4 novembre 1990 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration à la presse de M. François Mitterrand, Président de la République, sur sa visite à Alexandrie et le conflit du Golfe, Alexandrie, le 4 novembre 1990.

QUESTION.- Sur la teneur de vos entretiens et de votre visite ?
- LE PRESIDENT.- Je suis venu parce que j'étais invité à l'inauguration de l'université francophone. Le Président Moubarak avait convié plusieurs présidents d'Etats francophones, notamment le Président Diouf. Il y avait le prince héritier de Belgique et différentes personnalités représentant d'autres états francophones. Voilà la raison. Il m'était impossible de ne pas venir en cette circonstance car Alexandrie est pour la France et l'Egypte un point de contact historiquement déterminant.
- QUESTION.- On imagine naturellement votre joie à découvrir cette université francophone mais on est aussi dans un pays qui est directement impliqué et touché dans la crise du Golfe. On peut penser légitimement que vous en avez parlé aussi au Président Moubarak ?
- LE PRESIDENT.- Naturellement. Je me demande même si cette deuxième question ne vous intéresse pas plus que la première ce qui serait regrettable. L'ensemble des jeunes gens déjà d'un niveau très élevé sur le plan des études et qui viennent achever leur formation seront porteurs dans toute l'Afrique de ce que représente la France et en même temps ceux qui viendront, en particulier les Français, approfondiront leur connaissance du monde arabe. Donc c'est un point très important.\
LE PRESIDENT.- Je ne disconviens pas que l'actualité était quand même présente au cours de ces conversations, notamment sur les problèmes du Golfe.
- QUESTION.- Partagez-vous les mêmes vues que le Président Moubarak ?
- LE PRESIDENT.- Nous sommes, si j'ose dire du même côté puisque nous avons pris partie pour la défense du droit en application des décisions des résolutions du Conseil de Sécurité.
- QUESTION.- Sur la crise du Golfe, de nouvelle idées ?
- LE PRESIDENT.- Si j'avais des idées nouvelles ce ne serait vraiment pas un endroit très commode pour les développer. La France a défini sa position. Elle est connue, je la rappelle souvent, le ministre des affaires étrangères, M. Roland Dumas, la rappelle de la même façon. Tout cela est très clair.
- QUESTION.- Vous êtes satisfait de la position égyptienne ?
- LE PRESIDENT.- L'Egypte adopte une position tout à fait similaire. Elle a également des troupes en Arabie saoudite. Nous participons en commun à l'embargo et nous nous considérons en tout cas la France, comme l'exécutante fidèle des résolutions internationales.
- QUESTION.- Au bout de trois mois de crise, le jugement de valeur c'est que cela va plus mal. Est-ce qu'une solution est possible, l'embargo a-t-il déjà donné un résultat ? Où en est l'Irak et où en est la coalition anti-Irak ?
- LE PRESIDENT.- L'embargo donne de très réels résultats mais l'embargo c'est aussi une épreuve de patience. Chaque semaine engrange de nouveaux résultats. Cet embargo doit être fermement mené si l'on veut qu'il réussisse, qu'il fasse faire au monde l'économie d'une guerre.
- Aussi l'appliquons-nous pour ce qui nous concerne avec la plus grande vigilance.
- Déjà vous passiez l'acte suivant en disant "et si l'embargo ne réussit pas ?"
- Si l'embargo ne devait pas réussir, hypothèse que présentement j'exclus, que de temps perdu par l'Irak pour éviter un conflit qui serait désastreux pour tout le monde, mais surtout pour lui.
- QUESTION.- Est-ce que la France fournit une aide financière à l'Egypte et lui permet d'alléger sa dette ?
- LE PRESIDENT.- Absolument, oui, je peux vous répondre positivement.
- QUESTION.- ..... les militaires français pris par les Irakiens.
- LE PRESIDENT.- Ce que vous venez de me rapporter m'a également été dit. J'en ai été informé aussitôt. J'ai déploré cet incident et j'ai demandé qu'une enquête soit faite à ce sujet.
- QUESTION.- On parle d'une action franco-soviétique pour relancer une certaine dynamique de la paix.
- LE PRESIDENT.- On verra bien.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez encore confiance dans la paix ?
- LE PRESIDENT.- En tout cas nous travaillons pour la paix mais dans le respect du droit international. Ce droit international a été fixé par les Nations unies, notre premier devoir si on est un ami, un serviteur de la paix, c'est d'être fidèle mandataire de ces résolutions. Nous ne sommes habités par aucun sentiment de guerre, à quoi bon si on peut l'éviter. Mais on ne peut pas l'éviter au détriment du Droit.
- QUESTION.- On ne compte pas sur l'embargo pendant des mois et des mois, est-ce qu'il y a un terme ?
- LE PRESIDENT.- On est début novembre, revenez me voir d'ici la fin du mois. Les prévisions de tous les experts, c'était que cela ne pouvait être résolu en trois mois et nous sommes juste au terme de ces trois mois.
- QUESTION.- Vous-même, selon les rumeurs, prévoyez une guerre. Que pensez-vous de ces rumeurs ?
- LE PRESIDENT.- Je ne comprends pas que vous parliez de rumeurs, je me suis adressé à la presse personnellement, j'ai parlé de la Tribune des Nations unies, nombreuses ont été les occasions.
- QUESTION.- Que pensez-vous des dernières escalades verbales de ces derniers jours entre les Etats-Unis et l'Irak ?
- LE PRESIDENT.- Nous restons malheureusement, la raison ne l'ayant pas encore emporté sur l'illusion, les passions, l'ambition, nous en sommes encore au point que je décrivais au début du mois d'août.
- QUESTION.- Celui d'une logique de guerre ?
- LE PRESIDENT.- Nous nous efforçons, nous Français, nous ne sommes pas les seuls, d'en sortir, mais en sortir dans les limites du droit tel qu'il est fixé. Il serait en effet désastreux pour le monde entier que les quelques principes fondamentaux sur lesquels repose l'équilibre de la paix mondiale soit atteint dans cette circonstance.\