8 avril 1996 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la coopération culturelle, économique et technologique avec l'Egypte, sur la politique arabe de la France, sur la consolidation de la paix, et le développement économique du Proche-Orient, Le Caire le 8 avril 1996.

Monsieur le ministre, monsieur le président de l'université, mesdames et messieurs les doyens et professeurs, étudiants du Caire, d'Egypte et du monde arabe,
- Je voudrais d'abord remercier Monsieur le doyen Mofid Shehab pour ses paroles de bienvenue. Je sais la contribution qu'il apporte à l'amitié entre l'Egypte et la France, tant à la tête de cette prestigieuse Université du Caire qu'à celle de la Commission des affaires étrangères de la Choura.
- Chers étudiants, j'ai souhaité vous rencontrer et m'adresser, à travers vous, à toute la jeunesse de l'Egypte et du monde arabe. Une jeunesse, je le sais, enthousiaste, et qui veut mettre sa générosité, son dynamisme, son talent au service d'un monde meilleur, au service d'un monde de paix. Mais aussi une jeunesse confrontée aux doutes, incertaine sur son avenir.
- Cet avenir, je voudrais qu'Egyptiens et Français, Européens et Arabes, nous le construisions ensemble. Et c'est ce que je suis venu vous proposer aujourd'hui.
- Il est des pays qui, plus que d'autres, nous parlent, nous attirent, nous inspirent. Des pays dont l'histoire, le génie, le patrimoine suscitent en nous le rêve, l'admiration et l'émotion.
- Parmi ces pays, l'Egypte vient au premier rang. L'Egypte, au confluent des grands courants de la pensée et de l'esprit. l'Egypte, façonnée par sa géographie, riche de son Nil porteur de civilisation. L'Egypte, isthme d'un monde d'où surgirent les trois religions du Livre, et qui, depuis cinquante siècles, demeure au coeur de l'Histoire de la planète.
- Comment ne pas rappeler, dans cette enceinte, ce que l'humanité doit au génie de vos ancêtres ?
- L'agriculture, l'architecture, l'art de gouverner ont très tôt ici atteint une perfection dont les monuments et les fresques portent témoignage. Ici, des hommes bâtirent une civilisation sur l'instruction et sur l'écrit. L'Egypte est ce pays où les écoles de scribes, attachées aux temples et aux palais, étaient appelées "maisons de vie", et où les bibliothèques sacrées étaient appelées "officines de l'âme".
- Voici bientôt deux siècles, cette fascination exercée par l'Egypte sur la France, et qu'illustre, vous l'avez évoqué, monsieur le Président, Champollion, a généré une tradition de coopération que nos deux pays ont inventée alors même que le mot n'existait pas encore. La France est heureuse d'avoir apporté, au XIXème siècle, sa contribution à l'édification de l'Egypte moderne. Nos savants, nos juristes, nos ingénieurs ont accompagné l'essor de votre pays qui, sous la conduite de Mohamed Ali et de ses successeurs, s'est ouvert au grand mouvement de développement industriel et technique qui traversait alors l'Europe. Ferdinand de Lesseps symbolise cette coopération à travers l'une des grandes aventures des temps modernes, le Canal de Suez.\
Aujourd'hui, cette grande tradition s'incarne au sein de l'université égyptienne, dans ces nouvelles filières où l'arabe et le français se trouvent ensemble utilisés, qu'il s'agisse de l'enseignement du droit ou de la science politique, de la communication ou de la gestion. Et d'autres disciplines ne manqueront pas de s'y ajouter. L'Egypte est engagée dans le grand mouvement francophone. Comme celle de la langue arabe en France, la connaissance de la langue française est ici un instrument irremplaçable d'ouverture sur le monde et d'enrichissement mutuel.
