28 avril 1994 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'aide française au développement du Turkménistan et la sécurité européenne, Achgabat, le 28 avril 1994.
QUESTION.- On a appris que la France a l'intention d'accorder une ligne de crédit au Turkménistan sans limite supérieure. Est-ce que l'adoption de cette décision dépend du degré de confiance que l'on accorde au Turkménistan, à son Président et à son gouvernement, et est-ce que cette confiance n'a pas également, disons, une limite ?
- LE PRESIDENT.- La confiance est sans limite, mais les crédits en ont. Tout dépend naturellement, de l'utilité des projets. Pour l'instant, la France est prête à financer des projets au Turkménistan, notamment ceux qui sont compris dans la liste établie par le gouvernement turkmène lui-même et pour l'instant à hauteur de deux cent vingt millions de francs, qui ne seront qu'une amorce dans le développement futur de nos relations.
- QUESTION.- Monsieur le Président, hier, dans votre allocution au dîner, vous avez fait allusion aux projets de gazoduc entre le Turkménistan et l'Europe. Est-ce que vous êtes rentré un peu plus dans le détail, est-ce que l'on sait ce que cela va coûter ?
- LE PRESIDENT.- Non, c'est un projet turkmène, qui est comme vous le savez un territoire très riche en hydrocarbures, mais qui se trouve très enclavé par la géographie, il faut bien que son pétrole passe quelque part. Dès lors que cela passera par l'Iran, cela est lié à un certain nombre de problèmes internationaux, dont le Turkménistan n'est pas responsable, et d'autre part, pour ce qui touche la France, nous estimons que ce type de problème doit passer après l'intérêt collectif et que si gazoduc il y a, elle peut s'y intéresser, elle s'y intéressera. Bien entendu, cela est lié également aux possibilités offertes par le Turkménistan aux entreprises françaises.\
QUESTION.- Je voudrais changer de thème. Bientôt, nous allons célébrer le cinquantenaire du débarquement des alliés en Normandie, vous, monsieur le Président, avez participé à cette guerre, vous savez ce que c'est, nous savons que la France a adopté l'initiative relative à la signature d'un Pacte de stabilité de sécurité en Europe. Pourriez-vous dans votre réponse établir une relation entre ces deux questions ?
- LE PRESIDENT.- La première est de caractère historique. Oui, il y a cinquante ans, avait lieu une bataille décisive sur le sol de France qui a commandé le résultat de la guerre quelques mois plus tard.
- J'étais, en effet, en âge d'être mobilisé, je l'avais été dans la première partie de la guerre, dès 1939 et je l'étais resté dans le cadre de la lutte clandestine, j'étais en Angleterre encore au mois de février 1944, mais en France au mois de mars. J'ai donc vécu ces événements de très près. Je crois qu'ils ont surtout inspiré la construction de ce que l'on appelle, aujourd'hui, l'Union européenne. C'est-à-dire que les pays belligérants en Europe qui en étaient à leur deuxième guerre mondiale, en ont tiré la sage conclusion qu'il valait mieux bâtir l'avenir sur une entente et une alliance solide avec les ennemis de la veille. C'est ce qui a été fait, après un long débat d'opinion, je participais moi-même au premier congrès européen de l'histoire en 1948, je me suis réjoui de voir les fondateurs de l'Europe réussir dans leur entreprise, et je me suis efforcé de la poursuivre.
- Quel est le rapport entre ces événements avec les accords que nous signons et le Pacte de Stabilité, dont j'ai parlé dans mon voyage, dans le pays précédent et que vous avez raison de rappeler à cette heure-ci au Turkménistan ? Mais, les délégués militaires en ont parlé entre eux, puisqu'on a parlé de sécurité, de pacte de stabilité et d'une initiative française. Pourquoi ? Parce que l'on constate qu'aujourd'hui, et nous nous en réjouissons, il n'y a plus en Europe et ailleurs les deux blocs qui s'opposaient, qui entretenaient une guerre froide qui pouvait se transformer à tout moment en une guerre chaude, le bloc entre l'Alliance atlantique et le bloc autour de l'Union soviétique. De nombreux pays sont devenus indépendants après la dislocation de ce dernier pays et ceux-là ne sont pas protégés par grand chose et là, je voudrais m'en tenir à l'Europe car le pacte de stabilité vise les pays d'Europe. Sur notre continent il y a beaucoup de pays, ce sont des pays qui pour la plupart ont été dévastés par des conflits qui s'y sont déroulés depuis des siècles.
