22 septembre 1997 - Seul le prononcé fait foi
Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur l'enseignement technologique supérieur, les synergies université entreprise, l'importance de l'emploi privé et les gisements d'emplois de la société de l'information, Troyes le 22 septembre 1997.
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Ministre, Député-Maire de Troyes,
Monsieur le Président,
de l'Université Technologique de Troyes,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord saluer les étudiantes et les étudiants qui
travaillent ici, et à qui je souhaite bonne chance et bon vent. Je
voudrais également saluer et remercier Philippe Adnot qui a été
à tous égards, je peux le témoigner, le porteur de ce beau projet, et
qui peut être fier aujourd'hui de cette réalisation. Je voudrais saluer
aussi, Paul Gaillard qui assume la conduite de cet
établissement qui fait honneur au Maire de Rosières que je salue
également.
Je remercie chacune et chacun d'entre vous de vous être associés à
cette inauguration. J'étais moi-même heureux d'y être invité.
D'abord parce que je savais trouver ici un certain nombre de
visages amis, de longue date, et ensuite parce que je savais venir
dans une région dynamique et qui, quelles que soient ses difficultés
a réussi au fil des ans, à surmonter ses handicaps et à valoriser son
potentiel, et puis enfin, parce qu¿une nouvelle université, quand elle
est, comme celle-ci résolument tournée vers l¿avenir, c¿est un
laboratoire d¿idées et de projets, riche d¿enseignements pour
l¿ensemble du système éducatif. Je ne doute pas que cet exemple
sera imité au plan national et permettra d'enrichir l'évolution et la
réflexion sur l'éducation moderne. C'est ici sans aucun doute une
nouvelle chance pour les jeunes. C¿est un nouvel atout pour la
France.
* * *
C¿est en 1994, Philippe Adnot l'a rappelé, Paul Gaillard
aussi, que l¿Université Technologique de Troyes a été créée. Trois
ans après, chacun peut constater qu¿elle a su trouver sa place dans
votre région, mais aussi dans le paysage universitaire français et je
dirais peut-être surtout dans le monde de l'entreprise.
Les 141 étudiants accueillis en 1994 sont aujourd'hui près de 800.
Ils viennent de toute la France, et parfois de l¿étranger. Les
diplômes qu¿ils obtiennent à la fin de leurs études sont déjà
devenus une référence sur le marché du travail.
En s'installant dans des locaux superbes et je félicite ceux qui les ont
réalisés, architecte et entrepreneur, locaux également à sa mesure,
au sein d'un pôle technologique en plein essor, votre Université se
donne les moyens de se développer encore.
Une si belle réussite n'est pas due au hasard. Elle doit être méritée.
Elle est d'abord le fruit d'un enthousiasme et d'une obstination, les
vôtres, Monsieur le Président du Conseil Général. Je sais combien
vous vous êtes engagé en faveur d'un projet que vous estimiez
essentiel pour le département de l'Aube, vous avez été soutenu par
l'ensemble des élus et responsables de ce département et le succès
montre que vous aviez vu juste.
Cette réussite est aussi le résultat d¿une synergie. A la source du
projet, il y a une collaboration féconde entre l'Etat, les collectivités
locales, la communauté universitaire, notamment l'université
technologique de Compiègne, qui a montré et ouvert le chemin et
les entreprises. Sans cette mobilisation, sans cette union des
moyens et des volontés, ce projet n¿aurait pu être mené à bien
aussi vite et aussi efficacement.
Mais surtout, je crois, à la base du succès, il y a une démarche.
Elle tient en quelques principes : identifier des besoins non satisfaits
ou insuffisamment satisfaits par l'offre de formation dans notre
pays. Répondre aux attentes des étudiants, futurs salariés, qui
veulent trouver leur place dans notre société et à qui on doit donner
les moyens modernes de trouver cette place. Répondre aux
attentes des entreprises, qui sont leurs futurs employeurs. Faire le
pari de la recherche et de l¿innovation.
Identifier des besoins insuffisamment satisfaits, vous l¿avez fait,
Monsieur le Président, en centrant votre enseignement autour de
trois pôles, qui sont indiscutablement des pôles d¿avenir : le génie
des systèmes industriels, le génie des systèmes d¿information et le
génie des systèmes mécaniques. Trois ensembles disciplinaires
modernes, à la fois généralistes dans leur approche et porteurs de
qualifications très pointues, trois secteurs en pleine expansion qui
forment des ingénieurs recherchés dans tous les domaines de
l¿activité économique.