- Le développement de ces filières francophones est d'autant plus nécessaire que la France veut être un partenaire majeur du formidable effort de modernisation et de réformes économiques entrepris par votre pays. J'ai visité hier le chantier de la deuxième ligne de métro du Caire qui reliera bientôt votre université au centre-ville. J'inaugurerai tout à l'heure, M. le Président l'a rappelé, le nouvel hôpital ultra-moderne de Kasr Al-Aini. Deux symboles, parmi d'autres, de la coopération qui rapproche les entreprises françaises et égyptiennes dans tous les domaines de la haute technologie : les transports, le téléphone, l'électricité, les satellites, la défense de l'environnement.
- En 1998, nous ne célébrerons pas seulement 200 ans d'histoire partagée. Nous marquerons aussi, vous et nous notre volonté de relever ensemble les défis de l'avenir.
- L'Egypte est pour la France un partenaire majeur. L'importance de sa population, le prestige de sa culture, l'influence exercée par ses dirigeants, en font un pays-clé, au carrefour des mondes arabe, méditerranéen et africain.
- Plusieurs fois dans l'histoire moderne, l'Egypte a montré la voie. La première, grâce au courage du Président Sadate, elle a fait le choix de la paix. Aujourd'hui, malgré bien des déchirements, le spectre de la guerre s'efface peu à peu dans la région. Une nouvelle ère de coopération se dessine. Dans ce contexte nouveau, sous l'impulsion du Président Hosni Moubarak, l'Egypte s'attache à promouvoir la cohésion du monde arabe dans le respect des identités nationales.
- La relation forte et ancienne qui lie la France à l'Egypte et que nous voulons développer toujours davantage est à l'image de l'ambition que j'assigne à notre politique avec l'ensemble du monde arabe.\
Comme je l'ai fait devant le Congrès des Etats-Unis à Washington à propos de la relation transatlantique, puis à Singapour pour le partenariat euro-asiatique, je souhaite aujourd'hui, dans ce haut lieu de la culture arabe, vous présenter ma vision des relations entre la France, l'Europe, le Monde arabe et la Méditerranée.
- La politique arabe de la France doit être une dimension essentielle de sa politique étrangère. Je souhaite lui donner un élan nouveau, dans la fidélité aux orientations voulues par son initiateur, le Général de Gaulle. "Tout nous commande", disait-il dès 1958, "de reparaître au Caire, à Damas, à Amman et dans toutes les capitales de la région, comme nous sommes restés à Beyrouth : en amis et en coopérants".
- Cette vision continue de guider la politique de la France. Une politique qui repose sur quelques grands principes, inspirés par la qualité particulière de la relation que Français et Arabes ont nouée de longue date.
- Quatre principes :
- Le premier, nous devons dialoguer en partenaires égaux, qui s'apprécient et qui s'estiment. Ce dialogue doit se développer dans le respect mutuel de ce que nous sommes, de ce qui fait notre identité. Notre fidélité aux droits de l'homme, à des valeurs universelles de justice, de tolérance et de liberté, ne doit pas nous empêcher de reconnaître que ces valeurs peuvent s'exprimer sous des formes différentes, à travers nos cultures et à travers nos traditions respectives.
- Deuxième principe : nous sommes attachés au droit des peuples, à la libre détermination de leur destin, à l'affirmation de leur indépendance et à leur droit à la sécurité. La France estime que ce principe essentiel doit s'appliquer à tous les peuples, sans exception.
- Troisième principe : nous soutenons l'aspiration des peuples arabes à la solidarité et à l'unité. Comme en Europe, indépendance et rapprochement peuvent aller de pair. La France apporte son appui à la Ligue arabe et aux regroupements régionaux qui s'affirment du Maghreb au Machrek.
- Quatrième principe : nous appuyons les aspirations du monde arabe à l'ouverture et à la paix. La France est aux côtés de tous ceux qui combattent l'extrémisme, le fanatisme et les forces de la haine où qu'elles se manifestent dans le monde. Nul n'en est à l'abri, comme le montrent les tragédies qui ont ensanglanté tant votre région que l'Europe.\
Fondée sur ces quatre principes, la politique arabe de la France doit tirer sa force de deux atouts principaux.