- Et qu'est-ce qui nous apporte la garantie que rien n'arrivera plus de semblable ? L'Alliance atlantique continue, la France en fait partie, mais elle ne couvre pas, au travers de son organisation militaire l'OTAN, nombre de pays, qui, hier, étaient sous l'autorité de l'Union soviétique : Pologne, République tchèque, République slovaque, Hongrie et le reste, ni les nouveaux états qui étaient, qui appartenaient à l'Empire russe, Pierre Le Grand ou bien Staline. Ces pays sont nouvellement indépendants et ils cherchent naturellement leur propre sécurité.\
LE PRESIDENT.- `Suite réponse sur la sécurité en Europe`
- La CSCE, la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe et qui déborde les limites géographiques de l'Europe est une bonne initiative et nous y avons signé d'excellents textes, mais c'est une organisation compliquée, dont les procédures sont lentes et qui ne peut donc en aucune mesure parer aux guerres naissantes, c'est-à-dire, en langage diplomatique, prévenir les conflits. Elle n'a pas la souplesse et la rapidité nécessaires et elle exige d'autre part l'unanimité et comment voulez-vous rassembler l'unanimité entre pays prêts à en découdre ? On l'a bien vu dans le conflit interne à l'ancienne Yougoslavie, et c'est pourquoi le gouvernement français, particulièrement le Premier ministre, M. Balladur a proposé, avec mon accord, bien entendu, un projet de traité, dit de stabilité pour à la fois prévenir et tenter de dominer les conflits qui pourraient naître, lesquels traités ou conventions de stabilité pourraient être ouverts pratiquement à tous les pays d'Europe qui se trouvent aujourd'hui sans véritable protection. Ce serait un pacte de sécurité mutuelle qui ne suppose la domination de personne mais au contraire l'égalité absolue et dans la discussion et dans le fonctionnement. Cela fera l'objet d'une conférence ou d'une ou de plusieurs conférences internationales et ce projet est ce qu'il y a - à mon sens - de plus nouveau, parmi les différentes suggestions qui ont été faites depuis maintenant 5 ans, pour tenter de fonder un nouvel ordre de sécurité en Europe. Quand je dis Europe, bien entendu, c'est limité, mais les Nations unies ont pour vocation de pourvoir à l'organisation de la paix dans le monde.\
QUESTION.- Avez-vous eu l'occasion de donner des nouvelles au Président Niyazov du cheval qu'on vous a offert il y a six mois ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je sais que c'est une question qu'on m'a posée bizarrement en France. Tous les objets que j'ai reçus ont été donnés à différents musées où on peut facilement aller les contrôler et il est très difficile de maintenir un cheval dans une salle de musée. Alors on dira, pourquoi pas dans les haras ? Oui, mais ce cheval revient d'un long voyage de plusieurs mois, il a séjourné à Moscou où les règles de santé vétérinaire, comme d'ailleurs dans le monde entier sont très sévères. Il a dû franchir plusieurs frontières, des voyages de plusieurs semaines, après une absence de plusieurs mois de son pays d'origine et vous savez combien cette race Akhal-Teke est fidèle à ses maîtres mais ayant de la peine à s'habituer à d'autres.
