6 juin 1994 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le rôle des alliés et spécialement des SAS pendant le débarquement allié en Normandie et celui de la Résistance à l'intérieur du pays, Ouistreham le 6 juin 1994.
Mesdames,
- Messieurs,
- La ville de Ouistreham a été libérée dès le 6 juin 1944 - et nombre d'entre vous y sont pour beaucoup -, à l'issue des violents combats auxquels les éléments français du 4ème commando britannique ont pris la part que vous savez. J'ai tenu à venir aujourd'hui ou plutôt à revenir, dix ans après, pour rendre un hommage très particulier à ceux de nos compatriotes qui ont participé au débarquement ou dont l'action sur les arrières de l'ennemi, en a favorisé le succès. Ce que je vais vous dire, beaucoup d'entre vous l'ont vécu, ils me pardonneront de le leur rappeler, mais les générations nouvelles ont besoin de savoir.
- A la date du débarquement, les forces françaises terrestres étaient constituées, pour l'essentiel, par la 1ère armée, qui se couvrait de gloire en Italie avant de débarquer en Provence, et par la 2ème DB, qui attendait, sur le sol anglais, le moment d'intervenir en France avec d'autres unités du même type £ mais sur mer, dans les airs, les escadrilles françaises opérant avec la RAF étaient présentes dans les combats, comme étaient présents les bâtiments de guerre des Forces navales françaises libres et notamment, pour ne citer que ces deux-là, les croiseurs Georges Leygues et Montcalm.
- Ce qu'on sait moins bien et qui, pourtant, mérite d'être connu, c'est le rôle qu'ont joué, dans le débarquement relevant du commandement britannique, des unités d'élite composées de Français, je veux parler, d'une part, des 3ème et 4ème bataillons du Spécial Air Service (SAS), qui ont sauté sur la Bretagne le 5 juin, et, d'autre part, du 1er bataillon de fusiliers marins commando, qui opérait avec le 4ème commando de la 1ère brigade spéciale anglaise et qui débarqua, comme on vient de le dire, à l'aube du 6 juin, sur la plage de Riva-Bella.
- Les 450 parachutistes SAS avaient pour mission d'armer et d'encadrer la Résistance locale et de bloquer en Bretagne, par tous les moyens, les grandes unités allemandes qui s'y trouvaient, au total 150000 hommes. Au prix, on l'imagine, des pires difficultés et des plus grands sacrifices, cette mission a été remplie £ les unités ennemies stationnées en Bretagne n'ont pu rallier la Normandie en temps utile et n'ont pu, de ce fait, s'opposer au débarquement.
- Quant aux 177 hommes du bataillon Kieffer, elle-même formation d'élite patiemment constituée par son chef dès 1941, puis soumise à la rude école des commandos britanniques, ce n'est pas à Ouistreham que j'ai besoin de rappeler les exploits qu'ils ont accomplis dans cette journée avec leurs camarades anglais du 4ème commando et, les jours suivants, dans la bataille de Caen. Le souvenir des combats qu'ont livrés ces hommes est pieusement conservé dans votre ville et ceux des survivants qui sont ici savent qu'il ne se perdra pas. J'ai déjà eu l'honneur de les saluer il y a dix ans. Le commando Kieffer s'est véritablement inscrit dans l'histoire de notre pays.
- En rappelant son rôle et ceux des bataillons SAS, je ne prétends pas surestimer la part qu'ils ont prise dans le succès de l'opération Overlord, mais il suffit de se rappeler qu'ils étaient là, au premier rang des formations auxquelles incombaient les tâches les plus rudes, et qu'ils les ont exécutées sans égard pour les dangers auxquels ils s'exposaient ni pour les pertes qu'ils ont subies.\
D'un côté, donc, ces formations spécialement entraînées, mais de l'autre, qui pourrait taire la part prise par la Résistance et les maquis qui, le même jour, ont été appelés par le commandement interallié et par le Général Koenig à entrer en action sur l'ensemble du territoire français ? Que cette décision, qui mobilisait les maquis du Vercors, à 700 kilomètres de la côte normande, ceux d'Auvergne et ceux du Limousin, aussi bien que ceux qui opéraient à proximité de la ligne de front, ait eu, pour certains, des conséquences tragiques, nul ne l'ignore. Du moins ont-ils, par leur sacrifice, retenu l'ennemi sur l'ensemble de notre territoire, contrarié et retardé ses mouvements et soulagé d'autant l'effort de nos alliés.
