26 avril 1994 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République à l'issue de son voyage en Ouzbékistan, sur la coopération économique, culturelle et militaire franco ouzbekes, sur l'ultimatum aux Serbes de Bosnie et sur les élections sud-africaines, Tachkent le 26 avril 1994.
QUESTION.- La télévision ouzbèque. Monsieur le Président, comme vous l'avez noté, les rapports se développent avec succès entre nos pays et je voudrais avoir une appréciation plus en détail des rapports entre l'Ouzbékistan et la France et les orientations principales de cette coopération.
- LE PRESIDENT.- Vous souhaitez que nous nous répétions. C'est une bonne chose. Rien n'est jamais assez clair. Nous avons signé à Paris les accords de fond et, en particulier, un accord d'encouragement et de protection réciproque des investissements. Et aujourd'hui les entreprises françaises sont nombreuses à s'intéresser aux grandes possibilités qu'offre votre pays. Les industriels français de différentes disciplines ou domaines d'activités sont d'ailleurs parmi nous. Les grands projets en discussion, qui ont pratiquement abouti puisque la garantie financière est accordée, touchant à deux projets : la raffinerie de pétrole de Boukhara et la modernisation du contrôle du trafic aérien. D'autres projets, très concrets ont été abordés et laissent penser qu'une collaboration fructueuse est parfaitement réalisable à partir de maintenant : dans le secteur agricole, celui du coton, celui du sucre, celui de la laine, l'aéroport de Tachkent, l'industrie aéronautique dans son ensemble, la gestion de l'eau - vous savez le problème posé dans ce pays par l'assèchement de la mer d'Aral. La délégation qui m'a accompagné celle des industriels en particulier représente une grande variété d'intérêts. Vous pourrez vous informer de leur qualité et vous verrez qu'aussi bien sur le plan de la grande industrie que sur le plan de la petite ou moyenne entreprise, la France est bien représentée. Les ministres français ici présents, M. Sarkozy, ministre du budget, M. Lamassoure, ministre des affaires européennes ayant compétence pour débattre de l'ensemble des problèmes des affaires étrangères et des personnalités de la fonction publique qui les accompagnent ont mené à bien leurs conversations.\
Les entretiens politico-militaires se sont naturellement portés sur les problèmes de sécurité dans la région. On sait bien qu'il y a des conflits graves dans le Tadjikistan et en Afghanistan qui ont des frontières communes avec le pays dans lequel nous nous trouvons. Les problèmes de coopération militaire ont été traités de façon très pratique pour des échanges et des formations de cadres, mais aussi on a traité bon nombre de domaines techniques, le contrôle de l'espace aérien, la surveillance des frontières, les réseaux de communication, la transformation des usines d'armement et je ne saurais oublier l'enseignement du français.
- Pour que tout cela soit mené à bonne fin, une mission militaire française se rendra prochainement en Ouzbékistan et approfondira ces sujets. Voilà rapidement résumé ce qui touche aux problèmes économiques et militaires. Nous n'avons pas oublié les domaines culturels, nous savons à qui nous parlons. Il s'agit d'une jeune république souveraine et indépendante. Elle a un peu plus de deux années derrière elle, je lis beaucoup d'articles et j'observe qu'on est exigeant à l'égard de l'Ouzbékistan. On a raison parfois de l'être, mais deux ans, c'est court et la manière dont ce pays s'affirme sur la scène internationale et en tant qu'Etat, ne peut que retenir notre attention et mériter nos encouragements, surtout que nous sommes entrés dans le domaine si difficile des réformes. Ces réformes touchent à l'organisation économique mais aussi aux problèmes constitutionnels et aux problèmes touchant aux libertés publiques. Je crois qu'à l'heure actuelle, on débat du nouveau code pénal, que l'on touche aussi au code civil. Nous, Français, venus d'un lointain Occident, nous avons depuis longtemps déjà une certaine idée de ce qu'est la démocratie vivante et nous souhaitons vivement que l'Ouzbékistan, compte tenu de ses traditions et de ses possibilités, s'engage autant qu'il le pourra - c'est-à-dire beaucoup j'espère, - sur ce terrain.
- Voilà ce que je peux vous dire, Monsieur, en réponse à votre question qui était un peu vaste et je n'ai sûrement pas tout dit.\
QUESTION.- J'ai une question à poser à M. Mitterrand. Quelle est votre attitude à l'égard de la Russie s'agissant du partenariat de la paix avec l'OTAN et puis quelle est l'attitude de la France s'agissant du règlement du conflit en Bosnie ? Je vous remercie.
