28 octobre 1990 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du Conseil européen extraordinaire, sur l'union politique, économique et monétaire, les relations entre la CEE et les pays de l'Est et le conflit du Moyen-Orient, Rome, le 28 octobre 1990.

LE PRESIDENT.- Le Conseil européen extraordinaire vient de se terminer. Je voudrais vous indiquer succinctement les lignes principales des conclusions qui ont été adoptées, ce qui s'y trouve et ce qui ne s'y trouve pas.
- Comme vous le savez, l'un des points forts de la discussion devait porter sur l'union politique et la conférence intergouvernementale qui s'y consacrera. Le consentement a été obtenu, au sein du Conseil européen, sur l'objectif de politique étrangère et de politique de sécurité qui feront l'objet sans doute des discussions principales de cette conférence. Le Conseil européen a nettement marqué, avec une réserve britannique, son intention de le mettre à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale sur l'union politique.
- Pour l'union économique et monétaire, le début de la deuxième phase a été fixé, comme vous le savez, le 1er janvier 1994. Diverses considérations sur la nature de la monnaie de la Communauté, l'écu, considéré comme devant être fort et stable, de même qu'ont été définies les conditions de passage à la deuxième phase qui suppose l'achèvement du marché unique, la ratification des traités, l'engagement du processus visant au transfert des compétences et à l'indépendance des membres de l'institution monétaire indique aussi que le système monétaire européen doit être rejoint par le plus grand nombre de monnaies possibles, mais pas nécessairement par toutes, pour une raison simple à comprendre : cela donnerait aux monnaies absentes une sorte de droit de veto sur ce que doivent faire les monnaies présentes.
- On a esquissé la troisième phase en estimant que cela devait se produire après un délai "raisonnable" et on a prévu un rendez-vous ferme au cours de la deuxième phase. L'autre partie de la déclaration porte sur les relations de la Communauté avec l'Union soviétique. La Commission continue d'être chargée de préparer des propositions sur cette coopération pour le Conseil de décembre, le deuxième rendez-vous de Rome.
- Il a été question également des pays d'Europe centrale et orientale : nous avons réitéré le soutien au processus de réforme et insisté sur la nécessité d'accords d'association avec chacun de ces pays. Une mention spéciale a été faite pour la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Nous avions reçu une demande précise du gouvernement hongrois, c'est à cela qu'il a été répondu. On a ajouté tout-à-fait in fine quelques mots touchant à la Yougoslavie.
- Voilà l'essentiel. Trois questions en somme n'ont pas été tranchées : la déclaration transatlantique qui a été renvoyée aux ministres des affaires étrangères les jours prochains £ la négociation du GATT a été renvoyée aux ministres de l'agriculture et du commerce à partir de mardi prochain et le siège des institutions qui a été renvoyé à la diligence du Président Andreotti pour le Conseil européen de décembre.\
QUESTION.- Monsieur le Président, un journal italien titre ce matin que la libération des otages français "a troublé" - je cite le journal italien - l'atmosphère du Sommet, est-ce que cela a été votre impression ?
- LE PRESIDENT.- Moi je ne m'en suis pas aperçu en tout cas. Pas le moins du monde. Il s'agit donc d'une information un peu hâtive, recueillie je ne sais où. La conversation d'hier soir a été une conversation paisible, agréable et dans laquelle aucun procès n'a été engagé. Donc je démens cette affirmation - que je ne connaissais pas au demeurant - que vous avez bien fait de m'apprendre.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais vous demander - et bien que le problème du siège ait été repoussé au mois de décembre - je voudrais savoir quelle a été votre réaction aux propos du Président du Parlement européen, tant sur la légitimité de l'institution que sur l'affaire même du siège puisque vous êtes intervenu quand même sur le siège, est-ce que vous n'êtes pas déçu que ce soit reporté à la mi-décembre ?
- LE PRESIDENT.- Vous voulez parler de la légitimité de l'institution du Parlement européen ?
