19 avril 1995 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'érosion du rôle constitutionnel du pouvoir législatif et sur la nécessité de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'exécutif, château de Versailles, le 19 avril 1995.
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
- Monsieur le Président du Sénat,
- mesdames et messieurs,
- votre invitation me fait grand plaisir. D'abord elle a répondu à ma propre curiosité. Il y a tant de choses que nous ignorons sur notre propre histoire et, imaginer ce retour en arrière, d'un régime, la République, dans le Palais le plus significatif de l'époque royale, à un tour qui n'est pas ironique mais pour le moins paradoxal !
- Vous l'avez rappelé tout à l'heure, Monsieur le Président, c'est dans cette ville, à côté d'ici, qu'ont eu lieu les décisions caractéristiques de ce qui a décidé du cours de la Révolution française, en particulier, naturellement le refus des Assemblées de sièger par ordre et aussi la décision de voter en commun. Les deux choses n'étant pas liées. Il s'agissait au fond du refus de l'autorité royale, non pas de la monarchie, -cela restait à faire-, mais de l'autorité royale : l'affirmation du peuple. C'était à Versailles dans la salle des "menus plaisirs" ou dans la salle du "jeu de paume" £ des "menus plaisirs" donnent une coloration assez tragique à la suite des évènements. Il n'empêche que cette salle-là a quand même vu naître la troisième République. Ceux qui connaissent l'histoire du XIXème siècle -la République, installée avec ses institutions, sa continuité- savent que l'amendement Wallon a été voté ici. C'est le député Buffet qui avait facilité l'opération d'un amendement qui n'eût pas été recevable. Je crois que ce député Buffet était député des Vosges ! J'allais dire heureusement que tous les amendements des députés des Vosges ne sont pas acceptés en temps voulu ! C'est également dans cette salle qu'ont été élus tous les Présidents de la République, par la réunion du Congrès, c'est-à-dire du Sénat et de l'Assemblée nationale, enfin dans la plupart des cas. Avant que le corps électoral ne fût élargi, et après 1962, ne devint le suffrage universel. J'ai moi même fréquenté cette salle assez tôt £ par un hasard malin, que je vous ai rapporté, Monsieur le Président, puisqu'en 1939, j'ai assisté à l'élection du Président de la République, Monsieur Albert Lebrun. J'étais militaire, j'appartenais au 23ème Régiment d'infanterie coloniale, j'étais chargé de garder la porte centrale, sans imaginer que j'y reviendrai ! J'ai, en effet, participé à toutes les autres élections, soit simplement comme parlementaire, appelé à mettre mon bulletin dans l'urne, ou soit parce que j'ai été mêlé, en dehors de ces lieux, à la continuité d'une élection présidentielle qui a changé de contenu.
- Nous nous trouvons donc en pleine histoire ici. L'histoire de la monarchie, à partir de la construction de ce Palais s'identifie aux grandes heures de notre histoire de France. La naissance de la Révolution française et son affirmation signent déjà la deuxième grande étape de notre histoire en même temps sans doute, que l'histoire et les idées qui ont dominé le XIXème et le XXème siècle. J'espère qu'ils continueront de dominer le XXIème, même si je sais quels accidents de parcours sont possibles, nous en avons connu de nombreux exemples.
- Ca c'était la première partie de ce que j'avais à vous dire, la deuxième sera plus personnelle.\
J'ai été moi-même 32 ans député et 3 ans sénateur. J'ai donc vécu la vie parlementaire, sous tous ses aspects, pendant un tiers de siècle. Le lendemain de la guerre mondiale, de l'installation de la IVème République, puisque j'ai été élu pour la première fois au mois de novembre 1946. Pardonnez-moi de vous faire cette description "tragique". 46 - 95, j'aurai manqué de peu le cinquantenaire ! Mais sans regret ! Et ce n'est qu'en 1981 qu'il m'a été donné, non pas de quitter le suffrage universel, mais le représentation d'une circonscription déterminée, pour représenter la France tout entière. Dons 49 ans, pratiquement sans autre interruption que 3 mois en 1958.
- J'ai donc connu votre travail, vos responsabilités. Je n'ai jamais appartenu au bureau de l'Assemblée. Il y a donc quelque chose que j'ignore mais j'ai pu voir à travers les couloirs de quelle manière les choses se passaient ! La longue théorie des présidents de l'Assemblée nationale, celle des présidents du Sénat, représente une large part de notre histoire contemporaine et j'y attache une grande importance. Comment dirais-je ? Un importance historique, cela va de soi, mais j'y ajoute une sorte de sentimentalité.
- Je suis de naissance, par la formation que j'ai reçue, par l'éducation de ma famille, quelqu'un qui, dès que l'on parle du Parlement éprouve un sentiment de révérence. Même si je connais les erreurs, les fautes, les lâchetés, les manquements au devoir, de bien des Parlements français ou autres £ il n'empêche que là est représentée la plus grande idée du monde moderne, et que là se sont exercés les plus grands talents. C'est l'histoire de deux siècles, avec quelques interruptions, vous le savez bien.\
Je n'engagerai pas de dialogue avec vous sur la qualité des assemblées selon qu'elles soient une ou deux. J'ai varié sur ce sujet, mais je pense que j'aurai encore le temps de varier. Je ne sais pas quel est le bon système. Cela veut dire sans doute qu'il y en a pas de bon ! Mais en est-il de meilleur ? Ca, Churchill et Clemenceau l'ont dit avant moi, en est-il de meilleur ? La grande difficulté est moderne et contemporaine. Pour avoir été parlementaire sous la quatrième et sous la cinquième République, pour avoir été citoyen, déjà en mesure de réfléchir, étudiant, sous la troisième République, je me demande encore où se trouve l'exacte vérité. Les passions des hommes sont telles qu'à tout moment le centre de gravité de nos institutions change, se modifie. La quatrième République, c'était une démocratie inspirée par l'anarchie : pour quelles raisons ? Il fallait y réfléchir. Beaucoup l'ont fait. Les réponses ont été différentes. Mon expérience à moi me montre simplement que la quatrième République, sans doute sur le plan factuel, a manqué quelques grands rendez-vous : d'abord, la réforme de ses propres institutions, ensuite la décolonisation. Mais il y avait, je crois, un vice secret : l'article 13 de cette Constitution de 1946 indiquait que : "l'Assemblée nationale vote seule la loi. Elle ne peut délégué ce droit". Elle a passé son temps à le faire, parce qu'il était quasiment impossible, de laisser à quatre cents, cinq cents personnes, le pouvoir de tout régenter, d'exercer à la fois l'exécutif et le législatif, car la distinction entre le gouvernement et le parlement était une distinction fictive. C'est au parlement que se réglait le sort des gouvernements, enfin théoriquement, puisqu'en fait on a pu constater que les chutes de gouvernement ont été nombreuses, mais pour former généralement le même gouvernement. Les dissolutions, celles qui auraient pu signifier un changement de direction fondamentale de l'histoire de notre République, se ramènent, je crois, à une seule, celle qui a suivi un vote contraire à une décision du Général de Gaulle en 1962. Il y a eu d'autres dissolutions par la suite, je m'en suis fait une spécialité ! Ce n'est forcément un excellent exemple ! Je crois que le Général de Gaulle et moi-même sommes deux recordmen en ce domaine, deux dissolutions et encore moi je n'ai pas eu l'occasion d'en faire une troisième ! Mais ceci, dans le cadre, naturellement de la loi et des institutions.\
En vérité, le Parlement, sous notre République, a souvent généré l'instabilité. Il a été lui-même fort stable. On n'a pas exercé le droit de dissolution sous la troisième République. On avait décidé à cette époque, en 1875, qu'il n'y aurait pas de chef de gouvernement. On attendait, en somme, la transformation sublime du Président de la République en Roi de France et finalement le Président de la République est devenu cette "borne à laquelle on attachait le char de l'Etat", mot de Clemenceau, tandis que le premier des ministres est devenu Président du Conseil, axe autour duquel tournait l'ensemble des pouvoirs.