- Un voyage n'est pas très favorable à la santé d'un cheval, il a tendance à être maintenu dans des lieux trop étroits, il s'est donc blessé à certains endroits de son corps, sans gravité, sans doute mais cela nécessitait des soins. Il a donc été confié à des spécialistes de l'équitation, des écuyers qui l'ont remis en bon état, dans l'état où il était quand il était au Turkménistan, plutôt que d'être mis aussitôt dans un haras comme je l'ai fait pour les différents chevaux que j'ai reçus, notamment de magnifiques chevaux reçus naguère du Roi du Maroc, dont je n'ai plus entendu parler à la minute même où je les avais remis. Cette fois-ci, j'ai été plus prudent.\
- LE PRESIDENT.- La confiance est sans limite, mais les crédits en ont. Tout dépend naturellement, de l'utilité des projets. Pour l'instant, la France est prête à financer des projets au Turkménistan, notamment ceux qui sont compris dans la liste établie par le gouvernement turkmène lui-même et pour l'instant à hauteur de deux cent vingt millions de francs, qui ne seront qu'une amorce dans le développement futur de nos relations.
- QUESTION.- Monsieur le Président, hier, dans votre allocution au dîner, vous avez fait allusion aux projets de gazoduc entre le Turkménistan et l'Europe. Est-ce que vous êtes rentré un peu plus dans le détail, est-ce que l'on sait ce que cela va coûter ?
- LE PRESIDENT.- Non, c'est un projet turkmène, qui est comme vous le savez un territoire très riche en hydrocarbures, mais qui se trouve très enclavé par la géographie, il faut bien que son pétrole passe quelque part. Dès lors que cela passera par l'Iran, cela est lié à un certain nombre de problèmes internationaux, dont le Turkménistan n'est pas responsable, et d'autre part, pour ce qui touche la France, nous estimons que ce type de problème doit passer après l'intérêt collectif et que si gazoduc il y a, elle peut s'y intéresser, elle s'y intéressera. Bien entendu, cela est lié également aux possibilités offertes par le Turkménistan aux entreprises françaises.\
QUESTION.- Je voudrais changer de thème. Bientôt, nous allons célébrer le cinquantenaire du débarquement des alliés en Normandie, vous, monsieur le Président, avez participé à cette guerre, vous savez ce que c'est, nous savons que la France a adopté l'initiative relative à la signature d'un Pacte de stabilité de sécurité en Europe. Pourriez-vous dans votre réponse établir une relation entre ces deux questions ?
- LE PRESIDENT.- La première est de caractère historique. Oui, il y a cinquante ans, avait lieu une bataille décisive sur le sol de France qui a commandé le résultat de la guerre quelques mois plus tard.
- J'étais, en effet, en âge d'être mobilisé, je l'avais été dans la première partie de la guerre, dès 1939 et je l'étais resté dans le cadre de la lutte clandestine, j'étais en Angleterre encore au mois de février 1944, mais en France au mois de mars. J'ai donc vécu ces événements de très près. Je crois qu'ils ont surtout inspiré la construction de ce que l'on appelle, aujourd'hui, l'Union européenne. C'est-à-dire que les pays belligérants en Europe qui en étaient à leur deuxième guerre mondiale, en ont tiré la sage conclusion qu'il valait mieux bâtir l'avenir sur une entente et une alliance solide avec les ennemis de la veille. C'est ce qui a été fait, après un long débat d'opinion, je participais moi-même au premier congrès européen de l'histoire en 1948, je me suis réjoui de voir les fondateurs de l'Europe réussir dans leur entreprise, et je me suis efforcé de la poursuivre.
- Quel est le rapport entre ces événements avec les accords que nous signons et le Pacte de Stabilité, dont j'ai parlé dans mon voyage, dans le pays précédent et que vous avez raison de rappeler à cette heure-ci au Turkménistan ? Mais, les délégués militaires en ont parlé entre eux, puisqu'on a parlé de sécurité, de pacte de stabilité et d'une initiative française. Pourquoi ? Parce que l'on constate qu'aujourd'hui, et nous nous en réjouissons, il n'y a plus en Europe et ailleurs les deux blocs qui s'opposaient, qui entretenaient une guerre froide qui pouvait se transformer à tout moment en une guerre chaude, le bloc entre l'Alliance atlantique et le bloc autour de l'Union soviétique. De nombreux pays sont devenus indépendants après la dislocation de ce dernier pays et ceux-là ne sont pas protégés par grand chose et là, je voudrais m'en tenir à l'Europe car le pacte de stabilité vise les pays d'Europe. Sur notre continent il y a beaucoup de pays, ce sont des pays qui pour la plupart ont été dévastés par des conflits qui s'y sont déroulés depuis des siècles.
