20 septembre 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République et Richard von Weizsaecker, Président de la République fédérale d'Allemagne, sur la coopération culturelle et économique, entre la France et l'Allemagne et l'arbitrage de la CEE et de l'ONU dans le conflit yougoslave, Weimar, le 20 septembre 1991.

M. R. VON WEIZSAECKER.- Voici venue la fin de la visite d'un voyage de trois jours que le Président et moi-même avions déjà décidé de faire au début du printemps de cette année. Le Président Mitterrand, plus qu'aucun autre chef d'Etat, a pris du temps pour étudier la situation dans les nouveaux Bundesländer. Un investissement personnel, privé et politique du Président de la République, pas seulement pour ce qui est de l'unification allemande mais également de l'intégration des nouveaux Länder dans la Communauté européenne. Voilà ce qu'était ce voyage. C'était un grand encouragement et une perspective ouverte à la population, aux habitants d'ici : les Länder sont reconnaissants et leurs dirigeants ont également exprimé au Président leur gratitude de leur avoir rendu visite en décembre 1989. A Potsdam et à Dresde, cela a été dit expressément.
- Les seize millions d'Allemands de l'ancienne RDA se sentent, grâce à la visite du Président, complètement intégrés dans le grand progrès qui s'est accompli depuis la guerre, c'est-à-dire dans l'amitié franco-allemande.
- Je crois que la coopération économique marche bien grâce à la coopération économique franco-allemande qui a déjà fait ses preuves sur le territoire de l'ancienne République fédérale et, maintenant, les filiales françaises qui travaillaient déjà là-bas ont pu s'engager rapidement et de manière énergique dans les nouveaux Länder. Les investissements français, dans cette région, sont de loin les investissements étrangers les plus importants. Là on peut dire que ceci est un avantage mutuel car, lorsque vous voyez les chiffres d'exportation de la France vers l'Allemagne de l'année 1990, vous voyez qu'il y a eu une augmentation des exportations de presque 8 %.
- La visite du Président nous a donné l'occasion de mener de nombreuses discussions. Elles montrent toutes que, dans les questions importantes qui touchent la Communauté de manière interne ou bien les relations de la Communauté vers l'extérieur, nous sommes d'accord et nous sommes contents de voir que la Communauté, de plus en plus, acquiert de la substance et arrive à mener une politique commune vis-à-vis de l'Est. C'est ensemble que nous nous engageons pour la liberté et l'autodétermination. C'est ensemble que nous avons la conviction que cette liberté, comme le Président l'a dit hier à Berlin, doit être organisée. Il faut que l'on cherche des règles de droit contraignantes qui permettent de vivre ensemble.
- Je pense, je suis confiant que les résultats des discussions que nous avons menées avec le Président, du côté allemand, pendant cette visite de trois jours, ainsi que les impressions qu'il a pu recueillir ici et là, je pense que tout ceci nous aidera à mener au succès les deux conférences intergouvernementales, car ces deux conférences sont d'une importance énorme pour la cohésion et la capacité d'action de la Communauté européenne. Elles sont donc la condition préalable indispensable à l'ouverture de la Communauté européenne vers toute l'Europe libre. Monsieur le Président, est-ce que je peux ici vous remercier encore une fois, du fond du coeur, d'avoir pris le temps, malgré votre programme très chargé, de venir et de montrer aux gens, ici, que vraiment ils font partie de ce qui se passe entre l'Allemagne et la France, qu'ils font partie de la Communauté européenne et qu'ils font partie de notre avenir. Merci.\
LE PRESIDENT.- Monsieur le Président de la République fédérale, je suis sensible à vos propos en préambule à cette conférence de presse. Vous venez de rappeler que, lorsque vous m'avez convié à venir dans votre pays et, particulièrement dans les Länder de l'Est, je vous avais aussitôt dit l'intérêt que je portais à ce projet. Nous en avons parlé à diverses reprises afin d'accorder nos emplois du temps et, finalement, ce voyage a pu avoir lieu dans les conditions que nous venons de vivre. Je m'en réjouis. C'est instructif, très intéressant et j'espère que ce sera très utile. Pour cela, je dois beaucoup au Président de la République fédérale, que vous êtes. J'ai reçu, vous avez pu le constater, un accueil très ouvert des ministres-présidents. Je tiens à saluer particulièrement le ministre-président de Thuringe qui se trouve parmi nous et avec lequel je compte bien, d'ici la fin de mon séjour, engager une conversation sur quelques sujets qui m'intéressent, en particulier celui de le voir, d'ici la fin de l'année, à Paris, avec ses collègues ministres-présidents des autres Länder. Il n'y a aucune raison qu'ils ne viennent pas discuter avec nous à Paris. Nous les recevrons du mieux possible en reconnaissance de la manière dont ils se sont comportés pour que les Français se sentent tout à fait chez eux dans leurs Länder.
