19 novembre 1994 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République et John Major, Premier ministre de Grande-Bretagne, sur la poursuite de la construction européenne, la coopération militaire franco-britannique et la décision américaine de lever l'embargo sur les armes en Bosnie, Chartres le 19 novembre 1994.

Nous allons commencer par vous donner quelques éléments de conclusion qui seront complétés par M. le Premier ministre du Royaume-Uni, il s'agissait du 17ème Sommet franco-britannique. Ce Sommet de Chartres a été essentiellement axé autour de certaines questions européennes importantes, de quelques grands problèmes internationaux et sur des questions de défense. Ce que je vous dis là n'est pas exhaustif.
- Sur les questions européennes, ont été passés en revue les grands dossiers actuels : la préparation du Conseil européen d'Essen ainsi que les orientations de la prochaine présidence française. Les travaux ont déjà été engagés, une réflexion approfondie a été menée, les représentants du Premier ministre et les miens ont beaucoup débattu de ces choses, nous sommes donc tout à fait prêts à aborder la phase qui commencera le 1er janvier prochain et nous estimions indispensable d'en informer notre partenaire britannique, qui au demeurant, a ajouté ses propres suggestions.
- Nous avons évoqué également la préparation de la Conférence inter-gouvernementale de 1996, rendez-vous d'une importance capitale mais dont la préparation a été ici ou là retardée par une série d'événements de politique intérieure.
- Nous avons parlé des futurs élargissements de l'Union. Je crois que nous sommes tombés d'accord pour estimer que l'Urgence, monsieur le Premier ministre, était de consolider les acquis ce qui ne veut pas dire que nous refusions d'examiner l'évolution du texte ou des pratiques chaque fois que cela est nécessaire mais ce serait commettre une erreur que de vouloir avancer sans avoir assuré les positions précédentes. Enfin, nous en sommes là et nous restons très ouverts aux suggestions de nos partenaires.
- Sur les questions internationales, l'essentiel des discussions a porté sur la Bosnie. Je suppose que vous poserez des questions sur ce sujet je réserve donc mes explications pour tout à l'heure.\
Sur les questions de défense, d'abord la mise au net d'une décision que je crois très significative et très riche d'avenir sur la création d'un groupe aérien, européen franco-britannique. L'objectif recherché est d'entraîner, de préparer nos forces aériennes à travailler ensemble particulièrememnt dans des opérations humanitaires, des opérations de maintien et de rétablissement de la paix comme on a pu en identifier dans la déclaration de l'Union européenne occidentale à Petersberg. Je crois que ce projet répond à notre souci de faire avancer d'une façon pragmatique l'Europe de la défense. L'Etat major de cette force aérienne sera implanté en Grande-Bretagne à High Wycombe. Le premier commandant de ce groupe sera un officier général français à qui succédera un britannique.
- Un autre sujet a porté sur la prévention et la résolution des conflits en Afrique. J'ai pu observer avec satisfaction, monsieur le Premier ministre, en cette circonstance que nous étions très légèrement sortis des directives du Colonial Office et du ministère des colonies françaises aux alentours de 1904. Le progrès me paraît net, peut-être un peu tardif ! Il a été décidé de poursuivre l'étude d'une contribution des deux pays aux efforts de diplomatie préventive, d'apporter un soutien en matière de formation et de logistique aux Etats africains, qui, dans le cadre d'actions menées notamment par l'OUA, sur mandat des Nations unies, en formuleraient la demande. Nous sortons nous-mêmes d'une réunion avec nos partenaires africains et je suis très heureux de voir l'évolution de la coopération entre nos deux pays dont l'expérience est très grande en la matière.
- En matière d'armement, vous êtes déjà au courant du projet de frégate tripartite Italie, Angleterre, France que l'on appelle aussi projet "Horizon". Il se développe d'une façon qui n'est pas du tout négligeable, c'est donc très satisfaisant.
- Quant à l'avion de transport militaire futur, (à longue distance en particulier, il faut développer les capacités européennes de transport) il fait l'objet d'un projet auquel sont déjà associés plusieurs autres pays, je citerai l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Il a été convenu de créer un groupe d'études chargé d'examiner spécifiquement la participation du Royaume-Uni à ce projet et je veux insister devant nos collègues et amis britanniques sur l'importance que nous-mêmes portons à ce projet.
