14 mai 1997 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. Jacques Chirac, Président de la République, à l'Agence Chine nouvelle le 14 mai 1997, sur le développement économique et social de la Chine, l'intensification de la coopération franco-chinoise et sur les relations entre l'Europe et l'Asie.

QUESTION.- Monsieur le Président, vous êtes le chef d'Etat qui allez assurer la transition entre le XXème et le XXIème siècle et vous êtes aussi un ami de longue date du peuple chinois. Comment appréciez-vous l'importance des relations franco-chinoises et comment voyez-vous la perspective de ces relations pour le siècle prochain ?
- LE PRESIDENT.- Depuis bientôt 20 ans l'extraordinaire développement économique et social de la Chine impressionne le monde. Il transforme l'équilibre planétaire. Il déterminera celui du XXIème siècle.
- La France se réjouit de ce retour de la Chine sur la scène du monde, à la place qui doit être la sienne. Elle souhaite l'accompagner dans ce processus historique.
- Mon ambition, à l'occasion de mon voyage, est de jeter les bases d'un partenariat privilégié entre la Chine et la France, au service de la paix et d'une prospérité partagée, dans la ligne de la politique définie en 1964 par le président Mao Tsé Toung et le général de Gaulle.
- QUESTION.- Il existe une forte complémentarité entre la Chine et la France dans le domaine économique. Comment estimez-vous l'état des rapports de coopération économique et commerciale de nos deux pays ? Quelles sont les mesures que le gouvernement français compte prendre pour renforcer la coopération entre les petites et moyennes entreprises des deux pays ?
- LE PRESIDENT.- La France, qui est la quatrième puissance économique et le quatrième exportateur mondial, n'occupe pas encore, en Chine, une place à la mesure du potentiel de nos deux économies.
- Je souhaite qu'à l'occasion de mon voyage un élan nouveau soit donné à nos rapports, en tirant parti des fortes complémentarités de nos deux économies. Je pense notamment à l'aéronautique, à l'électricité nucléaire et aux autres formes d'énergie, aux services financiers et à l'agriculture notamment, où des coopérations à long terme doivent être développées.
- J'inaugurerai à Shanghaï la plus importante exposition technologique que la France ait jamais organisée à l'étranger. Plus de 300 entreprises françaises, dont deux tiers de PME, y seront représentées, témoignant ainsi du très grand intérêt de nos entrepreneurs pour le marché chinois.
- QUESTION.- Le monde évolue assez rapidement vers une multipolarité. Selon vous, de quelle manière la Chine et la France peuvent-elles intensifier leur coopération pour développer encore ce processus ?
- LE PRESIDENT.- Le monde du XXIème siècle sera multipolaire. La Chine sera l'un des principaux pôles de ce monde nouveau. L'Union européenne, qui se renforce, qui crée l'an prochain sa monnaie unique à l'égal du dollar, sera aussi un pôle majeur.
- La Chine et la France, qui sont deux puissances nucléaires, membres permanents du Conseil de sécurité, peuvent, ensemble, apporter une contribution majeure à la paix du monde. C'est ce qu'elles ont fait au Cambodge il y a quelques années. La déclaration politique que je signerai avec le président Jiang Zemin illustre notre volonté de multiplier les occasions d'agir ensemble pour construire un monde plus sûr et plus solidaire.\
QUESTION.- D'aucuns prétendent que les civilisations orientale et occidentale sont vouées à s'affronter. Quel est votre point de vue sur les différences et l'influence réciproque de ces deux civilisations ?
- LE PRESIDENT.- Depuis ma jeunesse, j'ai appris à connaître les civilisations de l'Asie, et notamment celle de la Chine. Je suis convaincu que le moment est venu d'une approche nouvelle entre l'Orient et l'Occident, faite de reconnaissance mutuelle, de considération, d'adhésion commune aux grandes valeurs universelles. Je souhaite que nos civilisations puissent s'enrichir mutuellement et qu'ensemble nous bâtissions un monde multipolaire harmonieux.
- QUESTION.- La conférence au Sommet de Bangkok en mars 1996 a inauguré un type nouveau de relations euro-asiatiques et ouvert de nouvelles perspectives pour la coopération économique et le dialogue politique des deux continents. Comment jugerez-vous le développement ultérieur des relations euro-asiatiques ?
- LE PRESIDENT.- Le Sommet de Bangkok, en mars 1996, première rencontre de l'Histoire entre les plus hauts dirigeants de l'Asie orientale et de l'Union européenne, a été la première illustration de cette approche nouvelle.
- Mon ambition est de renforcer considérablement les rapports politiques, culturels et économiques entre ces deux ensembles, pour rééquilibrer le grand triangle de la croissance mondiale que composent l'Asie orientale, l'Europe et l'Amérique du Nord. Déjà, des rencontres d'hommes d'affaires ont eu lieu, une fondation culturelle a été créée. Je suis convaincu que le prochain sommet, en 1998, sera un grand succès.
- QUESTION.- A la veille de votre départ, quel est le message que vous voulez exprimer à l'intention du peuple chinois ?
- LE PRESIDENT.- J'adresse, au nom du peuple français, un message de respect et d'amitié au grand peuple chinois. Héritier d'une civilisation prestigieuse, fascinante, le peuple chinois, pour la première fois depuis des générations, n'est plus menacé aux frontières et connaît à la fois la stabilité et une croissance économique exceptionnelle.
- Je forme des voeux très chaleureux pour que chaque Chinois puisse réaliser toutes ses aspirations, dans une Chine ouverte sur le monde et y occupant toute sa place.\