Répondre aux attentes des étudiants, vous vous y êtes attachez en
leur donnant un enseignement de haut niveau, à la fois spécialisé et
pluridisciplinaire. Vous vous adressez à des étudiants qui viennent
d'horizons variés, et pas uniquement des classes préparatoires,
mais qui ont en commun l¿essentiel : l¿énergie, la curiosité d'esprit,
l¿intérêt pour la branche qu'ils ont choisie et la volonté de s¿y
investir.
Ils bénéficient ici de conditions d'études excellentes. Ils peuvent
s'appuyer sur une équipe enseignante de grande qualité. En retour,
ils sont prêts à fournir l'effort nécessaire pour mener à bien leur
cursus et obtenir ce diplôme d'ingénieur qui leur permet d'envisager
sereinement leur entrée dans la vie active, ce qui aujourd'hui est une
forme de privilège.
Répondre aux attentes des entreprises : vous avez fait de cet
objectif le principal atout de l'Université Technologique de Troyes.
Depuis sa création, l'établissement a noué des contacts privilégiés
avec de grandes sociétés, mais aussi avec des PME. Ces
entreprises qui font le dynamisme et la richesse de notre pays, elles
ont accompagné son essor. Le contenu de l'enseignement a été
élaboré en tenant compte de leurs besoins, en tenant compte de
l'évolution des métiers et des techniques.
A Troyes, la collaboration entre les professionnels des multiples
secteurs d'activité concernés et le corps enseignant est une
collaboration quotidienne. Quand on pense à ce qui s'est passé, il y
a quinze ans, vingt-cinq ans, c'est là une véritable révolution
culturelle dans le domaine de l'éducation nationale, et l'on ne peut
que s'en réjouir. Cette collaboration est d'autant plus aisée que ces
professionnels assurent eux-mêmes un certain nombre de cours.
Les résultats de cet effort sont tangibles : pour les étudiants de
Troyes, la familiarité avec la culture de l'entreprise n'est pas un vain
mot et comme chacun le sait, c'est aujourd'hui ce qui manque le
plus à trop d'étudiants sur le plan de nos systèmes d'information.
Il ne s'agit pas pour ces étudiants d'un univers abstrait et
mystérieux, l'entreprise, mais d'un monde qu'ils connaissent bien
pour y avoir effectué, tout au long de leurs études, des stages de
longue durée. Ces stages qui sont le complément indispensable de
leur formation théorique et, le moment venu, ils représentent un
avantage considérable pour trouver un emploi.
Enfin vous avez fait, Monsieur le Président, le pari de l¿innovation
et de la recherche. La recherche appliquée, dont notre pays si
porté à l¿abstraction a tant besoin, constitue l¿un des points forts de
votre établissement. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que les
enseignants avaient tous une activité de recherche, en collaboration
avec les entreprises partenaires de l'université. Tout est fait pour
que leurs travaux se concrétisent rapidement sur le plan industriel.
C¿est une chance pour eux et pour toute l¿économie locale.
Autour de l'université, en étroite liaison avec son équipe, se
développe un pôle technologique, dont le Président Adnot nous
a parlé tout à l'heure. Profitant d'un environnement scientifique et
technologique favorable, des activités nouvelles, des entreprises se
créent.
Voilà le résultat de cette démarche originale et exigeante.
L'Université Technologique de Troyes ne se contente pas d'être un
lieu de formation pour de futurs ingénieurs. Elle est plus que cela.
Elle irrigue le tissu économique local. Elle participe à son
renouvellement et à son essor. Elle est ainsi, directement ou
indirectement, créatrice d¿emplois. Tels sont, je crois, les clés et les
enjeux d¿une réussite universitaire.
Cette expérience, Mesdames et Messieurs, appelle et je pense
particulièrement aux jeunes, réflexions et résolutions.
Pour ma part, je me sens conforté, une fois de plus, dans trois
convictions qui me paraissent aujourd'hui s'imposer et peut-être
devoir être imposées.
La première, c¿est que l¿éducation est, plus que jamais notre
horizon. De la formation que nous assurons aux jeunes étudiants,
de la formation tout au long de leur vie que nous devons assurer à
leurs aînés, dépend le développement harmonieux de notre pays,
au delà de notre civilisation, un pays capable, de qui doit être son
ambition, de donner une place et un rôle à chacun.