- Et qui songerait à sous-estimer le rôle de la Résistance dans les chemins de fer, la "bataille du rail" sous tous ses aspects ? Destructions, sabotages exécutés par les cheminots eux-mêmes, transmission des informations nécessaires à l'efficacité des bombardements aériens, il fallait à tout prix désorganiser les transports de l'ennemi et cet objectif a été très largement atteint.
- Personne ne peut dire si l'action de la Résistance à partir du 6 juin fut l'équivalent de dix ou de vingt divisions. Cela n'a guère de sens ! Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'elle a contribué à annihiler toute vélléité d'intervenir en force dans les jours qui ont suivi le débarquement. Ces jours où rien n'était acquis, ou tout tenait encore à un fil.
- Voilà, mesdames et messieurs, ce que je tenais à rappeler ici en ces lieux marqués par la souffrance et par le sacrifice, non certes pour mesurer notre reconnaissance aux Alliés, elle leur est acquise, et depuis longtemps mais elle n'empêche pas de rappeler aujourd'hui que toutes les forces vives de la France, de la France combattante aux mouvements de résistance, aux réseaux, aux maquis, ont contribué il y a cinquante ans à la libération de la France et je me réjouis de voir tant de visages qui se sont illustrés dans ces jours difficiles, tant de courage assemblé, tant de témoins, qui ont le droit d'être fiers ! Ils représentent la France au premier rang £ et j'ai toujours pensé que c'était l'une des tâches dont je serai le plus fier que de pouvoir à mon tour, comme je le fais ce soir, les remercier au nom de la France.\
- Messieurs,
- La ville de Ouistreham a été libérée dès le 6 juin 1944 - et nombre d'entre vous y sont pour beaucoup -, à l'issue des violents combats auxquels les éléments français du 4ème commando britannique ont pris la part que vous savez. J'ai tenu à venir aujourd'hui ou plutôt à revenir, dix ans après, pour rendre un hommage très particulier à ceux de nos compatriotes qui ont participé au débarquement ou dont l'action sur les arrières de l'ennemi, en a favorisé le succès. Ce que je vais vous dire, beaucoup d'entre vous l'ont vécu, ils me pardonneront de le leur rappeler, mais les générations nouvelles ont besoin de savoir.
- A la date du débarquement, les forces françaises terrestres étaient constituées, pour l'essentiel, par la 1ère armée, qui se couvrait de gloire en Italie avant de débarquer en Provence, et par la 2ème DB, qui attendait, sur le sol anglais, le moment d'intervenir en France avec d'autres unités du même type £ mais sur mer, dans les airs, les escadrilles françaises opérant avec la RAF étaient présentes dans les combats, comme étaient présents les bâtiments de guerre des Forces navales françaises libres et notamment, pour ne citer que ces deux-là, les croiseurs Georges Leygues et Montcalm.
- Ce qu'on sait moins bien et qui, pourtant, mérite d'être connu, c'est le rôle qu'ont joué, dans le débarquement relevant du commandement britannique, des unités d'élite composées de Français, je veux parler, d'une part, des 3ème et 4ème bataillons du Spécial Air Service (SAS), qui ont sauté sur la Bretagne le 5 juin, et, d'autre part, du 1er bataillon de fusiliers marins commando, qui opérait avec le 4ème commando de la 1ère brigade spéciale anglaise et qui débarqua, comme on vient de le dire, à l'aube du 6 juin, sur la plage de Riva-Bella.