- Sur le plan nucléaire, nous avons réaffirmé notre volonté de renforcer la coopération entre nos deux puissances et je compte bien moi-même assister encore au développement d'une coopération qui servira de base croyez-moi à la sécurité européenne. Imaginer cette sécurité sans l'appui de la force nucléaire serait illusoire. La dissuasion nucléaire reste un élément essentiel de nos politiques de défense et, plus ces politiques de défense seront une politique de défense, mieux cela vaudra.\
Sur le plan de l'économie et des finances : confirmation de la reprise économique. Il a paru également nécessaire d'insister sur la mise en oeuvre des mesures décidées à Naples sur la dette des pays les plus pauvres, ainsi que sur l'importance, puisqu'il en est question curieusement, de la ratification des accords sur le GATT. Ce n'est pas que nous en soyons devenus les spectateurs les plus enthousiastes ! Mais ce qui est fait, est fait. Et la diplomatie a consacré assez de temps et de peine à l'aboutissement des accords passés pour qu'il soit inutile d'y revenir. Je crois que c'est dans l'intérêt de tous.
- Voilà les quelques remarques que je pouvais faire avant de demander à M. Major et à M. le Premier ministre français, s'ils souhaitent ajouter quelques mots qui complèteront ce rapide tour d'horizon.\
M. MAJOR.- Je crois que ce sera tout à fait apparent par ce que vient de vous dire M. le Président de la République, que nous avons eu un sommet extrêmement constructif, non seulement de par les discussions que nous avons eu la chance d'avoir avec le Président lui-même et le Premier ministre, mais aussi que mes différents collègues ont eues avec leurs homologues français. Je dois dire que je suis extrêmement reconnaissant au Président de la République, au Premier ministre, à tous les ministres et à la population de Chartres de nous avoir si bien reçus ici pour ce Sommet qui a été extrêmement utile. Laissez-moi reprendre maintenant quelques points qui viennent d'être mentionnés par le Président de la République.
- Ce qui apparaît très clairement aujourd'hui, c'est que les intérêts de la Grande-Bretagne et de la France semblent tout à fait coïncider dans un grand nombre de domaines.
- Nous nous sommes mis d'accord aujourd'hui sur la constitution d'un groupe aérien européen franco-britannique. Je crois que c'est le terme d'une longue évolution de nos travaux respectifs. Ce groupe sera situé à High Wycombe, le commandant en chef sera un général français qui alternera avec un général britannique. Tout ceci permettra, bien sûr, d'accroître encore notre force militaire et pourra constituer également des forces qui nous permettront de mettre en oeuvre des actions humanitaires ou de maintien de la paix de façon beaucoup plus efficace. Nous nous sommes mis d'accord pour travailler de façon plus étroite dans certains domaines comme ceux où nous avons un intérêt commun, notamment le maintien de la paix en Afrique.
- Nous avons également abordé un certain nombre de points d'ordre militaire, notamment en ce qui concerne l'avion de transport militaire. J'ai expliqué à nos homologues qu'en fait, pour la Grande-Bretagne, nous avions deux domaines très importants : d'abord, notre flotte Hercule qui est actuellement en train d'arriver au terme de son existence. Donc, il s'agit de savoir si maintenant nous devons essayer de garder cette flotte d'avions. Ensuite, il y a nos besoins à plus long terme qu'il faut prendre en compte. Donc, nous aimerions voir si notre coopération en ce domaine pourrait nous permettre de répondre à ce besoin à plus long terme, et nos ministres se sont mis d'accord aujourd'hui pour dire qu'un groupe d'experts de nos deux gouvernements se constituera en groupe de travail pour examiner la collaboration franco-britannique pour la mise au point d'un tel appareil à l'avenir. Je crois que c'est extrêmement important de voir dans quelle mesure nos besoins tant économiques que militaires coïncident et dans quelle mesure nous pouvons arriver à un accord bilatéral dans ce domaine bien précis.
- Dans les discussions très approfondies que nous avons eues sur l'Europe, il y a une priorité extrêmement importante pour la Grande-Bretagne, et j'ai été ravi de constater que cette préoccupation était tout à fait partagée par la France. Je fais allusion à la nécessité impérieuse de remédier à la fraude qui a été mentionnée et rapportée justement par la cour des comptes européenne tout à fait récemment.\
LE PRESIDENT.- Nous allons maintenant procéder à la traditionnelle partie de questions et de réponses. Avant, je ne voudrais pas omettre les remerciements que je dois à la délégation britannique et particulièrement au Premier ministre M. John Major pour la manière dont ils ont abordé ces conversations franco-britanniques, où j'ai retrouvé le meilleur climat que nous ayons connu au travers de ces dernières années avec une véritable volonté d'aboutir, qu'ils en soient remerciés. Je voudrais ajouter aussi un mot pour dire que l'accueil de Chartres, de son maire M. Georges Lemoine, de M. le Préfet d'Eure-et-Loir, a donné à cette réunion un contexte, qui en dépit du temps maussade, a été particulièrement agréable. Que tous sachent que notre gratitude leur est acquise.\
QUESTION.- Monsieur le Président, j'aimerais vous poser une question à propos de la Bosnie. Après le retrait américain du dispositif de surveillance de l'embargo, il semble maintenant que les Américains vont s'engager militairement en livrant des armes aux Bosniaques, est-ce que vous pensez que la diplomatie classique peut encore les en dissuader ou est-ce que vous pensez qu'il faut maintenant très clairement poser le problème de la participation des forces françaises à la Forpronu ?