Je lis parfois que les diplômes n¿ont pas d¿importance, que la
qualification n¿empêche pas le chômage et qu'au fond, tout bien
conclu, rien ne sert à rien. C¿est évidemment une affirmation
stupide. Tout indique que les jeunes bien formés, qui obtiennent un
diplôme utile ou qui acquièrent une vraie qualification, trouvent un
emploi beaucoup plus vite que les autres. Peut-être pas au
lendemain de leur sortie de l¿école, de l¿IUT ou de l¿université,
mais beaucoup plus rapidement que s¿ils n¿avaient pas un bagage.
C¿est une vérité dont tous les jeunes français doivent avoir
conscience.
Dans cet esprit, il est de la responsabilité de l¿Etat de tout faire, par
une meilleure information, une meilleure orientation, par la
réorganisation des premiers cycles universitaires, pour que chaque
jeune trouve sa voie et puisse se doter de cette indispensable
formation. C¿est ce qui a été lancé il y a deux ans, en concertation
avec tous les acteurs du système éducatif.
En France, chacun le sait bien, il y a d¿un côté quelques grandes
écoles, très sélectives, et de l¿autre l¿Université, qui accueille
aujourd¿hui une grande partie de chaque classe d¿âge, et qui recèle
le meilleur comme le moins performant. Si nous voulons que la
France accomplisse sa mue et devienne ce qu¿elle a vocation à être
: c'est-à-dire, une grande nation moderne, alors je crois que nous
devons agir dans deux directions.
D¿abord, développer et multiplier les établissements
d¿enseignement supérieur de haut niveau comme le vôtre, qui
répondent à des attentes fortes et qui sont du côté de la réalité
économique et de la modernité. Ce sont eux qui nous manquent le
plus dans notre pays.
Ensuite, amener toutes les universités à se poser les questions qui
ne peuvent être éludées plus longtemps dans un contexte de
important des jeunes : quelles formations pour quels débouchés ?
Comment éviter les voies de garage où s¿engouffrent justement les
jeunes qui ne bénéficient, dans leurs familles, ni de conseils, ni de
soutien ? Comment introduire une culture de l¿évaluation, afin de
mieux reconnaître les mérites des bonnes filières, des bons
professeurs, qui sont des chercheurs, c¿est notre fierté d'ailleurs,
mais qui doivent être aussi des pédagogues ? Les Universités sont
comptables de l'avenir des étudiants qu'elles accueillent. Cette idée
simple est de plus en plus incontournable.
Oui, l'éducation est le défi majeur de notre société. Le relever
implique des changements culturels profonds.
Ma deuxième conviction, c¿est que l¿enseignement supérieur doit
s¿ouvrir davantage sur l¿entreprise.
L¿expérience menée à Troyes, comme à Compiègne ou à
Sévenans, démontre que cette ouverture bénéficie à tous.
Aux équipes d'enseignement et de recherche, qui sont en prise
directe avec les exigences du terrain et qui peuvent ainsi adapter le
contenu de leur enseignement et de leurs travaux de recherche.
Aux entreprises qui trouvent ainsi les compétences dont elles ont
besoin et qui tirent profit du travail scientifique de haut niveau qui
s'effectue au sein des établissements universitaires.
Mais surtout et d¿abord aux étudiantes et aux étudiants, qui
peuvent aborder leur avenir avec confiance. Chacun sait que la
connaissance de l'entreprise, le travail qu'ils y ont effectué dans le
cursus universitaire est un atout décisif au moment où l'on envoie
les curriculum vitae. C'est dans cet esprit, que ce matin, j'ai soutenu
les "Unités de Première Expérience Professionnelle". Bien sûr, il y a
des précautions à prendre, des garanties dont il faut s'entourer.
Mais c'était, c'est toujours, la voie de l'avenir, celle de la
professionnalisation des diplômes et de l'ouverture de l'université
sur l'entreprise.
Car c'est bien l'entreprise qui crée la richesse et l'emploi. Tout le
reste est fallacieux.
C¿est en permettant aux entreprises de créer ces emplois, c¿est en
jouant résolument la carte de la formation et de l¿éducation que
l¿on résoudra vraiment le problème du chômage des jeunes. La
solution est dans l¿entreprise et ne peut être que là, et tout
particulièrement aujourd'hui dans notre pays, dans les petites et
moyennes entreprises. Comme le montre l'expérience de tous les
autres pays industrialisés, c'est l'emploi privé qu'il faut développer
si l'on veut faire reculer le chômage.