- Pour ceux qui l'auraient oublié, le premier chef du gouvernement français, Président du Conseil si on veut employer ce terme, bien qu'il soit impropre, a été Talleyrand. C'était plutôt une drôle de façon de commencer selon moi !
- Ensuite, cette fonction a disparu et est revenue lorsqu'il y a eu la Restauration, le Second Empire, un homme s'est toujours distingué pour diriger le Gouvernement mais n'a jamais reçu l'agrément véritable du souverain qui ne voulait pas de concurrence. On peut donc estimer que c'est à partir de la troisième République que nos institutions, telles que nous les connaissons, même si elle ont beaucoup varié depuis lors, ont commencé à prendre forme.
- Le changements ont été constants de ce point de vue : jamais la troisième République, qui en avait le droit, n'a dissout, et jamais le Président de la République, qui en avait le droit, n'a gouverné.
- Quant à la quatrième République, comme j'ai commencé à la définir tout à l'heure, c'est la souveraineté de l'Assemblée nationale. Elle seule put exercer ce droit mais, en même temps, elle l'a nié, car constamment la Constitution de la quatrième République a permis que le droit fût délégué : décrets, lois, lois-cadres. A aucun moment le fait n'a correspondu au droit.
- Le Général de Gaulle a mis un peu d'ordre dans tout cela, disons un peu plus d'harmonie. C'est le seul point sur lequel je l'approuve puisque j'ai voté contre sa Constitution, mais enfin les choses sont devenues plus claires £ avec cependant une interrogation : qu'est devenu, que devient le Parlement, avec le système qui a voulu que quatre Présidents de la République : le Général de Gaulle, Monsieur Pompidou, M. Giscard d'Estaing et moi-même, puissions disposer de pouvoirs considérables, si l'on juge par la lettre, par les paroles prononcées par le Général de Gaulle lui-même devant lequel tous les pouvoirs devaient revenir, y compris le pouvoir judiciaire, et la réalité d'aujourd'hui ? Mais ça se serait l'objet d'une conférence de presse !\
Je crois le Parlement assez malheureux. Je pense que le Président de l'Assemblée nationale le dirait plus éloquemment que moi, parce qu'il ne sait pas exactement où il se trouve. Les évènements qui se sont produits depuis quelques décennies, ont voulu que les pouvoirs du Parlement fûssent rabotés, je dirais par le haut -bien que l'expression traduise mal ma pensée- avec les institutions européennes, avec les institutions internationales et rabotés par le bas -bien que l'expression ne corresponde pas à ma pensée non plus- par la multiplication, que j'ai désirée moi-même, puisque je l'ai proposée, des pouvoirs décentralisés. Si bien que l'Assemblée nationale privée du moyen de légiférer dans des domaines qui désormais ne relèvent plus de notre souveraineté seule et, par le décentralisation qui confère des pouvoirs importants aux assemblées locales, ne sait plus, exactement, où se trouve sa compétence. Et, comme dans le même temps, certaines habitudes prises, certaines tentations auxquelles on a cédé trop souvent, ont voulu que le Parlement fût contraint, enfermé, dans des textes, que je crois sévères, pour empêcher à tout prix le débordement parlementaire, on ne voyait plus très bien par où pouvait passer le simple respect de la fonction parlementaire qui faisait qu'un député qui représentait une part de la nation, quand il se trouvait à l'Assemblée nationale, représentait la nation tout entière, et devait pouvoir légiférer pour elle. Oui, mais légiférer sur quoi ? Que lui restait-il à ce député ? Car si les problèmes de principes se posaient, j'ai dit tout à l'heure l'Europe, un certain nombre de lois internationales, la décentralisation et les pouvoirs locaux, d'autres moyens ont été mis en oeuvre, non pas volontairement pour détruire, mais parce que c'est comme ça, parce que le conflit des pouvoirs est la norme : quand il existe plusieurs pouvoirs, ils se combattent ! L'Assemblée nationale s'est trouvée ligotée dans un certain nombre de procédures : comme celle qui fait que le gouvernement a seul l'initiative de l'ordre du jour. Est-ce que l'Assemblée nationale peut, à armes égales, lutter, pour employer un mot que je n'aime pas, en la circonstance, -contre le pouvoir exécutif et imposer sa loi ?\
Le tour des choses pris au cours de ces dernières années fait que l'Assemblée nationale s'est trouvée de toute part réduite dans ses compétences, ses autorités et ses fonctions. Je crois que cela n'est pas étranger aux cris, enfin à la protestation sinon aux cris de révolte, souvent entendu dans votre bouche, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale : que devient le Parlement ?
- Je ne peux pas vous apporter la réponse, ce n'est pas le lieu, ce n'est pas le moment. Mais pour l'avoir vécu et pour y avoir réfléchi, je pense que le rôle du Parlement doit être repensé. Après tout, le Parlement a été créé, en Angleterre, pour ne pas remonter jusqu'à la Grèce, pour essentiellement permettre à la volonté populaire de contrôler le pouvoir, lequel pouvoir était un pouvoir absolu. Ce pouvoir absolu avait besoin de recourir à l'impôt. Il fallait donc avoir un minimum de consentement populaire pour avoir de l'argent. Mais là était la faille ! Désireux d'obtenir les moyens de vivre, il vivait d'ailleurs toujours au-dessus de ses moyens, il lui a fallu passer par certaines conditions et ces conditions lui ont été imposées par le Parlement, lequel Parlement s'est arrogé le pouvoir qui lui revenait de droit, de contrôler et de tout contrôler et d'exercer une sorte de majesté, une sorte de souveraineté par le contrôle.
- La distinction entre l'exécutif et le législatif est souvent apparue téméraire. Sous la IVème république, le législatif et l'exécutif se confondaient. J'ai moi-même participé à bien des débats à la suite de quoi sont tombés des gouvernements. Un gouvernement ne pouvait pas se maintenir contre la volonté de l'Assemblée. Le Président de la République devait se contenter de marquer les points, de constater le fait, et une fois un gouvernement tombé, d'essayer de trouver un successeur, mais il n'exerçait aucun rôle actif dans tout cela.
