9 octobre 2003 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les relations franco-marocaines et euro-méditerranéennes, la constitution d'un nouveau gouvernement palestinien, la place de Yasser Arafat dans le processus de paix au Proche-Orient, le conflit du Sahara occidental et le projet du congrès américain de sanctions contre la Syrie, Fès le 9 octobre 2003.

LE PRESIDENT - Je suis heureux de saluer les représentants de la presse marocaine, de la presse française qui ont bien voulu m'accompagner et de la presse en général.
C'est avec le plaisir que vous imaginez que je suis arrivé pour cette visite d'Etat au Maroc, accueilli par Sa Majesté et avec une chaleur à laquelle j'ai été particulièrement sensible par beaucoup d'habitants de cette superbe ville de Fès. J'ai été très sensible à cet accueil et je voudrais remercier de tout coeur toutes celles et tous ceux qui y ont participé.
Je n'ai pas besoin de dire longuement les raisons qui expliquent ma joie et ma satisfaction et qui tiennent aux liens exceptionnels qui existent entre nos deux pays.
J'ai eu un entretien approfondi avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI. J'ai tout d'abord renouvelé la solidarité de la France face aux événements qui se sont passés le 16 mai et j'ai évoqué une fois encore la réaction nationale qu'ont provoquée ces événements.
Nous avons, avec Sa Majesté, évoqué les problèmes internationaux. Je n'ai pas grand chose à vous apprendre car la position du Maroc et celle de la France, s'agissant de la situation en Irak et plus généralement dans cette région, s'agissant aussi du conflit israélo-palestinien, est une position connue et très convergente.
Nous avons également évoqué les problèmes bilatéraux. Quand je dis les problèmes, c'est une façon de parler parce qu'il n'y a pas de problème. Je ferais bien de dire, les questions suivies, notamment depuis la dernière réunion des Premiers ministres, la cinquième réunion au niveau des Premiers ministres, qui s'est tenue en juillet dernier et dont nous avons évoqué le suivi pour l'ensemble des questions concernant la coopération.
Nous avons évoqué tout ce qui touche à la coopération euro-méditerranéenne, à laquelle vous le savez, je suis très attaché. Qu'il s'agisse des relations entre l'Union européenne et le Maroc avec, en particulier, une position très forte prise par la France en ce qui concerne le " statut avancé " que revendique le Maroc pour ses relations avec l'Union européenne et puis, plus largement, les relations entre l'ensemble du bassin méditerranéen, africain et européen et notamment le Maghreb et l'Europe.
Nous avons en particulier évoqué la préparation du prochain sommet 5 + 5 qui se tiendra à la fin de l'année à Tunis.
Voilà ce que nous avons fait et je suis prêt à répondre à deux ou trois questions, si vous voulez m'en poser.
QUESTION - M. le Président, votre ministre des Affaires étrangères a appelé aujourd'hui le président Arafat. Est-ce que la France et vous-même, vous êtes inquiets du vide du pouvoir palestinien et comment voyez-vous la situation et pourquoi l'avoir appelé aujourd'hui précisément ?
LE PRESIDENT - Tout d'abord, pour être inquiets, nous sommes hélas inquiets. Je dirais même très inquiets de l'évolution récente de la situation dans cette région et je dirais de ce qui pourrait conduire à un échec, d'un espoir dont était porteur la feuille de route. Feuille de route, vous le savez, à laquelle nous sommes attachés. Dans ce contexte, il est évident que nous souhaitons qu'il y ait un gouvernement palestinien aussi rapidement que possible et qui assume réellement les responsabilités du gouvernement du peuple palestinien.
Nous avons eu un écho, qui je crois n'est pas encore tout à fait confirmé et donc je ne ferai pas de commentaire, selon lequel il y avait un doute sur la poursuite par M. Abou Ala de sa mission de formation du gouvernement. Je ne sais pas si c'est exact. Mais il était légitime que, dans ce contexte, le ministre français des Affaires étrangères appelle le Président Arafat pour lui dire tout le prix que nous attachions à ce que, le plus rapidement possible, il y ait un gouvernement palestinien en mesure d'assumer les responsabilités.
Voilà le sens de cet entretien.
QUESTION - Est-ce que vous soutenez toujours M. Arafat ou est-ce que vous pensez comme beaucoup de gens aujourd'hui qu'il faut que M. Arafat se retire ou parte de Palestine, comme le veulent les Israéliens pour que tout change au Proche-Orient ou pas ?
LE PRESIDENT - Il y a des règles qu'il convient d'observer. M. le Président Arafat est l'autorité légitime, élue, du peuple palestinien, ce qui implique que rien de notre point de vue, n'autorise quiconque à contester ce fait politique. Par conséquent, pour nous, le Président Arafat reste le président élu. Je crois de surcroît qu'il est de par sa position, mais aussi de par son rôle historique, un interlocuteur incontournable sur la voie de la paix, si tant est que l'on puisse poursuivre cette voie, ce que bien entendu nous souhaitons beaucoup. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas changé d'avis.