- Nous allons commencer maintenant notre travail à Weimar. Evidemment c'est un endroit où l'on s'épanouit. A chaque pas on rencontre de grands itinéraires. En quelques instants la jeune femme qui nous pilotait et qui parlait un français excellent, appris à l'université de Leipzig, sans jamais avoir eu l'autorisation jusqu'à l'année dernière de se rendre en France, nous a conduits sur les traces de Lucas Cranach, Goethe et Schiller et plus loin de Bach et Litz. Enfin la liste est longue et ce haut degré de civilisation que l'on trouve à Weimar est tout à fait exemplaire de la manière dont on doit considérer l'avenir de l'Europe en raison de ce riche passé.
- Nous avons pris un certain nombre de mesures qui sur le plan culturel, en particulier, devraient avoir d'utiles conséquences. Il a été décidé la création d'une infrastructure pour les petites et moyennes entreprises au Centre français du commerce extérieur à Paris en liaison directe avec les autorités allemandes, ainsi que l'affectation d'un plus grand nombre de jeunes dans les différentes opérations "Jeunesse" qui sont menées déjà depuis plusieurs années. Il faut que se multiplient les échanges entre les professeurs de français venus d'Allemagne et les Français qui viennent en Allemagne comme volontaires du service national.
- On a décidé d'accueillir une cinquantaine de ces professeurs, issus des nouveaux Länder, un mois en France. Ils seront répartis entre nos six académies. Cela peut paraître encore peu de chose mais ce seront autant de centres de rayonnement pour nos deux cultures de même que la création d'un centre de recherche en sciences sociales à Berlin, initiative française qui associera les grandes institutions de recherche de nos deux pays, et en particulier vos trois universités de Berlin.
- Il faudra également déterminer la contribution de la France, c'est un débat que nous avons engagé au cours de ces dernières 48 heures, au développement de l'université de Francfort sur l'Oder (Land de Brandebourg). Tandis qu'un projet "Jeune" plus développé doit être soutenu au sein de l'Office franco-allemand. Voici pour ce qui touche au domaine de la culture.
- On a aussi décidé la création d'un Consulat général à Leipzig, l'ouverture de trois nouveaux centres culturels, j'y reviens à Rostock, à Dresde et à Leipzig et la création de cinq bureaux d'action linguistique.\
Sur le plan économique, vous avez pu suivre, j'en suis sûr, le développement très net de la présence industrielle française dans ces Länder. Pour l'instant on compte soixante-deux opérations de rachat par trente entreprises. Je vous signale quarante autres projets, actuellement en négociation. Ce sont surtout les secteurs de l'énergie, des télécommunications, de la construction, de la banque, de l'agro-alimentaire..., des bibliothèques pédagogiques, une quinzaine sont également en projet et des crédits ont été accrus.
- Je pense que l'ensemble de ces dispositions qui mériteraient d'être plus détaillées sont simplement les mesures d'accompagnement pour un voyage. Un voyage qui a le mérite, comme toujours de relancer ce que l'on a conçu au cours des mois précédents. Tout cela est maintenant bien mis au net et indépendamment des raisons qui me font inviter les cinq Président de ces Länder, je pense que cela nous fournira une occasion prochaine de faire l'inventaire de ce qui a été entrepris, connaître le point où l'on en est et ne pas arrêter l'action en marche.
- Mais enfin, au-delà de cela, vous le supposez bien, l'invitation du Président von Weizsaecker et ma présence dans ces Länder a une signification fort bien exposée par le Président de la République fédérale allemande.\
QUESTION.- Après les échecs successifs des tentatives de négociation des Douze dans la crise yougoslave, après les échecs finalement des initiatives franco-allemandes dans ce domaine, que convient-il maintenant de faire ?
- LE PRESIDENT.- Vous parlez "d'échecs", monsieur, je ne comprends pas bien...
- QUESTION.- On a l'impression que les Européens sont toujours en retard dans la crise yougoslave pour faire avancer les tentatives de médiation ou d'intervention. Que convient-il maintenant de faire ?
- LE PRESIDENT.- Est-ce que vous auriez l'obligeance de m'indiquer un meilleur moyen ? Je sais bien que ce n'est pas votre rôle, le nôtre est d'agir et vous de découvrir que cela ne marche jamais bien. Mais, la manière dont vous me posez la question tout de même ! Commencer par l'échec, l'échec, l'échec.. Il y a une guerre civile ou qui ne l'est déjà plus entre plusieurs républiques de Yougoslavie, voilà le fait.\
Aussitôt vous accordez très généreusement à l'Europe des pouvoirs de police. Pour l'instant, elle ne les a pas. Il faut qu'elle se les donne à elle-même. Et pour se les donner il faut qu'elle dispose d'instruments. L'union politique est en discussion. On espère, je crois l'avoir assez marqué, qu'elle sera décidée d'ici la fin de cette année. C'est tout nouveau, la Communauté existe depuis le traité de Rome en 1957. Jamais ces dispositions n'ont été, jusque-là, mises au net. Les discussions n'étaient pas même engagées, elles ne l'ont été qu'à la suite de l'intervention conjointe du Chancelier Kohl et de moi-même. C'était en 1990. Comment voulez-vous qu'une initiative aussi récente ait déjà abouti, alors que la Communauté, autant que je me souvienne s'appelle : "Communauté économique européenne". Elle ne s'appelle pas autrement, pour l'instant. On souhaite qu'elle devienne l'Europe, en tout cas une large partie de l'Europe, avec une compétence très étendue et un pouvoir politique, c'est à cela que nous travaillons et que je travaille. Et entre le moment où l'on conçoit, le moment où l'on propose et le moment où l'on a l'accord de tous les partenaires, cela exige des négociations assez complexes, vous pouvez l'imaginer, vous, qui connaissez la politique étrangère.
