3 octobre 1998 - Seul le prononcé fait foi

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Message de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur l'élaboration de la Constitution de 1958 et sur le rôle de Michel Debré pour la mise en oeuvre des nouvelles institutions, Paris le 3 octobre 1998.

Il y a quarante ans, le peuple français adoptait par référendum une nouvelle Constitution. Tournant résolument le dos à douze années d'incertitudes et de crises, il faisait le choix d'une démocratie régénérée, gage de stabilité et de modernité.
Ce choix, la France le doit d'abord à la clairvoyance et au courage politique du Général de Gaulle. Elle le doit aussi à l'énergie et au talent de son fidèle compagnon, Michel Debré, qui fut, de l'aveu même du Général, "au premier rang des architectes" des nouvelles institutions.
Car, vos travaux en témoigneront, si le Général de Gaulle est le père de la Cinquième République, Michel Debré a été pour sa part le maître d'oeuvre du vaste chantier constitutionnel ouvert le 3 juin 1958 et clos quatre mois plus tard. C'est lui qui a présidé, en liaison constante avec le chef du gouvernement, à l'élaboration du texte qui régit depuis quatre décennies le fonctionnement de nos institutions.
Pour mener à bien cette tâche difficile, il a su mettre à profit toutes les ressources de sa personnalité : la rigueur et la précision du juriste £ le réalisme du grand serviteur de l'Etat £ l'expérience et la hauteur de vues du parlementaire, censeur clairvoyant des faiblesses de la IVème République.
Conscient de la gravité de l'heure, soucieux de saisir la dernière chance de stabilité qui s'offrait à notre pays, Michel Debré s'est fixé une grande ambition : il s'est efforcé, comme le souhaitait le Général de Gaulle, de concevoir un véritable régime parlementaire, alliant efficacité et pluralisme. Il s'est attaché à définir pour chaque institution un cadre rigoureux lui permettant d'exercer pleinement sa mission. Il a eu à coeur de rendre au Parlement l'essence même de sa fonction : légiférer et contrôler l'action du gouvernement, sans pour autant entraver et paralyser celle-ci.
Tout au long de cette entreprise, il a été animé par le souci constant de restaurer l'autorité de l'Etat, c'est-à-dire, pour reprendre ses propres termes, de "reconstruire un pouvoir sans lequel il n'est ni Etat ni démocratie... c'est-à-dire ni France ni République."
Mais une Constitution, aussi parfaite soit-elle, n'est qu'un texte. C'est la pratique, l'usage qui éprouve sa valeur et lui donne son âme.
Michel Debré, après avoir tenu la plume du constituant, a eu l'honneur et la lourde responsabilité d'être, dans des circonstances difficiles, le premier chef du gouvernement de la Cinquième République et de faire vivre les nouvelles institutions. Peu d'autres que lui ont pu s'honorer d'avoir ainsi été, à double titre, auteurs d'une Constitution.
Je suis heureux que des manifestations comme celle-ci fassent mieux connaître encore à nos concitoyens, et notamment aux plus jeunes d'entre eux, le rôle majeur que joua dans notre histoire institutionnelle ce grand homme d'Etat que fut Michel Debré. Je suivrai avec grand intérêt le déroulement de vos travaux et vous assure de mon amical et fidèle soutien.
Jacques CHIRAC