- Donc, l'Assemblée nationale, sous la IVème, pouvait tout faire. Elle était souveraine. Sous la Vème République, par réaction nationale contre les excès parlementaires, les chutes successives des gouvernements, l'incapacité, l'impuissance de l'Etat, les hommes responsables de l'époque, en 1958, ont voulu un régime plus ferme, plus fort. Et d'un régime démocratique, qui tendait à l'anarchie, nous sommes passés dans un régime démocratique qui penchait vers la monarchie.\
D'ailleurs, j'étais très surpris moi-même, ayant cru qu'on avait atteint, dans ce domaine, tous les sommets possibles dans les années qui ont suivi 1958, d'avoir été accusé, ici et là, de dérive monarchique. Je me demande comment j'aurais pu dériver, et de quelle façon ? La dérive monarchique tout y était déjà ! On aurait pu dire dérive démocratique peut-être, mais dérive monarchique non. Tous les pouvoirs étaient concentrés dans les mêmes mains mais, cela dépend aussi des tempéraments des hommes. Aucun de ceux qui ont présidé la France depuis 1958, n'avait le tempérament voulu pour désirer, exercer, durablement, tous les pouvoirs. Et c'est ainsi que les Présidents de la République ont successivement géré leur Etat en veillant à ce que les droits concurrents des autres pouvoirs fussent autant que possible respectés et n'empêche que tout cela dépendait de l'usage et non pas de la loi. Et c'est pourquoi nous avons été nombreux à désirer des révisions de la Constitution. Vous l'avez fait, Monsieur le Président. Je l'ai fait, moi aussi, dans le cadre de mes fonctions. Vous n'avez pas encore réussi, et moi je n'ai pas déjà réussi ! De telle sorte qu'on ne peut pas dire qu'en dehors des réformettes auxquelles j'ai pu procéder, faute de pouvoir agir autrement, c'est-à-dire faute de disposer d'une majorité qualifiée au Sénat, je n'ai donc pas pu réformer la Constitution comme je l'aurais souhaité.
- Et vous-même, Monsieur le Président, vous avez fait un projet assez complet. Je crois que beaucoup de nos idées se sont rencontrées, mais vous avez rencontré le même obstacle, pas exactement de la même façon, mais vous avez rencontré un obstacle qui vous a empêché d'aller plus loin que vous ne le souhaitiez à l'époque.\
Il faudra donc réformer la Constitution. Mais cependant je suis très méfiant à l'égard de cet exercice. Je ne sais pas, un bon juriste législatif ici, me contredira, est-ce qu'on en est à dix-neuf, vingt ou vingt-et-une constitutions depuis le début du XIXème ? C'est dans ces chiffres-là. C'est dire que ce n'est pas très sérieux, mais en France, on veut tout écrire, nous sommes de droit romain. Les Anglo-Saxons, qui se trouvent ici, doivent trouver pittoresque cette façon de faire ! Ils préfèrent ne rien écrire puisqu'ils savent qu'ils ne le tiendront pas ! Nous, nous écrivons quand même, mais nous ne le tenons pas davantage !
- Alors faut-il une nouvelle Constitution ? J'ai été hésitant. Je ne l'ai pas fait, d'ailleurs je ne pouvais pas le faire. Je n'avais pas la majorité qualifiée constitutionnelle pour cela. Je l'avais bien à l'Assemblée nationale mais je ne l'avais pas au Sénat et l'addition ne me suffisait pas. Donc, je me suis contenté de faire des projets, dont certains ont été adoptés, mais dont le gros est resté dans les cartons. Il vous sera très utile, M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le Président du Sénat, de recueillir une part de mon héritage, croyez-le ! Dans les mois ou les années qui viendront, un certain nombre de projets, qui ont été faits après avoir consulté les légistes confirmés, nécessiteront certainement un nettoyage de nos institutions.
- Il n'est pas normal que le Parlement en soit réduit à l'état où il se trouve. Dans la lettre, le Parlement a beaucoup de pouvoir, il peut tout contrôler mais, je crois qu'il n'use pas assez de cette compétence là. Il peut tout contrôler, et si on l'empêche de contrôler, il doit l'exiger, il doit se faire entendre, il doit refuser sa confiance au gouvernement parce qu'il s'agit là des institutions, il ne s'agit pas d'une politique donnée, déterminée, particulière par rapport à d'autres, il s'agit de la survie de notre République. Je vous ai parlé tout à l'heure de la création d'institutions internationales, de la loi de décentralisation que j'ai voulue en 1981 et en 1982, en raison aussi d'éventuels élargissements de cette décentralisation, car la tentation est grande ! J'ai remarqué qu'elle était d'autant plus grande chez ceux qui n'avaient pas voté les lois que j'avais proposées, que chez ceux qui les avaient acceptées - il y a une sorte de boulimie ! Ce n'est pas pour se faire pardonner ! c'est parce qu'on a goûté au gâteau, et on a envie d'en manger un peu plus ! Alors, tout cela fait que l'Assemblée se trouve bornée dans ses procédures, dans ses façons de faire. L'Assemblée accepte, à mes yeux, trop aisément, le sort qui lui est réservé. Mais si elle avait désiré davantage de compétences ou plutôt de pouvoir exercer les compétences qu'elle a, elle n'aurait pas trouvé en moi la moindre difficulté. Comme elle ne l'a pas fait, c'est qu'elle en a trouvé ailleurs ! Je ne sais pas où ! Mais je livre cette traduction à votre pensée, il vous faudra, dans les années prochaines, savoir comment exercer votre rôle, et votre rôle est de tout contrôler. Rien ne doit vous échapper. Par rapport au régime présidentiel des Etats-Unis d'Amérique, - ce n'est pas que je vante ce système qui serait peu applicable en France - mais, par rapport au système présidentiel des Etats-Unis d'Amérique, vos assemblées disposent de bien peu de pouvoirs. Jusqu'aux ambassadeurs, il faut que vous souscriviez à leur nomination. Je vous plains d'ailleurs, parce que moi je ne m'y reconnais jamais parmi les nôtres, mais il faudrait passer par là pour exercer votre contrôle, en tout cas sur un certain nombre de postes de la haute fonction publique. Et combien de textes, qui sont législatifs à leur point de départ qui sont devenus relever des décrets du gouvernement que le Parlement devrait récupérer ?.\
Personnellement, je ne vois pas de limite au pouvoir de contrôle du Parlement autre que celle qui implique la Constitution. Le premier Parlement a été créé pour contrôler les finances de l'Etat, pour savoir ce que les citoyens - qui ne s'appelaient pas comme cela à l'époque, les sujets - devaient fournir comme contribution à celui qui régnait, au moins, gardons cette latitude de pouvoir contrôler, sous une République, chacun des actes que le pouvoir exécutif peut accomplir, dans les limites, je le répète, de la Constitution. Parce que, si le pouvoir législatif se mêle de tout, bientôt, personne ne pourra agir en France, sans une contradiction permanente qui amènera naturellement la chute du régime, c'est-à-dire la chute de la République. J'ai vécu deux régimes. J'ai participé à deux d'entre eux, et j'attends le troisième ! Je ne l'attends pas forcément d'une réunion, d'un Congrès, ici, dans la salle d'à côté, mais je l'attends du bon sens du gouvernement et des assemblées pour qu'ils s'accordent à eux-mêmes la plus exacte définition possible de leurs compétences respectives. Et si le gouvernement s'y refuse, il aura grand tort, je ne serai plus là pour dire au Parlement que je suis de son côté, mais je le dis aujourd'hui, je suis de son côté, comme je l'ai dit naguère. Et je souhaite que le Parlement soit en mesure à ce moment là, de prendre le pouvoir qu'il n'a pas, c'est-à-dire celui de contrôler tous les actes de l'exécutif. D'autant plus que ce pouvoir là, s'il ne l'a pas, d'autres le prennent ! Vous voyez, le pouvoir dont dispose la presse ! Vous voyez, le pouvoir dont disposent les juges ! Je pourrais ajouter à cette liste trois ou quatre catégories de citoyens qui sont en mesure aujourd'hui de décider, bien avant les parlementaires, ce qui serait utile pour la France ! Et même aujourd'hui, il n'est pas nécessaire de recourir au juge, enfin au juge tel qu'on l'imagine, de l'ordre judiciaire. Il suffit que quelqu'un, quelque part, manifeste son intention de s'interroger sur le degré de culpabilité d'un citoyen, pour que ce citoyen n'ait plus qu'à rentrer chez lui, s'il ne rentre pas dans une maison forte à côté ! Il y a là une déviation extraordinaire à laquelle seul peut remédier le Parlement. Le Parlement doit retrouver son rôle. S'il y a renonce, d'autres pouvoirs sont prêts à se substituer à lui, et ce ne sera pas pour le bien de la République ni pour le bien des citoyens.\