- Et, justement cette guerre interne à la Yougoslavie intervient avant que ces décisions n'aient été prises et que nos structures politiques n'aient été mises en place.
- Vous pourriez dire cela fait 35 ans que la Communauté perd son temps ! Eh bien elle n'a pas perdu son temps puisqu'elle était économique et, si elle a fait de grands progrès économiques, elle n'en a pas fait sur le plan social, elle n'en a pas fait assez sur bien des plans. Elle n'avait pas à en faire sur le plan politique puisque ce n'était pas une communauté politique.
- C'est cela le grand tournant, c'est un nouveau traité qui est actuellement en discussion. Ce n'est pas simplement la mise au net du traité existant. C'est un nouveau traité de même que ce sera un nouveau traité sur l'Union économique et monétaire. Les traités, vous connaissez votre histoire, cela ne se décide pas simplement en claquant des doigts, surtout quand on est douze et qu'il faut "accorder les violons" de douze pays qui ont chacun une histoire différente.
- Donc, je vous trouve un peu injuste, permettez-moi de vous le dire, dans votre façon de questionner, non pas moi, mais les dirigeants européens. Ceux, dont je suis, qui pressent le mouvement, parce que, comme moi, convaincus qu'il faut que l'Europe se dote d'une union politique si elle veut perpétuer son union économique car il faut toujours une volonté politique pour inspirer tous les domaines de l'action. Ceux qui prennent les devants, je ne suis pas le seul, la France en est depuis le début, tout à fait à l'origine, doivent obtenir l'assentiment de tous les autres et ce n'est pas toujours acquis.\
Vous me parliez de la Yougoslavie, la Yougoslavie il y a quand même un homme et, je n'ose pas dire une institution, enfin une esquisse d'institution sur une conférence de la paix - l'homme, c'est Lord Carrington - qui ont été chargés de prévoir les chemins, sinon de la réconciliation du moins de la pacification, en Yougoslavie. Ils sont au travail. Ils rencontrent d'énormes difficultés, visiblement les antagonistes là-bas souhaitent en découdre et pour que l'Europe, la Communauté obtienne raison il faut qu'elle use, soit de la menace ou de la sanction économique, soit de la persuasion. En tout cas tout est fait aujourd'hui pour éviter que les heurts ne se multiplient d'où le projet d'envoi d'observateurs. Projet aussi, qui n'en est plus un puisqu'il a été retenu par la Communauté, d'une commission d'arbitrage, d'où la proposition d'une force d'interposition. Mais une force d'interposition suppose des conditions à réunir : au nom de quoi est-ce qu'un pays déterminé - quel qu'il soit, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie... - enverrait son armée intervenir à titre national, personnel s'érigeant arbitre en Yougoslavie ? Cela n'aurait pas de sens. Seule une action collective, animée par des principes moraux et politiques, disposant d'un prestige, d'une influence pourrait le faire. La Communauté le pourrait. Personnellement, je le sens comme cela et tout démontre que la plupart des pays de l'Est qui viennent de se libérer ont toujours eu en point de mire la possibilité de s'agréger ou d'établir des rapports privilégiés avec la Communauté.
- De même, la Yougoslavie, qui ne faisait pas partie de ce système, qui a connu des évolutions d'un autre ordre, a avec la Communauté des relations très fortes. Mais sont-elles assez fortes pour dominer des passions séculaires, des haines, des rancunes, des règlements extrêmement difficiles ? Jusqu'ici, ce pays a tenu, dans des conditions, il faut le dire, toujours extrêmement heurtées. Cette république s'est dotée d'institutions très fines et un peu compliquées.
- Depuis que Tito a disparu, - va-t-on regretter le régime de Tito ? - c'est vrai que les républiques ont acquis beaucoup d'autonomie et elles se sont placées elles-mêmes sur le chemin qui va vers une autonomie plus grande, pour certaines d'entre elles, jusqu'à la souveraineté, c'est-à-dire jusqu'à l'autodétermination et l'indépendance.