- Il y a d'abord, entre Français et Arabes, une connaissance mutuelle ancienne qui a nourri notre amitié séculaire et qui est aujourd'hui plus vivante que jamais. Dès le XVIème siècle, les rois de France avaient fait place à l'enseignement de l'arabe au Collège de France. Aujourd'hui, l'Institut du Monde Arabe est un grand et fort symbole du dialogue entre nos cultures.
- Cette réalisation, unique au monde parce qu'elle est le fruit d'un véritable partenariat, doit jouer tout son rôle au service de notre commune ambition.
- Cette réalisation, unique au monde parce qu'elle est le fruit d'un véritable partenariat, doit jouer tout son rôle au service de notre commune ambition.
- Il y a ensuite la présence en France d'une communauté musulmane de plus de quatre millions d'âmes, la première d'Europe. Je salue ici les musulmans de France qui vivent leur foi dans la tolérance et dans l'ouverture à l'autre. Le gouvernement français entend veiller à leur plein épanouissement dans la dignité et dans le respect des lois de notre République.
- Cette grande politique arabe, la France souhaite la faire partager à l'Europe toute entière.
- Prenons d'abord la juste mesure de nos intérêts mutuels. L'Union européenne est le premier partenaire commercial du monde arabe. Elle y est le second investisseur étranger. Elle représente la première région d'accueil des investissements arabes à l'étranger.
- Je suis convaincu que nous pouvons faire beaucoup plus et beaucoup mieux. Je vous le dis à vous, étudiants qui assumerez demain le destin de nos nations. Soyons et soyez ambitieux ! Sachons et sachez développer pleinement nos complémentarités.
- Mais notre ambition ne doit pas être seulement économique. Nos relations ne doivent pas être ordinaires ou banales. Dépassons, lorsqu'elles existent, les tentations de repli ou les réactions de méfiance. Comprenons ensemble que les mondes arabe et européen sont liés par une communauté d'intérêts et de destin.
- A côté du réseau déjà dense de nos relations culturelles et économiques, doit s'affirmer davantage une grande ambition politique. Dans le monde multipolaire qui s'esquisse et se développe, le développement de liens politiques puissants entre les pôles européen et arabe nous renforce mutuellement et équilibre les rapports que nous avons noués avec d'autres grands ensembles de la planète.\
La priorité de la politique arabe de la France et de l'Europe, c'est naturellement, aujourd'hui, la construction de la paix au Proche-Orient.
- Le Président Sadate en a été le premier artisan. Il l'a payé de sa vie, comme Yitzhak Rabin. Je salue avec respect leur mémoire. Repris avec la conférence de Madrid, le processus de paix a surmonté les préjugés, les oppositions, les violences, grâce au courage et à la détermination de quelques hommes d'Etat qui ont su amener leur peuple à embrasser la cause de la paix.
- Le Président Moubarak, le Roi Hussein, les Premiers ministres Rabin et Pérès, le Président Arafat, ont permis, après des décennies d'affrontements, des progrès décisifs vers la paix, la stabilité et la prospérité d'un Proche-Orient où tous les peuples doivent trouver leur juste place.
- La marche vers la paix est une marche irréversible. J'en ai la conviction. Mais elle peut être ralentie, retardée par les extrémistes de tout bord. Les tragédies récentes le montrent. Unissons nos efforts, comme nous avons su le faire sous l'impulsion du Président Moubarak, en Egypte, à Charm El-Cheikh, pour que progresse cette paix à laquelle aspirent tous les peuples de la région et pour faire échec au terrorisme.
- Dans ce moment critique, l'Europe doit assumer ses responsabilités. Elle le fait déjà sur le plan économique en apportant au peuple palestinien, dans le cadre d'un effort massif pour l'ensemble de la région, près de la moitié de l'aide totale qu'il reçoit.