Donc, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, Monsieur le Président du Sénat, qui est également indispensable pour ce type de réformes, je ne vous demande pas de faire une VIème République, ni une énième Constitution, mais je vous demande de parvenir à un accord suffisant, pour que le Parlement retrouve son droit de contrôle, j'allais dire sans limite. Et cette limite est souvent procédurière ou procédurale. Il faut que vous refusiez le pouvoir gouvernemental qui, par la procédure, vous interdit en réalité de débattre de ce dont vous voulez débattre, et de pouvoir aller jusqu'au terme de votre débat. C'est vrai que c'était beaucoup plus distrayant lorsque l'on pouvait renverser les gouvernements ! Cela m'est arrivé deux fois et j'en garde un souvenir qui n'a rien d'amer, croyez-le ! Et de cela, a procédé le goût de dissoudre les assemblées, ça m'est arrivé également deux fois ! Il y a un goût de destruction dans l'homme... Surtout si l'on trouve que c'est juste de démolir ce qui ne va pas. Mais, attention à la contagion. Il faut faire très attention au fait que les institutions ont besoin de stabilité et vous n'y arriverez que par votre adhésion commune aux propositions qui vous seront faites et parmi lesquelles vous ferez votre tri, de propositions d'ensemble, globales, qui permettront de retoucher chaque pan de la Constitution selon votre décision. Etant entendu qu'il y a une règle : c'est que c'est le gouvernement qui gouverne, ce sont les assemblées qui légifèrent et que quand même, depuis 1958 - c'est surtout ce que j'en ai retenu - c'est le Président qui préside ! Mais présider ne veut pas dire se mêler de tout. On m'en a fait quelque fois le reproche, croyez-moi par rapport à mes trois devanciers, je suis un mauvais élève !
- Si j'avais le temps et le goût d'écrire, mais je ne le ferai pas, un texte de droit comparé entre les pouvoirs exercés par mes trois prédécesseurs et par moi-même, on verrait la différence ! Je craindrais même un peu le jugement de la postérité qui pourrait penser que j'ai affadi ou affaibli les règles strictes de la Vème République ! Si on disait cela de moi, de façon posthume, je m'en réjouirais là où je serais. C'est qu'il faut en effet rendre au Parlement son droit et ce sera la première façon de défendre la République. Ce sera la meilleure façon de donner à l'exécutif son plein droit, car ce dont il dispose, l'exécutif, il doit pouvoir en disposer pleinement. N'essayez pas de lui "chipoter" son rôle ou bien alors il n'y a plus de gouvernement de la France, et il n'y a plus d'Etat. Je m'inquiète tous les jours de voir de quelle façon, dans nos gouvernements et dans nos assemblées, on voit se dissoudre peu à peu l'autorité de l'Etat. Autant j'ai voulu décentraliser, autant je reste fidèle à la notion qu'il n'y a pas de République sans Etat. Et l'Etat doit être respecté dans ses personnes et doit être respecté dans ses institutions.\
Donc, les réformes que je vous demande ne sont pas des réformes qui tendent à détruire les organes essentiels de la République : la présidence, le gouvernement, le Parlement, les pouvoirs de la justice, la liberté de la presse, le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de la magistrature et tout le reste... Tout ceci, est, finalement, un ensemble assez harmonieux, à la condition que la victime, de l'ensemble de ces propositions, ne soit pas le Parlement, qui finirait par envoyer dans ses deux assemblées, un millier de personnes qui ne serviraient à rien. Ce qui est parfois le sentiment que j'ai de là où je suis. Pardonnez-moi de vous dire que c'est parfois le cas. Ils ne servent pas à grand chose, du moins pas autant qu'ils le devaient.
- S'il y avait des coups à donner pour que la France prenne de bonnes directions, ces coups sont parfois donnés dans la direction du gouvernement. Le gouvernement n'est pas infaillible : il faut le lui dire ! Mais il y a une sorte de lien naturel qui s'établit entre la majorité et le gouvernement. Le gouvernement dépend de la majorité. J'ai lu, quelque part, qu'il faudrait, parmi les réformes prochaines, permettre au chef du gouvernement de rester au pouvoir, même si le Président de la République le priait de s'en aller, alors qu'il disposerait de la majorité à l'Assemblée nationale. Mais c'est déjà le cas ! On invente des constitutions chaque matin en se réveillant. Je ne pourrais pas - je n'ai d'ailleurs pas l'intention de renvoyer le gouvernement - il ne reste pas beaucoup de temps devant nous ! - et si ce gouvernement gardait la confiance des chambres, c'est la question qui se poserait aujourd'hui d'ailleurs, le président ne pourrait pas le faire. C'est l'assemblée qui continue de pouvoir maintenir en place un gouvernement choisi par le Président de la République. Et même cela a disparu de nos mémoires, au point que certains juristes viennent de nous le rappeler dans plusieurs articles qui ont été lus avec le plus grand sérieux, au lieu d'être reçus par d'énormes éclats de rire ! C'est dire - non pas l'abaissement le terme serait excessif, - je suis trop ancien parlementaire pour employer ce terme - mais le déclin du Parlement. Et je voudrais que ce déclin fût réparé. Une réunion comme celle-ci, je l'espère, vous y aidera. En tout cas, elle vous apporte le témoignage d'un Président de la République qui n'a plus devant lui qu'un mois, et même moins, d'exercice, qui tente et tentera de tirer la leçon de son expérience. Le Président doit présider et il ne doit pas tout faire. La tentation existe mais il est difficile d'y succomber, croyez-moi ! Le Parlement doit légiférer : est-ce qu'il en a tellement envie ? Il faut que ceux qui le représentent n'hésitent pas à le dire très haut. Il faut que le gouvernement gouverne. Déjà, des systèmes qui ont été mis en place depuis quelques années, donnent au gouvernement plus de pouvoir, dans les faits, qu'il n'en a eu au cours des années précédentes, et tout cela a besoin d'être déterminé d'une façon plus claire. C'est le travail que je vous propose, Mesdames et messieurs.\
- Monsieur le Président du Sénat,
- mesdames et messieurs,
- votre invitation me fait grand plaisir. D'abord elle a répondu à ma propre curiosité. Il y a tant de choses que nous ignorons sur notre propre histoire et, imaginer ce retour en arrière, d'un régime, la République, dans le Palais le plus significatif de l'époque royale, à un tour qui n'est pas ironique mais pour le moins paradoxal !