- Alors le problème - je vous donne mon avis qui n'a pas obligatoirement force d'évangile - ce n'est pas celui de l'autodétermination de la Slovénie et de la Croatie. D'ailleurs, pour la Slovénie qui est un pays à la population homogène, cela pose beaucoup moins de questions. Je pense vraiment que ce principe triomphera, si l'on ne trouve pas les chemins de la conciliation permettant de perpétuer un lien organique entre les républiques. Cela n'empêche pas que ce lien organique serait souhaitable mais enfin ce sont ces peuples-là qui décideront. Je ne pense pas que ce soit là le principal. Si la Croatie veut faire sécession, s'éloigner de la Yougoslavie, je ne vois pas au nom de quoi la Yougoslavie, impulsée essentiellement par la république de Serbie, l'interdirait.\
Ce qui est en cause, c'est davantage le problème des minorités qui entraîne celui des frontières. Tous les traités internationaux garantissent les frontières, mais les frontières de pays souverains. Le passage de frontières intérieures, de caractère administratif, à des frontières de droit international n'est pas acquis, même s'il l'est dans son principe puisque le droit à l'autodétermination est reconnu. Le tracé peut être, le cas échéant, soumis à discussion. C'est bien ce qu'a voulu dire M. Eltsine, il y a quelque temps, lorsqu'il a remis en question, éventuellement, les frontières de la république de Russie. Ce problème se posera partout, soyez-en sûrs, mesdames et messieurs, car les frontières administratives internes ont été décidées par tel pouvoir, à tel moment et, bien entendu, à l'avantage de la nationalité de ceux qui l'ont décidé. Alors ce sera, à mon avis, le vrai problème.\
Si les garanties existaient - c'est pourquoi la Communauté doit s'appliquer à cela, comme les Nations unies pour assurer la protection et le droit à la vie des communautés ethniques extraordinairement imbriquées dans la région des Balkans - et si la nouvelle frontière pouvait être reconnue, la nouvelle frontière qui passerait, je le répète pour être tout à fait clair, du plan interne au plan international, si elle pouvait être définie, par des pouvoirs impartiaux, je suis sûr que les choses s'apaiseraient. D'où l'idée française, acceptée par la Communauté, d'une commission d'arbitrage et de conciliation présidée actuellement par Robert Badinter, dans laquelle se trouvent un Allemand, un Italien, un Espagnol, un Belge, en plus du président français. Mais, pour l'instant, on est face aux combats sporadiques, certes, mais pas moins violents, douloureux.
- J'ai d'ailleurs appris, avec tristesse, la mort de Pierre Blanchet et je voudrais dire ici à ses confrères la part que je prends à leur peine. C'était un journaliste de qualité et, humainement, je crois qu'il était considéré comme quelqu'un de bien.\
Est-ce qu'on peut envoyer une armée, à titre national, pour dire : on va vous mettre à la raison ? J'écarte tout de suite cette idée stupide. Est-ce que collectivement on peut envoyer l'armée pour rétablir le calme ? On ne peut le faire qu'avec l'accord des parties, sans quoi on aggrave les conditions de la guerre. Mais en revanche, à partir du moment où une institution internationale décide l'envoi d'observateurs pour au moins savoir ce qui se passe sur le terrain et fournir à la Commission d'arbitrage ainsi qu'à Lord Carrington et ses collaborateurs les moyens de juger, alors il faut bien assurer la protection de ces observateurs.
- Des observateurs aux frontières extérieures de droit international, cela devrait pouvoir se faire assez aisément. Ce n'est pas négligeable. La Hongrie le demande en particulier et je trouve qu'elle a tout à fait raison. J'approuve cette demande. Et j'approuverai toute démarche pour que des observateurs puissent aller là-bas. Parce que l'un des points essentiels est qu'il n'y ait pas de transport d'armes des différents pays d'Europe, en particulier ceux de la Communauté vers les belligérants. D'ailleurs ils n'enverraient sans doute pas les armes du même côté. A moins naturellement que les commerçants très avisés dans ce domaine ne fassent comme ils font d'habitude, c'est-à-dire fournissent des deux côtés à la fois ! Donc, il faut stopper, autant qu'on le peut, ce type de commerce et de transaction, et cette complicité éventuelle de pays extérieurs à la Yougoslavie avec telle ou telle fraction de ceux qui se combattent.