- QUESTION.- Par rapport au Conseil ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas la remise en cause de la légitimité de la création d'un Parlement que j'ai approuvée. Il faut bien qu'il y ait une représentation parlementaire pour une institution démocratique et qui a l'ambition de grandir, d'étendre son champ d'action et de décision. Non la question de principe ne s'est pas posée naturellement dans mon esprit. Je pense que vous devez faire état - et à juste titre au demeurant - du discours prononcé par M. Baron Crespo. J'ai dit "discours", peut-être que le mot est excessif, à mon avis cela en était un. Il y avait là en effet une sorte de négation du rôle particulier que le Conseil européen pouvait avoir pour décider par lui-même du siège des institutions à propos desquelles le Président du Parlement européen a fait connaître sa position : à savoir qu'il y avait trop de capitales, que ce n'était pas commode de travailler. Bref son choix paraissait clair : il fallait que tout soit réuni. Il n'a pas dit où, mais enfin on pouvait le penser. Il indique qu'il fallait une capitale. Cette capitale devant être vraisemblablement Bruxelles.
- Oublions le premier point. Vous savez que nous ne sommes pas d'accord. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas plusieurs sièges ? Est-ce que l'Europe a besoin d'une capitale ? Je ne demande pas autre chose que Strasbourg reste le siège d'institutions puisque cela lui a été confié il y a maintenant bien longtemps. On se demande pourquoi cela ne serait pas maintenu. La France reste intransigeante sur ce point. Je ne pouvais que faire observer au passage, au moins pour que cela soit noté, sans quoi on aurait pu me croire distrait, que la volonté de la France était égale à elle-même quant au siège des institutions.
- Deuxièmement, quant à l'incapacité du Conseil européen à pouvoir trancher en ce domaine, bien entendu, j'ai affirmé le contraire. Mais cela n'a pas été un dialogue parce que M. le Président Baron Crespo était déjà parti. Il a fait son discours. Il a plié ses papiers et s'en est allé. Seulement ensuite la discussion s'est engagée sur les points dont nous parlons. Au sein du Conseil, j'ai donc précisé la position de la France. Le Conseil européen a qualité pour décider. C'est pourquoi il a décidé de le faire au mois de décembre. Le fera-t-il ? Je le souhaite. Ne le ferait-il pas ? Telle est bien l'intention de M. Andreotti en tout cas qui a proposé des solutions judicieuses. Je souhaite que le choix de Strasbourg puisse être confirmé. Cela permettrait de confirmer les autres sièges. Sans quoi bien entendu, si l'on repose le problème de Strasbourg, tous les autres problèmes le seront. Aucun autre siège ne pourra être attribué. Ce serait tout à fait fâcheux. Jusque-là, il n'en a pas été question car ce débat s'est résumé à quelques observations en début de séance sur lesquelles nous ne sommes pa revenus.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous recevez ce soir le Président Gorbatchev. Est-ce que le problème de l'aide communautaire à l'Union soviétique a été abordé et sous quelle forme ?
- LE PRESIDENT.- Oui tout à fait. La résolution dans ce sens est déjà antérieure au débat d'aujourd'hui. On l'a simplement réaffirmée. Il n'y a donc pas de fait nouveau dans ce domaine. La Commission est clairement mandatée pour que ces propositions soient énoncées avant le Conseil de décembre, ce qui veut dire dans moins d'un mois et demi.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le fait que le Conseil ait jugé utile de réaffirmer la solidarité des Douze sur la question des otages, peut-elle signifier qu'elle ait été menacée comme le disait la Présidence italienne à la veille du Conseil ?
- LE PRESIDENT.- Elle a dit cela ?
- QUESTION.- C'est une déclaration du porte-parole italien.
- LE PRESIDENT.- Il a été plus discret devant moi que devant vous.
- QUESTION.- Qu'est-ce qui a justifié la nécessité de sortir une déclaration affirmant cette solidarité ?
- LE PRESIDENT.- La déclaration portait sur la nécessité d'informer l'Irak que la Communauté était unanime dans ses prises de position à ce sujet. Il n'était pas concevable que ce Conseil européen ait pu se tenir, sans même évoquer l'affaire du Golfe et par voie de conséquence l'affaire des otages. Là-dessus, il n'y a pas la moindre nuance. Tous les otages doivent être libérés. La prise d'otage est un acte inqualifiable. Il nous a été facile de nous entendre sur ce sujet.\
QUESTION.- Quel jugement, quelle appréciation portez-vous sur les échanges que vous avez eus avec les autres chefs de gouvernement sur la situation dans le Golfe, sur les risques de guerre et au-delà les derniers événements du Moyen-Orient, à Jérusalem et au Liban ?