- LE PRESIDENT.- Ce problème est posé. Peut-être allez-vous plus vite que les faits, car s'il est exact que les Américains ont annoncé leur volonté de changer de ligne dans l'affaire bosniaque en allant vers la rupture de l'embargo, je ne suis pas certain qu'ils passent à la livraison des armes. Je ne sais pas si ce sera avoué, cela n'aura même peut-être pas lieu du tout. Mais, il m'est très difficile de raisonner avec vous sur une information que j'ignore, il y a à l'heure actuelle une curieuse ambiguïté qui se développe entre la réalité des forces américaines en tant qu'américaines et des mêmes forces américaines en tant que membres de l'OTAN et donc à la disposition des Nations unies. Ce dédoublement sera-t-il durable ? Je n'en sais rien.
- M. MAJOR.- Comme le Président vous l'a dit, une partie de cette question est basée sur des informations que nous n'avons pas encore reçues. Il est certain que nous ne sommes pas en faveur de la levée de cet embargo sur les armements, c'est vraiment la dernière chose que nous ferons et nous espérons que nous n'aurons pas à arriver à cette situation. Nous sommes en Bosnie, tout comme la France et d'autres pour effectuer une certaine tâche, c'est-à-dire escorter l'aide humanitaire et nous espérons que nous pourrons continuer à faire ce travail d'une façon utile sans prendre des risques inutiles.
- En ce qui concerne la levée de l'embargo, la logique est qu'il y aurait plus de conflits et donc plus de souffrance par la suite. Nous pensons que ce n'est que par la négociation que nous arriverons à un règlement et si nous levons l'embargo, se produirait la situation que nous venons juste de décrire et nous espérons donc ne pas y arriver.
- LE PRESIDENT.- Je ne peux que confirmer ce qui vient d'être dit : la France est tout à fait hostile - M. le ministre des affaires étrangères s'est exprimé à ce sujet - à la levée de l'embargo. C'est difficile d'annoncer des conclusions de décisions dont nous ne connaissons pas l'ampleur, mais il est certain que le problème de la présence française au sein des forces internationales se poserait par voie de conséquence. Nous souhaitons le maintien de la présence des forces françaises au sein des forces internationales, je ne sais pas dans quelles conditions, nous aurons l'occasion d'en reparler.\
QUESTION.- Est-ce que finalement, avec les informations dont vous disposez aujourd'hui vous n'êtes pas arrivés à la conclusion que vous n'allez pas tenir très longtemps face à la décision américaine et est-ce que vous allez prendre la responsabilité de garder vos compatriotes là-bas si la situation continue et si ils risquent de se trouver entre deux feux ?
- LE PRESIDENT.- Est-ce que l'on tiendra très longtemps ? Notre décision à nous, Français est de ne pas laisser nos soldats entre les deux feux dont vous parlez. Cela pose une infinité de questions, d'abord de principe, est-ce que cette situation va se produire ? Deuxièmement, si elle se produisait les implications logistiques et techniques seraient considérables. Mais enfin puisque nous parlons ici politique et en même temps choix militaire, il est certain que cela ne nous paraît pas compatible, d'une part on encouragerait les belligérants à intensifier leurs combats et d'autre part nous nous placerions entre eux, comme une force de paix qui deviendrait fictive. Que tout cela ne fasse pas oublier la réponse qui a déjà été donnée en notre nom par M. John Major, la seule réponse à tout cet imbroglio qui dure depuis si longtemps, c'est la négociation, et nous ne sommes pas sortis de ce postulat.
- QUESTION.- Puis-je vous demander quelle est la pression que vous comptez exercer sur le Président Clinton et sur le nouveau Congrès américain ?