- Les événements vont très vite là-bas, c'est peut-être pourquoi vous parliez d'échec. On est toujours en retard, mais nous ne sommes pas belligérants nous. En fait je prends la défense de la Communauté, vous n'avez pas accusé la France, je vous en remercie. Mais je me sens solidaire de la Communauté et je vais vous préciser de quelle manière les choses se passent et où sont les différends. Il ne faut pas accabler une Communauté qui travaille dans les conditions que je vous ai dites sur un terrain qui n'a pas été défini, sur lequel il n'existe aucun traité. Personne n'y a d'obligation. Aucune obligation politique, j'entends bien. Il y a une obligation morale qui me parait impérieuse, puis politique même si on veut bien aller plus loin dans le raisonnement car il est sûr que les répercussions, les contagions, les conséquences de ce conflit en pleine Europe pourraient être gravement dommageables au développement de l'ensemble de l'Europe.\
Je suis favorable à la création d'une force d'interposition. Mais pour des cas de ce type, elle doit avoir surtout un rôle préalable de prévention des conflits. Dans ce type de guérilla, il est très difficile de fixer sur le terrain où se trouvent les différentes forces en présence, et comme on dit que ça se gâte du côté de la Bosnie, cela va être très difficile de placer un agent international derrière chaque citoyen selon qu'il est Monténégrin, Albanais, Bosniaque, Serbe, Croate, Turc, Bulgare, musulman, catholique, orthodoxe, de religion réformée, libre penseur £ après tout cela existe peut-être encore ?
- Avant de prononcer le mot échec, il faut quand même faire le tour de la situation. La France souhaite qu'une force d'interposition puisse intervenir en temps utile. Chaque jour perdu, rend plus difficile encore cette réalisation.
- D'autres conflits peuvent être prévus. Dans la même région ou ailleurs, le même problème se posera. Il vaut mieux y penser maintenant. J'ai dit "prévention des conflits". La France et l'Allemagne (avec le Chancelier Kohl nous nous sommes entendus là-dessus) ont adopté un texte commun. Vous le connaissez. A La Haye, les ministres des affaires étrangères viennent de discuter. Plusieurs d'entre eux, comme le ministre français, le ministre allemand et d'autres encore, dans la logique de cette attitude ont défendu ce projet. D'autres s'y sont pour l'instant opposés, en particulier la Grande-Bretagne, ce n'est pas un secret. On a repassé l'examen de la chose à l'UEO.
- L'UEO a créé un groupe de travail où les 9 pays participent y compris la Grande-Bretagne, c'est-à-dire que ce n'est pas une attitude négative sur tous les terrains. Même l'Irlande qui pourtant a un statut neutre. C'est dire à quel point cela intéresse. Il s'agit de savoir de quelle manière ces forces seraient amenées à protéger, à secourir, à accompagner les observateurs, et il est nécessaire que ces observateurs se répandent sur le terrain et qu'ils soient mis en mesure de poursuivre leur action.
- J'ai lu différents articles qui ont fort bien exprimé ce que je ressens moi-même puisqu'il est dit qu'on ne peut agir qu'avec le consentement des deux parties. Il suffit que l'une des deux parties s'y refuse pour que cela annule tout le reste. C'est vrai et c'est une question grave. Mais vous voyez, vous le moyen d'intervenir comme cela dans un conflit militaire pour trouver un accord et définir, par exemple, une zone tampon, dans laquelle on dit "on ne met pas d'armes, on discute, on place des observateurs, on gèle la frontière £ on examine de quelle manière, la frontière interne peut devenir externe". Pour cela, il faut bien l'accord des deux parties.
- Si l'ensemble des Yougoslaves, ou de ceux qui se réclamaient de la Yougoslavie et qui ne s'en réclament plus, veut persévérer dans sa guerre sans pitié et sans fin, il est évident que les moyens de se substituer aux autorites responsables deviennent extrêmement délicats.\
Moi personnellement, je pense qu'il est absolument urgent que les Nations unies soient saisies et prennent position. Vous savez que c'est actuellement la France qui préside le Conseil de sécurité pour le mois de septembre. Déjà le Canada a fait savoir, l'Autriche aussi qu'ils souhaitent saisir le Conseil de sécurité. La France aussi, (mais comme elle préside, sa situation est particulière) souhaite vraiment que le Conseil de sécurité des Nations unies se détermine. Certains problèmes de droit assez délicats peuvent se poser, mais tout de même, l'ONU peut et doit intervenir avec l'autorité qui est la sienne, elle peut aller du plus au moins. Elle peut aussi mandater ou soutenir l'action de la Communauté, ce qui nous donnerait plus de force, une délégation en somme. Je suis convaincu que sur ce point, il y aurait accord des membres permanents, il n'y aurait pas de véto. C'est ce que je préconise.
- Mais dès maintenant, il faut que le Conseil de sécurité s'en saisisse sans délai s'il ne l'est déjà. Et la France est tout à fait disposée à aller dans ce sens. Là aussi, bien entendu, par le moyen d'une force d'interposition et des observateurs. Voilà, pour l'instant où nous en sommes. J'ai préféré traiter le problème dans sa totalité pour répondre à l'ensemble de votre question.\
QUESTION.- Monsieur le Président Mitterrand, vous n'étiez pas en faveur de l'unité allemande. Comment est-ce que vous jugez maintenant ce processus historique, maintenant que vous visitez les nouveaux Länder ?
- LE PRESIDENT.- Comme vous dites quelque chose d'inexact, je n'ai pas à vous répondre.
