11 juillet 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, sur les relations franco-tunisiennes, le rôle de la France au Proche et au Moyen Orient, le respect du droit international et les relations entre l'Europe et les pays du Maghreb, Tunis le 11 juillet 1991.

LE PRESIDENT.- Je viens devant vous après avoir eu une longue conversation, d'abord en tête à tête avec le Président Ben Ali, puis avec quelques ministres. Après cette conférence de presse nous nous retrouverons pour un repas officiel et amical à l'invitation du Président Ben Ali. Un certain nombre de conversations bilatérales ont eu lieu entre ministres, dans des domaines économiques et financiers, culturels, l'ensemble des affaires étrangères comme dans le domaine de la santé et le domaine social. Les ministres compétents vous informeront certainement du contenu de ces conversations et même de ces accords, car plusieurs accords ont été décidés. Les ministres des affaires étrangères sont convenus de réunir la commission mixte franco-tunisienne les 21 et 22 octobre. Les ministres ont traité de beaucoup de problèmes importants, la réunion ministérielle des cinq pays de l'union du Maghreb arabe et des quatre pays européens qui doit avoir lieu dès que possible. Elle serait suivie par un sommet, qui pourrait se tenir précisément à Tunis dans la deuxième quinzaine de janvier 1992. On a fait le tour d'horizon normal après la guerre du Golfe, les conséquences, les prévisions, avant le Sommet des grands pays industriels qui commence lundi prochain. L'examen général de la situation, ici au Maghreb, de la marche des affaires qui ont été ralenties à cause de ce conflit.\
Les ministres des finances ont préparé un certain nombre de conventions. Le ministre pourra vous donner des précisions sur les différentes aides, crédits, lignes de crédit qui ont été consentis, l'aspect particulier des partenariats, des relations entre entreprises. Il existe aujourd'hui, par exemple, 25 entreprises mixtes franco-tunisiennes en Tunisie £ elles ont été créées grâce aux crédits dont je vous parle. La Caisse de Coopération économique sera désormais autorisée à intervenir en Tunisie. On a parlé de la dette, la dette des pays à revenu intermédiaire, sujet dont je traiterai dès le début de la semaine prochaine à Londres. Comme je le fais d'ailleurs à chacune de ces rencontres, où l'on observe cependant des progrès même s'ils paraissent trop lents. Vous vous souvenez sans doute des initiatives françaises prises pour la réduction de la dette publique dans les pays les plus pauvres £ finalement quelques 35 pays ont été visés, puis quelques pays à revenu intermédiaire. Maintenant, c'est l'ensemble des problèmes posés par les pays intermédiaires qui doit continuer d'être traité comme ils avaient commencé de l'être à Toronto, puis aux Nations unies.
- Sur le plan culturel aussi, une coopération doit non seulement être maintenue mais accrue sur le plan des bourses d'étude, de l'Institut National de Sciences appliquées et de Technologie dont la création a été décidée lors de la visite que j'avais faite ici il y a deux ans. Pour l'enseignement du français, nous pensons pouvoir former 800 professeurs tunisiens en 5 ans.
- Le champ des conversations s'est étendu au plan social : échange de lettres entre ministres pour un contrôle des certificats d'hébergement, sur les cartes de séjour, sur une meilleure insertion des travailleurs tunisiens en France, sur la formation professionnelle, sur certains échanges sportifs pour les jeunes, tandis que sur le plan de la santé une réforme hospitalière est actuellement en cours £ ici même, nous allons envoyer un expert et y associer une quizaine d'hôpitaux français à l'entreprise en Tunisie. Une coopération sur la transfusion sanguine, sur les greffes d'organes, sur le sida, sur les handicapés et la formation du personnel adapté à ce type de soins, vous voyez que les échanges ont été multiformes.
- Je vous donne toutes ces données, elles vous seront confirmées par mes collaborateurs et par les ministres qui se trouvent ici, et je pense que maintenant le moment est venu pour vous d'élargir, peut-être, ce qui vient d'être dit aux questions qui vous paraissent les plus utiles.\
QUESTION.- Monsieur le Président, si on faisait une juxtaposition entre le discours que vous avez prononcé l'an dernier devant le Sommet franco-africain à La Baule et où vous avez indiqué que la France mesurera désormais son aide aux Etats africains à la mesure de leur adhésion de la démocratie dans leur pays. Et si on voit de notre côté que cette coopération franco-tunisienne évolue d'une coopération simple à quasiment la solidarité, pourrait-on conclure qu'entre Paris et Tunis, entre le Président Mitterrand et le Président Ben Ali : "tout baigne dans l'huile..."
