23 novembre 1994 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la mémoire des soldats de la 2e DB du général Leclerc sur la libération de l'Alsace, Strasbourg le 23 novembre 1994.
Mesdames, messieurs,
- "Honorons leur mémoire" : c'est sur ces mots, que vous venez d'entendre, que se termine l'ordre du jour adressé par le Général Leclerc le 23 novembre 1944 aux officiers, sous-officiers et soldats de la 2ème DB.
- C'est d'abord pour honorer la mémoire de ceux qui sont tombés au combat, pour leur exprimer solennellement la reconnaissance de la Nation, que nous sommes présents tous ici sur cette place, en ce jour anniversaire de la libération de Strasbourg.
- Notre pensée va aux hommes de la division Leclerc, naturellement, qui n'ont voulu laisser à nul autre la gloire d'entrer en libérateurs à Strasbourg, comme ils étaient entrés en libérateurs à Paris, deux villes, entre toutes, chargées d'histoire et riches de symboles. Elle va à ceux qui se sont battus pour la libération de l'Alsace : à nos amis américains du 15ème corps, dont les divisions d'infanterie épaulaient l'avance de la 2ème DB, aux maquisards alsaciens, qui les ont éclairés, à la 1ère armée française, qui livrait encore de sanglants combats, non loin d'ici, lorsque les Alliés firent leur entrée à Strasbourg. Et comment ne pas songer aux souffrances, aux tragédies qu'ont vécues nos compatriotes des départements du Rhin et de la Moselle ? Certes, l'occupation ennemie n'a finalement épargné personne £ elle a été partout une douloureuse épreuve. Mais ici, en Alsace annexée, c'était aussi s'en prendre aux âmes, comme aux corps, quand était niée une identité qui n'a cessé de s'affirmer depuis trois siècles.
- Comment ne pas évoquer le sort des "malgré nous", celui des insoumis, des déserteurs, exposés au châtiment suprême ? Celui de ces patriotes réfractaires à l'annexion de fait : familles chassées de leurs foyers, dispersées ou transférées en territoire allemand, parfois incarcérées dans des camps spéciaux ? Dans ces conditions particulièrement dures, l'Alsace que je salue en cet instant, a résisté les armes à la main. Qui peut ignorer l'action des maquis des Vosges ? Qui ne connaît l'épopée des FFI du Commandant François ? Et je pense à l'odyssée de ces quinze cents Alsaciens et Lorrains enrôlés de force, faits prisonniers sur le front russe et ramenés en Afrique, où ils ont rejoint les unités de la France combattante, quelques centaines d'entre eux dans les commandos qui ont été le fer de lance de la 1ère Armée.\
"Honorons les". On n'en finirait pas de citer ces témoignages de bravoure et de fidélité, qui donnent tout leur sens aux manifestations d'enthousiasme qui ont accueilli l'entrée de Leclerc à Strasbourg, comme elles avaient accueilli 24 ans plus tôt, presque jour pour jour, l'entrée à Strasbourg du Général Gouraud. A un quart de siècle de distance, ce furent les retrouvailles de Strasbourg avec la patrie et avec la liberté.
- C'est dans cet attachement qu'est la tradition de votre ville £ c'est là qu'est sa vocation. Ville libre depuis la fin de l'Empire de Charlemagne, ville française depuis 300 ans, cette ville déjà du temps des Romains n'avait jamais cessé d'être un lieu de rencontre entre les civilisations d'en-deçà et d'au-delà du Rhin. C'est ici qu'ont été souscrits les fameux serments des fils de Louis le débonnaire, dont la formulation bilingue est l'acte de naissance de la langue française et de la langue allemande £ c'est ici qu'un humaniste allemand, professeur au Collège de France, a fondé l'une des universités les plus illustres d'Europe, où, 200 ans plus tard, Goethe, Herder et beaucoup d'autres se sont à la fois initiés à la culture française et formés à l'esprit européen. C'est ici, enfin, tout naturellement, que la France a accueilli sur son sol le Conseil de l'Europe et le Parlement européen. C'est ici que s'est faite, de la manière la plus quotidienne et la plus solennelle, la réconciliation des peuples ennemis.