Enfin, ma troisième conviction, c¿est que les nouvelles technologies,
qui sont au coeur de l¿économie de demain, doivent être au coeur
de notre système de formation.
J'ai dit, il y a quelques mois, l'importance que j'attachais à ce que
notre pays réussisse son entrée dans l'ère des hautes technologies.
Il en va bien sûr de la place de la France sur la scène internationale,
de sa puissance industrielle et technologique.
Mais il en va surtout de notre capacité à retrouver le chemin d'une
croissance forte, seul chemin permettant de vaincre le chômage.
La France a déjà entamé depuis plusieurs années sa mutation vers
la société de l¿information et du savoir. Dans certains secteurs,
notre pays a même acquis une avance considérable, grâce aux
prouesses de sa technologie. Que l'on songe, par exemple, à tout
ce que nous a apporté la carte à puce.
Certaines de nos entreprises ont développé, en matière de
télécommunication ou de logiciels, une compétence reconnue et
enviée à l'étranger.
Mais ce ne sont là que les prémisses d¿un bouleversement d¿une
ampleur comparable à la révolution industrielle. Tous les secteurs
de l'économie sont concernés. De nouvelles activités se créent. De
nouveaux produits, de nouveaux services voient le jour. De
nouvelles formes d¿organisation du travail apparaissent. Tout cela
constitue un formidable gisement d'emplois, pour peu qu'on veuille
bien sortir d'un conservatisme qui trop souvent nous paralyse.
Sait-on qu¿aux Etats-Unis, par exemple, huit nouveaux emplois sur
dix sont directement liés au secteur de l¿information, et ceci à
quelque niveau de qualification que ce soit ?
C¿est le mérite de ceux qui ont conçu le projet de l¿Université
Technologique de Troyes que d'avoir perçu et en vérité, anticipé ce
mouvement de fond. En décidant de placer les techniques
d'information au coeur de l'enseignement dispensé à leurs étudiants,
ils ont sans aucun doute, répondu aux attentes pressantes des
entreprises.
Je souhaite que son exemple fasse école, dans l'enseignement
supérieur, mais aussi dans l'enseignement secondaire.
Bien sûr, il ne s'agit pas de former tous les jeunes élèves ou
étudiants à des techniques très élaborées et de faire d¿eux de futurs
ingénieurs. Il s'agit de leur permettre de s'approprier le plus tôt
possible les technologies nouvelles qui formeront dans quelques
années leur quotidien. Il s¿agit de les préparer à affronter dans les
meilleures conditions ce monde du XXIème siècle, qui sera le leur
et qui sera, pour une large part, un monde conditionné par la
connaissance.
Les questions qui se posent, et auxquelles il faut répondre, c¿est
celle de la formation des maîtres et des professeurs, et c¿est celle
des contenus. Doter les établissements scolaires d¿un équipement
de qualité, leur permettre de se raccorder est évidemment
indispensable, mais ce n¿est qu¿une étape. L¿essentiel, ce sont les
programmes, et c¿est l¿industrie des programmes qui appelle un
investissement à la hauteur de l¿enjeu. Dans ce domaine, le futur
c'est déjà le présent.
* * *
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que
m'inspire votre bel établissement.
Dans tous les domaines, nous sommes, comme très souvent dans
l'histoire d'une civilisation à un tournant. L'an 2000 est là, et ce
n'est pas une simple date. Ce sont de nouvelles façons d'étudier, en
prise directe sur la vie et sur le monde. Ce sont de nouveaux
métiers. De nouvelles façons de travailler, en particulier grâce aux
réseaux. Ce sont des innovations, aujourd'hui expérimentales, et
qui seront demain réalités quotidiennes. Ce sont de nouvelles
façons de communiquer.
Face à ces évolutions si fortes, et si riches de possibles quand on a
le patrimoine culturel, scientifique, technologique que nous avons en
France, avec les jeunes que vous représentez aujourd'hui, notre
pays doit réussir son adaptation. Pour cela, il ne faut pas se
tromper de priorité. La priorité, le premier défi, c'est l'éducation,
c'est la formation. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont fait
l'Université Technologique de Troyes de l'avoir compris à temps et
à nouveau aux jeunes, qui s'y forme je souhaite bonne chance et
bon vent.