- LE PRESIDENT.- Ma présence ici a une signification qu'il est aisé d'imaginer. J'ai reçu l'invitation du Président Ben Ali. Il était souhaitable, ainsi le considérions-nous des deux côtés, que cette visite eût lieu rapidement. Des obligations prises ici ou là faisaient que le mois de juillet était déjà pas mal engagé, cependant attendre septembre c'était bien loin. Nous sommes tombés d'accord pour consacrer quelques heures à des conversations le 11 juillet. Nous avons constaté que les relations franco-tunisiennes historiquement bonnes, souvent fécondes, avaient dépassé les moments qui se sont présentés au cours de ces deux dernières années et que nous avions repris le chemin d'une coopération active. Est-ce que "tout baigne" ? Il faut discuter chaque dossier, rien n'est acquis à l'avance, mais quand on débat contradictoirement dans la volonté d'aboutir, de coopérer et d'être utile à l'autre partie tout en servant justement ses propres intérêts, on arrive toujours à s'entendre et c'est le cas.\
QUESTION.- Question en arabe non traduite ?
- LE PRESIDENT.- La France a-t-elle l'intention de s'effacer des pays du Moyen-Orient ? Je ne comprends pas cette question. La France défend ses intérêts, ses intérêts légitimes et continue de jouer un rôle historique suffisamment important pour que chacun ait pu le constater au cours de ces dernières années. La France est membre permanent du Conseil de sécurité, et c'est le Conseil de sécurité qui a défini les grandes règles de ce que vous appelez, avec d'autres, "le nouvel ordre". Il était très intéressant de constater que ce nouvel ordre reposait précisément sur la prééminence, réaffirmée après un long silence, des Nations unies et de leur Conseil de sécurité.
- Deuxièmement, c'est à l'occasion de la guerre du Golfe et de ses conséquences qu'un principe fondemental, à l'initiative de la France, a été édicté par le Conseil de sécurité des Nations unies, à savoir le droit, sinon même, le devoir d'ingérence dès lors que des conditions inhumaines seraient imposées à un peuple par ses propres dirigeants. On voit très bien s'amorcer une nouvelle conception de la société internationale qui nous éloigne heureusement de la passivité de cette grande institution au cours des décennies précédentes, d'autant plus que bien des délibérations avaient eu lieu et des textes votés depuis 1948 qui étaient restés lettre morte, qui sont toujours lettre morte et qui sont cependant fort importants. Là, on a vu les textes adoptés dans la période qui est allée du début du mois d'août jusqu'à une époque plus récente de mars 1991. On a pu voir véritablement, par le moyen des armes, décider au sein du Conseil de sécurité, la mise en application de résolutions qui ont en fait été à l'origine de la coalition qui a combattu l'Irak. Voilà beaucoup de données nouvelles. Quelles seront les conséquences ? Est-ce que l'on va appliquer aux autres régions du Moyen et du Proche-Orient les principes qui ont prévalu lors de la libération du Koweït ? Cela, c'est un combat diplomatique qui est loin d'être terminé, malheureusement.
- Mon sentiment à moi, c'est que la pleine justification de cette guerre - qui trouve déjà sa justification première dans le fait qu'il n'était pas acceptable qu'un pays s'emparât d'un autre, avec une possibilité de contagion de cet impérialisme - serait que la même méthode, les mêmes procédures et les mêmes principes puissent prévaloir pour le règlement de situations dramatiques comme celle du conflit israélo-arabe ou bien celle du Liban et ça ne se produit pas pour l'instant. Il y a bien des tentatives, des essais et l'on doit encourager les efforts de ceux qui en prennent l'initiative. M. Baker en a pris plusieurs, mais tout cela n'est pas suffisant, et n'entame pas la résolution de ceux qui entendent maintenir le Proche et le Moyen-Orient dans cette situation de paix armée. Je tiens à vous dire que la France n'a besoin d'écouter personne, de se laisser influencer par personne pour continuer sa lutte pour que la paix soit aussi la paix dans la justice. Nous avons pris position pour une conférence internationale, pour l'affirmation du droit à l'auto-détermination et à la disposition d'une patrie pour tous les peuples de la région, notamment les Palestiniens. Voilà ce que je peux vous rappeler. C'est une position française qui n'est pas si partagée que vous sembliez le dire au point de départ. Nous ne pouvons pas la faire triompher comme cela par nos seuls moyens. Il s'agit de convaincre, c'est une oeuvre de longue haleine, et nous trouvons des concours, croyez-moi, dans votre propre région.\
QUESTION.- Il y a quelques semaines, l'état de siège a été décrété en Algérie à la suite de manifestations violentes des islamiques, ici même un complot a été découvert que l'on attribue aussi à des intégristes musulmans. Est-ce que vous estimez que la France doit publiquement et officiellement condamner les islamistes ou est-ce que la France doit simplement assister à ce qui se déroule au Maghreb et est-ce que ces islamistes pour vous sont une menace sérieuse pour les Etats du Maghreb ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas à m'exprimer sur ce sujet. La France n'intervient pas dans les affaires intérieures des pays amis du Maghreb. Elle doit simplement rappeler en toutes circonstances chez elle et chez ses amis, qu'il est des principes de la démocratie sur lesquels ont ne peut transiger. Traduisez ces propos comme vous le souhaiterez.