- Et qu'est-ce qui nous apporte la garantie que rien n'arrivera plus de semblable ? L'Alliance atlantique continue, la France en fait partie, mais elle ne couvre pas, au travers de son organisation militaire l'OTAN, nombre de pays, qui, hier, étaient sous l'autorité de l'Union soviétique : Pologne, République tchèque, République slovaque, Hongrie et le reste, ni les nouveaux états qui étaient, qui appartenaient à l'Empire russe, Pierre Le Grand ou bien Staline. Ces pays sont nouvellement indépendants et ils cherchent naturellement leur propre sécurité.\
LE PRESIDENT.- `Suite réponse sur la sécurité en Europe`
- La CSCE, la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe et qui déborde les limites géographiques de l'Europe est une bonne initiative et nous y avons signé d'excellents textes, mais c'est une organisation compliquée, dont les procédures sont lentes et qui ne peut donc en aucune mesure parer aux guerres naissantes, c'est-à-dire, en langage diplomatique, prévenir les conflits. Elle n'a pas la souplesse et la rapidité nécessaires et elle exige d'autre part l'unanimité et comment voulez-vous rassembler l'unanimité entre pays prêts à en découdre ? On l'a bien vu dans le conflit interne à l'ancienne Yougoslavie, et c'est pourquoi le gouvernement français, particulièrement le Premier ministre, M. Balladur a proposé, avec mon accord, bien entendu, un projet de traité, dit de stabilité pour à la fois prévenir et tenter de dominer les conflits qui pourraient naître, lesquels traités ou conventions de stabilité pourraient être ouverts pratiquement à tous les pays d'Europe qui se trouvent aujourd'hui sans véritable protection. Ce serait un pacte de sécurité mutuelle qui ne suppose la domination de personne mais au contraire l'égalité absolue et dans la discussion et dans le fonctionnement. Cela fera l'objet d'une conférence ou d'une ou de plusieurs conférences internationales et ce projet est ce qu'il y a - à mon sens - de plus nouveau, parmi les différentes suggestions qui ont été faites depuis maintenant 5 ans, pour tenter de fonder un nouvel ordre de sécurité en Europe. Quand je dis Europe, bien entendu, c'est limité, mais les Nations unies ont pour vocation de pourvoir à l'organisation de la paix dans le monde.\
QUESTION.- Avez-vous eu l'occasion de donner des nouvelles au Président Niyazov du cheval qu'on vous a offert il y a six mois ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je sais que c'est une question qu'on m'a posée bizarrement en France. Tous les objets que j'ai reçus ont été donnés à différents musées où on peut facilement aller les contrôler et il est très difficile de maintenir un cheval dans une salle de musée. Alors on dira, pourquoi pas dans les haras ? Oui, mais ce cheval revient d'un long voyage de plusieurs mois, il a séjourné à Moscou où les règles de santé vétérinaire, comme d'ailleurs dans le monde entier sont très sévères. Il a dû franchir plusieurs frontières, des voyages de plusieurs semaines, après une absence de plusieurs mois de son pays d'origine et vous savez combien cette race Akhal-Teke est fidèle à ses maîtres mais ayant de la peine à s'habituer à d'autres.
- Un voyage n'est pas très favorable à la santé d'un cheval, il a tendance à être maintenu dans des lieux trop étroits, il s'est donc blessé à certains endroits de son corps, sans gravité, sans doute mais cela nécessitait des soins. Il a donc été confié à des spécialistes de l'équitation, des écuyers qui l'ont remis en bon état, dans l'état où il était quand il était au Turkménistan, plutôt que d'être mis aussitôt dans un haras comme je l'ai fait pour les différents chevaux que j'ai reçus, notamment de magnifiques chevaux reçus naguère du Roi du Maroc, dont je n'ai plus entendu parler à la minute même où je les avais remis. Cette fois-ci, j'ai été plus prudent.\