- LE PRESIDENT.- Le partenariat pour la paix est une bonne idée. Elle est venue des Etats-Unis d'Amérique, elle convient à la France. Il est évident que les transformations profondes qui se sont produites en Europe depuis la fin de la guerre froide, exigent qu'une réflexion ait lieu sur le rôle des forces de l'OTAN. Et comme beaucoup de pays nouveaux sont apparus sur la surface de l'Europe et qu'ils ne disposent pas de statut militaire, ils ont rompu leur ancienne attache avec la Russie comprise comme Union soviétique, et elle se trouve en somme en dehors de toute protection clairement exprimée. Alors, on comprend leur désir mais le partenariat pour la paix s'il comporte des avantages intéressants, ne peut pas être comparé avec une alliance, une véritable structure militaire. C'est donc le début de quelque chose. La Russie est un grand pays qui, hier, était une des deux puissances du monde. Puissance nucléaire, elle l'est toujours £ elle était à la tête du système concurrent, du système atlantique. Cette concurrence a été curieusement à la fois facteur de guerre ou constituait un risque de guerre et facteur de paix par l'équilibre des forces. On peut comprendre que la Russie ne puisse se satisfaire d'un partenariat pour la paix qui la range parmi ceux qui auraient besoin de protection nouvelle. Mais cela est son affaire, ce n'est pas la mienne £ donc je me garderai bien de lui donner un conseil. L'ensemble des pays qui se sont détachés de l'Union soviétique et, en fait, détachés de la Russie, même s'ils ont de bons rapports avec la Russie, nécessitera sans aucun doute, dans les années qui viennent, de nouveaux accords et une nouvelle approche de la situation internationale. La France, elle, encourage ce partenariat mais n'entend pas dicter cette loi à aucun autre pays européen, en particulier pas à la Russie.\
QUESTION.- Quelle est votre appréciation de la situation actuelle en Bosnie ?
- LE PRESIDENT.- Sur la Bosnie, ou bien je ne vous réponds rien du tout, ou bien à quelle heure nous séparerons-nous ? Donc, plaçons-nous dans la situation à l'heure même où je m'exprime. Un ultimatum a été posé à la force serbe de Bosnie pour dégager la ville de Gorazde qui se trouvait dans une situation pratiquement similaire à celle qu'a connue Sarajevo. Le procédé qui consiste à demander au nom des Nations unies un retrait des forces militaires des Serbes de Bosnie a été utile, très utile à Sarajevo. Pourquoi ne pas le maintenir ? De là ont été définies des zones de sécurité par les mêmes Nations unies, avec une capacité ouverte d'intervention militaire, si les Serbes de Bosnie continuaient d'encercler et de bombarder ces villes musulmanes.
- A Gorazde, c'était pratiquement décidé. Mais, pour des raisons que j'ignore, mais j'imagine aussi que les conditions atmosphériques, peut-être des surprises, ont joué ! La France dans ce domaine n'a pas de responsabilité particulière. Elle est présente par ses hommes, par ses soldats, par ses officiers, c'est-à-dire qu'elle est présente dans les risques, mais dans la chaîne de commandement, elle joue le rôle qui lui est dévolu, mais ce n'est pas d'elle que partent les décisions, c'est de l'échelon qui représente les Nations unies en Bosnie. Donc, il n'y a pas eu réflexe immédiat de mise en application des décisions prises pour la protection des zones de sécurité. Cela nous a surpris mais où se trouve la responsabilité ? Nous n'avons pas le temps de la chercher, puisqu'un ultimatum a été lancé et qu'il est en voie d'application. On s'interroge, à l'heure où je m'exprime, dans les différentes chancelleries et au sein de l'Organisation de l'Alliance Atlantique comme au sein de la Forpronu, sur l'exact degré d'engagement des forces serbes de Bosnie et le respect de l'ultimatum. Cette interrogation va recevoir une réponse extrêmement prochaine, je crois savoir que les forces des Nations unies considèrent que l'ultimatum est en voie d'être respecté à l'heure dite, alors je n'ai rien à ajouter. Mon souhait est naturellement que soit évitée l'intervention militaire, si elle se révèle inutile, si les dispositions serbes de Bosnie sont conformes aux obligations émises par la société internationale.