- QUESTION.- Monsieur le Président, à propos de l'intégrisme est-ce que vous pensez que la montée de l'intégrisme dans les pays du Maghreb puisse constituer une menace et un handicap pour la coopération entre les deux rives de la Méditerranée ? Est-ce que vous avez évoqué cette question aujourd'hui dans vos entretiens avec le Président Ben Ali ?
- LE PRESIDENT.- Le Président Ben Ali n'était pas le représentant de l'intégrisme, donc nous n'avons pas eu à aborder le sujet ! Si il pense que l'intégrisme peut être un danger, à lui d'en faire la démonstration ! Pour l'instant, nous avons des discussions d'Etat à Etat. Je suis Président de la République française, je discute avec le Président de la République tunisienne, comme je discute avec le Président de la République algérienne, ou avec le Roi du Maroc, ou avec le Colonel Kadhafi, ou avec M. Moubarak. Je n'ai pas à intervenir dans les affaires de ces pays.\
QUESTION.- Question en arabe non traduite.
- LE PRESIDENT.- En commençant par la fin, moi je n'engage que la France et pas les autres pays. Je vous réponds oui l'un des effets majeurs de la guerre du Golfe doit être de pousser plus loin la mise en application des principes reconnus par les Nations unies au terme des résolutions adoptées et qui sont fort précises sur les droits et les obligations de chacune des parties prenantes au Moyen-Orient. La France persévère dans cette prise de position, et elle s'est déjà exprimée en faveur d'une conférence internationale pour examiner la situation à la fois d'Israël et des pays voisins et particulièrement de peuples, dont le peuple palestinien. Il y a aussi, pour ce qui concerne le Liban, des prises de position qui sont très intéressantes pour nous Français, pour tout ce qui touche à l'exécution jusqu'à leur terme des accords de Taëf. Pour la France, je vous réponds : oui, ce doit être la suite normale des événements qui se sont produits entre le mois d'août 1990 et le mois de mars 1991. Est-ce que c'est Israël qui décide, qui a pris la suprématie ? Ce qui est vrai, c'est que le monde arabe a été divisé, ce qui est vrai c'est qu'un pays arabe, non pas parce qu'il était arabe mais parce qu'il avait obéi a une dictature qui a rempli le rôle dommageable de l'agresseur dans une guerre internationale, s'est trouvé, je veux dire l'Irak, s'est trouvé vaincu avec des dommages graves au cours d'un conflit international. Bien naturellement, tous les autres pays qui n'ont pas eu à subir ces dommages se trouvent aujourd'hui dans une situation meilleure, ce qui veut dire que l'Irak n'a pas été dirigée avec sagesse, c'est le moins que l'on puisse dire de ces événements tragiques. Alors la France, les droits de l'homme, les vieillards et les enfants de l'Irak, c'est aux responsables de l'Irak que vous devez poser cette question. Est-ce que les droits de l'homme supposent que l'on doit dire "oui" à tous les dictateurs qui entendent agresser par les armes les pays voisins ? Est-ce que ceux qui s'engagent dans ce type de conflit ne doivent pas être considérés comme responsables de toutes les conséquences tant qu'ils ne s'inclinent pas devant la règle internationale ? Il y a des dispositions qui ont été prises pour la protection ou la sauvegarde des populations kurdes, pour celle des populations chiites du sud de l'Irak, pour interdire la détention ou la fabrication d'armes nucléaires. Tout ceci doit être appliqué. Tant que cela ne le sera pas, malheureusement pour le peuple irakien, y compris les enfants et les vieillards, l'Irak souffrira de cette situation.\
QUESTION.- Que pensez-vous du climat de confiance et du crédit dont jouissait la France auprès de ses partenaires arabes, ce climat de confiance et ce crédit ayant pu être entamé à une époque par la guerre du Golfe, notamment dans un Maghreb assez virulent contre les positions françaises. Est-ce que vous pensez que ce climat de confiance est aujourd'hui restauré et qu'à ce titre-là la visite d'aujourd'hui était une visite symbole ?
