24 juin 1991 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République, et John Major, Premier ministre du Royaume-Uni, notamment sur l'union économique et monétaire, l'union politique et la future structure politique de la Communauté européenne, et sur l'expulsion de M. Abdelmoumen Diouri, Dunkerque, le 24 juin 1991.
LE PRESIDENT.- Mesdames et messieurs, nous avons été heureux de recevoir M. Major et plusieurs de ses ministres aujourd'hui à Dunkerque, dans le cadre des conversations régulières entre nos deux pays. Nous avons eu, M. Major et moi, un entretien, auquel s'est joint Mme le Premier ministre, Edith Cresson, tandis que les ministres spécialisés se rencontraient depuis le milieu de la matinée pour élaborer les conclusions qu'ils nous ont présentées.
- Il a été question de l'Europe, bien entendu, de la préparation du Conseil européen de Luxembourg qui commence, comme vous le savez, vendredi prochain et un certain nombre d'accords ont été recensés, notamment sur la nécessité de terminer la Conférence intergouvernementale à la fin de cette année 1991 donc à Maastricht, aux Pays-Bas, mais en considérant que le texte luxembourgeois sur l'union politique servira de base à nos travaux. On a discuté de défense, de la structure du futur traité, de l'union économique et monétaire, avec le passage d'une étape à l'autre.
- D'autres questions ont été évoquées, notamment l'UEO, le GATT et les accords de Schengen, toujours à propos de l'UEO la préparation de la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense à Paris le 27 juin prochain. Sortant de l'Europe, diverses questions internationales ont été abordées : pour l'Irak, une très grande convergence de vues sur la vigilance nécessaire au nord de l'Irak, dans le Kurdistan, pour que le passé ne se répète pas et que des garanties soient données aux populations kurdes d'une part et d'autre part que les moyens, le cas échéant, de cette vigilance soient maintenus en place.
- Des questions sont posées au gouvernement irakien. Des réponses à ces questions dépendront pour beaucoup les dispositions à prendre.
- Nous avons parlé de l'Alliance atlantique, de la préparation du prochain Sommet des pays industrialisés, à compter du 15 juillet prochain et de coopération bilatérale en matière de défense. Je vais laisser le soin à M. Major de poursuivre cette présentation et je veux lui répéter que pour nous, Français, c'est toujours extrêmement agréable et certainement très utile de pouvoir approfondir nos conversations, tant nos deux pays sont associés dans les grands domaines de la politique pour l'Europe et de la politique internationale. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, et je vous donne la parole.\
M. John MAJOR.- Eh bien, monsieur le Président, je vous remercie très vivement de ces remarques introductives. Le Président vous a fait part de l'étendue de la discussion de ce matin et je n'ai pas grand chose à ajouter. C'est vrai que c'était une réunion tout à fait utile et tout à fait opportune, étant donné qu'il y a très bientôt le Conseil européen, le Sommet des pays industrialisés en juillet.
- Nous avons bien entendu l'intention commune d'arriver à une conclusion pour les deux conférences intergouvernementales à Maastricht à la fin de l'année. Je suis donc très reconnaissant à la fois au Président Mitterrand et au maire de Dunkerque de leur hospitalité et de la chaleur de leur accueil. Bien entendu, cette ville représente pour vous comme pour nous des rappels historiques et c'était très agréable de pouvoir également rencontrer pour la première fois Mme Cresson, le nouveau Premier ministre français.
- Je sais que mes collègues ont eu des conversations très utiles avec leurs homologues ces dernières heures. Les rapports entre le Royaume-Uni et la France sont quelque chose de très important pour nous, marqués par des réunions constantes, des échanges : il s'agit là de relations vitales, très importantes, et qui remontent à très longtemps, qui sont vitales à la fois pour la Communauté européenne, au sein de l'OTAN et à titre bilatéral. Nous y attachons beaucoup de valeur.
- Bien que ce soit le premier sommet officiel depuis un an, le Président et moi-même nous sommes rencontrés à plusieurs occasions depuis six mois et nous avons des contacts très fréquents. C'est quelque chose qui va se poursuivre et je m'en félicite.
- Il est je crois vital pour nos deux pays d'aboutir à un accord en matière de défense européenne. Il nous faut concilier le souhait de définir les concepts, les préoccupations à long terme et la certitude de savoir ce que cela veut dire en pratique à court terme et nous avons donné des instructions pour que l'on travaille à cela dans le but de se mettre d'accord sur une position commune à Maastricht.\
Vendredi de cette semaine et samedi, à Luxembourg, nous allons tirer un bilan et donner une impulsion à la suite de deux conférences intergouvernementales. Des progrès considérables ont déjà été réalisés sous la présidence luxembourgeoise et j'ai d'ailleurs plaisir à les féliciter du travail accompli.
- Le Président et moi-même, ce matin, avons convenu qu'effectivement, nous pouvions utiliser ces progrès déjà réalisés pour aller encore plus loin à Maastricht en décembre. Par contre, ce que nous ne pourrons pas faire à Luxembourg cette semaine, c'est de prendre des décisions partielles, à mi-chemin de négociations sur des sujets qu'on ne peut juger que globalement, lorsque l'on sera arrivé à la fin du processus de négociations. Nous avons évoqué des questions très diverses en matière d'union économique et monétaire, par exemple nous avons convenu qu'un renforcement de l'écu était une partie très importante £ que, dans la deuxième étape, la politique monétaire devait rester une question de politique nationale et il y a encore toute une série de questions en Conseil avant de pouvoir aboutir à des décisions en matière d'union économique et monétaire vers la fin de l'année.
- Nous avons également discuté toute une série de questions importantes qui sont évoquées dans le cadre du traité sur l'union politique et nous avons là trouvé des zones d'accord, d'autres où il y avait encore à discuter. Mais là encore je suis convaincu que nous pourrons effectivement convenir d'une conclusion commune d'ici la fin de l'année.