- Vous l'avez rappelé tout à l'heure, Monsieur le Président, c'est dans cette ville, à côté d'ici, qu'ont eu lieu les décisions caractéristiques de ce qui a décidé du cours de la Révolution française, en particulier, naturellement le refus des Assemblées de sièger par ordre et aussi la décision de voter en commun. Les deux choses n'étant pas liées. Il s'agissait au fond du refus de l'autorité royale, non pas de la monarchie, -cela restait à faire-, mais de l'autorité royale : l'affirmation du peuple. C'était à Versailles dans la salle des "menus plaisirs" ou dans la salle du "jeu de paume" £ des "menus plaisirs" donnent une coloration assez tragique à la suite des évènements. Il n'empêche que cette salle-là a quand même vu naître la troisième République. Ceux qui connaissent l'histoire du XIXème siècle -la République, installée avec ses institutions, sa continuité- savent que l'amendement Wallon a été voté ici. C'est le député Buffet qui avait facilité l'opération d'un amendement qui n'eût pas été recevable. Je crois que ce député Buffet était député des Vosges ! J'allais dire heureusement que tous les amendements des députés des Vosges ne sont pas acceptés en temps voulu ! C'est également dans cette salle qu'ont été élus tous les Présidents de la République, par la réunion du Congrès, c'est-à-dire du Sénat et de l'Assemblée nationale, enfin dans la plupart des cas. Avant que le corps électoral ne fût élargi, et après 1962, ne devint le suffrage universel. J'ai moi même fréquenté cette salle assez tôt £ par un hasard malin, que je vous ai rapporté, Monsieur le Président, puisqu'en 1939, j'ai assisté à l'élection du Président de la République, Monsieur Albert Lebrun. J'étais militaire, j'appartenais au 23ème Régiment d'infanterie coloniale, j'étais chargé de garder la porte centrale, sans imaginer que j'y reviendrai ! J'ai, en effet, participé à toutes les autres élections, soit simplement comme parlementaire, appelé à mettre mon bulletin dans l'urne, ou soit parce que j'ai été mêlé, en dehors de ces lieux, à la continuité d'une élection présidentielle qui a changé de contenu.
- Nous nous trouvons donc en pleine histoire ici. L'histoire de la monarchie, à partir de la construction de ce Palais s'identifie aux grandes heures de notre histoire de France. La naissance de la Révolution française et son affirmation signent déjà la deuxième grande étape de notre histoire en même temps sans doute, que l'histoire et les idées qui ont dominé le XIXème et le XXème siècle. J'espère qu'ils continueront de dominer le XXIème, même si je sais quels accidents de parcours sont possibles, nous en avons connu de nombreux exemples.
- Ca c'était la première partie de ce que j'avais à vous dire, la deuxième sera plus personnelle.\
J'ai été moi-même 32 ans député et 3 ans sénateur. J'ai donc vécu la vie parlementaire, sous tous ses aspects, pendant un tiers de siècle. Le lendemain de la guerre mondiale, de l'installation de la IVème République, puisque j'ai été élu pour la première fois au mois de novembre 1946. Pardonnez-moi de vous faire cette description "tragique". 46 - 95, j'aurai manqué de peu le cinquantenaire ! Mais sans regret ! Et ce n'est qu'en 1981 qu'il m'a été donné, non pas de quitter le suffrage universel, mais le représentation d'une circonscription déterminée, pour représenter la France tout entière. Dons 49 ans, pratiquement sans autre interruption que 3 mois en 1958.
- J'ai donc connu votre travail, vos responsabilités. Je n'ai jamais appartenu au bureau de l'Assemblée. Il y a donc quelque chose que j'ignore mais j'ai pu voir à travers les couloirs de quelle manière les choses se passaient ! La longue théorie des présidents de l'Assemblée nationale, celle des présidents du Sénat, représente une large part de notre histoire contemporaine et j'y attache une grande importance. Comment dirais-je ? Un importance historique, cela va de soi, mais j'y ajoute une sorte de sentimentalité.
- Je suis de naissance, par la formation que j'ai reçue, par l'éducation de ma famille, quelqu'un qui, dès que l'on parle du Parlement éprouve un sentiment de révérence. Même si je connais les erreurs, les fautes, les lâchetés, les manquements au devoir, de bien des Parlements français ou autres £ il n'empêche que là est représentée la plus grande idée du monde moderne, et que là se sont exercés les plus grands talents. C'est l'histoire de deux siècles, avec quelques interruptions, vous le savez bien.\
Je n'engagerai pas de dialogue avec vous sur la qualité des assemblées selon qu'elles soient une ou deux. J'ai varié sur ce sujet, mais je pense que j'aurai encore le temps de varier. Je ne sais pas quel est le bon système. Cela veut dire sans doute qu'il y en a pas de bon ! Mais en est-il de meilleur ? Ca, Churchill et Clemenceau l'ont dit avant moi, en est-il de meilleur ? La grande difficulté est moderne et contemporaine. Pour avoir été parlementaire sous la quatrième et sous la cinquième République, pour avoir été citoyen, déjà en mesure de réfléchir, étudiant, sous la troisième République, je me demande encore où se trouve l'exacte vérité. Les passions des hommes sont telles qu'à tout moment le centre de gravité de nos institutions change, se modifie. La quatrième République, c'était une démocratie inspirée par l'anarchie : pour quelles raisons ? Il fallait y réfléchir. Beaucoup l'ont fait. Les réponses ont été différentes. Mon expérience à moi me montre simplement que la quatrième République, sans doute sur le plan factuel, a manqué quelques grands rendez-vous : d'abord, la réforme de ses propres institutions, ensuite la décolonisation. Mais il y avait, je crois, un vice secret : l'article 13 de cette Constitution de 1946 indiquait que : "l'Assemblée nationale vote seule la loi. Elle ne peut délégué ce droit". Elle a passé son temps à le faire, parce qu'il était quasiment impossible, de laisser à quatre cents, cinq cents personnes, le pouvoir de tout régenter, d'exercer à la fois l'exécutif et le législatif, car la distinction entre le gouvernement et le parlement était une distinction fictive. C'est au parlement que se réglait le sort des gouvernements, enfin théoriquement, puisqu'en fait on a pu constater que les chutes de gouvernement ont été nombreuses, mais pour former généralement le même gouvernement. Les dissolutions, celles qui auraient pu signifier un changement de direction fondamentale de l'histoire de notre République, se ramènent, je crois, à une seule, celle qui a suivi un vote contraire à une décision du Général de Gaulle en 1962. Il y a eu d'autres dissolutions par la suite, je m'en suis fait une spécialité ! Ce n'est forcément un excellent exemple ! Je crois que le Général de Gaulle et moi-même sommes deux recordmen en ce domaine, deux dissolutions et encore moi je n'ai pas eu l'occasion d'en faire une troisième ! Mais ceci, dans le cadre, naturellement de la loi et des institutions.\
En vérité, le Parlement, sous notre République, a souvent généré l'instabilité. Il a été lui-même fort stable. On n'a pas exercé le droit de dissolution sous la troisième République. On avait décidé à cette époque, en 1875, qu'il n'y aurait pas de chef de gouvernement. On attendait, en somme, la transformation sublime du Président de la République en Roi de France et finalement le Président de la République est devenu cette "borne à laquelle on attachait le char de l'Etat", mot de Clemenceau, tandis que le premier des ministres est devenu Président du Conseil, axe autour duquel tournait l'ensemble des pouvoirs.