- M. MAJOR.- Ce n'est pas une nouvelle position que la Grande-Bretagne a prise en ce qui concerne le refus de lever l'embargo. C'est une position que les Etats-Unis connaissent depuis longtemps et comme je l'ai déjà dit pour les raisons que j'ai énoncées, nous avons l'intention de maintenir cette position. Nous envoyons nos troupes en Bosnie pour jouer un rôle bien particulier. Il ne faut pas oublier quelles auraient été les difficultés, si les troupes françaises et britanniques n'avaient pas été en Bosnie au cours de ces deux ou trois dernières années. Il est bien sûr difficile de mesurer le nombre de vies que nous avons réussi à sauver, dans le cadre des forces de protection de l'ONU. Je crois que c'est quelque chose qu'il faut bien prendre en compte. Il faut bien sûr considérer la sécurité des troupes, leurs capacité à jouer leur rôle à l'avenir. Il faut continuer à maintenir notre position, l'expliquer dans des négociations avec les Etats-Unis, de façon à ce que nous arrivions à éviter de nous trouver dans cette situation. Nous ferons tout pour défendre notre position.
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas de divergence d'interprétation entre les Britanniques et les Français, il y a un degré d'information qui a besoin d'être approfondi. Il est certain qu'il est plus facile aux Américains de retirer leurs troupes de Bosnie que nous, puisqu'ils n'en ont pas.\
QUESTION.- Etant donné les incertitudes concernant le rôle futur des Etats-Unis au sein de l'OTAN, pensez-vous qu'il est temps de prendre des mesures urgentes, afin de développer une identité européenne dans le domaine de la défense avant 1996 ? Sous quelle forme ? Avez-vous moins de réserves sur cette dimension de la défense européenne, que sur celle de l'unité sociale ?
- M. MAJOR.- Les incertitudes quant à la position américaine sur l'OTAN ? Eh bien je ne crois pas qu'il y ait d'incertitude sur la position américaine au sujet de l'OTAN. L'OTAN reste le pilier de notre défense de l'Occident. L'année dernière le Président Clinton a réaffirmé sa détermination d'assurer la présence de contingents américains sur le continent européen. Donc, je pense qu'il ne faut absolument pas remettre en cause cette permanence de l'OTAN et l'importance de l'OTAN. Je crois que c'est absolument fondamental, pour l'avenir de la défense de l'Occident et je crois que rien ne peut ébranler cette conviction. L'OTAN doit bien sûr trouver une possibilité de collaborer avec ses autres alliés, c'est ce que nous avons fait en Bosnie, que peut-être nous serons appelés à refaire dans l'avenir, dans les domaines du maintien de la paix et de l'aide humanitaire. C'est ce qui est sous-jacent à la décision que nous avons prise aujourd'hui, de créer cette structure conjointe dont nous avons parlé. Il ne s'agit pas d'un jeu pour lequel nous partions de zéro, il s'agit d'une coopération qui existe déjà et qu'il s'agit de renforcer encore et qui ne nous éloigne pas de l'engagement que nous avons pris vis-à-vis de l'OTAN.\
QUESTION.- Est-ce que vos points de vue sont proches quant à l'avenir des institutions européennes qui sera discuté lors de la conférence intergouvernementale de 1996 ?
- Pensez-vous qu'il faudrait élaborer un nouveau pacte pour l'Europe ou bien est-ce qu'il faudrait tout simplement redire ce qui a été dit à Maastricht ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que redire ce qui a été dit à Maastricht ne signifierait pas grand-chose, il faut surtout le faire. Je pense que s'assurer de la réalisation de ce qui a été décidé il n'y a pas longtemps et ratifié il y a très peu de temps, passe avant de nouvelles initiatives. Cela dit, toute nouvelle initiative intelligente sera reçue avec plaisir par la France, mais, dans l'ordre de priorité que je viens d'indiquer.
- M. MAJOR.- Je suis tout à fait d'accord avec cela. Le Président l'a déjà dit dans ses remarques tout à l'heure, ce qu'il faut c'est consolider ce qui a été déjà décidé à Maastricht. Je sais que certaines personnes pensent comme l'ont dit les Chinois que 1996 pourrait être "un grand bond en avant". Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un grand bon en avant et je ne crois pas qu'aucun gouvernement européen pense de cette façon.
- LE PRESIDENT.- Cela serait un très grand bond en avant que de faire ce que l'on dit !\
QUESTION.- Est-ce que vous ne pensez pas que vos opinions publiques vont être étonnées que le Président Clinton ait pris une telle décision sans vous en informer d'une manière ou d'une autre à partir du moment où vous êtes souvent en contact acec lui, que c'est un allié privilégié et que les Etats-Unis font partie du groupe de contact ou alors expliqueriez-vous uniquement cette décision par des problèmes de politique intérieure américaine ?