- Nous avons brièvement évoqué la possibilité d'accueillir le Président Gorbatchev à Londres le mois prochain à la fin du Sommet. Je crois qu'effectivement ce sera quelque chose de très utile et ce sera pour nous l'occasion d'entendre de la part du Président Gorbatchev un engagement vis-à-vis de la démocratie en Union soviétique et un engagement vis-à-vis d'une économie de marché. Ce sont des discussions que le Président et moi attendons avec une certaine impatience.
- Enfin, sur les problèmes bilatéraux, nous intensifions nos discussions sur les zones possibles de coopération dans le domaine de la défense. La Grande-Bretagne et la France ont joué un rôle tout à fait notable dans la libération du Koweit et dans la création d'asiles en Irak. Nous pensons que nous pouvons encore renforcer cette coopération au fur et à mesure que nous définissons une identité de défense européenne. En résumé, nous avons eu des échanges très étendus et très utiles, c'est en tout cas mon opinion et j'espère que nous pourrons les poursuivre dans ce sens à l'avenir.\
LE PRESIDENT.- Je vous remercie, monsieur le Premier ministre. Je pourrais ajouter à vos propos que l'intensité de nos relations trouvera une confirmation supplémentaire bientôt puisque nous nous rencontrerons le 29 juillet à Calais pour célébrer le 5ème anniversaire du traité créant le tunnel sous la Manche.
- Voilà. Si vous voulez bien, mesdames et messieurs, vous pouvez poser un certain nombre de questions avant que M. Major ne regagne la Grande-Bretagne.\
QUESTION.- Est-ce qu'il s'agit à l'heure actuelle plutôt d'une monnaie commune ou plutôt d'une monnaie unique ?
- LE PRESIDENT.- C'est la discussion de fond. Vous la connaissez, monnaie unique, monnaie commune. Ce qui a été dit entre nous, c'est que le processus engagé - et nous sommes d'accord sur le calendrier, trois étapes - doit permettre d'aller vers la monnaie unique, étant entendu que de la part de la France c'est un postulat - nous entendons négocier avec nos partenaires pour la création d'une monnaie unique - et que pour la Grande-Bretagne, ce sera, le cas échéant, une conséquence, si tout ce qui précède la date choisie par la Communauté a conduit harmonieusement à cette possibilité. Donc, les points de vue théoriques et a priori sont différents. La méthode permet un rapprochement et après tout c'est M. Major qui, il y a quelque temps, avait pris des initiatives sur l'écu fort, qui avait permis tout de même un déblocage de la situation. Mais je vous laisse le soin, monsieur le Premier ministre, de préciser votre point de vue.
- M. John MAJOR.- Je vous remercie. Vous avez effectivement là touché au coeur même du problème qui reste à résoudre. Et il y a encore beaucoup de choses à accomplir avant que nous n'arrivions au stade des décisions. Et l'une des questions la plus importante est effectivement une évaluation des résultats économiques provenant soit d'une monnaie commune ou d'une description de ce que serait une monnaie unique. Les détails d'une telle analyse ne sont pas encore disponibles et on ne sait pas encore très bien quel en serait le résultat. Mais j'ai déjà fait part de mes préoccupations quant à une approche trop prescriptive sans, en tout cas, une préparation nécessaire et sans toute la convergence économique dont nous avons besoin. Il serait extrêmement difficile au Royaume-Uni d'accepter les objectifs tant que nous ne savons pas quels seront les effets d'un tel objectif.
- Or, nous ne pouvons savoir quels en seront les effets, tant que nous ne saurons dans quelle mesure, comment et à quel rythme les économies vont effectivement converger. Et, c'est là une chose qui reste à discuter d'ici la fin de l'année.
- La proposition avancée par le Royaume-Uni lorsque j'étais Chancelier de l'Echiquier consistait à créer une monnaie parallèle ou une monnaie commune, comme on dit maintenant, qui permettrait aux différents pays d'utiliser cette monnaie commune tout en retirant progressivement leur propre monnaie de façon à ne pas créer d'émission monétaire en même temps et à améliorer les perspectives européennes. C'est une question encore une fois qui reste à discuter avec nos collègues. Si la proposition d'un écu fort est acceptée, si c'est effectivement le souhait des Etats, si c'est le souhait des entreprises, si c'est le souhait des personnes privées, alors, fort probablement, cela évoluera en une monnaie unique, et c'est sur cette base, et dans ce cadre-là que nous avons effectivement avancé cette proposition au Sommet de l'année dernière. Donc, ce sont là effectivement des questions qui restent en discussion et qui continueront d'être discutées ainsi que leurs effets économiques d'ici la fin de l'année.\
QUESTION.- Est-ce qu'il faudrait enlever l'objectif fédéral au Traité ?
- LE PRESIDENT.- Ce problème n'est pas tranché. Certains souhaitent aller vers une structure fédérale, d'autres non et la discussion est ouverte, donc on ne peut pas préjuger.
- QUESTION.- On dit que M. Kohl serait prêt à soutenir les Britanniques à Luxembourg vendredi et samedi et à essayer de repousser ou d'évacuer cette question de vocation fédérale ?
- LE PRESIDENT.- Les Français sont favorables à une orientation de ce type. Nous n'avons pas pensé à consacrer le peu de temps que nous avions pour convertir la délégation britannique à ces vues. On en parlera peut-être à Luxembourg, certainement en cours d'année. Notre avis sur ce mot de fédéral est connu depuis déjà un moment. Il y a des avis divergents au sein de la Communauté européenne quant au sens même du mot fédéral. Il semble qu'il y ait un sens différent pour certains pays de la Communauté et par conséquent, cela aboutit à une certaine confusion, sinon à une confusion certaine. Mais, tel qu'on l'entend au Royaume-Uni, "fédéral" égale "centralisation", ce n'est pas là quelque chose qui paraît attrayant et la formulation de nos préférences est celle qui figurait dans le Traité de Rome, c'est-à-dire, une union des peuples européens. C'est une perspective qui fonctionne bilatéralement, qui fonctionne au niveau communautaire et qui nous paraît beaucoup plus acceptable. Mais, l'idée d'une union fédérale, pour nous, n'est pas une idée qui nous plaît beaucoup et nous l'avons toujours dit.