- Nous en sommes à ce moment-là, vous serez informés dans les heures qui viennent, moi aussi. Je souhaite que tout cela se règle de façon pacifique et c'est pourquoi la France avait pris l'initiative qui a été reprise par d'autres - et c'est une très bonne chose - de demander la réunion simultanée d'une conférence internationale où se retrouvaient au moins les Etats-Unis d'Amérique, la Russie, l'Union européenne, tout cela sous l'égide des Nations unies. Les Américains et les Russes en ont également débattu, ils ont dit : "Oui nous ferons cela, nous nous donnons un mois à cette fin" £ les autorités françaises ont dit leur mot à ce sujet et je répète ce qu'il est, j'exprime la pensée que j'ai moi-même communiquée au Président Clinton par écrit et au téléphone aux autres partenaires, notamment à M. Eltsine. Cette conférence doit avoir lieu, mais plus vite et si possible tout de suite ! Car il ne faut pas désormais que la manière dont avancent les conflits militaires puissent prendre le pas sur la négociation diplomatique.
- Toutes les données du problème sont connues, elles ont été dites, redites, ressassées depuis des mois et depuis des mois, il est temps que les grandes puissances, bien entendu en relation avec les parties combattantes, soient en mesure de définir désormais un accord auquel il conviendra de se plier. Voilà ce que je peux vous dire en cet instant.\
QUESTION.- Tout à l'heure, on parlait de prochaines élections en Ouzbékistan, aujourd'hui on vote en Afrique du Sud et ce ne sont pas n'importe quelles élections. Je voulais vous demander : qu'est-ce que cela vous inspire, comment voyez-vous la situation dans les semaines qui viennent et allez-vous vous rendre prochainement en Afrique du sud ?
- LE PRESIDENT.- Je commence par la fin et j'y suis habitué depuis longtemps. Vous avez bien compris que le déclic serait la réalisation de ces élections, l'instauration d'une démocratie pluriraciale, il me semble que nous y parvenons. Et sans ignorer les risques de provocation grave qui peuvent continuer de se produire pendant les heures prochaines, j'ai tout à fait confiance dans la réussite du plan qui a obtenu l'accord des principaux partenaires. Si cela se passe de cette manière - les voyages, c'est très intéressant, mais enfin, il ne faut pas en abuser - j'examinerai quand même l'éventualité d'un voyage rapide en Afrique du Sud, M. de Klerk et Mandela ont beaucoup insisté dans ce sens. Je crois que je finirai par céder, mais laissez donc maintenant les choses se faire comme elles doivent se faire, car nous allons assister dans les heures qui viennent à de grands événements en Afrique du Sud.\
QUESTION.- Dans quelle mesure vous avez abordé au cours des négociations les questions liées à l'avenir de la CEI. Nous savons que le Président Mitterrand est un grand spécialiste de l'intégration européenne. Il est l'un des fondateurs de l'Union européenne, quel conseil pourrait-il donner à M. Karimov ?
- LE PRESIDENT.- Je vais vous répondre très brièvement pour ce qui concerne la France. Il m'arrive, ce qui est toujours imprudent, de donner des conseils. En général, je les donne quand on me les demande. Or, la CEI, pour l'instant, n'a pas consulté la France sur l'utilité ou non de se développer, c'est une affaire qui concerne les intéressés, les Etats invités à en faire partie.