Monsieur le Ministre, Député-Maire de Troyes,
Monsieur le Président,
de l'Université Technologique de Troyes,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord saluer les étudiantes et les étudiants qui
travaillent ici, et à qui je souhaite bonne chance et bon vent. Je
voudrais également saluer et remercier Philippe Adnot qui a été
à tous égards, je peux le témoigner, le porteur de ce beau projet, et
qui peut être fier aujourd'hui de cette réalisation. Je voudrais saluer
aussi, Paul Gaillard qui assume la conduite de cet
établissement qui fait honneur au Maire de Rosières que je salue
également.
Je remercie chacune et chacun d'entre vous de vous être associés à
cette inauguration. J'étais moi-même heureux d'y être invité.
D'abord parce que je savais trouver ici un certain nombre de
visages amis, de longue date, et ensuite parce que je savais venir
dans une région dynamique et qui, quelles que soient ses difficultés
a réussi au fil des ans, à surmonter ses handicaps et à valoriser son
potentiel, et puis enfin, parce qu¿une nouvelle université, quand elle
est, comme celle-ci résolument tournée vers l¿avenir, c¿est un
laboratoire d¿idées et de projets, riche d¿enseignements pour
l¿ensemble du système éducatif. Je ne doute pas que cet exemple
sera imité au plan national et permettra d'enrichir l'évolution et la
réflexion sur l'éducation moderne. C'est ici sans aucun doute une
nouvelle chance pour les jeunes. C¿est un nouvel atout pour la
France.
* * *
C¿est en 1994, Philippe Adnot l'a rappelé, Paul Gaillard
aussi, que l¿Université Technologique de Troyes a été créée. Trois
ans après, chacun peut constater qu¿elle a su trouver sa place dans
votre région, mais aussi dans le paysage universitaire français et je
dirais peut-être surtout dans le monde de l'entreprise.
Les 141 étudiants accueillis en 1994 sont aujourd'hui près de 800.
Ils viennent de toute la France, et parfois de l¿étranger. Les
diplômes qu¿ils obtiennent à la fin de leurs études sont déjà
devenus une référence sur le marché du travail.
En s'installant dans des locaux superbes et je félicite ceux qui les ont
réalisés, architecte et entrepreneur, locaux également à sa mesure,
au sein d'un pôle technologique en plein essor, votre Université se
donne les moyens de se développer encore.
Une si belle réussite n'est pas due au hasard. Elle doit être méritée.
Elle est d'abord le fruit d'un enthousiasme et d'une obstination, les
vôtres, Monsieur le Président du Conseil Général. Je sais combien
vous vous êtes engagé en faveur d'un projet que vous estimiez
essentiel pour le département de l'Aube, vous avez été soutenu par
l'ensemble des élus et responsables de ce département et le succès
montre que vous aviez vu juste.
Cette réussite est aussi le résultat d¿une synergie. A la source du
projet, il y a une collaboration féconde entre l'Etat, les collectivités
locales, la communauté universitaire, notamment l'université
technologique de Compiègne, qui a montré et ouvert le chemin et
les entreprises. Sans cette mobilisation, sans cette union des
moyens et des volontés, ce projet n¿aurait pu être mené à bien
aussi vite et aussi efficacement.
Mais surtout, je crois, à la base du succès, il y a une démarche.
Elle tient en quelques principes : identifier des besoins non satisfaits
ou insuffisamment satisfaits par l'offre de formation dans notre
pays. Répondre aux attentes des étudiants, futurs salariés, qui
veulent trouver leur place dans notre société et à qui on doit donner
les moyens modernes de trouver cette place. Répondre aux
attentes des entreprises, qui sont leurs futurs employeurs. Faire le
pari de la recherche et de l¿innovation.
Identifier des besoins insuffisamment satisfaits, vous l¿avez fait,
Monsieur le Président, en centrant votre enseignement autour de
trois pôles, qui sont indiscutablement des pôles d¿avenir : le génie
des systèmes industriels, le génie des systèmes d¿information et le
génie des systèmes mécaniques. Trois ensembles disciplinaires
modernes, à la fois généralistes dans leur approche et porteurs de
qualifications très pointues, trois secteurs en pleine expansion qui
forment des ingénieurs recherchés dans tous les domaines de
l¿activité économique.