- M. John MAJOR.- Si le mot fédéral a des sens différents, pourquoi le Royaume-Uni s'obstine-t-il tellement ? La conclusion de ces conférences intergouvernementales, c'est après tout le Traité. Il faut donc qu'il n'y ait aucun doute quant à l'objectif que nous visons. Et si il y a des doutes, quant au sens d'une union fédérale, et si cela peut être interprété comme aboutissant à une plus grande centralisation, bien au-delà d'un niveau qui serait acceptable ou tolérable au Royaume-Uni et d'ailleurs pour certains de nos partenaires au sein de la Communauté, alors il vaut mieux ne pas garder une telle expression qui prête à malentendu ou qui prête à différentes interprétations.
- Pour l'instant, nous avons un projet de traité, les détails n'en n'ont pas encore été discutés. Il y aura d'ailleurs énormément de modifications, j'en suis persuadé, dans l'ensemble du texte tel qu'il nous est soumis à Luxembourg. Certaines de ces modifications seront peut-être traitées à Luxembourg ce week-end, d'autres non, mais je crois que ce n'est pas le moment pour se préoccuper de ce genre de détails, c'est au fur et à mesure que nous nous rapprocherons de Maastricht.
- LE PRESIDENT.- On ne peut pas considérer comme close une discussion qui ne fait que commencer. Les deux conférences intergouvernementales se sont fixé la fin de l'année 1991 pour aboutir. Tant qu'on n'en sera pas là, on ne pourra préjuger de la décision qui sera prise.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous pensez que le débat sur les objectifs à long terme de l'Europe est un débat strictement britannique ? est-ce que vous pensez que du côté français, les Français ont accepté l'idée d'une fédération européenne et que le débat n'a donc pas de sens de notre côté ?
- LE PRESIDENT.- Le débat n'a pas eu lieu je le répète. Je confirme ce qui a été dit précisément, le débat n'a pas eu lieu et il ne peut pas être tranché avant d'avoir été posé.
- QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, est-ce que vous avez un appui et français, et allemand en faveur d'un traité d'union économique et monétaire qui, si nécessaire, permettrait à la Grande-Bretagne d'adhérer au moment de son choix ?
- M. John MAJOR.- Eh bien ce sont là des discussions qui auront lieu au Conseil européen dans les mois à venir. Nous avons déjà évoqué beaucoup des aspects pratiques, mais tant que nous ne serons pas arrivés à la conclusion de toutes ces discussions, nous ne pouvons déterminer quelle en sera l'issue. Donc, il ne s'agit pas de se mettre d'accord avec tel ou tel, nous avons déjà exprimé les réserves qui sont les nôtres, nous avons discuté un certain nombre de détails avec nos partenaires français, allemands et d'ailleurs avec d'autres pays européens, et ces discussions ont progresser dans les mois à venir. Je crois que la position est aussi claire qu'elle peut l'être, quant aux réserves de notre côté. J'ai, par exemple, dit clairement à plusieurs occasions que tout progrès vers une union économique et monétaire, d'ailleurs évoquée dans le Traité de Rome et dans l'Acte unique, tout progrès donc vers une union économique et monétaire ne dépend pas seulement d'une question de date, bien que je comprenne le souhait d'arrêter un calendrier. Mais, cela dépend également, dans une très grande mesure de la question clé de la convergence économique, et de l'avis des Britanniques en tous cas, ces aspects-là vont bien au-delà des dates, et il faut voir si la situation économique justifie d'envisager de passer d'une douzaine de monnaies en Europe, vers une seule. Ce sont là des détails d'ordre pratique et technique et pour la plupart, ils viennent seulement d'être abordés et donc, on ne peut absolument pas préjuger des conclusions.
- LE PRESIDENT.- On est revenu plusieurs fois sur ce débat, après tout, cela m'est très agréable de voir plusieurs journalistes ici présents très pressés d'aboutir. Après tout, ils rencontrent mon propre sentiment. Mais, des délais ont été fixés, un calendrier a été déterminé, un calendrier qui nous reporte d'ailleurs encore plusieurs années devant nous. Ce sont des choses très sérieuses, très sérieuses, très importantes, très difficiles, qui engagent l'avenir des douze pays de la Communauté et peut-être de quelques autres. Cela mérite d'être mûrement délibéré. Nos positions de départ à nous Français, sont très connues. On en veut plutôt plus et il y a la structure politique commune qui est en discussion et qui devrait être close dans cette première période avant la fin 1991. Nous avons nous-mêmes nos préférences. Ces préférences vont vers une structure plus ferme de type fédéral par exemple. Mais, ce serait tout à fait prématuré de poser ce type de problème à des partenaires qui n'ont même pas terminé une discussion sur l'union politique, l'union économique et l'union monétaire. Chaque chose en son temps.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais vous poser une question qui n'a rien à voir avec le débat franco-britannique. Un opposant marocain vient d'être expulsé de France, on se demande s'il s'agit de la raison d'Etat ou s'il y a des véritables raisons qui expliquent et qui justifient l'expulsion de M. Diouri. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
- LE PRESIDENT.- Mais M. Diouri a bénéficié pendant de nombreuses années du statut de réfugié politique ! Depuis 1974 ! C'est sept ans de mon prédécesseur et plus de dix ans avec moi. Tant qu'il s'est contenté de respecter les obligations d'un réfugié politique - car il y a des obligations de part et d'autre - c'est un contrat. Et le réfugié politique est tenu à un certain devoir de réserve.
- On sait bien ce qu'il en est dans la réalité. Il y a en France des réfugiés politiques de toutes nationalités. Par définition, un réfugié politique c'est quelqu'un qui est en situation de refus par rapport au gouvernement de son pays. Il est donc porteur de revendications, d'aspirations, de combats contre le système politique de son pays. Mais, la France qui le reçoit ne peut pas entrer en difficulté grave avec chacun des pays qui comptent des réfugiés politiques sur notre sol. C'est ce qu'on appelle le devoir de réserve. Mais, ce devoir, il est légal, c'est une obligation à laquelle souscrit un réfugié politique lorsqu'il demande le droit d'asile en France.
