29 juin 1998 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de Monsieur Jacques Chirac, Président de la République, sur le développement des relations économiques et culturelles entre la France et le Mozambique, l'aide au développement et la présence française dans l'Océan Indien, Maputo le 29 juin 1998.

Monsieur le Président,
Mes chers compatriotes,
Chers amis,
Je voudrais tout d'abord vous saluer, et vous dire quelle estime j'ai pour celles et ceux qui, ici, sont devenus les pionniers d'une coopération que nous voulons développer, et développer largement.
Je voudrais dire, au Président Chissano, toute ma reconnaissance. Ma reconnaissance, naturellement, pour l'accueil exceptionnel d'amitié qu'il a bien voulu réserver à la délégation française à l'occasion de ce voyage. Je voudrais lui dire, plus encore, ma reconnaissance pour le geste fraternel qu'il a fait en venant personnellement à cette réception.
Monsieur le Président, tous ici, nous sommes très touchés par ce geste. C'est un geste par lequel vous avez voulu montrer que vous aviez, pour notre petite communauté française, de gentilles marques d'amitié et probablement d'affection. Soyez en remercié.
Comme je tiens à remercier les représentants des autorités mozambicaines, et notamment, Monsieur le ministre des Affaires étrangères, qui ont largement participé à cet accueil.
Je suis heureux de la présence, naturellement, de Monsieur Josselin, notre ministre chargé de la Coopération et de la Francophonie, Monsieur le Président.
Heureux, aussi, de la présence de nos parlementaires, nous avons, ici, une série de parlementaires à la fois députés et sénateurs, qui militent en France, au Sénat et à l'Assemblée Nationale, pour le resserrement des liens entre votre pays et le nôtre. Je les en remercie.
Je voudrais également remercier notre ambassadeur, Monsieur Destremeau, qui représente notre pays avec dynamisme et dont vous avez bien voulu me dire, Monsieur le Président, tout le bien que vous en pensiez.
Enfin, mais ils ne sont pas là, parce que la plupart ont déjà des rendez-vous et des entretiens avec leurs homologues. Je voudrais souligner que, m'ont accompagné dans ce voyage, un nombre important de chefs d'entreprise, parmi les plus grandes entreprises françaises, mais aussi parmi les petites ou les moyennes entreprises entreprenantes et innovantes, qui ont passé leur soirée d'hier et leur journée d'aujourd'hui à avoir des contacts avec leurs correspondants, d'une part dans l'administration et, d'autre part, dans les affaires pour essayer de nouer les contacts qui leur permettront, je l'espère, d'accentuer cette coopération que j'évoquais tout à l'heure.
Je suis heureux d'être aussi dans ce centre, Monsieur le Président, qui est superbe. Superbe par sa qualité architecturale - il est d'ailleurs classé, m'avez-vous dit, et nous sommes heureux d'en avoir fait le centre de l'échange de nos cultures. Un centre ouvert sur l'extérieur, qu'il s'agisse naturellement des artistes de votre pays ou du nôtre et, le cas échéant, d'autres encore, qu'il s'agisse des domaines de la lecture, de la danse, de la musique, du spectacle, des arts plastiques, comme nous venons de le voir avec les tableaux. C'est un bel exemple de coopération culturelle.
Nous avons des relations politiques déjà anciennes et excellentes, une approche et une vision identiques des choses du monde en général, et de l'Afrique en particulier. C'est important.
Nous avons des relations économiques encore insuffisantes, mais qui sont appelées à se développer. Nous avons pris un certain nombre de décisions qui permettront de le faire. C'est important.
Mais la relation économique, la relation politique ne sont pas suffisantes, s'il n'y a pas une complicité culturelle entre deux pays. Cette complicité culturelle suppose que des échanges, un dialogue, existent entre les intellectuels, les artistes, les professeurs de nos deux pays. Il faut aussi qu'il y ait une présence manifeste d'un échange de culture. Ce centre culturel est évidemment tout à fait utile, c'est le plus important je crois qu'il y ait à Maputo, et je me réjouis de sa qualité. Je voudrais remercier chaleureusement toute l'équipe, le directeur et toute l'équipe qui dirige ce centre culturel.
Monsieur le Président et mes chers compatriotes, après les années d'épreuves traversées par le Mozambique, l'avenir, j'en suis sûr, est ici plein de promesses. Le Mozambique est engagé sur la voie du progrès, sur la voie de la démocratie, sur la voie de la modernité. Et il poursuit avec ténacité, malgré les difficultés, sur cette voie.
La France voudrait apporter son amitié et aussi une coopération. Une coopération qui se traduise concrètement dans les domaines nécessaires. Vous avez vu qu'il y a eu, ces derniers temps, tout un débat qui, au total, est un débat Nord-Sud, sur le rôle qui devait être celui de l'aide publique au développement et certains ont considéré que l'aide publique au développement était, je dirais, une technique dépassée. Probablement avaient-ils l'arrière-pensée que c'était un système coûteux pour ceux qui finançaient et que, par conséquent, c'était maintenant sur le commerce et sur les investissements privés que l'on devait compter pour assumer le développement. Ce n'est pas vrai !