- Pour ceux qui l'auraient oublié, le premier chef du gouvernement français, Président du Conseil si on veut employer ce terme, bien qu'il soit impropre, a été Talleyrand. C'était plutôt une drôle de façon de commencer selon moi !
- Ensuite, cette fonction a disparu et est revenue lorsqu'il y a eu la Restauration, le Second Empire, un homme s'est toujours distingué pour diriger le Gouvernement mais n'a jamais reçu l'agrément véritable du souverain qui ne voulait pas de concurrence. On peut donc estimer que c'est à partir de la troisième République que nos institutions, telles que nous les connaissons, même si elle ont beaucoup varié depuis lors, ont commencé à prendre forme.
- Le changements ont été constants de ce point de vue : jamais la troisième République, qui en avait le droit, n'a dissout, et jamais le Président de la République, qui en avait le droit, n'a gouverné.
- Quant à la quatrième République, comme j'ai commencé à la définir tout à l'heure, c'est la souveraineté de l'Assemblée nationale. Elle seule put exercer ce droit mais, en même temps, elle l'a nié, car constamment la Constitution de la quatrième République a permis que le droit fût délégué : décrets, lois, lois-cadres. A aucun moment le fait n'a correspondu au droit.
- Le Général de Gaulle a mis un peu d'ordre dans tout cela, disons un peu plus d'harmonie. C'est le seul point sur lequel je l'approuve puisque j'ai voté contre sa Constitution, mais enfin les choses sont devenues plus claires £ avec cependant une interrogation : qu'est devenu, que devient le Parlement, avec le système qui a voulu que quatre Présidents de la République : le Général de Gaulle, Monsieur Pompidou, M. Giscard d'Estaing et moi-même, puissions disposer de pouvoirs considérables, si l'on juge par la lettre, par les paroles prononcées par le Général de Gaulle lui-même devant lequel tous les pouvoirs devaient revenir, y compris le pouvoir judiciaire, et la réalité d'aujourd'hui ? Mais ça se serait l'objet d'une conférence de presse !\
Je crois le Parlement assez malheureux. Je pense que le Président de l'Assemblée nationale le dirait plus éloquemment que moi, parce qu'il ne sait pas exactement où il se trouve. Les évènements qui se sont produits depuis quelques décennies, ont voulu que les pouvoirs du Parlement fûssent rabotés, je dirais par le haut -bien que l'expression traduise mal ma pensée- avec les institutions européennes, avec les institutions internationales et rabotés par le bas -bien que l'expression ne corresponde pas à ma pensée non plus- par la multiplication, que j'ai désirée moi-même, puisque je l'ai proposée, des pouvoirs décentralisés. Si bien que l'Assemblée nationale privée du moyen de légiférer dans des domaines qui désormais ne relèvent plus de notre souveraineté seule et, par le décentralisation qui confère des pouvoirs importants aux assemblées locales, ne sait plus, exactement, où se trouve sa compétence. Et, comme dans le même temps, certaines habitudes prises, certaines tentations auxquelles on a cédé trop souvent, ont voulu que le Parlement fût contraint, enfermé, dans des textes, que je crois sévères, pour empêcher à tout prix le débordement parlementaire, on ne voyait plus très bien par où pouvait passer le simple respect de la fonction parlementaire qui faisait qu'un député qui représentait une part de la nation, quand il se trouvait à l'Assemblée nationale, représentait la nation tout entière, et devait pouvoir légiférer pour elle. Oui, mais légiférer sur quoi ? Que lui restait-il à ce député ? Car si les problèmes de principes se posaient, j'ai dit tout à l'heure l'Europe, un certain nombre de lois internationales, la décentralisation et les pouvoirs locaux, d'autres moyens ont été mis en oeuvre, non pas volontairement pour détruire, mais parce que c'est comme ça, parce que le conflit des pouvoirs est la norme : quand il existe plusieurs pouvoirs, ils se combattent ! L'Assemblée nationale s'est trouvée ligotée dans un certain nombre de procédures : comme celle qui fait que le gouvernement a seul l'initiative de l'ordre du jour. Est-ce que l'Assemblée nationale peut, à armes égales, lutter, pour employer un mot que je n'aime pas, en la circonstance, -contre le pouvoir exécutif et imposer sa loi ?\
Le tour des choses pris au cours de ces dernières années fait que l'Assemblée nationale s'est trouvée de toute part réduite dans ses compétences, ses autorités et ses fonctions. Je crois que cela n'est pas étranger aux cris, enfin à la protestation sinon aux cris de révolte, souvent entendu dans votre bouche, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale : que devient le Parlement ?
- Je ne peux pas vous apporter la réponse, ce n'est pas le lieu, ce n'est pas le moment. Mais pour l'avoir vécu et pour y avoir réfléchi, je pense que le rôle du Parlement doit être repensé. Après tout, le Parlement a été créé, en Angleterre, pour ne pas remonter jusqu'à la Grèce, pour essentiellement permettre à la volonté populaire de contrôler le pouvoir, lequel pouvoir était un pouvoir absolu. Ce pouvoir absolu avait besoin de recourir à l'impôt. Il fallait donc avoir un minimum de consentement populaire pour avoir de l'argent. Mais là était la faille ! Désireux d'obtenir les moyens de vivre, il vivait d'ailleurs toujours au-dessus de ses moyens, il lui a fallu passer par certaines conditions et ces conditions lui ont été imposées par le Parlement, lequel Parlement s'est arrogé le pouvoir qui lui revenait de droit, de contrôler et de tout contrôler et d'exercer une sorte de majesté, une sorte de souveraineté par le contrôle.
- La distinction entre l'exécutif et le législatif est souvent apparue téméraire. Sous la IVème république, le législatif et l'exécutif se confondaient. J'ai moi-même participé à bien des débats à la suite de quoi sont tombés des gouvernements. Un gouvernement ne pouvait pas se maintenir contre la volonté de l'Assemblée. Le Président de la République devait se contenter de marquer les points, de constater le fait, et une fois un gouvernement tombé, d'essayer de trouver un successeur, mais il n'exerçait aucun rôle actif dans tout cela.