- Constamment, ce type de problème nous est posé, constamment. Et, je le répète, cela se comprend. Le réfugié politique est généralement quelqu'un qui veut poursuivre sous une autre forme le combat qu'il mène. Mais voilà, la France aussi a ses obligations. Alors, pendant ces 17 ans, il n'y a pas eu de vrais problèmes, sinon depuis de nombreux mois. Ce qui montre qu'il n'y a aucun rapport avec l'hypothèse que j'ai entendu formulée sur les récents incidents dans quelques banlieues de Paris.
- Depuis de nombreux mois, les avertissements ont été multipliés auprès de M. Diouri qui s'est trouvé à diverses reprises et sur plusieurs terrains en infraction avec ses obligations.
-Il est arrivé un moment, comme cela arrive de temps en temps, - cela n'arrive pas très souvent : en France, on est assez indulgent - il est arrivé un moment où la limite était atteinte : il y a eu trop d'infractions de toute sorte et l'expulsion a été décidée.
- Que voulez-vous que je vous dise d'autre ? Pour le reste, le droit français, les libertés sont totalement respectés. On peut s'exprimer en France. Un citoyen français qui s'exprime oralement ou par écrit ne fait jamais l'objet d'aucune censure, vous le savez bien, spécialement à l'égard du Maroc, puisque c'est de lui qu'il est question. Un étranger peut toujours publier ce qu'il veut. Mais on ne peut pas accepter qu'il y ait un manquement répété, je dirai presque continu au devoir de réserve dont dépendent, pour une part, les relations diplomatiques entre la France et les pays en question.
- QUESTION.- Est-il possible d'avoir quelques exemples ?
- LE PRESIDENT.- Non, vous poserez la question au ministre de l'intérieur...\
QUESTION.- Est-ce que nous pouvons conclure de ce qu'ont dit le Président et le Premier ministre que la conférence de Luxembourg consistera finalement à faire une sorte de bilan et que la Grande-Bretagne ne se verra pas forcée et ne se fera pas forcer la main et ne devra pas prendre de grandes décisions à cette conférence en tous cas ?
- LE PRESIDENT.- Mais la Grande-Bretagne ne se laisse jamais forcer la main ! Et les autres pays de la Communauté ne cherchent pas à lui forcer la main : ils cherchent à la convaincre, c'est différent. Et je dois dire que jusqu'à maintenant - Dieu sait si les discussions ont été nombreuses et vives dans le passé - on a toujours abouti, et l'Europe a avancé. C'est la confiance que j'exprime pour mes prochains débats. Il faut que tout soit clair : le terme des conférences intergouvernementales est fixé à fin 1991. C'est-à-dire que c'est à Maastrich, aux Pays-Bas, que seront connues les conclusions. Mais le premier Conseil européen de chaque année, qui se passe donc dans un pays différent en raison de l'alternance semestrielle permet un constat, permet de savoir où l'on en est, du débrouillé des difficultés ambiantes. C'est ce que j'attends de Luxembourg, d'autant plus que le gouvernement luxembourgeois a préparé un document extrêmement bien fait qui aura largement contribué à éclairer l'ensemble de nos discussions.
- M. John MAJOR.- Je suis certain qu'il y aura des questions de fond, je n'ai aucun doute là-dessus et il y aura énormément de choses dont il faudra discuter sur la base et sur le projet luxembourgeois. Ensuite, il nous faudra décider là où il y a en gros accord et là où il n'y en a pas. Ensuite, sur quoi devront porter les discussions dans les six mois à venir ? Mais nous n'en sommes encore qu'à mi-chemin de ces discussions. Il y a encore bien du chemin à parcourir, avant d'arriver à une conclusion quelconque. L'un des points sur lesquels tous les Etats-membres sont d'accord, c'est que les conclusions sont étroitement inter-dépendantes à la fois au niveau de l'union économique et monétaire et de l'union politique et quant aux questions qui devront être résolues dans ces deux traités.
- Donc, c'est vrai qu'il y aura des points d'accord et de désaccord et pour des raisons éminemment pratiques, ce ne sera que vers la fin de l'année, au moment où on pourra considérer les deux dans leur ensemble, que l'on saura vers quel genre d'accord on se dirige.\
QUESTION.- Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, à la suite de vos discussions, comment voyez-vous l'avenir des relations OTAN - union européenne, à quel terme voyez-vous une politique commune de défense ?
- M. John MAJOR.- Il y a encore bien des choses à discuter en matière de défense. La défense de l'Europe est fondée sur l'OTAN depuis déjà bien longtemps, la France et le Royaume Uni sont des membres et des membres éminents de l'OTAN. L'évolution de cette politique de défense à l'avenir devra examiner deux prémisses : l'évolution et le maintien de l'OTAN et dans ce cadre il est à la fois souhaitable, et je dirai même inévitable, que l'Europe elle-même apporte une bien plus grande contribution à la défense de son propre territoire. Ce sont là, je crois des points sur lesquels nous sommes tout à fait d'accord. Ce qu'il nous reste à discuter, dans toute l'évolution de l'OTAN, de l'UEO et quant aux aspirations communautaires vis-à-vis d'une défense commune, quelles sont les meilleurs mécanismes possibles ?
- Cela dit, c'est un débat essentiel et qu'il faudra aborder au fur et à mesure.
- LE PRESIDENT.- Le débat sur la défense commune n'est pas entre la France et la Grande-Bretagne, mais entre la France et ceux qui ont décidé dans le cadre du commandement intégré de l'OTAN un certain nombre d'initiatives récentes, initiatives auxquelles la France n'entend pas prendre part. Donc ce n'est pas un débat spécifique entre nous, c'est un débat général interne à l'OTAN sur le plan politique et non pas dans le cadre militaire, cadre dans lequel la France ne se situe pas. A côté de cela, il ly a le débat sur le devenir de l'UEO. Quel embryon de sécurité européenne propre aux pays de l'Europe ? Les Britanniques et les Français se trouvent là et ont engagé une discussion généralement constructive. Et c'est le lien entre ces deux façons de considérer la sécurité qui est aujourd'hui en question. Alors, je tiens à répéter là qu'il ne s'agit pas d'une négociation proprement franco-britannique.