- LE PRESIDENT.- Vous me demandez mes impressions. Moi je rapporte ici surtout les faits, ce qui s'est passé, ce qui a été décidé, s'il y a eu des discussions, quel a été leur contenu. Ce débat, de ce point de vue, n'a pas eu lieu, tout au plus quelques pronostics, quelques diagnostics qui peuvent marquer telle ou telle orientation d'un pays ou de l'autre. Je crois que l'accord est vraiment très profond quant à l'approbation des différentes résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité. Là-dessus je n'ai vu aucune réserve. Dans la condamnation de M. Saddam Hussein, particulièrement et c'est le point central, l'occupation puis l'annexion du Koweït, cela a été clairement réitéré. Sur la prise d'otages, je l'ai déjà dit, sur la nécessité de libérer tous les otages sans faire cela par petits morceaux et sans essayer de jouer sur les sentiments des uns et des autres, cela a déjà été dit. Sur le lien avec les autres problèmes du Proche et du Moyen-Orient, vous verrez que dans la résolution ces problèmes, pratiquement, s'ils ne s'entremêlent pas, sont quand même examinés à la suite. Essentiellement : l'affaire du Golfe, l'affaire de Jérusalem et du conflit israélo-arabe et l'affaire du Liban.
- Moi, je connais mes positions, j'ai eu l'occasion de vous en parler, mais le débat ne s'est pas engagé comme cela sur l'ensemble de ces problèmes, de telle sorte que je risque de commettre des erreurs en interprétant les pensées de telle ou telle délégation. Mais, sur tous les points que je viens de vous dire, c'est l'unanimité.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous avez le sentiment qu'on est sur la voie d'une politique étrangère commune qui était précisément une des raisons de l'exercice que vous avez fait par ailleurs ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que oui, je pense que depuis déjà longtemps les Douze ont pris des positions communes sur beaucoup de sujets. Je l'ai même fait remarquer ce matin au Conseil, qu'on prenait, pendant les premières années, quand on parlait de ces choses-là, il y a dix ans, sept ans, huit ans, plus aisément des délibérations vigoureusement lorsqu'il s'agissait de sujets lointains et qui présentaient un aspect brûlant. Je leur ai même dit - on ne peut pas être plus clair - que c'était très facile de s'entendre sur l'Afghanistan en condamnation etc..., contre l'apartheid, pas forcément sur les sanctions, que l'on avait évité avec une très grande prudence, à mes yeux excessive, de parler des problèmes de l'Amérique centrale. Bref que c'était une approche tellement feutrée qu'on ne pouvait pas parler d'une politique commune. Mais, peu à peu, les choses se sont affirmées et, particulièrement, à propos du Golfe. Il est quand même assez remarquable que, saisie par le ministre des affaires étrangères français, la Communauté ait tout de suite adopté les principes et les procédures qui ont fait l'objet des décisions du Conseil de sécurité. L'Europe a été, de ce point de vue, très coordonnée, très cohérente et active. Donc l'on doit reconnaître que "cela fait des progrès" et rendez-vous est pris pour que cela en fasse davantage, c'est-à-dire pour que cela devienne structurel et pas simplement problème de conjoncture.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je voulais vous parler de l'UEM, merci de me donner la parole, en ce qui concerne cette deuxième phase qu'on appelle le Plan Delors et la durée pendant laquelle elle pourrait s'étendre, est-ce que cela signifie que la France commence à accepter l'idée qu'il peut y avoir une Europe monétaire à deux vitesses, est-ce que cela signifie en toute hypothèse qu'il n'y aura pas de monnaie commune ou unique avant l'an 2000 ?