- Donc, l'Assemblée nationale, sous la IVème, pouvait tout faire. Elle était souveraine. Sous la Vème République, par réaction nationale contre les excès parlementaires, les chutes successives des gouvernements, l'incapacité, l'impuissance de l'Etat, les hommes responsables de l'époque, en 1958, ont voulu un régime plus ferme, plus fort. Et d'un régime démocratique, qui tendait à l'anarchie, nous sommes passés dans un régime démocratique qui penchait vers la monarchie.\
D'ailleurs, j'étais très surpris moi-même, ayant cru qu'on avait atteint, dans ce domaine, tous les sommets possibles dans les années qui ont suivi 1958, d'avoir été accusé, ici et là, de dérive monarchique. Je me demande comment j'aurais pu dériver, et de quelle façon ? La dérive monarchique tout y était déjà ! On aurait pu dire dérive démocratique peut-être, mais dérive monarchique non. Tous les pouvoirs étaient concentrés dans les mêmes mains mais, cela dépend aussi des tempéraments des hommes. Aucun de ceux qui ont présidé la France depuis 1958, n'avait le tempérament voulu pour désirer, exercer, durablement, tous les pouvoirs. Et c'est ainsi que les Présidents de la République ont successivement géré leur Etat en veillant à ce que les droits concurrents des autres pouvoirs fussent autant que possible respectés et n'empêche que tout cela dépendait de l'usage et non pas de la loi. Et c'est pourquoi nous avons été nombreux à désirer des révisions de la Constitution. Vous l'avez fait, Monsieur le Président. Je l'ai fait, moi aussi, dans le cadre de mes fonctions. Vous n'avez pas encore réussi, et moi je n'ai pas déjà réussi ! De telle sorte qu'on ne peut pas dire qu'en dehors des réformettes auxquelles j'ai pu procéder, faute de pouvoir agir autrement, c'est-à-dire faute de disposer d'une majorité qualifiée au Sénat, je n'ai donc pas pu réformer la Constitution comme je l'aurais souhaité.
- Et vous-même, Monsieur le Président, vous avez fait un projet assez complet. Je crois que beaucoup de nos idées se sont rencontrées, mais vous avez rencontré le même obstacle, pas exactement de la même façon, mais vous avez rencontré un obstacle qui vous a empêché d'aller plus loin que vous ne le souhaitiez à l'époque.\
Il faudra donc réformer la Constitution. Mais cependant je suis très méfiant à l'égard de cet exercice. Je ne sais pas, un bon juriste législatif ici, me contredira, est-ce qu'on en est à dix-neuf, vingt ou vingt-et-une constitutions depuis le début du XIXème ? C'est dans ces chiffres-là. C'est dire que ce n'est pas très sérieux, mais en France, on veut tout écrire, nous sommes de droit romain. Les Anglo-Saxons, qui se trouvent ici, doivent trouver pittoresque cette façon de faire ! Ils préfèrent ne rien écrire puisqu'ils savent qu'ils ne le tiendront pas ! Nous, nous écrivons quand même, mais nous ne le tenons pas davantage !
- Alors faut-il une nouvelle Constitution ? J'ai été hésitant. Je ne l'ai pas fait, d'ailleurs je ne pouvais pas le faire. Je n'avais pas la majorité qualifiée constitutionnelle pour cela. Je l'avais bien à l'Assemblée nationale mais je ne l'avais pas au Sénat et l'addition ne me suffisait pas. Donc, je me suis contenté de faire des projets, dont certains ont été adoptés, mais dont le gros est resté dans les cartons. Il vous sera très utile, M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le Président du Sénat, de recueillir une part de mon héritage, croyez-le ! Dans les mois ou les années qui viendront, un certain nombre de projets, qui ont été faits après avoir consulté les légistes confirmés, nécessiteront certainement un nettoyage de nos institutions.
- Il n'est pas normal que le Parlement en soit réduit à l'état où il se trouve. Dans la lettre, le Parlement a beaucoup de pouvoir, il peut tout contrôler mais, je crois qu'il n'use pas assez de cette compétence là. Il peut tout contrôler, et si on l'empêche de contrôler, il doit l'exiger, il doit se faire entendre, il doit refuser sa confiance au gouvernement parce qu'il s'agit là des institutions, il ne s'agit pas d'une politique donnée, déterminée, particulière par rapport à d'autres, il s'agit de la survie de notre République. Je vous ai parlé tout à l'heure de la création d'institutions internationales, de la loi de décentralisation que j'ai voulue en 1981 et en 1982, en raison aussi d'éventuels élargissements de cette décentralisation, car la tentation est grande ! J'ai remarqué qu'elle était d'autant plus grande chez ceux qui n'avaient pas voté les lois que j'avais proposées, que chez ceux qui les avaient acceptées - il y a une sorte de boulimie ! Ce n'est pas pour se faire pardonner ! c'est parce qu'on a goûté au gâteau, et on a envie d'en manger un peu plus ! Alors, tout cela fait que l'Assemblée se trouve bornée dans ses procédures, dans ses façons de faire. L'Assemblée accepte, à mes yeux, trop aisément, le sort qui lui est réservé. Mais si elle avait désiré davantage de compétences ou plutôt de pouvoir exercer les compétences qu'elle a, elle n'aurait pas trouvé en moi la moindre difficulté. Comme elle ne l'a pas fait, c'est qu'elle en a trouvé ailleurs ! Je ne sais pas où ! Mais je livre cette traduction à votre pensée, il vous faudra, dans les années prochaines, savoir comment exercer votre rôle, et votre rôle est de tout contrôler. Rien ne doit vous échapper. Par rapport au régime présidentiel des Etats-Unis d'Amérique, - ce n'est pas que je vante ce système qui serait peu applicable en France - mais, par rapport au système présidentiel des Etats-Unis d'Amérique, vos assemblées disposent de bien peu de pouvoirs. Jusqu'aux ambassadeurs, il faut que vous souscriviez à leur nomination. Je vous plains d'ailleurs, parce que moi je ne m'y reconnais jamais parmi les nôtres, mais il faudrait passer par là pour exercer votre contrôle, en tout cas sur un certain nombre de postes de la haute fonction publique. Et combien de textes, qui sont législatifs à leur point de départ qui sont devenus relever des décrets du gouvernement que le Parlement devrait récupérer ?.\
Personnellement, je ne vois pas de limite au pouvoir de contrôle du Parlement autre que celle qui implique la Constitution. Le premier Parlement a été créé pour contrôler les finances de l'Etat, pour savoir ce que les citoyens - qui ne s'appelaient pas comme cela à l'époque, les sujets - devaient fournir comme contribution à celui qui régnait, au moins, gardons cette latitude de pouvoir contrôler, sous une République, chacun des actes que le pouvoir exécutif peut accomplir, dans les limites, je le répète, de la Constitution. Parce que, si le pouvoir législatif se mêle de tout, bientôt, personne ne pourra agir en France, sans une contradiction permanente qui amènera naturellement la chute du régime, c'est-à-dire la chute de la République. J'ai vécu deux régimes. J'ai participé à deux d'entre eux, et j'attends le troisième ! Je ne l'attends pas forcément d'une réunion, d'un Congrès, ici, dans la salle d'à côté, mais je l'attends du bon sens du gouvernement et des assemblées pour qu'ils s'accordent à eux-mêmes la plus exacte définition possible de leurs compétences respectives. Et si le gouvernement s'y refuse, il aura grand tort, je ne serai plus là pour dire au Parlement que je suis de son côté, mais