Répondre aux attentes des étudiants, vous vous y êtes attachez en
leur donnant un enseignement de haut niveau, à la fois spécialisé et
pluridisciplinaire. Vous vous adressez à des étudiants qui viennent
d'horizons variés, et pas uniquement des classes préparatoires,
mais qui ont en commun l¿essentiel : l¿énergie, la curiosité d'esprit,
l¿intérêt pour la branche qu'ils ont choisie et la volonté de s¿y
investir.
Ils bénéficient ici de conditions d'études excellentes. Ils peuvent
s'appuyer sur une équipe enseignante de grande qualité. En retour,
ils sont prêts à fournir l'effort nécessaire pour mener à bien leur
cursus et obtenir ce diplôme d'ingénieur qui leur permet d'envisager
sereinement leur entrée dans la vie active, ce qui aujourd'hui est une
forme de privilège.
Répondre aux attentes des entreprises : vous avez fait de cet
objectif le principal atout de l'Université Technologique de Troyes.
Depuis sa création, l'établissement a noué des contacts privilégiés
avec de grandes sociétés, mais aussi avec des PME. Ces
entreprises qui font le dynamisme et la richesse de notre pays, elles
ont accompagné son essor. Le contenu de l'enseignement a été
élaboré en tenant compte de leurs besoins, en tenant compte de
l'évolution des métiers et des techniques.
A Troyes, la collaboration entre les professionnels des multiples
secteurs d'activité concernés et le corps enseignant est une
collaboration quotidienne. Quand on pense à ce qui s'est passé, il y
a quinze ans, vingt-cinq ans, c'est là une véritable révolution
culturelle dans le domaine de l'éducation nationale, et l'on ne peut
que s'en réjouir. Cette collaboration est d'autant plus aisée que ces
professionnels assurent eux-mêmes un certain nombre de cours.
Les résultats de cet effort sont tangibles : pour les étudiants de
Troyes, la familiarité avec la culture de l'entreprise n'est pas un vain
mot et comme chacun le sait, c'est aujourd'hui ce qui manque le
plus à trop d'étudiants sur le plan de nos systèmes d'information.
Il ne s'agit pas pour ces étudiants d'un univers abstrait et
mystérieux, l'entreprise, mais d'un monde qu'ils connaissent bien
pour y avoir effectué, tout au long de leurs études, des stages de
longue durée. Ces stages qui sont le complément indispensable de
leur formation théorique et, le moment venu, ils représentent un
avantage considérable pour trouver un emploi.
Enfin vous avez fait, Monsieur le Président, le pari de l¿innovation
et de la recherche. La recherche appliquée, dont notre pays si
porté à l¿abstraction a tant besoin, constitue l¿un des points forts de
votre établissement. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que les
enseignants avaient tous une activité de recherche, en collaboration
avec les entreprises partenaires de l'université. Tout est fait pour
que leurs travaux se concrétisent rapidement sur le plan industriel.
C¿est une chance pour eux et pour toute l¿économie locale.
Autour de l'université, en étroite liaison avec son équipe, se
développe un pôle technologique, dont le Président Adnot nous
a parlé tout à l'heure. Profitant d'un environnement scientifique et
technologique favorable, des activités nouvelles, des entreprises se
créent.
Voilà le résultat de cette démarche originale et exigeante.
L'Université Technologique de Troyes ne se contente pas d'être un
lieu de formation pour de futurs ingénieurs. Elle est plus que cela.
Elle irrigue le tissu économique local. Elle participe à son
renouvellement et à son essor. Elle est ainsi, directement ou
indirectement, créatrice d¿emplois. Tels sont, je crois, les clés et les
enjeux d¿une réussite universitaire.
Cette expérience, Mesdames et Messieurs, appelle et je pense
particulièrement aux jeunes, réflexions et résolutions.
Pour ma part, je me sens conforté, une fois de plus, dans trois
convictions qui me paraissent aujourd'hui s'imposer et peut-être
devoir être imposées.
La première, c¿est que l¿éducation est, plus que jamais notre
horizon. De la formation que nous assurons aux jeunes étudiants,
de la formation tout au long de leur vie que nous devons assurer à
leurs aînés, dépend le développement harmonieux de notre pays,
au delà de notre civilisation, un pays capable, de qui doit être son
ambition, de donner une place et un rôle à chacun.