- LE PRESIDENT.- Vous avez employé l'expression "Europe à deux vitesses". Elle est juste dans les faits mais cela ne veut pas dire - et précisément Jacques Delors l'a fort bien expliqué - qu'il entendait théoriser sur ce sujet et bâtir un sytème dans lequel il y aurait de bons et de mauvais élèves. Seulement, c'est une question de fait. Il y a des pays qui n'y sont pas prêts, d'autres qui ne le désirent pas. Eh bien ! on prend la situation comme elle est, on cherche à convaincre mais on ne peut pas ralentir notre action au gré des désirs de ceux qui se tiennent à l'écart. On ne peut pas rendre maîtres ceux qui n'y sont pas, contre la décision de ceux qui s'y trouvent. Voilà ce que cela veut dire, cela ne veut pas dire autre chose. Ce n'est pas une théorie, ce n'est pas un principe, on désire justement que le maximum de monnaies possibles se rallient au système.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que le Conseil a à nouveau parlé de l'option militaire dans le Golfe et est-ce que cette question sera l'un des termes essentiels de vos conversations avec M. Gorbatchev ?
- LE PRESIDENT.- Non, on n'a pas reparlé de ces options militaires. Chacun, dans les conversations privées ou bien au cours du dîner d'hier soir, y est allé de ses diagnostics. Mais comme nous sommes douze et que les douze pays n'ont pas fait le même effort militaire dans le Golfe, ce type de supputation n'a pu vraiment entrer que dans les conversations particulières. Il n'y a pas eu de débat collectif à ce sujet. On se reverra demain soir pour parler avec M. Gorbatchev lorsqu'il y aura une conférence de presse, on ne va pas tout mêler. Mais dites-moi ce que vous aimeriez savoir ?
- QUESTION.- Sur l'option militaire, par exemple.
- LE PRESIDENT.- L'option militaire ? Est-ce qu'il y aura la guerre, est-ce qu'il n'y aura pas la guerre ? D'abord, moi je n'en sais rien. Ce que je sais c'est qu'il ne faut pas transiger sur les principes qui ont été énoncés. A partir de là, il faut que l'Irak comprenne qu'il doit consentir aux exigences essentielles de la Communauté internationale. Le fera-t-il ? S'il le faisait, dans quelles conditions et quelles conclusions en tirer ? Je ne suis pas devin et je réserve mes réponses pour un peu plus tard.\
QUESTION.- Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous voyez l'avenir des relations avec la Grande-Bretagne après les attitudes manifestées par Mme Thatcher pendant cette conférence ?
- LE PRESIDENT.- Dans cette conférence, les relations entre la Communauté et la Grande-Bretagne ? J'ai eu l'impression que cela continuera comme avant. Ce type de discussion, je l'ai connu au moment de l'accord sur le marché unique à la Conférence de Luxembourg en 1985. J'ai déjà connu trois ou quatre fois des situations de ce genre et puis finalement cela s'est arrangé, nous sommes restés Douze et j'espère que cela finira comme cela. On atteint un degré de crispation - je ne vous dis pas de crise - qui, à un moment donné, atteint son maximum sans jamais sortir de l'épure. Ensuite, on se retrouve dans la vie quotidienne et cela marche plutôt bien. Je suis toujours très content de pouvoir débattre avec Mme Thatcher comme j'ai pu le faire hier quand nous avons déjeuné ensemble à la résidence de l'ambassadeur de Grande-Bretagne. L'union politique et l'union monétaire sont des points sur lesquels il n'y a pas d'accord. C'est pourquoi, il y a une réserve générale émise par la Grande-Bretagne sur tous les paragraphes qui touchent à ces questions. Tout cela fait partie de nos procédures. Elle participera quand même à la Conférence intergouvernementale et c'est au sein de cette conférence intergouvernementale que la Grande-Bretagne, d'une façon tout à fait concrète, définira ses positions. Avant qu'on y soit, je refuse de me prononcer.\
QUESTION.- Le gouvernement suédois a déclaré vendredi son ambition de devenir membre de la Communauté européenne. Quelle est votre réaction à cela ?
- LE PRESIDENT.- C'est très sympathique.
- QUESTION.- A votre avis est-ce que la Suède aura la même réponse, c'est-à-dire qu'il faut attendre après 1993 ?