je le dis aujourd'hui, je suis de son côté, comme je l'ai dit naguère. Et je souhaite que le Parlement soit en mesure à ce moment là, de prendre le pouvoir qu'il n'a pas, c'est-à-dire celui de contrôler tous les actes de l'exécutif. D'autant plus que ce pouvoir là, s'il ne l'a pas, d'autres le prennent ! Vous voyez, le pouvoir dont dispose la presse ! Vous voyez, le pouvoir dont disposent les juges ! Je pourrais ajouter à cette liste trois ou quatre catégories de citoyens qui sont en mesure aujourd'hui de décider, bien avant les parlementaires, ce qui serait utile pour la France ! Et même aujourd'hui, il n'est pas nécessaire de recourir au juge, enfin au juge tel qu'on l'imagine, de l'ordre judiciaire. Il suffit que quelqu'un, quelque part, manifeste son intention de s'interroger sur le degré de culpabilité d'un citoyen, pour que ce citoyen n'ait plus qu'à rentrer chez lui, s'il ne rentre pas dans une maison forte à côté ! Il y a là une déviation extraordinaire à laquelle seul peut remédier le Parlement. Le Parlement doit retrouver son rôle. S'il y a renonce, d'autres pouvoirs sont prêts à se substituer à lui, et ce ne sera pas pour le bien de la République ni pour le bien des citoyens.\
Donc, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, Monsieur le Président du Sénat, qui est également indispensable pour ce type de réformes, je ne vous demande pas de faire une VIème République, ni une énième Constitution, mais je vous demande de parvenir à un accord suffisant, pour que le Parlement retrouve son droit de contrôle, j'allais dire sans limite. Et cette limite est souvent procédurière ou procédurale. Il faut que vous refusiez le pouvoir gouvernemental qui, par la procédure, vous interdit en réalité de débattre de ce dont vous voulez débattre, et de pouvoir aller jusqu'au terme de votre débat. C'est vrai que c'était beaucoup plus distrayant lorsque l'on pouvait renverser les gouvernements ! Cela m'est arrivé deux fois et j'en garde un souvenir qui n'a rien d'amer, croyez-le ! Et de cela, a procédé le goût de dissoudre les assemblées, ça m'est arrivé également deux fois ! Il y a un goût de destruction dans l'homme... Surtout si l'on trouve que c'est juste de démolir ce qui ne va pas. Mais, attention à la contagion. Il faut faire très attention au fait que les institutions ont besoin de stabilité et vous n'y arriverez que par votre adhésion commune aux propositions qui vous seront faites et parmi lesquelles vous ferez votre tri, de propositions d'ensemble, globales, qui permettront de retoucher chaque pan de la Constitution selon votre décision. Etant entendu qu'il y a une règle : c'est que c'est le gouvernement qui gouverne, ce sont les assemblées qui légifèrent et que quand même, depuis 1958 - c'est surtout ce que j'en ai retenu - c'est le Président qui préside ! Mais présider ne veut pas dire se mêler de tout. On m'en a fait quelque fois le reproche, croyez-moi par rapport à mes trois devanciers, je suis un mauvais élève !
- Si j'avais le temps et le goût d'écrire, mais je ne le ferai pas, un texte de droit comparé entre les pouvoirs exercés par mes trois prédécesseurs et par moi-même, on verrait la différence ! Je craindrais même un peu le jugement de la postérité qui pourrait penser que j'ai affadi ou affaibli les règles strictes de la Vème République ! Si on disait cela de moi, de façon posthume, je m'en réjouirais là où je serais. C'est qu'il faut en effet rendre au Parlement son droit et ce sera la première façon de défendre la République. Ce sera la meilleure façon de donner à l'exécutif son plein droit, car ce dont il dispose, l'exécutif, il doit pouvoir en disposer pleinement. N'essayez pas de lui "chipoter" son rôle ou bien alors il n'y a plus de gouvernement de la France, et il n'y a plus d'Etat. Je m'inquiète tous les jours de voir de quelle façon, dans nos gouvernements et dans nos assemblées, on voit se dissoudre peu à peu l'autorité de l'Etat. Autant j'ai voulu décentraliser, autant je reste fidèle à la notion qu'il n'y a pas de République sans Etat. Et l'Etat doit être respecté dans ses personnes et doit être respecté dans ses institutions.\
Donc, les réformes que je vous demande ne sont pas des réformes qui tendent à détruire les organes essentiels de la République : la présidence, le gouvernement, le Parlement, les pouvoirs de la justice, la liberté de la presse, le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de la magistrature et tout le reste... Tout ceci, est, finalement, un ensemble assez harmonieux, à la condition que la victime, de l'ensemble de ces propositions, ne soit pas le Parlement, qui finirait par envoyer dans ses deux assemblées, un millier de personnes qui ne serviraient à rien. Ce qui est parfois le sentiment que j'ai de là où je suis. Pardonnez-moi de vous dire que c'est parfois le cas. Ils ne servent pas à grand chose, du moins pas autant qu'ils le devaient.
- S'il y avait des coups à donner pour que la France prenne de bonnes directions, ces coups sont parfois donnés dans la direction du gouvernement. Le gouvernement n'est pas infaillible : il faut le lui dire ! Mais il y a une sorte de lien naturel qui s'établit entre la majorité et le gouvernement. Le gouvernement dépend de la majorité. J'ai lu, quelque part, qu'il faudrait, parmi les réformes prochaines, permettre au chef du gouvernement de rester au pouvoir, même si le Président de la République le priait de s'en aller, alors qu'il disposerait de la majorité à l'Assemblée nationale. Mais c'est déjà le cas ! On invente des constitutions chaque matin en se réveillant. Je ne pourrais pas - je n'ai d'ailleurs pas l'intention de renvoyer le gouvernement - il ne reste pas beaucoup de temps devant nous ! - et si ce gouvernement gardait la confiance des chambres, c'est la question qui se poserait aujourd'hui d'ailleurs, le président ne pourrait pas le faire. C'est l'assemblée qui continue de pouvoir maintenir en place un gouvernement choisi par le Président de la République. Et même cela a disparu de nos mémoires, au point que certains juristes viennent de nous le rappeler dans plusieurs articles qui ont été lus avec le plus grand sérieux, au lieu d'être reçus par d'énormes éclats de rire ! C'est dire - non pas l'abaissement le terme serait excessif, - je suis trop ancien parlementaire pour employer ce terme - mais le déclin du Parlement. Et je voudrais que ce déclin fût réparé. Une réunion comme celle-ci, je l'espère, vous y aidera. En tout cas, elle vous apporte le témoignage d'un Président de la République qui n'a plus devant lui qu'un mois, et même moins, d'exercice, qui tente et tentera de tirer la leçon de son expérience. Le Président doit présider et il ne doit pas tout faire. La tentation existe mais il est difficile d'y succomber, croyez-moi ! Le Parlement doit légiférer : est-ce qu'il en a tellement envie ? Il faut que ceux qui le représentent n'hésitent pas à le dire très haut. Il faut que le gouvernement gouverne. Déjà, des systèmes qui ont été mis en place depuis quelques années, donnent au gouvernement plus de pouvoir, dans les faits, qu'il n'en a eu au cours des années précédentes, et tout cela a besoin d'être déterminé d'une façon plus claire. C'est le travail que je vous propose, Mesdames et messieurs.\