Je lis parfois que les diplômes n¿ont pas d¿importance, que la
qualification n¿empêche pas le chômage et qu'au fond, tout bien
conclu, rien ne sert à rien. C¿est évidemment une affirmation
stupide. Tout indique que les jeunes bien formés, qui obtiennent un
diplôme utile ou qui acquièrent une vraie qualification, trouvent un
emploi beaucoup plus vite que les autres. Peut-être pas au
lendemain de leur sortie de l¿école, de l¿IUT ou de l¿université,
mais beaucoup plus rapidement que s¿ils n¿avaient pas un bagage.
C¿est une vérité dont tous les jeunes français doivent avoir
conscience.
Dans cet esprit, il est de la responsabilité de l¿Etat de tout faire, par
une meilleure information, une meilleure orientation, par la
réorganisation des premiers cycles universitaires, pour que chaque
jeune trouve sa voie et puisse se doter de cette indispensable
formation. C¿est ce qui a été lancé il y a deux ans, en concertation
avec tous les acteurs du système éducatif.
En France, chacun le sait bien, il y a d¿un côté quelques grandes
écoles, très sélectives, et de l¿autre l¿Université, qui accueille
aujourd¿hui une grande partie de chaque classe d¿âge, et qui recèle
le meilleur comme le moins performant. Si nous voulons que la
France accomplisse sa mue et devienne ce qu¿elle a vocation à être
: c'est-à-dire, une grande nation moderne, alors je crois que nous
devons agir dans deux directions.
D¿abord, développer et multiplier les établissements
d¿enseignement supérieur de haut niveau comme le vôtre, qui
répondent à des attentes fortes et qui sont du côté de la réalité
économique et de la modernité. Ce sont eux qui nous manquent le
plus dans notre pays.
Ensuite, amener toutes les universités à se poser les questions qui
ne peuvent être éludées plus longtemps dans un contexte de
important des jeunes : quelles formations pour quels débouchés ?
Comment éviter les voies de garage où s¿engouffrent justement les
jeunes qui ne bénéficient, dans leurs familles, ni de conseils, ni de
soutien ? Comment introduire une culture de l¿évaluation, afin de
mieux reconnaître les mérites des bonnes filières, des bons
professeurs, qui sont des chercheurs, c¿est notre fierté d'ailleurs,
mais qui doivent être aussi des pédagogues ? Les Universités sont
comptables de l'avenir des étudiants qu'elles accueillent. Cette idée
simple est de plus en plus incontournable.
Oui, l'éducation est le défi majeur de notre société. Le relever
implique des changements culturels profonds.
Ma deuxième conviction, c¿est que l¿enseignement supérieur doit
s¿ouvrir davantage sur l¿entreprise.
L¿expérience menée à Troyes, comme à Compiègne ou à
Sévenans, démontre que cette ouverture bénéficie à tous.
Aux équipes d'enseignement et de recherche, qui sont en prise
directe avec les exigences du terrain et qui peuvent ainsi adapter le
contenu de leur enseignement et de leurs travaux de recherche.
Aux entreprises qui trouvent ainsi les compétences dont elles ont
besoin et qui tirent profit du travail scientifique de haut niveau qui
s'effectue au sein des établissements universitaires.
Mais surtout et d¿abord aux étudiantes et aux étudiants, qui
peuvent aborder leur avenir avec confiance. Chacun sait que la
connaissance de l'entreprise, le travail qu'ils y ont effectué dans le
cursus universitaire est un atout décisif au moment où l'on envoie
les curriculum vitae. C'est dans cet esprit, que ce matin, j'ai soutenu
les "Unités de Première Expérience Professionnelle". Bien sûr, il y a
des précautions à prendre, des garanties dont il faut s'entourer.
Mais c'était, c'est toujours, la voie de l'avenir, celle de la
professionnalisation des diplômes et de l'ouverture de l'université
sur l'entreprise.
Car c'est bien l'entreprise qui crée la richesse et l'emploi. Tout le
reste est fallacieux.
C¿est en permettant aux entreprises de créer ces emplois, c¿est en
jouant résolument la carte de la formation et de l¿éducation que
l¿on résoudra vraiment le problème du chômage des jeunes. La
solution est dans l¿entreprise et ne peut être que là, et tout
particulièrement aujourd'hui dans notre pays, dans les petites et
moyennes entreprises. Comme le montre l'expérience de tous les
autres pays industrialisés, c'est l'emploi privé qu'il faut développer
si l'on veut faire reculer le chômage.