- LE PRESIDENT.- oui, je le crois, en tout cas je l'espère mais ne croyez pas que la position de la France, à cause de cette guerre du Golfe ait été à ce point abaissée dans le monde arabe. Nous avons continué d'avoir en permanence des relations multiples avec chacun de ces pays. J'ai même été invité à me rendre officiellement dans plusieurs des pays qui se trouvaient directement concernés par la guerre, je pense en particulier au Yémen. Je suis invité à me rendre en Jordanie. L'Algérie est très occupée aujourd'hui par ses problèmes de politique intérieure qui prévalent sur le reste mais nos relations de travail sont constantes et la première occasion sera saisie pour que l'un ou l'autre des chefs d'Etat puisse se déplacer.
- Il en va de même pour le Maroc, il en va de même pour la Mauritanie, Il en va de même pour la Libye. Donc, je ne parle là que des pays du Maghreb, mais bien entendu, l'Egypte, l'Arabie saoudite, les Emirats et bien d'autres encore n'auraient alors strictement aucune raison de reprocher à la France de s'être mêlée de cette guerre puisqu'elle-même était dans le même camp. Il ne faut pas avoir de vue pessimiste de cette situation, et je viens aujourd'hui à Tunis avec d'abord le sentiment d'enraciner une vieille et solide amitié, sans avoir besoin de faire beaucoup d'efforts tant l'hospitalité tunisienne est bonne. C'est un problème qui peut exister, qui a pu exister, qu'il faut savoir dominer, mais qui l'est et le sera sans aucun doute.\
QUESTION.- Cette question concerne une personnalité dont on parle beaucoup tant à Paris aujourd'hui qu'à Rabat ou ici, c'est une personnalité du Maghreb, elle s'appelle M. Diouri, c'est la première fois que nous avons le plaisir de vous voir, monsieur le Président depuis que le tribunal administratif a rendu une décision visant à annuler l'arrêt d'expulsion frappant M. Diouri, que pensez-vous aujourd'hui de cette décision par rapport à une personne et à cet arrêt d'expulsion que vous aviez vous-même justifié publiquement ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas du tout l'habitude de traiter des affaires françaises quand je me trouve à l'étranger, y compris dans un pays ami. Si cela vous facilite votre travail je n'hésiterai à vous dire que le gouvernement a exprimé une position en estimant juste et nécessaire d'expulser cette personne, que le tribunal saisi en première instance a estimé le contraire. C'est la preuve qu'il existe en France une justice libre dans une bonne démocratie.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que des mesures seront prises par la France pour limiter les activités très intenses des islamistes tunisiens sur le sol français ?
- LE PRESIDENT.- La France veillera à empêcher toute expression violente ou de caractère terroriste. Mais la question n'a pas été posée et nous n'avons pas eu à souffrir de ce type d'action depuis longtemps déjà. Quant aux opinions des individus, des citoyens, quand on est citoyen français et que l'on vit en France, on a toutes les possibilités de s'exprimer et la liberté d'opinion, le droit d'expression est total, intégral, il n'y a pas de limites. Les étrangers qui se trouvent en France sont quand même tenus sur le plan moral et quelquefois légal, a respecter le pays dans lequel ils se trouvent. Voilà, c'est comme cela que les affaires se posent. Mais nous n'avons jamais procédé à quelque interdiction que ce soit, à quelque censure que ce soit à l'égard de tout écrit exprimant des idées sur tel ou tel sujet politique.\
QUESTION.- Aujourd'hui, Ibrahim Souss, le représentant de l'OLP à Paris a donné une interview à Radio Monte Carlo et il a dit qu'il espère, si les efforts américains n'ont pas de succès pour trouver une solution pour le conflit arabo-israélien, il espère que la France va jouer un rôle plus grand, plus important. Acceptez-vous de jouer un rôle comme cela ?