- Mais l'Europe ne saurait être seulement un bailleur de fonds. Elle doit apporter, davantage que par le passé, sa contribution politique à un règlement de paix qu'elle doit également co-parrainer.
- Déjà, l'Union européenne a joué un rôle déterminant dans les négociations multilatérales, dans la préparation et la supervision des élections palestiniennes qui ont été un grand succès pour la démocratie. Mais il faut aller au-delà et relancer le processus de paix en prenant en compte les intérêts et l'aspiration à la sécurité qui est une inspiration de chacun. Les engagements déjà signés doivent être respectés, le calendrier arrêté doit être tenu. Le processus de paix ne saurait rester à mi-chemin. Un accord juste et équilibré doit être trouvé, entre toutes les parties en cause, sur le statut final des territoires palestiniens. Ceci sur la base du principe de l'échange de la terre contre la paix. Cet accord devra aussi porter sur les questions les plus difficiles sur Jérusalem, sur la situation des réfugiés et sur l'avenir des implantations. Il n'y aura de paix durable que si sont respectés le droit à l'auto-détermination du peuple palestinien et ses aspirations légitimes à disposer d'un Etat.\
Une paix durable suppose enfin qu'Israël soit assuré de vivre en sécurité. C'est le progrès vers l'affirmation de l'identité palestinienne qui permettra l'éradication définitive des menaces terroristes nourries par l'isolement, par l'amertume et par la frustration. Au-delà de la nécessaire lutte contre le terrorisme, la sécurité, vous le savez, ne peut naître que d'une reconnaissance mutuelle et de l'instauration progressive de la confiance.
- La sécurité, c'est aussi l'achèvement du processus de paix. 1996 doit être l'année décisive. La Syrie et Israël doivent conclure la paix. Les bases d'un accord sont claires : un retrait total du Golan contre une paix totale.
- Entre le Liban et Israël, les termes d'un règlement devraient être aisés à définir puisqu'aucune revendication territoriale ne les sépare. Le Liban doit ainsi retrouver une souveraineté pleine et entière sur l'ensemble de son territoire. La France est prête à participer pleinement, dans le cadre de ces accords de paix, et à la demande des parties, bien sûr, aux mécanismes et aux garanties de sécurité qui seront nécessaires.
- Mes ces accords resteraient fragiles si n'étaient accomplis les gestes nécessaires pour que la paix gagne aussi les esprits et les coeurs. Arabes et Israéliens sont appelés à vivre ensemble, en bonne intelligence, dans le Proche-Orient de demain.
- La paix au Proche-Orient passe aussi par la réduction des tensions et la construction de relations confiantes entre les pays voisins du Golfe. Lors des deux guerres qui les ont frappés au cours des quinze dernières années, mon pays s'est tenu résolument à leurs côtés. Lorsque l'Irak a envahi le Koweït, la France, avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, après avoir tout tenté pour éviter la guerre, s'est engagée pour la libération de l'Emirat et pour la défense du droit.
- Cinq ans après, l'Irak peut retrouver la place qui lui revient dans la communauté internationale. Il n'existe qu'un chemin pour y parvenir et les autorités irakiennes doivent le comprendre : c'est celui des résolutions du Conseil de sécurité qui fixent le cadre de la légalité internationale. Ces résolutions - et elles seules - doivent être mises en oeuvre par l'Irak mais aussi par le Conseil de sécurité et la communauté internationale. Je le dis clairement : si l'Irak applique toutes les résolutions, les sanctions devront être levées. La communauté internationale ne peut pas rester indifférente devant l'aggravation de la situation humanitaire de ce pays.
- La réinsertion de l'Irak devrait s'accompagner de la restauration de relations confiantes entre Bagdad et ses voisins du Conseil de coopération du Golfe, avec lesquels, vous le savez, la France a développé des relations particulièrement étroites.