Enfin, ma troisième conviction, c¿est que les nouvelles technologies,
qui sont au coeur de l¿économie de demain, doivent être au coeur
de notre système de formation.
J'ai dit, il y a quelques mois, l'importance que j'attachais à ce que
notre pays réussisse son entrée dans l'ère des hautes technologies.
Il en va bien sûr de la place de la France sur la scène internationale,
de sa puissance industrielle et technologique.
Mais il en va surtout de notre capacité à retrouver le chemin d'une
croissance forte, seul chemin permettant de vaincre le chômage.
La France a déjà entamé depuis plusieurs années sa mutation vers
la société de l¿information et du savoir. Dans certains secteurs,
notre pays a même acquis une avance considérable, grâce aux
prouesses de sa technologie. Que l'on songe, par exemple, à tout
ce que nous a apporté la carte à puce.
Certaines de nos entreprises ont développé, en matière de
télécommunication ou de logiciels, une compétence reconnue et
enviée à l'étranger.
Mais ce ne sont là que les prémisses d¿un bouleversement d¿une
ampleur comparable à la révolution industrielle. Tous les secteurs
de l'économie sont concernés. De nouvelles activités se créent. De
nouveaux produits, de nouveaux services voient le jour. De
nouvelles formes d¿organisation du travail apparaissent. Tout cela
constitue un formidable gisement d'emplois, pour peu qu'on veuille
bien sortir d'un conservatisme qui trop souvent nous paralyse.
Sait-on qu¿aux Etats-Unis, par exemple, huit nouveaux emplois sur
dix sont directement liés au secteur de l¿information, et ceci à
quelque niveau de qualification que ce soit ?
C¿est le mérite de ceux qui ont conçu le projet de l¿Université
Technologique de Troyes que d'avoir perçu et en vérité, anticipé ce
mouvement de fond. En décidant de placer les techniques
d'information au coeur de l'enseignement dispensé à leurs étudiants,
ils ont sans aucun doute, répondu aux attentes pressantes des
entreprises.
Je souhaite que son exemple fasse école, dans l'enseignement
supérieur, mais aussi dans l'enseignement secondaire.
Bien sûr, il ne s'agit pas de former tous les jeunes élèves ou
étudiants à des techniques très élaborées et de faire d¿eux de futurs
ingénieurs. Il s'agit de leur permettre de s'approprier le plus tôt
possible les technologies nouvelles qui formeront dans quelques
années leur quotidien. Il s¿agit de les préparer à affronter dans les
meilleures conditions ce monde du XXIème siècle, qui sera le leur
et qui sera, pour une large part, un monde conditionné par la
connaissance.
Les questions qui se posent, et auxquelles il faut répondre, c¿est
celle de la formation des maîtres et des professeurs, et c¿est celle
des contenus. Doter les établissements scolaires d¿un équipement
de qualité, leur permettre de se raccorder est évidemment
indispensable, mais ce n¿est qu¿une étape. L¿essentiel, ce sont les
programmes, et c¿est l¿industrie des programmes qui appelle un
investissement à la hauteur de l¿enjeu. Dans ce domaine, le futur
c'est déjà le présent.
* * *
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que
m'inspire votre bel établissement.
Dans tous les domaines, nous sommes, comme très souvent dans
l'histoire d'une civilisation à un tournant. L'an 2000 est là, et ce
n'est pas une simple date. Ce sont de nouvelles façons d'étudier, en
prise directe sur la vie et sur le monde. Ce sont de nouveaux
métiers. De nouvelles façons de travailler, en particulier grâce aux
réseaux. Ce sont des innovations, aujourd'hui expérimentales, et
qui seront demain réalités quotidiennes. Ce sont de nouvelles
façons de communiquer.
Face à ces évolutions si fortes, et si riches de possibles quand on a
le patrimoine culturel, scientifique, technologique que nous avons en
France, avec les jeunes que vous représentez aujourd'hui, notre
pays doit réussir son adaptation. Pour cela, il ne faut pas se
tromper de priorité. La priorité, le premier défi, c'est l'éducation,
c'est la formation. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont fait
l'Université Technologique de Troyes de l'avoir compris à temps et
à nouveau aux jeunes, qui s'y forme je souhaite bonne chance et
bon vent.