- Voilà je crois qu'il va falloir laisser M. le Premier ministre regagner son pays et je vous remercie, mesdames et messieurs, pour votre contribution à cette réunion de presse.\
- Il a été question de l'Europe, bien entendu, de la préparation du Conseil européen de Luxembourg qui commence, comme vous le savez, vendredi prochain et un certain nombre d'accords ont été recensés, notamment sur la nécessité de terminer la Conférence intergouvernementale à la fin de cette année 1991 donc à Maastricht, aux Pays-Bas, mais en considérant que le texte luxembourgeois sur l'union politique servira de base à nos travaux. On a discuté de défense, de la structure du futur traité, de l'union économique et monétaire, avec le passage d'une étape à l'autre.
- D'autres questions ont été évoquées, notamment l'UEO, le GATT et les accords de Schengen, toujours à propos de l'UEO la préparation de la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense à Paris le 27 juin prochain. Sortant de l'Europe, diverses questions internationales ont été abordées : pour l'Irak, une très grande convergence de vues sur la vigilance nécessaire au nord de l'Irak, dans le Kurdistan, pour que le passé ne se répète pas et que des garanties soient données aux populations kurdes d'une part et d'autre part que les moyens, le cas échéant, de cette vigilance soient maintenus en place.
- Des questions sont posées au gouvernement irakien. Des réponses à ces questions dépendront pour beaucoup les dispositions à prendre.
- Nous avons parlé de l'Alliance atlantique, de la préparation du prochain Sommet des pays industrialisés, à compter du 15 juillet prochain et de coopération bilatérale en matière de défense. Je vais laisser le soin à M. Major de poursuivre cette présentation et je veux lui répéter que pour nous, Français, c'est toujours extrêmement agréable et certainement très utile de pouvoir approfondir nos conversations, tant nos deux pays sont associés dans les grands domaines de la politique pour l'Europe et de la politique internationale. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, et je vous donne la parole.\
M. John MAJOR.- Eh bien, monsieur le Président, je vous remercie très vivement de ces remarques introductives. Le Président vous a fait part de l'étendue de la discussion de ce matin et je n'ai pas grand chose à ajouter. C'est vrai que c'était une réunion tout à fait utile et tout à fait opportune, étant donné qu'il y a très bientôt le Conseil européen, le Sommet des pays industrialisés en juillet.
- Nous avons bien entendu l'intention commune d'arriver à une conclusion pour les deux conférences intergouvernementales à Maastricht à la fin de l'année. Je suis donc très reconnaissant à la fois au Président Mitterrand et au maire de Dunkerque de leur hospitalité et de la chaleur de leur accueil. Bien entendu, cette ville représente pour vous comme pour nous des rappels historiques et c'était très agréable de pouvoir également rencontrer pour la première fois Mme Cresson, le nouveau Premier ministre français.
- Je sais que mes collègues ont eu des conversations très utiles avec leurs homologues ces dernières heures. Les rapports entre le Royaume-Uni et la France sont quelque chose de très important pour nous, marqués par des réunions constantes, des échanges : il s'agit là de relations vitales, très importantes, et qui remontent à très longtemps, qui sont vitales à la fois pour la Communauté européenne, au sein de l'OTAN et à titre bilatéral. Nous y attachons beaucoup de valeur.
- Bien que ce soit le premier sommet officiel depuis un an, le Président et moi-même nous sommes rencontrés à plusieurs occasions depuis six mois et nous avons des contacts très fréquents. C'est quelque chose qui va se poursuivre et je m'en félicite.
- Il est je crois vital pour nos deux pays d'aboutir à un accord en matière de défense européenne. Il nous faut concilier le souhait de définir les concepts, les préoccupations à long terme et la certitude de savoir ce que cela veut dire en pratique à court terme et nous avons donné des instructions pour que l'on travaille à cela dans le but de se mettre d'accord sur une position commune à Maastricht.\
Vendredi de cette semaine et samedi, à Luxembourg, nous allons tirer un bilan et donner une impulsion à la suite de deux conférences intergouvernementales. Des progrès considérables ont déjà été réalisés sous la présidence luxembourgeoise et j'ai d'ailleurs plaisir à les féliciter du travail accompli.
- Le Président et moi-même, ce matin, avons convenu qu'effectivement, nous pouvions utiliser ces progrès déjà réalisés pour aller encore plus loin à Maastricht en décembre. Par contre, ce que nous ne pourrons pas faire à Luxembourg cette semaine, c'est de prendre des décisions partielles, à mi-chemin de négociations sur des sujets qu'on ne peut juger que globalement, lorsque l'on sera arrivé à la fin du processus de négociations. Nous avons évoqué des questions très diverses en matière d'union économique et monétaire, par exemple nous avons convenu qu'un renforcement de l'écu était une partie très importante £ que, dans la deuxième étape, la politique monétaire devait rester une question de politique nationale et il y a encore toute une série de questions en Conseil avant de pouvoir aboutir à des décisions en matière d'union économique et monétaire vers la fin de l'année.
- Nous avons également discuté toute une série de questions importantes qui sont évoquées dans le cadre du traité sur l'union politique et nous avons là trouvé des zones d'accord, d'autres où il y avait encore à discuter. Mais là encore je suis convaincu que nous pourrons effectivement convenir d'une conclusion commune d'ici la fin de l'année.
- Nous avons brièvement évoqué la possibilité d'accueillir le Président Gorbatchev à Londres le mois prochain à la fin du Sommet. Je crois qu'effectivement ce sera quelque chose de très utile et ce sera pour nous l'occasion d'entendre de la part du Président Gorbatchev un engagement vis-à-vis de la démocratie en Union soviétique et un engagement vis-à-vis d'une économie de marché. Ce sont des discussions que le Président et moi attendons avec une certaine impatience.