- J'ai été chronologiquement le premier responsable d'un pays étranger à approuver la démarche de l'Allemagne vers l'unité. Donc quand vous aurez vérifié vos informations, vous pourrez revenir me voir.\
QUESTION.- Vous avez répété aujourd'hui comme hier que la Communauté devait s'engager à ne pas fournir d'armes à l'un ou l'autre des belligérants en Yougoslavie. Cette mention ne faisait pas partie hier de la déclaration commune avec l'Allemagne. Comment pensez-vous la faire approuver par vos autres partenaires ?
- LE PRESIDENT.- Je crois que cela ne fera pas la moindre difficulté. La discussion sur le texte a été menée à Bonn par un de mes collaborateurs et un collaborateur du Chancelier Kohl après que le Chancelier et moi ainsi que les ministres des affaires étrangères nous soyons accordés sur les idées générales du projet. L'aspect "ne pas vendre d'armes aux belligérants" allait à mes yeux tellement de soi que cela n'a pas semblé devoir être une disposition écrite aussitôt. Puisque plusieurs d'entre vous avez ressenti comme un manque ou une réserve, je vous dis tout de suite que ce n'en est pas une et qu'il sera très facile de le dire. La France l'a déjà dit, l'Allemagne, je ne suis pas qualifié pour l'engager mais je serais étonné qu'elle n'accepte pas de faire la même chose.\
QUESTION.- On dit que les Français sont un peuple avec un grand intérêt pour l'art, la culture, la littérature, etc... Monsieur le Président, vous, en tant que Français, qu'est-ce qui vous intéresse particulièrement chez l'homme Richard von Weizsaecker ? LE PRESIDENT.- Vous me mettez dans une situation très délicate. Supposez que j'en pense du mal ! Ma situation serait impossible, supposez que j'en pense du bien - vous n'auriez pas tort - je serais un peu gêné de lui dire comme ça ! Donc vraiment c'est une question sympathique et un peu indiscrète. Enfin, j'en pense du bien sur le plan culturel, d'abord, j'admire la façon dont il s'exprime dans notre langue et son extrême connaissance de tout ce qui est propre à la France. C'est déjà un élément, déterminant à mes yeux. Et comme il se trouve que M. von Weizsaecker a, précisément, tendance à s'intéresser, au premier chef, à la culture de son propre pays et à quelques autres, cela crée, à cet égard, une ambiance particulièrement sympathique et intéressante. Alors, qu'est-ce que j'en pense ? Ce sont les Allemands qui en pensent du bien, non ? Je dois dire qu'il n'y a pas une seule de nos conversations qui ne représente, pour moi, autre chose qu'un progrès dans la connaissance des choses.\
QUESTION.- Est-ce que vous êtes d'accord avec M. von Weizsaecker qu'après cette visite, la coopération franco-allemande peut donner un nouveau élan pour l'Europe ?
- LE PRESIDENT.- Oui, la coopération franco-allemande va bien, elle va bien, elle a été continue. Je n'ai pas connu de crise, j'ai connu des différends. Je me demande au nom de quel décret divin soudain l'Allemagne et la France, avant même de s'exprimer, seraient instinctivement d'accord sur tous les problèmes internationaux vis-à-vis du monde. Ce serait, vraiment des épousailles de l'âme qui représenteraient un progrès qu'atteignent rarement, d'ailleurs, les couples humains. Vous connaissez beaucoup de maris et de femmes, par exemple, qui s'aiment beaucoup et qui sont toujours d'accord sur la cuisine, sur le choix des mets à préparer pour la table, sur l'éducation des enfants, sur le lieu où l'on passera le week-end ? Et vous avez pu observer que je n'aborde que des problèmes très faciles à traiter ! Non, quand on s'entend bien, quand on s'aime, quand on a de l'amitié, et quand on n'a pas la même position à priori sur un sujet, la preuve de l'amitié c'est que l'on en discute et que l'on s'accorde. Eh bien, c'est ce que les Allemands et les Français font depuis de longues années. Donc, il n'y a pas de malaise, il n'y a pas de crise.
- Durant un moment, lors des débats qui ont suivi ou précédé la chute du mur de Berlin, sur l'application des dix points proposés par le Chancelier Kohl, un certain nombre de problèmes se sont posés, précisément, parce qu'il n'en avait pas été question dans les dix points. Le problème de la frontière, par exemple. On en a discuté, on s'est très bien mis d'accord. Voilà un exemple, je pourrais en trouver d'autres.
- Un autre différend qui a été extrêmement mal traduit à l'extérieur : le problème de la Yougoslavie, de quelle manière doit-on procéder pour accepter l'autodétermination de la Slovénie, de la Croatie ou de tout autre qui la demanderait ? Nous nous sommes très bien accordés pour estimer que l'autodétermination était un droit qui devait être reconnu, mais qu'en même temps ce n'était pas un droit sauvage, que l'autodétermination exigeait le respect d'un certain nombre de règles : la règle démocratique, le respect des traités existants, pour que nous ne nous trouvions pas placés, sur le plan international, dans des situations aussi compliquées que celles qui se développent en Yougoslavie.