- LE PRESIDENT.- Vous en savez autant que moi, peut-être plus, sur les problèmes de politique intérieure américaine. Il est certain que M. Clinton se trouve devant une situation nouvelle en face d'un Congrès qui n'a pas dissimulé ses intentions sur le problème bosniaque. Je pense donc que les deux choses ne peuvent pas être isolées l'une de l'autre. Dire que l'on n'était pas prévenu, c'est difficile, cela fait déjà des mois, peut-être des années que ce débat a lieu. Je pense que notre Quai d'Orsay n'a eu aucune surprise en apprenant les décisions prises à Washington. Seulement, c'est vrai qu'un tour nouveau a été pris, qui m'apparaît comme excessivement brutal, c'est un virage dangereux et ce n'est pas un virage décidé de façon collective. Bon, les choses sont comme cela. Je vous réponds aussi clairement que vous me questionnez.
- M. MAJOR.- Pour le moment, cette question se base sur des hypothèses qui ne constituent pas encore la réalité. Donc, je pense que la relation et les consultations entre les Etats-Unis et ses partenaires de l'Europe de l'Ouest sont encore très bonnes et qu'elles resteront très bonnes à l'avenir. Je crois très sincèrement qu'on a peut-être trop parlé de ce problème bien particulier. Des travaux se poursuivent, il y a onze pays qui actuellement sont en jeu, et les décisions prises par les Etats-Unis, en fait je crois, ont été un petit peu exagérées, à mon avis. Je ne crois pas que cela va réellement affecter de façon dramatique la situation.\
QUESTION.- Est-ce que les annonces qui ont été faites aujourd'hui, concernant la coopération en matière de défense sont bilatérales dans des domaines bien particulier sans plus ou est-ce qu'il s'agit du fondement même d'une force européenne de défense beaucoup plus forte à l'avenir ?
- M. MAJOR.- Il faut savoir que la coopération en matière de défense, entre la France et la Grande-Bretagne est importante depuis déjà longtemps, nous avons déjà collaboré en matière de défense avec la France, peut-être beaucoup plus que d'autres pays et cela depuis longtemps. Il s'agit d'une évolution effectivement importante aujourd'hui mais je crois qu'il ne faut pas en tirer la conclusion que tout d'un coup nous allons nous lancer dans quelque chose de nouveau. Cet avion dont nous avons parlé, c'est l'aboutissement de négociations que nous avons menées depuis longtemps, comme l'a dit le Président de la République c'est quelque chose de très positif. La constitution de ce groupe aérien est un développement tout à fait rationnel sur la base de la coopération que nous avons eue par le passé. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une innovation surprenante, non. C'est simplement un nouvel exemple de coopération en matière de défense qui pourra continuer à l'avenir.
- LE PRESIDENT.- J'ai précisé à cet égard, que, nombreux parmi ces projets sont ceux qui ont déjà l'aval de plusieurs pays européens. Donc, ce n'est pas une démarche spécifiquement franco-britannique en tout domaine. En revanche, c'est une démarche franco-britannique particulière, nous avons bien le droit de le faire, en souhaitant, c'est mon cas, que cela serve la défense européenne.\
QUESTIONS.- Monsieur le Président, je vais faire un petit détour par la politique intérieure qui peut intéresser d'ailleurs votre interlocuteur britannique. Dans le débat politique intérieur français, un dirigeant bien connu a proposé un nouveau référendum avant le passage à l'Union économique et monétaire en 1997, je voudrais connaître votre sentiment sur ce point là.
- LE PRESIDENT.- ... Mon avis à moi ?
- QUESTION.- Et éventuellement celui du Premier ministre britannique, qui peut être intéressant aussi.
- LE PRESIDENT.- Mais pas celui du Premier ministre français ?
- QUESTION.- Ah !... Mais à tous les trois si vous le souhaitez.
- LE PRESIDENT.- Non ? Il vaut mieux être clair ! M. Major ?
- M. MAJOR.- Je ne me permettrai certainement pas de faire des commentaires sur la politique intérieure française. Mais vous avez bien essayé, bravo !
- LE PRESIDENT.- En tout cas, le référendum il ne faut pas en abuser ! Quant à celui-là spécialement, il concerne une décision prise par le peuple français lui-même, je ne pense pas que la discussion soit ouverte mais, comme cela regarde un futur assez lointain, je me garde de me mêler de ces débats !\