Non seulement, ce n'est pas vrai, mais ce n'est pas non plus moralement acceptable. Ce n'est pas vrai, parce que le développement nécessite un certain nombre d'équipements, d'équipements au sens le plus large du terme, allant de l'éducation à la santé en passant par les infrastructures. Des équipements qui ne sont pas, en général, rentables, pas toujours, mais en général, et qui, par conséquent, relèvent de l'aide publique si l'on veut ensuite développer les possibilités du commerce et de l'enregistrement dans le cadre d'un monde globalisé.
C'est pourquoi, la France est un militant très actif dans toutes les instances internationales pour dire l'aide pour le commerce, et non pas le commerce à la place de l'aide. J'ajoute qu'il y a, dans ce monde qui se globalise, un mouvement qui est à la fois très prometteur, mais aussi dangereux. Il est très prometteur, parce que c'est vrai que l'initiative privée, l'intérêt personnel pour agir est le seul moyen d'exprimer les énergies créatrices d'initiatives et de richesses.
Mais parallèlement, tout le monde ne partant pas du même endroit, la globalisation risque fort de profiter essentiellement à ceux qui sont déjà le plus développés et, par conséquent, elle doit être compensée, maîtrisée dans ces inconvénients par l'expression de la solidarité, comme nous le faisons dans chacun de nos pays.
Nous avons des systèmes, plus ou moins élaborés, mais qui sont des systèmes qui expriment la solidarité à l'égard des hommes, des femmes, des familles qui en ont besoin dans nos pays. C'est exactement la même chose au niveau du monde, qui est total et aussi une grande famille même si les querelles y sont fréquentes, qui doit donc assumer également les problèmes de solidarité qui ne se cantonnent pas à un endroit déterminé, mais qui sont l'expression d'une exigence morale liée à la personne humaine, d'où la position de la France, elle s'exprime aussi en particulier, je le dis, parce que cela intéresse le Président Chissano et bien d'autres, dans la décision de militer pour la réduction de l'aide de la dette des pays les plus endettés et les moins riches.
Pour des raisons historiques dans lesquelles chacun a sa part de responsabilités, il y a dans certains pays, et notamment en Afrique, un poids de la dette qui n'est plus supportable et qui, en quelque sorte, si on ne s'en préoccupe pas, tirera ces pays vers le bas au moment où l'intérêt de tous c'est, naturellement, qu'ils se développent vers le haut.
C'est pourquoi la France, là encore, dans toutes les instances internationales, milite pour l'annulation de la dette des pays les plus endettés et les moins riches. C'est le cas du Mozambique, mais c'est le cas de bien d'autres pays. Et cela, ce n'est pas quelque chose qui s'inscrit dans une relation entre la France et le Mozambique, même si nous avons, de ce point de vue, des solutions communes et une coopération. C'est un problème général. Cela fait partie, là-encore, de l'expression de la solidarité du monde.
Et puis, il y a, cela va de soi, la nécessité de faciliter les investissements, de faciliter le commerce. Il y a bien des opportunités qui ne sont pas mises en oeuvre, en tous les cas, entre la France et le Mozambique, beaucoup par ignorance, parce que nous ne nous connaissons pas suffisamment, parce que la France s'est historiquement intéressée au Nord, à l'Ouest et au centre de l'Afrique, et pas à l'Afrique australe.
Il faut rattraper ce retard et il faut intégrer l'ensemble de l'Afrique australe, et en particulier le Mozambique, dans notre sphère d'amitié, d'amitié. Je dis en particulier le Mozambique pour une raison, qui ne soit jamais oubliée, qui est l'importance des intérêts de la France dans l'océan Indien, non seulement, La Réunion, Mayotte, mais également nos liens privilégiés avec les pays francophones de l'océan Indien, Seychelles, Ile Maurice, Madagascar, les Comores.
Tout ceci justifiant une présence maritime très importante dans le Sud de l'océan Indien, ce qui fait que la France est un pays, en fait, qui appartient au monde de l'océan Indien. C'est une raison de plus, naturellement, pour privilégier nos relations avec le Mozambique qui est résolument tourné vers cet océan et vers les grandes routes maritimes qui vont vers l'Inde, vers le Pacifique, etc.
Donc, voilà bien des raisons pour développer nos relations, mais c'est ce que j'ai voulu donner comme signification à ce voyage, notamment, grâce à la présence des entreprises françaises qui nous ont accompagnés.
Je terminerai en disant, d'abord, un grand merci, celui du coeur, au Président et aux autorités du Mozambique. Un merci justifié par leur accueil et, je le répète, par le geste particulier, par le geste affectueux qu'a tenu à faire le Président en venant à notre petite réunion.
Je voudrais dire aussi mon estime, ma reconnaissance, mon amitié à chacune et à chacun de nos compatriotes, et je le répète, tout nombreux ici seront, je l'espère, les pionniers d'une action qui ira se développant.
Je voudrais dire mes voeux les plus sincères pour ce dont nous avons ensemble discuté et ce que nous avions décidé, pour nous permettre d'avoir, non seulement, une relation amicale et fraternelle renforcée, mais aussi une coopération et un développement mutuels.
Mesdames, Messieurs, mes chers amis, je vous remercie, et le Président Chissano a la gentillesse de vous dire de vous adresser quelques mots dont, je suis sûr, que ce seront ceux du coeur.