- Enfin, sur les problèmes bilatéraux, nous intensifions nos discussions sur les zones possibles de coopération dans le domaine de la défense. La Grande-Bretagne et la France ont joué un rôle tout à fait notable dans la libération du Koweit et dans la création d'asiles en Irak. Nous pensons que nous pouvons encore renforcer cette coopération au fur et à mesure que nous définissons une identité de défense européenne. En résumé, nous avons eu des échanges très étendus et très utiles, c'est en tout cas mon opinion et j'espère que nous pourrons les poursuivre dans ce sens à l'avenir.\
LE PRESIDENT.- Je vous remercie, monsieur le Premier ministre. Je pourrais ajouter à vos propos que l'intensité de nos relations trouvera une confirmation supplémentaire bientôt puisque nous nous rencontrerons le 29 juillet à Calais pour célébrer le 5ème anniversaire du traité créant le tunnel sous la Manche.
- Voilà. Si vous voulez bien, mesdames et messieurs, vous pouvez poser un certain nombre de questions avant que M. Major ne regagne la Grande-Bretagne.\
QUESTION.- Est-ce qu'il s'agit à l'heure actuelle plutôt d'une monnaie commune ou plutôt d'une monnaie unique ?
- LE PRESIDENT.- C'est la discussion de fond. Vous la connaissez, monnaie unique, monnaie commune. Ce qui a été dit entre nous, c'est que le processus engagé - et nous sommes d'accord sur le calendrier, trois étapes - doit permettre d'aller vers la monnaie unique, étant entendu que de la part de la France c'est un postulat - nous entendons négocier avec nos partenaires pour la création d'une monnaie unique - et que pour la Grande-Bretagne, ce sera, le cas échéant, une conséquence, si tout ce qui précède la date choisie par la Communauté a conduit harmonieusement à cette possibilité. Donc, les points de vue théoriques et a priori sont différents. La méthode permet un rapprochement et après tout c'est M. Major qui, il y a quelque temps, avait pris des initiatives sur l'écu fort, qui avait permis tout de même un déblocage de la situation. Mais je vous laisse le soin, monsieur le Premier ministre, de préciser votre point de vue.
- M. John MAJOR.- Je vous remercie. Vous avez effectivement là touché au coeur même du problème qui reste à résoudre. Et il y a encore beaucoup de choses à accomplir avant que nous n'arrivions au stade des décisions. Et l'une des questions la plus importante est effectivement une évaluation des résultats économiques provenant soit d'une monnaie commune ou d'une description de ce que serait une monnaie unique. Les détails d'une telle analyse ne sont pas encore disponibles et on ne sait pas encore très bien quel en serait le résultat. Mais j'ai déjà fait part de mes préoccupations quant à une approche trop prescriptive sans, en tout cas, une préparation nécessaire et sans toute la convergence économique dont nous avons besoin. Il serait extrêmement difficile au Royaume-Uni d'accepter les objectifs tant que nous ne savons pas quels seront les effets d'un tel objectif.
- Or, nous ne pouvons savoir quels en seront les effets, tant que nous ne saurons dans quelle mesure, comment et à quel rythme les économies vont effectivement converger. Et, c'est là une chose qui reste à discuter d'ici la fin de l'année.
- La proposition avancée par le Royaume-Uni lorsque j'étais Chancelier de l'Echiquier consistait à créer une monnaie parallèle ou une monnaie commune, comme on dit maintenant, qui permettrait aux différents pays d'utiliser cette monnaie commune tout en retirant progressivement leur propre monnaie de façon à ne pas créer d'émission monétaire en même temps et à améliorer les perspectives européennes. C'est une question encore une fois qui reste à discuter avec nos collègues. Si la proposition d'un écu fort est acceptée, si c'est effectivement le souhait des Etats, si c'est le souhait des entreprises, si c'est le souhait des personnes privées, alors, fort probablement, cela évoluera en une monnaie unique, et c'est sur cette base, et dans ce cadre-là que nous avons effectivement avancé cette proposition au Sommet de l'année dernière. Donc, ce sont là effectivement des questions qui restent en discussion et qui continueront d'être discutées ainsi que leurs effets économiques d'ici la fin de l'année.\
QUESTION.- Est-ce qu'il faudrait enlever l'objectif fédéral au Traité ?
- LE PRESIDENT.- Ce problème n'est pas tranché. Certains souhaitent aller vers une structure fédérale, d'autres non et la discussion est ouverte, donc on ne peut pas préjuger.
- QUESTION.- On dit que M. Kohl serait prêt à soutenir les Britanniques à Luxembourg vendredi et samedi et à essayer de repousser ou d'évacuer cette question de vocation fédérale ?
- LE PRESIDENT.- Les Français sont favorables à une orientation de ce type. Nous n'avons pas pensé à consacrer le peu de temps que nous avions pour convertir la délégation britannique à ces vues. On en parlera peut-être à Luxembourg, certainement en cours d'année. Notre avis sur ce mot de fédéral est connu depuis déjà un moment. Il y a des avis divergents au sein de la Communauté européenne quant au sens même du mot fédéral. Il semble qu'il y ait un sens différent pour certains pays de la Communauté et par conséquent, cela aboutit à une certaine confusion, sinon à une confusion certaine. Mais, tel qu'on l'entend au Royaume-Uni, "fédéral" égale "centralisation", ce n'est pas là quelque chose qui paraît attrayant et la formulation de nos préférences est celle qui figurait dans le Traité de Rome, c'est-à-dire, une union des peuples européens. C'est une perspective qui fonctionne bilatéralement, qui fonctionne au niveau communautaire et qui nous paraît beaucoup plus acceptable. Mais, l'idée d'une union fédérale, pour nous, n'est pas une idée qui nous plaît beaucoup et nous l'avons toujours dit.
- M. John MAJOR.- Si le mot fédéral a des sens différents, pourquoi le Royaume-Uni s'obstine-t-il tellement ? La conclusion de ces conférences intergouvernementales, c'est après tout le Traité. Il faut donc qu'il n'y ait aucun doute quant à l'objectif que nous visons. Et si il y a des doutes, quant au sens d'une union fédérale, et si cela peut être interprété comme aboutissant à une plus grande centralisation, bien au-delà d'un niveau qui serait acceptable ou tolérable au Royaume-Uni et d'ailleurs pour certains de nos partenaires au sein de la Communauté, alors il vaut mieux ne pas garder une telle expression qui prête à malentendu ou qui prête à différentes interprétations.