- Si je suis resté prudent quant à la position de l'Ouzbékistan à l'égard de la CEI, il n'empêche qu'on ne peut que souhaiter qu'entre pays qui ont tant d'intérêts communs se créé un système de coordination que je ne saurais qualifier et qui permette de maintenir des liens mais seuls les pays en question peuvent dire à quel stade, jusqu'à quel degré cette union doit se développer : économique, politique, cela n'est pas du ressort de la France. Il existe une certaine inquiétude, je l'ai dit tout à l'heure mais du fait de la cessation des blocs, un certain nombre de pays qui ont accédé à l'indépendance se sont trouvés en somme isolés. La CSCE, c'est une bonne organisation, mais un peu contraignante dans la mesure où les procédures internes sont telles qu'il est difficile avec l'unanimité d'aboutir rapidement à des accords utiles. Il y a l'initiative du partenariat pour la paix dont nous avons déjà parlé. Je voudrais attirer votre attention sur une proposition française, qui d'ailleurs est maintenant entrée en discussion et fera l'objet d'une conférence à Paris, et que nous appelons : "pacte de stabilité", cette proposition consiste en somme, à rechercher un engagement de tous les pays qui seront intéressés pour examiner les moyens de prévoir et les moyens de régler les éventuels conflits. Prévoir et régler avant que les conflits éclatent, c'est une tentative supplémentaire d'organisation de la paix. Si des pays comme les vôtres s'inspirent de cette procédure, nous nous en réjouirons. Nous pensons que c'est une bonne façon de faire.\
- LE PRESIDENT.- Vous souhaitez que nous nous répétions. C'est une bonne chose. Rien n'est jamais assez clair. Nous avons signé à Paris les accords de fond et, en particulier, un accord d'encouragement et de protection réciproque des investissements. Et aujourd'hui les entreprises françaises sont nombreuses à s'intéresser aux grandes possibilités qu'offre votre pays. Les industriels français de différentes disciplines ou domaines d'activités sont d'ailleurs parmi nous. Les grands projets en discussion, qui ont pratiquement abouti puisque la garantie financière est accordée, touchant à deux projets : la raffinerie de pétrole de Boukhara et la modernisation du contrôle du trafic aérien. D'autres projets, très concrets ont été abordés et laissent penser qu'une collaboration fructueuse est parfaitement réalisable à partir de maintenant : dans le secteur agricole, celui du coton, celui du sucre, celui de la laine, l'aéroport de Tachkent, l'industrie aéronautique dans son ensemble, la gestion de l'eau - vous savez le problème posé dans ce pays par l'assèchement de la mer d'Aral. La délégation qui m'a accompagné celle des industriels en particulier représente une grande variété d'intérêts. Vous pourrez vous informer de leur qualité et vous verrez qu'aussi bien sur le plan de la grande industrie que sur le plan de la petite ou moyenne entreprise, la France est bien représentée. Les ministres français ici présents, M. Sarkozy, ministre du budget, M. Lamassoure, ministre des affaires européennes ayant compétence pour débattre de l'ensemble des problèmes des affaires étrangères et des personnalités de la fonction publique qui les accompagnent ont mené à bien leurs conversations.\
Les entretiens politico-militaires se sont naturellement portés sur les problèmes de sécurité dans la région. On sait bien qu'il y a des conflits graves dans le Tadjikistan et en Afghanistan qui ont des frontières communes avec le pays dans lequel nous nous trouvons. Les problèmes de coopération militaire ont été traités de façon très pratique pour des échanges et des formations de cadres, mais aussi on a traité bon nombre de domaines techniques, le contrôle de l'espace aérien, la surveillance des frontières, les réseaux de communication, la transformation des usines d'armement et je ne saurais oublier l'enseignement du français.
- Pour que tout cela soit mené à bonne fin, une mission militaire française se rendra prochainement en Ouzbékistan et approfondira ces sujets. Voilà rapidement résumé ce qui touche aux problèmes économiques et militaires. Nous n'avons pas oublié les domaines culturels, nous savons à qui nous parlons. Il s'agit d'une jeune république souveraine et indépendante. Elle a un peu plus de deux années derrière elle, je lis beaucoup d'articles et j'observe qu'on est exigeant à l'égard de l'Ouzbékistan. On a raison parfois de l'être, mais deux ans, c'est court et la manière dont ce pays s'affirme sur la scène internationale et en tant qu'Etat, ne peut que retenir notre attention et mériter nos encouragements, surtout que nous sommes entrés dans le domaine si difficile des réformes. Ces réformes touchent à l'organisation économique mais aussi aux problèmes constitutionnels et aux problèmes touchant aux libertés publiques. Je crois qu'à l'heure actuelle, on débat du nouveau code pénal, que l'on touche aussi au code civil. Nous, Français, venus d'un lointain Occident, nous avons depuis longtemps déjà une certaine idée de ce qu'est la démocratie vivante et nous souhaitons vivement que l'Ouzbékistan, compte tenu de ses traditions et de ses possibilités, s'engage autant qu'il le pourra - c'est-à-dire beaucoup j'espère, - sur ce terrain.
- Voilà ce que je peux vous dire, Monsieur, en réponse à votre question qui était un peu vaste et je n'ai sûrement pas tout dit.\
QUESTION.- J'ai une question à poser à M. Mitterrand. Quelle est votre attitude à l'égard de la Russie s'agissant du partenariat de la paix avec l'OTAN et puis quelle est l'attitude de la France s'agissant du règlement du conflit en Bosnie ? Je vous remercie.
