6 mai 1994 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'inauguration du tunnel sous la Manche et l'essor de la région Nord-Pas-de-Calais, à Lille, le 6 mai 1994.

Messieurs les Premier ministres, monsieur le Président de la commission, mesdames et messieurs,
- Est-il journée plus symbolique pour l'Europe que celle où est faite la démonstration que cette Europe est toujours capable d'ouvrir de grands chantiers à la mesure de son talent créateur et de sa puissance technologique ?
- Est-il lieu plus symbolique que cette ville de Lille dont je salue le Maire, mon ami Pierre Mauroy, que cette grande région du Nord Pas-de-Calais que préside Mme Blandin ?
- Avec le tunnel sous la Manche que nous inaugurons tout à l'heure, cette ville et cette région peuvent être demain ce qu'elles furent hier et plus et beaucoup plus encore : le grand carrefour des échanges de l'Europe. Grâce au tunnel sous la Manche, la géographie de l'Europe, accompagnant les changements de son histoire, se transforme sous nos yeux et la France, puisqu'il faut en parler aussi, se trouve au coeur de ce nouvel ensemble. La construction du tunnel sous la Manche et des infrastructures ferroviaires à grande vitesse qui y sont liées, ainsi que l'a fort bien exposé M. le Président de la SNCF, va mettre votre ville et votre région en relation avec toutes les grandes villes de l'Europe de l'ouest, dans des temps comparables à ceux du transport aérien. A l'heure du marché unique, c'est bien en termes de territoire européen qu'il nous faut désormais penser. Cela vous l'avez compris ici en avance sur le temps, puisque vous avez favorisé l'émergence, avec les quatre régions du Kent, de la Wallonie, de la Flandre et de Bruxelles, de la première grande région européenne, riche de ses 15 millions d'habitants.
- Je n'oublie pas non plus que vous avez aussi de saisir l'occasion de l'arrivée du TGV dans votre ville pour bâtir, au profit de cette cité et de la communauté urbaine formée de 87 communes, un très important centre d'échange international, ce que vous avez nommé "Euralille".
- La décision de faire passer la ligne du TGV Nord par Lille a été en effet pour vous l'occasion d'engager une vaste réflexion sur les conséquences à en tirer pour l'aménagement de la ville. Très vite notre décision a été prise de construire une nouvelle gare, celle-ci, dite "Lille-Europe" qui accueillerait les TGV se dirigeant en particulier vers Londres. Nous y sommes. Cela nous vaut le plaisir d'avoir la visite de M. le chef du gouvernement du Royaume de Belgique, qui sera d'ailleurs associé à l'ensemble des cérémonies puisque nous célébrons une forme d'avènement de l'Europe et qu'il y est pour beaucoup.\
A l'issue d'une consultation internationale, c'est le grand architecte néerlandais Rem Koolhass qui a été désigné pour structurer l'ensemble du projet. Cela a été vraiment le début d'un long dialogue entre les équipes de la SNCF, animées par M. Jean-Marie Duthilleul et celles d'EURALILLE et de Rem Koolhass. Le résultat est là. Vous l'observez, je le crois remarquable. Le train a fait naître un nouveau quartier organisé autour de la gare, mise en scène intelligente et opportune qui unit tous les éléments modernes d'une animation des lieux.
- La verrière, due au talent de l'ingénieur britannique Peter Rice, tamise la lumière de vos ciels changeants que j'ai connue dans ma jeunesse : elle est tellement plus belle que ne le pensent ou que ne le croient ceux qui n'ont pas vécu ici. Nul doute que les 5 millions de voyageurs attendus dans quelques années soient séduits par cet ensemble comme nous le sommes et comme j'imaginais bien que nous le serions.
- Tout cela n'aurait pas été possible, Pierre Mauroy, et vous mesdames et messieurs et vous Mme la Présidente, sans votre attachement profond à votre ville et à votre région, à son avenir, qui va de pair avec la conscience que vous avez des besoins du pays tout entier qui passent aujourd'hui par ce nouveau lien transmanche.
- J'aurai l'occasion au cours de cette journée de célébrer les relations de la Grande-Bretagne et de la France, bien entendu. Je ne veux pas omettre cependant, en cet instant, de marquer à quel point le lien entre ces deux pays - en y associant les autres pays de l'ouest de l'Europe et plus tard encore quelques autres, - préfigure un nouveau temps. C'est toujours un grand signe d'espoir que de se trouver là à l'origine de ces temps.\