- Pour l'instant, nous avons un projet de traité, les détails n'en n'ont pas encore été discutés. Il y aura d'ailleurs énormément de modifications, j'en suis persuadé, dans l'ensemble du texte tel qu'il nous est soumis à Luxembourg. Certaines de ces modifications seront peut-être traitées à Luxembourg ce week-end, d'autres non, mais je crois que ce n'est pas le moment pour se préoccuper de ce genre de détails, c'est au fur et à mesure que nous nous rapprocherons de Maastricht.
- LE PRESIDENT.- On ne peut pas considérer comme close une discussion qui ne fait que commencer. Les deux conférences intergouvernementales se sont fixé la fin de l'année 1991 pour aboutir. Tant qu'on n'en sera pas là, on ne pourra préjuger de la décision qui sera prise.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous pensez que le débat sur les objectifs à long terme de l'Europe est un débat strictement britannique ? est-ce que vous pensez que du côté français, les Français ont accepté l'idée d'une fédération européenne et que le débat n'a donc pas de sens de notre côté ?
- LE PRESIDENT.- Le débat n'a pas eu lieu je le répète. Je confirme ce qui a été dit précisément, le débat n'a pas eu lieu et il ne peut pas être tranché avant d'avoir été posé.
- QUESTION.- Monsieur le Premier ministre, est-ce que vous avez un appui et français, et allemand en faveur d'un traité d'union économique et monétaire qui, si nécessaire, permettrait à la Grande-Bretagne d'adhérer au moment de son choix ?
- M. John MAJOR.- Eh bien ce sont là des discussions qui auront lieu au Conseil européen dans les mois à venir. Nous avons déjà évoqué beaucoup des aspects pratiques, mais tant que nous ne serons pas arrivés à la conclusion de toutes ces discussions, nous ne pouvons déterminer quelle en sera l'issue. Donc, il ne s'agit pas de se mettre d'accord avec tel ou tel, nous avons déjà exprimé les réserves qui sont les nôtres, nous avons discuté un certain nombre de détails avec nos partenaires français, allemands et d'ailleurs avec d'autres pays européens, et ces discussions ont progresser dans les mois à venir. Je crois que la position est aussi claire qu'elle peut l'être, quant aux réserves de notre côté. J'ai, par exemple, dit clairement à plusieurs occasions que tout progrès vers une union économique et monétaire, d'ailleurs évoquée dans le Traité de Rome et dans l'Acte unique, tout progrès donc vers une union économique et monétaire ne dépend pas seulement d'une question de date, bien que je comprenne le souhait d'arrêter un calendrier. Mais, cela dépend également, dans une très grande mesure de la question clé de la convergence économique, et de l'avis des Britanniques en tous cas, ces aspects-là vont bien au-delà des dates, et il faut voir si la situation économique justifie d'envisager de passer d'une douzaine de monnaies en Europe, vers une seule. Ce sont là des détails d'ordre pratique et technique et pour la plupart, ils viennent seulement d'être abordés et donc, on ne peut absolument pas préjuger des conclusions.
- LE PRESIDENT.- On est revenu plusieurs fois sur ce débat, après tout, cela m'est très agréable de voir plusieurs journalistes ici présents très pressés d'aboutir. Après tout, ils rencontrent mon propre sentiment. Mais, des délais ont été fixés, un calendrier a été déterminé, un calendrier qui nous reporte d'ailleurs encore plusieurs années devant nous. Ce sont des choses très sérieuses, très sérieuses, très importantes, très difficiles, qui engagent l'avenir des douze pays de la Communauté et peut-être de quelques autres. Cela mérite d'être mûrement délibéré. Nos positions de départ à nous Français, sont très connues. On en veut plutôt plus et il y a la structure politique commune qui est en discussion et qui devrait être close dans cette première période avant la fin 1991. Nous avons nous-mêmes nos préférences. Ces préférences vont vers une structure plus ferme de type fédéral par exemple. Mais, ce serait tout à fait prématuré de poser ce type de problème à des partenaires qui n'ont même pas terminé une discussion sur l'union politique, l'union économique et l'union monétaire. Chaque chose en son temps.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais vous poser une question qui n'a rien à voir avec le débat franco-britannique. Un opposant marocain vient d'être expulsé de France, on se demande s'il s'agit de la raison d'Etat ou s'il y a des véritables raisons qui expliquent et qui justifient l'expulsion de M. Diouri. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
- LE PRESIDENT.- Mais M. Diouri a bénéficié pendant de nombreuses années du statut de réfugié politique ! Depuis 1974 ! C'est sept ans de mon prédécesseur et plus de dix ans avec moi. Tant qu'il s'est contenté de respecter les obligations d'un réfugié politique - car il y a des obligations de part et d'autre - c'est un contrat. Et le réfugié politique est tenu à un certain devoir de réserve.
- On sait bien ce qu'il en est dans la réalité. Il y a en France des réfugiés politiques de toutes nationalités. Par définition, un réfugié politique c'est quelqu'un qui est en situation de refus par rapport au gouvernement de son pays. Il est donc porteur de revendications, d'aspirations, de combats contre le système politique de son pays. Mais, la France qui le reçoit ne peut pas entrer en difficulté grave avec chacun des pays qui comptent des réfugiés politiques sur notre sol. C'est ce qu'on appelle le devoir de réserve. Mais, ce devoir, il est légal, c'est une obligation à laquelle souscrit un réfugié politique lorsqu'il demande le droit d'asile en France.
- Constamment, ce type de problème nous est posé, constamment. Et, je le répète, cela se comprend. Le réfugié politique est généralement quelqu'un qui veut poursuivre sous une autre forme le combat qu'il mène. Mais voilà, la France aussi a ses obligations. Alors, pendant ces 17 ans, il n'y a pas eu de vrais problèmes, sinon depuis de nombreux mois. Ce qui montre qu'il n'y a aucun rapport avec l'hypothèse que j'ai entendu formulée sur les récents incidents dans quelques banlieues de Paris.