- LE PRESIDENT.- Le partenariat pour la paix est une bonne idée. Elle est venue des Etats-Unis d'Amérique, elle convient à la France. Il est évident que les transformations profondes qui se sont produites en Europe depuis la fin de la guerre froide, exigent qu'une réflexion ait lieu sur le rôle des forces de l'OTAN. Et comme beaucoup de pays nouveaux sont apparus sur la surface de l'Europe et qu'ils ne disposent pas de statut militaire, ils ont rompu leur ancienne attache avec la Russie comprise comme Union soviétique, et elle se trouve en somme en dehors de toute protection clairement exprimée. Alors, on comprend leur désir mais le partenariat pour la paix s'il comporte des avantages intéressants, ne peut pas être comparé avec une alliance, une véritable structure militaire. C'est donc le début de quelque chose. La Russie est un grand pays qui, hier, était une des deux puissances du monde. Puissance nucléaire, elle l'est toujours £ elle était à la tête du système concurrent, du système atlantique. Cette concurrence a été curieusement à la fois facteur de guerre ou constituait un risque de guerre et facteur de paix par l'équilibre des forces. On peut comprendre que la Russie ne puisse se satisfaire d'un partenariat pour la paix qui la range parmi ceux qui auraient besoin de protection nouvelle. Mais cela est son affaire, ce n'est pas la mienne £ donc je me garderai bien de lui donner un conseil. L'ensemble des pays qui se sont détachés de l'Union soviétique et, en fait, détachés de la Russie, même s'ils ont de bons rapports avec la Russie, nécessitera sans aucun doute, dans les années qui viennent, de nouveaux accords et une nouvelle approche de la situation internationale. La France, elle, encourage ce partenariat mais n'entend pas dicter cette loi à aucun autre pays européen, en particulier pas à la Russie.\
QUESTION.- Quelle est votre appréciation de la situation actuelle en Bosnie ?
- LE PRESIDENT.- Sur la Bosnie, ou bien je ne vous réponds rien du tout, ou bien à quelle heure nous séparerons-nous ? Donc, plaçons-nous dans la situation à l'heure même où je m'exprime. Un ultimatum a été posé à la force serbe de Bosnie pour dégager la ville de Gorazde qui se trouvait dans une situation pratiquement similaire à celle qu'a connue Sarajevo. Le procédé qui consiste à demander au nom des Nations unies un retrait des forces militaires des Serbes de Bosnie a été utile, très utile à Sarajevo. Pourquoi ne pas le maintenir ? De là ont été définies des zones de sécurité par les mêmes Nations unies, avec une capacité ouverte d'intervention militaire, si les Serbes de Bosnie continuaient d'encercler et de bombarder ces villes musulmanes.
- A Gorazde, c'était pratiquement décidé. Mais, pour des raisons que j'ignore, mais j'imagine aussi que les conditions atmosphériques, peut-être des surprises, ont joué ! La France dans ce domaine n'a pas de responsabilité particulière. Elle est présente par ses hommes, par ses soldats, par ses officiers, c'est-à-dire qu'elle est présente dans les risques, mais dans la chaîne de commandement, elle joue le rôle qui lui est dévolu, mais ce n'est pas d'elle que partent les décisions, c'est de l'échelon qui représente les Nations unies en Bosnie. Donc, il n'y a pas eu réflexe immédiat de mise en application des décisions prises pour la protection des zones de sécurité. Cela nous a surpris mais où se trouve la responsabilité ? Nous n'avons pas le temps de la chercher, puisqu'un ultimatum a été lancé et qu'il est en voie d'application. On s'interroge, à l'heure où je m'exprime, dans les différentes chancelleries et au sein de l'Organisation de l'Alliance Atlantique comme au sein de la Forpronu, sur l'exact degré d'engagement des forces serbes de Bosnie et le respect de l'ultimatum. Cette interrogation va recevoir une réponse extrêmement prochaine, je crois savoir que les forces des Nations unies considèrent que l'ultimatum est en voie d'être respecté à l'heure dite, alors je n'ai rien à ajouter. Mon souhait est naturellement que soit évitée l'intervention militaire, si elle se révèle inutile, si les dispositions serbes de Bosnie sont conformes aux obligations émises par la société internationale.
