j'étais plus à l'aise de dire que l'on avait négocié à cinq, avec le Premier Ministre et le Président polonais.
QUESTION - On vous prête l'intention d'assister à la prochaine réunion de l'Eurogroupe. Alors est-ce à dire que vous pensez qu'il doit y avoir une explication sérieuse avec les ministres des Finances sur la future politique de la France dans ce domaine ?
LE PRESIDENT - Ce n'est pas une intention que l'on me prête, c'est une annonce que j'ai faite. Je crois l'avoir dit, c'est pour moi un enjeu essentiel. J'irai avec Mme LAGARDE et je m'exprimerai devant nos partenaires. Je veux aller rediscuter avec M. BARROSO, je veux revoir M. ALMUNIA que j'ai connu il y a de nombreuses années et que, par ailleurs, j'apprécie. Je veux leur dire que la France reprend toute sa place en Europe, que nous serons au rendez-vous de la réduction de l'endettement, des déficits, et que nous avons une véritable stratégie de réforme. Il est normal qu'on vienne l'expliquer. C'est une question de crédibilité, d'engagement. J'appellerai d'ailleurs demain, par courtoisie, M. SOCRATES, au titre de la présidence portugaise, pour l'informer de cette initiative qui me paraît extrêmement importante.
Que les choses soient claires, le travail ne s'arrête pas pour nous. C'est n'est pas une fin ce que l'on a obtenu, c'est un moyen. Je veux très vite que l'on parle d'élargissement, d'immigration, d'énergie européenne, de gouvernement économique de l'Europe. C'est justement parce que nous avons obtenu ce mandat pour le Traité simplifié que nous allons pouvoir faire des choses maintenant, et cela ne fait que commencer. Vous savez que j'ai été élu pour cinq ans.
QUESTION - C'est la première fois que vous meniez la délégation française à un sommet européen. Pouvez-vous nous dire, premièrement, ce qui vous a étonné dans le fonctionnement de ce genre d'institution ? Deuxièmement, si vous considérez que vous avez montré comment il peut être dynamisé ? Troisièmement, si cela vous a été utile d'avoir rencontré, avant de venir, toutes ces personnalités très diverses de la politique française ? Vous pensez par exemple que la personne en France que vous avez vu avant de venir ···.
LE PRESIDENT - Vous parlez de la rencontre avec M. Laurent FABIUS qui a permis de débloquer la situation···J'ai toujours pensé que vous étiez quelqu'un de très généreux, M. ARTZ. C'est une marque d'humanité qui est bienvenue à cette heure du petit matin, mais non !
Ce qui a compté, ce sont les multiples contacts et le fait, qu'à chaque fois, nous parlions avec Angela MERKEL de ce qui s'était dit. Est-ce que quelque chose m'a étonné ? J'ai été sept ans ministre et j'ai participé à de nombreux Conseils des Ministres que j'ai même présidés. En 1994, la France présidait l'Union européenne, et j'étais ministre du Budget. Alors, certes, ce n'est pas le Conseil des Chefs d'Etat et de Gouvernement, mais le principe est le même. Pour ce qui est du fonctionnement de la Commission, j'avais vu de nombreuses fois M. BARROSO. Je n'ai pas la prétention de dire qu'on a révolutionné quoi que ce soit, mais simplement de dire que cette idée de Traité simplifié a été portée par la France depuis le début. C'est une réalité qui a été incontournable, mais nous n'avons pas été les seuls à faire bouger les choses. Tout le monde avait la volonté de bouger, mais peut-être qu'il manquait un petit déclic. En tout cas, cela a marché et je vous dis simplement en conclusion : « si cela avait échoué, auriez-vous eu le moindre doute sur les perdants ? Si cela a réussi, peut-être avez-vous quelque hésitation sur les raisons de cette réussite ». Mais ce qui compte, ce n'est pas cela, c'est que le projet européen reparte de l'avant, et c'est cela la très bonne nouvelle pour chacune et chacun d'entre nous. L'Europe n'est pas condamnée à l'immobilisme.
Cela a été une bonne semaine. Elle a été chargée et la prochaine sera active. Des semaines comme celle que l'on vient de passer, cher Bernard, cela compte dans la vie d'un Président.
Merci à tous.