- Depuis de nombreux mois, les avertissements ont été multipliés auprès de M. Diouri qui s'est trouvé à diverses reprises et sur plusieurs terrains en infraction avec ses obligations.
-Il est arrivé un moment, comme cela arrive de temps en temps, - cela n'arrive pas très souvent : en France, on est assez indulgent - il est arrivé un moment où la limite était atteinte : il y a eu trop d'infractions de toute sorte et l'expulsion a été décidée.
- Que voulez-vous que je vous dise d'autre ? Pour le reste, le droit français, les libertés sont totalement respectés. On peut s'exprimer en France. Un citoyen français qui s'exprime oralement ou par écrit ne fait jamais l'objet d'aucune censure, vous le savez bien, spécialement à l'égard du Maroc, puisque c'est de lui qu'il est question. Un étranger peut toujours publier ce qu'il veut. Mais on ne peut pas accepter qu'il y ait un manquement répété, je dirai presque continu au devoir de réserve dont dépendent, pour une part, les relations diplomatiques entre la France et les pays en question.
- QUESTION.- Est-il possible d'avoir quelques exemples ?
- LE PRESIDENT.- Non, vous poserez la question au ministre de l'intérieur...\
QUESTION.- Est-ce que nous pouvons conclure de ce qu'ont dit le Président et le Premier ministre que la conférence de Luxembourg consistera finalement à faire une sorte de bilan et que la Grande-Bretagne ne se verra pas forcée et ne se fera pas forcer la main et ne devra pas prendre de grandes décisions à cette conférence en tous cas ?
- LE PRESIDENT.- Mais la Grande-Bretagne ne se laisse jamais forcer la main ! Et les autres pays de la Communauté ne cherchent pas à lui forcer la main : ils cherchent à la convaincre, c'est différent. Et je dois dire que jusqu'à maintenant - Dieu sait si les discussions ont été nombreuses et vives dans le passé - on a toujours abouti, et l'Europe a avancé. C'est la confiance que j'exprime pour mes prochains débats. Il faut que tout soit clair : le terme des conférences intergouvernementales est fixé à fin 1991. C'est-à-dire que c'est à Maastrich, aux Pays-Bas, que seront connues les conclusions. Mais le premier Conseil européen de chaque année, qui se passe donc dans un pays différent en raison de l'alternance semestrielle permet un constat, permet de savoir où l'on en est, du débrouillé des difficultés ambiantes. C'est ce que j'attends de Luxembourg, d'autant plus que le gouvernement luxembourgeois a préparé un document extrêmement bien fait qui aura largement contribué à éclairer l'ensemble de nos discussions.
- M. John MAJOR.- Je suis certain qu'il y aura des questions de fond, je n'ai aucun doute là-dessus et il y aura énormément de choses dont il faudra discuter sur la base et sur le projet luxembourgeois. Ensuite, il nous faudra décider là où il y a en gros accord et là où il n'y en a pas. Ensuite, sur quoi devront porter les discussions dans les six mois à venir ? Mais nous n'en sommes encore qu'à mi-chemin de ces discussions. Il y a encore bien du chemin à parcourir, avant d'arriver à une conclusion quelconque. L'un des points sur lesquels tous les Etats-membres sont d'accord, c'est que les conclusions sont étroitement inter-dépendantes à la fois au niveau de l'union économique et monétaire et de l'union politique et quant aux questions qui devront être résolues dans ces deux traités.
- Donc, c'est vrai qu'il y aura des points d'accord et de désaccord et pour des raisons éminemment pratiques, ce ne sera que vers la fin de l'année, au moment où on pourra considérer les deux dans leur ensemble, que l'on saura vers quel genre d'accord on se dirige.\
QUESTION.- Monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, à la suite de vos discussions, comment voyez-vous l'avenir des relations OTAN - union européenne, à quel terme voyez-vous une politique commune de défense ?
- M. John MAJOR.- Il y a encore bien des choses à discuter en matière de défense. La défense de l'Europe est fondée sur l'OTAN depuis déjà bien longtemps, la France et le Royaume Uni sont des membres et des membres éminents de l'OTAN. L'évolution de cette politique de défense à l'avenir devra examiner deux prémisses : l'évolution et le maintien de l'OTAN et dans ce cadre il est à la fois souhaitable, et je dirai même inévitable, que l'Europe elle-même apporte une bien plus grande contribution à la défense de son propre territoire. Ce sont là, je crois des points sur lesquels nous sommes tout à fait d'accord. Ce qu'il nous reste à discuter, dans toute l'évolution de l'OTAN, de l'UEO et quant aux aspirations communautaires vis-à-vis d'une défense commune, quelles sont les meilleurs mécanismes possibles ?
- Cela dit, c'est un débat essentiel et qu'il faudra aborder au fur et à mesure.
- LE PRESIDENT.- Le débat sur la défense commune n'est pas entre la France et la Grande-Bretagne, mais entre la France et ceux qui ont décidé dans le cadre du commandement intégré de l'OTAN un certain nombre d'initiatives récentes, initiatives auxquelles la France n'entend pas prendre part. Donc ce n'est pas un débat spécifique entre nous, c'est un débat général interne à l'OTAN sur le plan politique et non pas dans le cadre militaire, cadre dans lequel la France ne se situe pas. A côté de cela, il ly a le débat sur le devenir de l'UEO. Quel embryon de sécurité européenne propre aux pays de l'Europe ? Les Britanniques et les Français se trouvent là et ont engagé une discussion généralement constructive. Et c'est le lien entre ces deux façons de considérer la sécurité qui est aujourd'hui en question. Alors, je tiens à répéter là qu'il ne s'agit pas d'une négociation proprement franco-britannique.
- Voilà je crois qu'il va falloir laisser M. le Premier ministre regagner son pays et je vous remercie, mesdames et messieurs, pour votre contribution à cette réunion de presse.\