- Nous en sommes à ce moment-là, vous serez informés dans les heures qui viennent, moi aussi. Je souhaite que tout cela se règle de façon pacifique et c'est pourquoi la France avait pris l'initiative qui a été reprise par d'autres - et c'est une très bonne chose - de demander la réunion simultanée d'une conférence internationale où se retrouvaient au moins les Etats-Unis d'Amérique, la Russie, l'Union européenne, tout cela sous l'égide des Nations unies. Les Américains et les Russes en ont également débattu, ils ont dit : "Oui nous ferons cela, nous nous donnons un mois à cette fin" £ les autorités françaises ont dit leur mot à ce sujet et je répète ce qu'il est, j'exprime la pensée que j'ai moi-même communiquée au Président Clinton par écrit et au téléphone aux autres partenaires, notamment à M. Eltsine. Cette conférence doit avoir lieu, mais plus vite et si possible tout de suite ! Car il ne faut pas désormais que la manière dont avancent les conflits militaires puissent prendre le pas sur la négociation diplomatique.
- Toutes les données du problème sont connues, elles ont été dites, redites, ressassées depuis des mois et depuis des mois, il est temps que les grandes puissances, bien entendu en relation avec les parties combattantes, soient en mesure de définir désormais un accord auquel il conviendra de se plier. Voilà ce que je peux vous dire en cet instant.\
QUESTION.- Tout à l'heure, on parlait de prochaines élections en Ouzbékistan, aujourd'hui on vote en Afrique du Sud et ce ne sont pas n'importe quelles élections. Je voulais vous demander : qu'est-ce que cela vous inspire, comment voyez-vous la situation dans les semaines qui viennent et allez-vous vous rendre prochainement en Afrique du sud ?
- LE PRESIDENT.- Je commence par la fin et j'y suis habitué depuis longtemps. Vous avez bien compris que le déclic serait la réalisation de ces élections, l'instauration d'une démocratie pluriraciale, il me semble que nous y parvenons. Et sans ignorer les risques de provocation grave qui peuvent continuer de se produire pendant les heures prochaines, j'ai tout à fait confiance dans la réussite du plan qui a obtenu l'accord des principaux partenaires. Si cela se passe de cette manière - les voyages, c'est très intéressant, mais enfin, il ne faut pas en abuser - j'examinerai quand même l'éventualité d'un voyage rapide en Afrique du Sud, M. de Klerk et Mandela ont beaucoup insisté dans ce sens. Je crois que je finirai par céder, mais laissez donc maintenant les choses se faire comme elles doivent se faire, car nous allons assister dans les heures qui viennent à de grands événements en Afrique du Sud.\
QUESTION.- Dans quelle mesure vous avez abordé au cours des négociations les questions liées à l'avenir de la CEI. Nous savons que le Président Mitterrand est un grand spécialiste de l'intégration européenne. Il est l'un des fondateurs de l'Union européenne, quel conseil pourrait-il donner à M. Karimov ?
- LE PRESIDENT.- Je vais vous répondre très brièvement pour ce qui concerne la France. Il m'arrive, ce qui est toujours imprudent, de donner des conseils. En général, je les donne quand on me les demande. Or, la CEI, pour l'instant, n'a pas consulté la France sur l'utilité ou non de se développer, c'est une affaire qui concerne les intéressés, les Etats invités à en faire partie.
- Si je suis resté prudent quant à la position de l'Ouzbékistan à l'égard de la CEI, il n'empêche qu'on ne peut que souhaiter qu'entre pays qui ont tant d'intérêts communs se créé un système de coordination que je ne saurais qualifier et qui permette de maintenir des liens mais seuls les pays en question peuvent dire à quel stade, jusqu'à quel degré cette union doit se développer : économique, politique, cela n'est pas du ressort de la France. Il existe une certaine inquiétude, je l'ai dit tout à l'heure mais du fait de la cessation des blocs, un certain nombre de pays qui ont accédé à l'indépendance se sont trouvés en somme isolés. La CSCE, c'est une bonne organisation, mais un peu contraignante dans la mesure où les procédures internes sont telles qu'il est difficile avec l'unanimité d'aboutir rapidement à des accords utiles. Il y a l'initiative du partenariat pour la paix dont nous avons déjà parlé. Je voudrais attirer votre attention sur une proposition française, qui d'ailleurs est maintenant entrée en discussion et fera l'objet d'une conférence à Paris, et que nous appelons : "pacte de stabilité", cette proposition consiste en somme, à rechercher un engagement de tous les pays qui seront intéressés pour examiner les moyens de prévoir et les moyens de régler les éventuels conflits. Prévoir et régler avant que les conflits éclatent, c'est une tentative supplémentaire d'organisation de la paix. Si des pays comme les vôtres s'inspirent de cette procédure, nous nous en réjouirons. Nous pensons que c'est une bonne façon de faire.\