Je me permets de vous dire, puisque vous avez évoqué le fait qu'un certain nombre de gens -je vous cite- le contestent, que ce n'est pas la position de l'Union européenne qui, à plusieurs reprises, de façon unanime, a confirmé une position qui est exactement celle que je viens de vous dire et qui est celle de la France.
QUESTION - M. le Président, je présume que vous avez évoqué avec le Roi la question du Sahara. Chose que vous avez évoquée récemment avec le Président algérien, alors qu'il y a une échéance à la fin du mois d'octobre aux Nations Unies, au Conseil de sécurité, à propos de cette question. Est-ce que vous avez le sentiment que les choses avancent ou on fait du sur place ? Et quelle est votre vision de la chose ?
LE PRESIDENT - Il y a une situation qui est ce qu'elle est et vous savez que la France a pris une position qui n'est agressive à l'égard de personne mais qui est celle d'un soutien à la position du Maroc pour beaucoup de raisons dans le détail desquelles je n'entrerai pas. Et par conséquent, la France soutient dans cette affaire le Maroc. Je m'en suis entretenu très librement et à maintes reprises, il y a encore quelques jours, avec le Président BOUTEFLIKA en lui disant que c'était là la position de la France.
Nous avons soutenu le Maroc lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité pour l'élaboration et, finalement, l'adoption de la résolution 1495 dont je retiens un élément qui, pour moi, est tout à fait essentiel, c'est qu'aucune solution ne peut être prise contre le gré de l'une ou l'autre des parties. Je crois que c'est très important. A partir de là, je pense qu'il faut poursuivre les discussions, les négociations, dans un esprit d'ouverture, dans un esprit de compréhension, notamment de coopération avec l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. BAKER. Je pense qu'on finira, je l'espère, par retrouver une solution qui puisse être agréée par l'ensemble des parties et notamment, il faut le dire, par le Maroc et l'Algérie.
A la prochaine réunion du Conseil de sécurité, la France soutiendra encore la position du Maroc, je l'ai dit très franchement et très ouvertement au Président algérien, c'est-à-dire au Président d'un pays avec lequel, vous le savez, nous avons également des relations extrêmement fortes, chaleureuses et amicales.
QUESTION - Je voudrais, si vous permettez, revenir au Proche-Orient. L'administration américaine s'apprête à donner corps à une loi sanctionnant économiquement et politiquement la Syrie. Quelle est votre position, en tant que Président de la République française, et puis en tant que pays européen, à l'égard de cette démarche américaine ?
LE PRESIDENT - Il s'agit, je crois, non pas d'une démarche de l'administration des Etats-Unis, du gouvernement américain, mais du Congrès. La France a toujours été, en règle générale, très réservée, voire hostile, à toutes les procédures de sanctions dont nous avons observé, historiquement, qu'elles n'étaient pas efficaces et qu'elles créaient plus de difficultés qu'elles n'en résolvaient. Donc nous sommes à priori très réservés sur toute procédure de sanctions. Dans le cas particulier, nous ne sommes pas du tout favorables à des sanctions prises contre la Syrie.
QUESTION - La France, à travers vous-même, affiche une solidarité, dirait-on, sans faille vis-à-vis du Maroc, pour des raisons d'amitié, des raisons de tradition, des raisons d'intérêt. Mais comment situez-vous l'enjeu de la course contre la montre qui s'est engagée ici pour la Méditerranée ? Course contre la montre entre, si vous le voulez, réforme d'un côté et en même temps montée du vote islamiste au Maroc et toutes les difficultés que peut connaître le Maroc aujourd'hui ?
LE PRESIDENT - Je constate que le Maroc a engagé une action très ferme qui, au fond, consiste à moderniser à la fois sa société, son économie, à mieux l'intégrer dans l'ensemble euro-méditerranéen, tout en respectant et en maintenant sa culture, ses traditions, tout ce qui fait sa richesse, richesse de son peuple. Cette politique, dans ses aspects sociaux, dans ses aspects économiques et combinant à la fois la solidarité et le développement me paraît la meilleure possible pour le Maroc. Et je ne doute pas un seul instant qu'elle réussira et qu'elle est conforme à l'idée que nous nous faisons à la fois du développement, de la démocratie, de la tradition et du respect de la tradition.
Alors, dans ce contexte, il y a ici comme partout, hélas, et pas seulement dans le monde musulman, des intégristes. Je ne peux que le déplorer. Je constate d'ailleurs que le Maroc a une politique de lutte contre le terrorisme qui est une politique adoptée par la quasi-totalité des pays du monde et que le Maroc joue, dans ce domaine, son rôle de façon parfaitement responsable et efficace.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2003)