9 septembre 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur les relations entre la France et les Emirats arabes unis, la sécurité dans les pays du Golfe et la conférence pour le règlement du problème palestinien, Paris, le 9 septembre 1991.

C'est pour nous tous un honneur que de vous souhaiter la bienvenue en France ainsi qu'aux membres de votre famille et aux éminentes personnalités qui vous accompagnent.
- Votre visite, très attendue, témoigne de l'excellence des liens qui unissent nos deux pays : puisse-t-elle ajouter encore à l'amitié et à la confiance qui fondent ces relations et dont nous venons de mesurer toute la portée au cours de l'épreuve qu'a vécue votre région.
- Durant ces mois de crise, les Emirats arabes unis, sous votre direction, ont montré la plus grande fermeté : l'agression irakienne contre le Koweit était injustifiable £ tout devait être mis en oeuvre pour restaurer la souveraineté. Après l'échec des nombreux efforts visant à parvenir à une solution pacifique du conflit, les forces armées de votre pays ont, avec vaillance, pris leur part à l'action militaire entreprise conformément aux objectifs fixés par la communauté internationale.
- Votre détermination dans cette épreuve constitue, Altesse, une nouvelle illustration d'un long et sage exercice du pouvoir. Représentant d'une des plus anciennes familles de la péninsule arabique, Emir d'Abou Dhabi depuis 25 ans et Président du Conseil Suprême des Emirats arabes unis depuis bientôt 20 ans, vous avez su promouvoir le développement équilibré de votre pays.
- Utilisant à bon escient les ressources procurées par l'exploitation du pétrole, vous avez doté les Emirats d'équipements et d'infrastructures qui en font un pays moderne. Par souci de l'avenir et pour ne pas dépendre d'une seule source de richesse, les bases d'une économie diversifiée ont été posées. Aujourd'hui, les Emirats constituent un carrefour pour l'ensemble de la région du Golfe.
- Cette mutation, amorcée il y a 30 ans, s'est réalisée dans un constant souci d'équilibre et de respect des valeurs et des traditions qui ont de tout temps été celles de la société émiratie.
- La France se réjouit de compter parmi les partenaires privilégiés que les Emirats se sont choisis pour participer à leur développement : industries - tout spécialement dans le secteur public -, aéronautique, communications, dessalement de l'eau de mer, d'autres programmes encore.... Et nos entreprises se sont attachées, durant les mois récents de crise, à ce que leur mise en oeuvre ne soit en rien affectée par les événements extérieurs.
- Parallèlement la coopération culturelle, scientifique et technique s'est développée pour le plus grand profit de nos deux pays. La réalisation de la maison de la culture franco-arabe Cheikh Halifa à Abou Dhabi en est la meilleure illustration.\
Je sais que votre Altesse aime à dire que la récente crise du Golfe a révélé aux Emirats quels étaient leurs véritables amis. Cette visite que vous nous faites maintenant, montre ce que vous pensez de la France. Mais votre choix comme le nôtre était d'abord de faire prévaloir le droit sur la force et la légalité internationale, sur le fait accompli.
- Nos politiques convergent sur des convictions communes : la sécurité, la paix, la stabilité et le développement. Cependant, si dans le Golfe la souveraineté du Koweit a été rétablie, des incertitudes demeurent en raison de la situation qui prévaut en Irak. La communauté internationale doit maintenir sa vigilance pour obtenir le strict respect des résolutions des Nations unies, d'autant qu'ont été mis en place des mécanismes de nature humanitaire pour que les populations civiles irakiennes ne pâtissent pas injustement du comportement de leurs dirigeants.
- Voyez-vous, l'essentiel est de créer les conditions d'une sécurité et d'une stabilité durables. Aussi la France encourage-t-elle l'action engagée par les Etats du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe car il revient d'abord aux Etats de la région dans une approche collective que favorise l'existence de ce comité ou de ce conseil, d'évaluer ce qui est nécessaire pour réunir les conditions de la paix et arrêter les dispositions qu'elles appellent.
- Je souhaite que les Nations unies apportent leurs garanties aux arrangements conclus entre vos pays. Je pense aussi à l'appel qui pourrait être fait sur un plan bilatéral, à tel ou tel partenaire extérieur à la zone ou à la région où vous vivez. Compte tenu de ses liens avec la région et du concours qu'elle lui a apporté pour que le droit y soit restauré, la France entend assumer dès maintenant ses responsabilités au regard de la paix et de la sécurité. Elle le fait aussi en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies.\
Nous avons parlé cet après-midi des problèmes touchant à la région, en particulier du conflit israélo-palestinien. Je vous ai dit ce que je pensais des initiatives du Président Bush et de M. Baker dont je souhaite le succès. C'est vrai que les possibilités actuelles sont réelles. En tout cas on ne peut pas les laisser échapper aussi ténues soient-elles. Alors nous espérons qu'à l'automne s'ouvrira la conférence annoncée.
- Vous connaissez aussi nos réserves. En particulier, nous estimons que seule une représentation authentique de toutes les parties, notamment du peuple palestinien, permettra la réussite du dialogue. C'est au demeurant l'intérêt de tous y compris d'Israël pour que cesse l'état de guerre qui depuis si longtemps empêche cette région de connaître le bien-être qu'elle mérite.
- Vous savez que la France, sur ce terrain, a toujours estimé que devait être garanti le droit à l'existence d'Israël et les moyens d'y parvenir.
- Nous avons parlé du Liban, je vous ai rappelé que nous avions approuvé le processus décidé à Taëf entre les trois chefs d'Etat désignés à cet effet et nous constatons que ces accords ont déjà permis un retour au calme tandis que l'ensemble des Libanais ont cessé de se combattre.
- Mais les accords de Taëf doivent être appliqués jusqu'à leurs termes. Et leurs termes écrits en toutes lettres, c'est le retour plein et entier à la souveraineté du Liban ce qui veut dire qu'il devient nécessaire de prévoir le retrait des armées étrangères qui se trouvent encore dans ce pays.\
Mais nos deux pays partagent aussi un souci commun qui est d'aider au développement des nations moins favorisées.
- A cet égard, les Emirats arabes unis mènent une action d'une ampleur remarquable qui sera renforcée par la création d'un programme arabe de développement.
- C'est pour établir une coopération entre cette institution et les autres instruments financiers multilatéraux et bilatéraux que la France a récemment présenté des propositions pour promouvoir le développement d'ensemble du monde arabe, notamment le Maghreb, indissociable de la sécurité et de la stabilité.\
Altesse puisque vous recevrez, non seulement Mme le Premier ministre français mais aussi plusieurs responsables de notre politique, vous aurez l'occasion de connaître et de débattre de nos intérêts communs tels qu'ils se révèlent dans la pratique des relations bilatérales.
- Je souhaite plein succès à ces échanges de vues et je tiens à vous redire avec quel plaisir j'ai su votre intention de venir nous voir. Nous nous étions rencontrés à Assouan en Egypte autour d'un projet d'une nature exceptionnelle, une bibliothèque à Alexandrie. Nous nous sommes revus depuis lors et je me souviens de votre accueil alors que, ayant inspecté notre marine dans le Golfe au moment difficile, vous m'avez réservé votre hospitalité.
- Voilà bien des raisons, Altesse, pour que levant mon verre selon notre tradition, en votre santé, à la santé aussi de ceux qui vous sont chers, je vous dise paix et prospérité pour le peuple des Emirats arabes unis, voeux aussi pour ceux qui vous entourent, ceux qui contribuent au développement de votre pays.\