- Du Golfe à la Méditerranée, le Machrek a une unité profonde. Certains hommes d'Etat visionnaires conçoivent déjà son organisation.
- Dans le domaine de la sécurité, la France apporte tout son soutien à la proposition du Président Hosni Moubarak de constituer une zone exempte d'armes de destruction massive. Ce projet devra naturellement comporter des dispositifs de contrôle. La France suggère qu'il soit accompagné de mesures de confiance et aussi des mécanismes de résolution des conflits.\
Mais la paix au Proche-Orient passe aussi par l'instauration d'une communauté économique. Il faut, comme l'Europe a su le faire au lendemain de la guerre, bâtir un espace économique progressivement intégré. L'Europe peut partager utilement son expérience. Elle doit aussi apporter le concours de son aide, de ses capitaux, de ses technologies.
- L'objectif doit être de créer une zone de prospérité par la libre circulation des hommes et des marchandises. Cette construction, qui permettra la réduction des disparités de développement, ne peut être que progressive et doit être menée avec beaucoup de pragmatisme. La France suggère que le groupe de travail pour le développement économique régional voie son rôle renforcé.
- D'autres projets régionaux devront voir le jour pour donner peu à peu à cet espace sa cohérence et son unité. La Conférence économique sur l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, qui doit se tenir au Caire à la fin de cette année, après celles de Casablanca et d'Amman, marquera, j'en suis sûr, une nouvelle étape dans la bonne direction.
- La France souhaite aujourd'hui présenter une suggestion dans un domaine très sensible, qui est celui de l'eau. Source de conflits, l'eau pourrait devenir facteur de coopération. Evitons qu'au combat pour la terre ne succède la bataille pour l'eau.
- Préparons une charte régionale qui définirait les mécanismes agréés de gestion concertée de l'eau. Créons au Proche-Orient un institut international de l'eau et du développement.
- Arabes, Israéliens, Européens doivent unir leurs talents pour définir ensemble et réaliser d'autres projets qui iront petit à petit dans le sens de l'intégration régionale et du rapprochement des hommes, de leurs coeurs comme de leurs esprits. Je pense notamment à la recherche agronomique et au tourisme, à bien d'autres sujets encore.\
Mais nous devons aussi élargir notre horizon. Vous le savez, la France et l'Egypte nourrissent un autre grand dessein : bâtir une communauté méditerranéenne.
- Contrairement à ce que l'on dit souvent, la Méditerranée est une idée neuve en politique. Depuis l'effondrement de l'empire romain, l'espace méditerranéen est l'enjeu de rivalités militaires et commerciales.
- Aujourd'hui, la France veut en faire un trait d'union politique. Elle veut en faire une ambition essentielle de l'Union européenne. Après avoir détruit un mur à l'Est, l'Europe doit désormais construire un pont au Sud. C'est pourquoi elle a d'emblée soutenu l'initiative égyptienne de création d'un "forum méditerranéen". C'est aussi pourquoi la France a lancé l'idée de la Conférence euro-méditerranéenne qui s'est réunie à Barcelone en novembre dernier.
- Le grand chantier de l'espace méditerranéen est désormais ouvert. L'ambition de la France est de bâtir un partenariat nouveau autour d'une mer qui retrouverait sa vraie vocation : la rencontre, l'échange, la paix. Les grandes civilisations, dont la Méditerranée est le berceau, doivent réapprendre à mieux se connaître, à mieux se comprendre.
- L'espace euro-méditerranéen ne nous est pas donné. Il est à construire. Il y faudra beaucoup de volonté et beaucoup de ténacité de la part de tous les acteurs : Etats, entreprises, citoyens. L'enjeu est immense : l'avenir de la paix, de la stabilité et de la liberté, de la prospérité entre nos deux rives. L'objectif est clair : réduire la fracture, l'incompréhension, les disparités, qu'elles soient démographiques, économiques, culturelles ou politiques, entre les Etats et les populations de la région.