- Strasbourg a retrouvé le même jour une histoire glorieuse et un grand avenir. Cela se passait le 23 novembre 1944 £ cela n'a pu se faire que par le courage et l'opiniâtreté de l'Alsace et de ses libérateurs. Je leur adresse, je vous adresse, au nom de la République, le même témoignage de gratitude pour ce qu'ils ont fait et d'espérance pour ce qu'ils ont permis.\
- "Honorons leur mémoire" : c'est sur ces mots, que vous venez d'entendre, que se termine l'ordre du jour adressé par le Général Leclerc le 23 novembre 1944 aux officiers, sous-officiers et soldats de la 2ème DB.
- C'est d'abord pour honorer la mémoire de ceux qui sont tombés au combat, pour leur exprimer solennellement la reconnaissance de la Nation, que nous sommes présents tous ici sur cette place, en ce jour anniversaire de la libération de Strasbourg.
- Notre pensée va aux hommes de la division Leclerc, naturellement, qui n'ont voulu laisser à nul autre la gloire d'entrer en libérateurs à Strasbourg, comme ils étaient entrés en libérateurs à Paris, deux villes, entre toutes, chargées d'histoire et riches de symboles. Elle va à ceux qui se sont battus pour la libération de l'Alsace : à nos amis américains du 15ème corps, dont les divisions d'infanterie épaulaient l'avance de la 2ème DB, aux maquisards alsaciens, qui les ont éclairés, à la 1ère armée française, qui livrait encore de sanglants combats, non loin d'ici, lorsque les Alliés firent leur entrée à Strasbourg. Et comment ne pas songer aux souffrances, aux tragédies qu'ont vécues nos compatriotes des départements du Rhin et de la Moselle ? Certes, l'occupation ennemie n'a finalement épargné personne £ elle a été partout une douloureuse épreuve. Mais ici, en Alsace annexée, c'était aussi s'en prendre aux âmes, comme aux corps, quand était niée une identité qui n'a cessé de s'affirmer depuis trois siècles.
- Comment ne pas évoquer le sort des "malgré nous", celui des insoumis, des déserteurs, exposés au châtiment suprême ? Celui de ces patriotes réfractaires à l'annexion de fait : familles chassées de leurs foyers, dispersées ou transférées en territoire allemand, parfois incarcérées dans des camps spéciaux ? Dans ces conditions particulièrement dures, l'Alsace que je salue en cet instant, a résisté les armes à la main. Qui peut ignorer l'action des maquis des Vosges ? Qui ne connaît l'épopée des FFI du Commandant François ? Et je pense à l'odyssée de ces quinze cents Alsaciens et Lorrains enrôlés de force, faits prisonniers sur le front russe et ramenés en Afrique, où ils ont rejoint les unités de la France combattante, quelques centaines d'entre eux dans les commandos qui ont été le fer de lance de la 1ère Armée.\
"Honorons les". On n'en finirait pas de citer ces témoignages de bravoure et de fidélité, qui donnent tout leur sens aux manifestations d'enthousiasme qui ont accueilli l'entrée de Leclerc à Strasbourg, comme elles avaient accueilli 24 ans plus tôt, presque jour pour jour, l'entrée à Strasbourg du Général Gouraud. A un quart de siècle de distance, ce furent les retrouvailles de Strasbourg avec la patrie et avec la liberté.
- C'est dans cet attachement qu'est la tradition de votre ville £ c'est là qu'est sa vocation. Ville libre depuis la fin de l'Empire de Charlemagne, ville française depuis 300 ans, cette ville déjà du temps des Romains n'avait jamais cessé d'être un lieu de rencontre entre les civilisations d'en-deçà et d'au-delà du Rhin. C'est ici qu'ont été souscrits les fameux serments des fils de Louis le débonnaire, dont la formulation bilingue est l'acte de naissance de la langue française et de la langue allemande £ c'est ici qu'un humaniste allemand, professeur au Collège de France, a fondé l'une des universités les plus illustres d'Europe, où, 200 ans plus tard, Goethe, Herder et beaucoup d'autres se sont à la fois initiés à la culture française et formés à l'esprit européen. C'est ici, enfin, tout naturellement, que la France a accueilli sur son sol le Conseil de l'Europe et le Parlement européen. C'est ici que s'est faite, de la manière la plus quotidienne et la plus solennelle, la réconciliation des peuples ennemis.
- Strasbourg a retrouvé le même jour une histoire glorieuse et un grand avenir. Cela se passait le 23 novembre 1944 £ cela n'a pu se faire que par le courage et l'opiniâtreté de l'Alsace et de ses libérateurs. Je leur adresse, je vous adresse, au nom de la République, le même témoignage de gratitude pour ce qu'ils ont fait et d'espérance pour ce qu'ils ont permis.\