- LE PRESIDENT.- La France remplit le rôle de l'un des cinq pays du monde à pouvoir voter, donner son avis et peser sur les décisions qui touchent au devenir de cette région du monde. En soi, c'est déjà une réponse positive. Est-ce que nous désirons être encore plus écoutés, notamment par nos partenaires, sans aucun doute. Quant à l'OLP la France est un des pays qui a maintenu une relation publique, non pas par identité de vues en toutes choses, mais au moins sur le principe des droits des Palestiniens à vivre sur une terre qui serait leur patrie. Cette constante-là fait que la France et l'OLP peuvent continuer de se parler et si possible d'être utiles à la cause des peuples dont je vous parle.\
QUESTION.- Monsieur le Président, en France il y a un débat sur l'immigration et en particulier sur l'immigration clandestine, est-ce que ce débat inquiète les Tunisiens, est-ce que le Président Ben Ali vous en a parlé ? LE PRESIDENT.- Le Président Ben Ali ne m'en a pas parlé et j'aurai d'autres occasions que celle-ci pour approfondir ce sujet.
- QUESTION.- Monsieur le Président, l'un des dirigeants de la droite française s'est pris brusquement à se boucher le nez et les oreilles au passage des immigrés. Il représente malheureusement une tranche de plus en plus large de la société française, et je pense qu'il y a un vent de xénophobie qui souffle sur une partie de l'opinion, quel avenir pour les immigrés ? LE PRESIDENT.- J'aurai l'occasion de m'exprimer en d'autres circonstances. L'avenir des immigrés en France qui se soumettent aux lois françaises est un avenir plein d'espoir pour eux. Ceux qui ne s'y soumettent pas, bien entendu, n'ont pas d'espoir à entretenir.
- QUESTION.- Il y a des informations qui circulent qui disent que M. Ghannouchi, leader intégriste tunisien s'est vu refuser son renouvellement de visa en France et que deux de ses amis ont été rappelés à l'ordre. Est-ce que vous pouvez nous confirmer cela ?
- LE PRESIDENT.- Je ne suis pas au courant.\
QUESTION.- La France, comme vous l'avez dit tout à l'heure, a été toujours un pays d'accueil qui a toujours ouvert les bras pour les militants de la liberté et de la démocratie. Cela fait la fierté de la France d'accorder l'asile politique à tous ceux qui ont milité pour des causes justes, ce qui a été d'un grand apport pour la cause des peuples. Mais aujourd'hui, et sous prétexte que la France demeure toujours une terre d'asile politique, les autorités françaises accordent le statut de réfugiés politiques à des dictateurs, à des gens qui ont bafoué les droits de l'homme et qui ont commis des crimes contre la liberté et la démocratie. Je cite ici le cas de Duvalier ou encore le cas de l'ancien Premier ministre tunisien, M. Mzali, qui comme vous le savez certainement a causé beaucoup de torts à la cause des libertés en Tunisie et plus particulièrement aux libertés syndicales. Ne croyez-vous pas, monsieur le Président, qu'il est grand temps de réviser les critères de l'octroi du droit d'asile politique pour que seuls ceux qui ont lutté pour des causes justes peuvent en bénéficier sans avoir l'intention de s'intégrer dans les affaires de politique de la France ?
- LE PRESIDENT.- Vous voyez comme c'est compliqué ! Il y en a qui s'indignent que de temps en temps nous rappelions aux étrangers bénéficiant de l'asile politique en France un peu de retenue et de décence, pour ne pas compliquer les affaires de leur pays d'accueil, la France, et puis d'autres qui estiment qu'ils en font trop et qu'il faudrait peut-être réduire précisément ce droit. Je préfère être simple £ tout étranger qui est vraiment menacé dans sa vie et dans sa liberté, dès lors qu'il se soumet aux lois françaises peut venir en France. Il peut y avoir des personnes franchement indésirables en raison de certaines de leurs actions, c'est vrai. Mais je suis sûr que les responsables de ces visas sont assez sages pour savoir ce qu'ils doivent faire lorsque ce cas se pose dans des situations très rares, qui ne me paraissent pas d'ailleurs être celles que vous m'avez citées.\
QUESTION.- non traduite.
- LE PRESIDENT.- Je pense que les représentants légitimes du peuple palestinien doivent, bien entendu, être partie prenante à la discussion dont dépend leur sort.