- Entraînée par la France, l'Union européenne s'est donné, en juin dernier à Cannes, les moyens financiers de cette ambition : cinq milliards d'écus, doublés par les prêts de la Banque européenne d'investissement et complétés par les apports bilatéraux de chaque pays de l'Union, tout cela donne la mesure de l'effort qui sera consenti d'ici la fin du siècle.
- L'originalité de notre démarche est d'aborder de front tous les aspects de notre partenariat qui viendra heureusement compléter les relations bilatérales unissant nos pays.
- Politique d'abord, ce partenariat doit définir un espace commun de paix. En proposant à Barcelone l'élaboration, sur une base volontaire, d'un pacte euro-méditerranéen de stabilité, la France a souhaité rapprocher des Etats respectant des règles communes. Des Etats qui sont d'accord entre eux sur des mesures de confiance et qui sont décidés à les appliquer, dans leurs relations, dans leurs bons voisinages, dans le règlement pacifique des différends. La sécurité de la région dépend d'abord de la stabilité interne des Etats qui la composent et de leur capacité à mettre en oeuvre, entre eux, des mécanismes de diplomatie préventive.
- Pour marquer l'importance de notre partenariat, je propose que notre prochaine Conférence se tienne au niveau des chefs d'Etat, de gouvernement.\
Politique, bien sûr, mais aussi économique, le partenariat euro-méditerranéen devra permettre l'émergence d'une zone de prospérité partagée.
- Au-delà des accords bilatéraux d'association, l'espace euro-méditerranéen doit, à terme, déboucher sur une zone de libre échange, complétant ainsi le processus de régionalisme ouvert qui se développe dans le monde entier. Ce régionalisme permet de tempérer la brutalité du phénomène de mondialisation accélérée qui caractérise notre temps.
- Cette démarche économique globale doit s'accompagner de nombreux projets concrets, qu'il s'agisse de partenariat industriel ou financier, de la protection de notre environnement ou de la gestion de nos ressources. Dans cet esprit, la France réfléchit à la possibilité d'accueillir une conférence ministérielle euro-méditerranéenne consacrée au sujet que j'évoquais tout à l'heure, celui de la gestion de l'eau.
- Culturel enfin, notre partenariat devra favoriser systématiquement le dialogue entre nos peuples, et d'abord entre nos jeunesses. Je souhaite que se développe la coopération entre les grandes universités des deux rives de la Méditerranée. Je souhaite qu'à travers des cursus harmonisés, se multiplient les échanges d'étudiants. Je souhaite que les professeurs se rencontrent pour écrire ensemble leurs manuels, notamment et surtout leurs manuels d'Histoire. Je souhaite que nos spécialistes coopèrent dans la réhabilitation de notre patrimoine, au Nord et au Sud de la Méditerranée. Je souhaite que des projets audiovisuels communs puissent se multiplier. Je souhaite enfin que le français et l'arabe voient se renforcer leur rôle de langue d'échange et de communication dans le monde de demain.
- Vous le voyez, j'ai une grande ambition pour ce partenariat euro-méditerranéen. Mais il ne me revient naturellement pas d'en définir seul les contours. C'est notre tâche commune. Je suis, pour ma part, à l'écoute de vos suggestions et de toutes les propositions qui pourront être faites.
- Chers étudiants, c'est d'abord à vous, qui incarnez la jeunesse de l'Egypte et du monde arabe, que je souhaite adresser ce message. Bâtir la paix au Proche-Orient, renforcer l'unité du monde arabe et ses liens avec l'Europe, créer un véritable partenariat euro-méditerranéen, voilà autant d'ambitions qui s'offrent à votre enthousiasme. Autant de projets qui peuvent vous permettre et nous permettre de construire ensemble, au XXIème siècle, un monde meilleur, riche de promesses, riche d'espoirs partagés, c'est cela votre vocation et je sais que vous aurez à coeur de l'assumer.
- Je vous remercie.\