- Les 450 parachutistes SAS avaient pour mission d'armer et d'encadrer la Résistance locale et de bloquer en Bretagne, par tous les moyens, les grandes unités allemandes qui s'y trouvaient, au total 150000 hommes. Au prix, on l'imagine, des pires difficultés et des plus grands sacrifices, cette mission a été remplie £ les unités ennemies stationnées en Bretagne n'ont pu rallier la Normandie en temps utile et n'ont pu, de ce fait, s'opposer au débarquement.
- Quant aux 177 hommes du bataillon Kieffer, elle-même formation d'élite patiemment constituée par son chef dès 1941, puis soumise à la rude école des commandos britanniques, ce n'est pas à Ouistreham que j'ai besoin de rappeler les exploits qu'ils ont accomplis dans cette journée avec leurs camarades anglais du 4ème commando et, les jours suivants, dans la bataille de Caen. Le souvenir des combats qu'ont livrés ces hommes est pieusement conservé dans votre ville et ceux des survivants qui sont ici savent qu'il ne se perdra pas. J'ai déjà eu l'honneur de les saluer il y a dix ans. Le commando Kieffer s'est véritablement inscrit dans l'histoire de notre pays.
- En rappelant son rôle et ceux des bataillons SAS, je ne prétends pas surestimer la part qu'ils ont prise dans le succès de l'opération Overlord, mais il suffit de se rappeler qu'ils étaient là, au premier rang des formations auxquelles incombaient les tâches les plus rudes, et qu'ils les ont exécutées sans égard pour les dangers auxquels ils s'exposaient ni pour les pertes qu'ils ont subies.\
D'un côté, donc, ces formations spécialement entraînées, mais de l'autre, qui pourrait taire la part prise par la Résistance et les maquis qui, le même jour, ont été appelés par le commandement interallié et par le Général Koenig à entrer en action sur l'ensemble du territoire français ? Que cette décision, qui mobilisait les maquis du Vercors, à 700 kilomètres de la côte normande, ceux d'Auvergne et ceux du Limousin, aussi bien que ceux qui opéraient à proximité de la ligne de front, ait eu, pour certains, des conséquences tragiques, nul ne l'ignore. Du moins ont-ils, par leur sacrifice, retenu l'ennemi sur l'ensemble de notre territoire, contrarié et retardé ses mouvements et soulagé d'autant l'effort de nos alliés.
- Et qui songerait à sous-estimer le rôle de la Résistance dans les chemins de fer, la "bataille du rail" sous tous ses aspects ? Destructions, sabotages exécutés par les cheminots eux-mêmes, transmission des informations nécessaires à l'efficacité des bombardements aériens, il fallait à tout prix désorganiser les transports de l'ennemi et cet objectif a été très largement atteint.
- Personne ne peut dire si l'action de la Résistance à partir du 6 juin fut l'équivalent de dix ou de vingt divisions. Cela n'a guère de sens ! Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'elle a contribué à annihiler toute vélléité d'intervenir en force dans les jours qui ont suivi le débarquement. Ces jours où rien n'était acquis, ou tout tenait encore à un fil.
- Voilà, mesdames et messieurs, ce que je tenais à rappeler ici en ces lieux marqués par la souffrance et par le sacrifice, non certes pour mesurer notre reconnaissance aux Alliés, elle leur est acquise, et depuis longtemps mais elle n'empêche pas de rappeler aujourd'hui que toutes les forces vives de la France, de la France combattante aux mouvements de résistance, aux réseaux, aux maquis, ont contribué il y a cinquante ans à la libération de la France et je me réjouis de voir tant de visages qui se sont illustrés dans ces jours difficiles, tant de courage assemblé, tant de témoins, qui ont le droit d'être fiers ! Ils représentent la France au premier rang £ et j'ai toujours pensé que c'était l'une des tâches dont je serai le plus fier que de pouvoir à mon tour, comme je le fais ce soir, les remercier au nom de la France.\