- Donc, nos relations sont bonnes. Il n'y a pas que les problèmes internationaux proprement dits, il y a les problèmes financiers, les problèmes économiques et de temps en temps nous apprenons qu'il y a une hausse des taux d'intérêt, eh bien, en France on dit : "tiens, ce qui serait intéressant ce serait plutôt que ça baisse...". Ah, on n'est pas d'accord, eh bien, on discute. Et finalement, on se met d'accord, et puis si on ne se mettait pas d'accord on serait bien obligé de le faire puisque nous sommes en train de fabriquer un traité dans lequel il y aura une unité monétaire. Voilà, c'est cela la vie. Je veux bien que la plupart de nos amis journalistes aient le coeur élégiaque, qu'ils n'aiment, je suis sûr que c'est leur comportement habituel dans leur vie privée, que l'idylle et le ciel bleu eh bien, nous, nous sommes obligés de constater que de temps en temps il n'est pas bleu et que l'idylle est d'autant plus solide qu'il y a un bon contrat à la base. Ce contrat existe entre l'Allemagne et la France.\
LE PRESIDENT VON WEIZSAECKER.- J'aimerais bien encore ajouter deux mots, la France était l'une des quatre puissances qui avaient des droits et des responsabilités particulières pour l'Allemagne et Berlin dans son ensemble. La France après la chute du mur s'est immédiatement prononcée dans le cadre de ses responsabilités pour l'Allemagne unifiée, et avec tout ce qu'elle devait faire pour la réunification de l'Allemagne et ceci s'est fait sous la direction du Président Mitterrand. Et comme il vient de le décrire, pendant toute l'année 1990 il a travaillé, il a montré dans les conférences "Deux + Quatre" sa volonté. Et, je le répète encore une fois, aucun plus que lui n'est plus venu sur place, n'a plus fait par sa présence et son intérêt pour que les résultats des conférences "Deux Quatre" ne soient simplement du papier mais qu'ils soient mis également en pratique. C'est pourquoi il va tout à fait dans le sens d'une réunification de l'Allemagne, c'est pourquoi il soutient cette réunification de l'Allemagne et, pendant son voyage, avec toutes les responsabilités qui lui incombent, pour tout ce qui concerne la Yougoslavie - bien sûr nous n'avons pas encore réussi à trouver une solution pour la Yougoslavie - ce que nous avons fait est un signe de la bonne coopération entre les Allemands et les Français dans ce domaine qui concerne la Yougoslavie, cela aussi c'est un très bon signe d'un progrès et je ressens cela comme quelque chose de très positif et je pense que c'est également quelque chose qui aide pour la bonne conclusion des deux conférences gouvernementales qui doivent être conclues à la fin de l'année.\
LE PRESIDENT.- Je me permettrai de rappeler que j'ai toujours été, depuis le début, l'adversaire de l'Europe de Yalta et où était le signe le plus sensible de l'Europe de Yalta sinon dans la partition de l'Allemagne qui était la partition de l'Europe ? Nous n'allons pas revenir là-dessus. Je me souviens même d'avoir marqué ce sentiment dans une époque très lointaine, que vous êtes parfaitement excusables de ne pas connaître, c'est-à-dire au lendemain de la guerre, je m'étais opposé à la volonté des dirigeants français de l'époque de diviser l'Allemagne en deux, en quatre et même en cinq morceaux. Je trouvais cela absurde. Les choses ne se passent pas comme cela, quand un peuple a connu son unité, l'a recherchée pendant des siècles, l'a quelquefois obtenue, a souffert en commun, vécu de grandes espérances en commun, ce n'est pas une victoire ou une défaite qui va changer le cours de l'histoire, en tout cas définitivement ! Donc, n'insistons pas là-dessus mais je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire et je vous en remercie, monsieur le Président.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais revenir une seconde sur la Yougoslavie. Bien que vous ayez été très complet, je voudrais savoir comment vous appréciez la marge de manoeuvre qui reste pour le dialogue en Yougoslavie, parce qu'on a l'impression que l'Europe est peut-être en train de constater que cette marge est très négligeable malgré la création d'une conférence de la paix, de la commission d'arbitrage £ pour l'instant ce sont les armes qui parlent.
- LE PRESIDENT.- J'ai toujours considéré qu'il n'y avait pas de marge de manoeuvre de dialogue, dès le point de départ, entre les républiques associées sous le nom de Yougoslavie et plusieurs républiques, notamment la Croatie, et que, s'il devait y avoir une marge de dialogue, elle devait venir de l'extérieur. C'est pourquoi j'encourage la Communauté et les Nations unies à intervenir autant qu'elle le peuvent.