- QUESTION.- Monsieur le Président vous n'avez pas évoqué avec M. Le Président Ben Ali les problèmes d'immigration, vous n'avez pas évoqué les problèmes de l'intégrisme, et de l'islamique...
- LE PRESIDENT.- Les ministres, le ministre des affaires sociales français en a discuté avec son homologue tunisien. Donc, ce sujet n'a pas été absent des conversations franco-tunisiennes, simplement je n'ai pas été mêlé moi-même à ce type de conversations.\
QUESTION.- Ce n'est pas le fond de ma question, je pense que le symbole de votre visite est beaucoup plus important que les problèmes quotidiens. Vous avez voulu venir en Tunisie, vous avez répondu à l'invitation du Président Ben Ali sûrement pour un peu discuter des grands problèmes et des grandes idées que vous défendez, monsieur le Président. Que pensez-vous de l'avenir des relations entre notre pays et la France et du dialogue réel, c'est-à-dire la coopération entre la Tunisie entre les pays sous-développés du site méditerranéen la France et l'Europe.
- LE PRESIDENT.- Je pense que tout ce qui peut être accompli dans ce sens doit l'être, dans la mesure de nos moyens. C'est d'ailleurs pour cela que, précisément, la conversation s'est ouverte sur le problème des relations du Maghreb et des pays européens du bassin occidental et de la Méditerranée. C'est pour cela que toute une série de rencontres, notamment la réunion de la commission mixte entre la Tunisie et la France a été décidée. Le problème n'est pas seulement tunisien, c'est aussi un problème qui touche à l'ensemble de la région. La réunion des sept plus grands pays industrialisés qui se tiendra lundi, mardi et mercredi à Londres, aura à traiter à la demande de la France du problème du développement du tiers monde, de l'aide et de nouvelles dispositions de remise de dette. Tout cela concourt ou devrait concourir à améliorer la situation des pays du Maghreb.\
LE PRESIDENT.- `suite` Ma visite a un aspect plus que symbolique. On me dit par exemple que la présence de touristes français s'est considérablement ralentie cette année, alors que tel n'est pas le cas pour d'autres nationalités européennes. Cela est dû sans doute à un concours de circonstances, d'images et peut-être de fantasmes. C'est une psychose qui est née de la guerre du Golfe, de ce que l'on a cru être les positions de pays ou de mouvements. Je saisis cette occasion pour dire que la Tunisie est un pays accueillant, et que les Français qui aiment venir en Tunisie pour les vacances auraient bien tort de s'écarter de ce chemin. C'est un pays où l'on peut vivre dans des conditions de confort et d'agrément très grandes. C'est une façon de s'entraider que de dire publiquement ce que je viens de vous dire. J'engage la France a perpétuer une relation forte avec la Tunisie et je dirais absolument la même chose si j'étais en Algérie, si j'étais au Maroc, non pas parce que je me comporterais de façon répétitive, comme un perroquet, pour dire la même chose à tout le monde, mais c'est parce que ces trois pays sont, en dépit d'un passé douloureux, des pays amis du mien et nous y avons des responsabilités particulières, des obligations morales et pratiques, et que nous nous efforçons de remplir.\
QUESTION.- Question en arabe non traduite.
- LE PRESIDENT.- Pour la deuxième question, cela nous rejetterait dans des considérations générales qui ne sont plus tout à fait de mise, à l'heure qu'il est. La Communauté européenne des Douze entretient des relations, des conversations, des projets et même pratique des accords avec la plupart des pays de cette région. Accords qui permettent à l'avantage des deux parties, c'est-à-dire l'Europe et l'Afrique du Nord, de se rendre des services mutuels, d'écouler certaines productions, d'éviter des concurrences inutiles. Je crois que nul n'a à s'en plaindre tout au plus souhaiterait-on en faire davantage. La France fait partie des pays qui souhaitent que l'on en fasse davantage. Quant au Général Aoun, il est à l'heure actuelle en sécurité à l'ambassade de France à Beyrouth, il y restera tant que cette sécurité devra être assurée par ce moyen. La France lui a accordé le droit d'asile et l'assume. Il n'est pas une conversation de notre ministre des affaires étrangères avec les principaux intéressés, notamment avec le gouvernement libanais, pas une conversation qui n'ait abordé cette question-là, et on peut espérer une solution heureuse dans des délais raisonnables. En tout cas, tant que la situation ne sera pas résolue l'hospitalité sera offerte au Général Aoun.\