- Il est clair que ces républiques ne veulent plus vivre ensemble mais il est clair, également, qu'elles ne peuvent pas se séparer pour entrer mutuellement dans le domaine du droit international, déterminer leurs frontières, avec les garanties que cela suppose, sans qu'il y ait de la part des autres nations, spécialement européennes, un droit de jugement. D'autant plus que nous entretenons des relations qui sont bonnes, a priori, avec les républiques en question. Donc, il faut contribuer à l'arbitrage, à la conciliation pour qu'au moins elles ne s'entretuent pas et qu'elles trouvent un moyen raisonnable de définir une frontière et de protéger les minorités.\
QUESTION.- Vous avez dîné, hier soir, avec le ministre président de Saxe, M. Kurt Biedenkopf. Vous a-t-il parlé de son idée de créer une sorte d'association économique entre la Saxe, la Silésie et la Bohême ? Son idée, comme ce sont d'anciens territoires qui étaient dominés, sinon peuplés, par l'Allemagne, serait que ce soit parrainé par la France. Avez-vous parlé de ce sujet ?
- LE PRESIDENT.- Il m'en a parlé.. C'est vrai qu'il m'a dit à quel point il était intéressé par l'idée, qu'entre Tchèques, Polonais et Allemands de ces Länder, puisse exister une sorte de communauté, sous forme d'euro-région. Après tout, c'est ce que nous faisons nous-mêmes entre des régions rhénanes, françaises et allemandes. Il trouverait - pour des raisons qu'il m'a expliquées et qu'il serait trop long de dire maintenant - heureux que la France voulût bien participer à ces conversations et à cette façon de vivre ensemble.
- Ces raisons sont puisées dans l'histoire, plus que dans la géographie comme vous voyez et je pense que la France devrait agir dans ce sens, bien entendu, en répondant aux questions qui lui seront posées car il n'y a aucune raison qu'elle s'impose dans un dialogue où elle n'est pas naturellement mêlée.\
QUESTION.- Monsieur le Président vous avez parlé de projets pour les universités. Il y a un projet d'une université européenne, est-ce que vous pensez que la France peut soutenir ce projet à Erfurt ?
- LE PRESIDENT.- Ce serait très bien, Erfurt est une des villes des plus significatives d'Allemagne particulièrement par la qualité de son histoire, par sa situation géographique, par le fait qu'elle a été, je crois plus que d'autres, préservée par la guerre. Précisément M. le Président von Weizsaecker me parlait d'Erfurt tout à l'heure souhaitant que sur le plan universitaire il y ait un grand développement. La France pourrait, en effet, s'y associer.\
QUESTION.- Monsieur le Président vous nous avez donc indiqué que vous souhaitiez que le Conseil de sécurité se saisisse de l'affaire yougoslave, est-ce que c'est parce que ce conflit devient, d'après vous, suffisamment grave pour que la Communauté internationale s'en préoccupe ou est-ce que c'est parce que finalement la Communauté, pour toutes les raisons que vous nous avez indiquées, ne parvient pas, pour l'instant, à trouver une solution ?
- LE PRESIDENT.- De toutes manières ce serait beaucoup mieux que les Nations unies puissent mandater ou appuyer les démarches de la Communauté. Donc, selon l'une ou l'autre interprétation, il n'en reste pas moins que ce serait un acte préalable que je crois utile, mais je préfère dire nécessaire. Deuxièmement, la Communauté n'a pas pour l'instant, ne s'est pas donné à elle-même compétence. Si des membres de la Communauté disaient : "mais vous vous mêlez de quoi et au nom de quoi ?". On ne pourrait pas contester la justesse de cette réflexion. Mais il n'empêche que si les Nations unies estimaient ne pas avoir à s'en mêler pour des raisons juridiques, qu'il serait trop long à expliquer maintenant, je pense que la Communauté devrait continuer de considérer que c'est son devoir que d'intervenir dans cette affaire.\
QUESTION.- Vous vous êtes référé tous les deux avant hier à Jean Monnet, grand français et grand européen et qui est aussi l'inventeur des "solidarités concrètes" pour créer l'Europe. A l'époque, il était question de la petite Europe. J'aimerais vous demander, à tous les deux, comment vous voyez cette possibilité pour la France et pour l'Allemagne d'exercer en commun ces "solidarités concrètes" qui aideraient à construire cette Europe qui est en train de s'élargir ?
- LE PRESIDENT.- Pour ce qui touche à la mise en oeuvre des programmes et des pensées de Jean Monnet, eh bien, c'est ce que nous faisons tous les jours. Les propositions concrètes, vraiment c'est notre vie quotidienne, il y en a énormément. Et cette démarche nous l'appliquons. Est-ce qu'on l'applique assez, peut-être pas ? Alors on va essayer de développer encore.
- LE PRESIDENT VON WEIZSAECKER.- Dans cette salle il y a déjà eu une conférence de diplomates franco-allemands. Aujourd'hui, grâce à la présence du Président français cette salle a été véritablement inaugurée. Je suis heureux d'avoir été ici avec vous à Weimar, je vous remercie.\