- LE PRESIDENT.- Il y a actuellement des demandes en cours d'examen : celles de l'Autriche et de la Turquie. Oui, il a déjà été dit qu'il ne serait pas possible d'apporter une réponse avant le 1er janvier 1993. Les membres de la Communauté estiment qu'ils ont assez à faire pour régler les problèmes qui les opposent eux-mêmes avant de rajouter des difficultés de ce genre. Laissez-nous le temps de souffler. Ce n'est pas loin 1993. A peine a-t-on prononcé ces dates que nous y sommes ! D'autre part, la Suède a attendu trente-trois ans avant de s'intéresser à la chose, j'espère qu'elle aura la gentillesse d'attendre trois ans. Mais moi j'aurai la plus grande sympathie pour l'entrée de la Suède dans ce marché commun car c'est vraiment un pays éminemment destiné à apporter un concours très positif. C'est une culture, une histoire, une économie qui ont une valeur singulière. Je vous répète, a priori, je trouve cela très bien.\
QUESTION.- Vous avez dit que toute décision sur l'aide à l'Union soviétique avait été reportée au sommet de décembre mais quel accueil a été réservé à la proposition de M. Andreotti d'octroyer immédiatement une aide alimentaire d'urgence à l'Union soviétique avant l'hiver ?
- LE PRESIDENT.- Je ne peux pas vous dire. Le principe a été acquis au dîner des ministres des affaires étrangères.
- QUESTION.- ...inaudible.
- LE PRESIDENT.- Aussi préoccupé qu'avant hier ? Oui parce que cela n'a pas été débattu. Donc il n'y a pas d'éléments nouveaux. Je continue de constater qu'il n'y a pas le même poids dans les deux plateaux de la balance. Les 30 % demandés à la Communauté par comparaison avec les 75 % américains ne s'appliquent pas du tout aux mêmes choses. Sont exclus de ces 75 % : la viande, le lait, le sucre. Que reste-t-il ? Les céréales je suppose. Les 30 % touchent à tout. Il ne faudrait pas que le débat soit biaisé. En tout cas les ministres français feront connaître leurs objections là où ils siègent et en temps utile. La France, c'est vrai et je n'ai aucun mystère à faire, n'accepte pas présentement les propositions américaines et les propositions de la Commission.\
QUESTION.- Contrairement au Président Bush, avez-vous l'intention d'alléger le dispositif militaire français après la libération des otages ?
- LE PRESIDENT.- D'abord "contrairement au Président Bush", je ne vois pas pourquoi vous dites cela. Je ne suis pas chargé d'exposer la position américaine mais je n'ai jamais entendu M. Bush dire qu'il entendait maintenir ses troupes après la résolution de ce problème. Il y a dans votre intervention un aspect un peu partial. Pour la France en tout cas il n'en a jamais été question, cela va de soi £ et ce n'est pas par comparaison avec le Président Bush ou même a contrario puisque le Président Bush ne l'a pas dit. Pourquoi voulez-vous me faire répéter des choses évidentes ? La France n'a pas de vues impérialistes.\
QUESTION.- Est-ce qu'il a été question, lors du Conseil européen, d'émissaires de tel ou tel pays qui se seraient rendus à Bagdad et, en l'occurrence d'un émissaire français mandaté ou non par le gouvernement ?
- LE PRESIDENT.- Non, pas du tout. Je peux vous répondre qu'il n'y a eu aucun contact avec l'Irak, aucun délégué, aucun missionnaire, tout étant soumis à l'acceptation par l'Irak des quelques résolutions votées par le Conseil de sécurité. Je crois pourtant que cela se dit, dans un journal italien notamment. Mais comme ce journal avait annoncé notre installation dans un très joli palais à Venise, information que j'étais en mesure de contrôler, cela me rend un petit peu plus critique à l'égard des informations qui ne me concernent pas personnellement mais qui concernent la France en général... Il n'y a eu aucune mission, aucun délégué, aucune commission. La France s'est conformée à ses obligations. Alors naturellement tout cela est dit parce que les otages français doivent nous être rendus et je suppose que dans un certain nombre de pays qui n'ont pas bénéficié du même geste il y a des interrogations qui se posent. Je pense que cela doit être l'origine de tous ces bruits. La France a constamment maintenu depuis l'annonce de cette restitution d'otages qu'elle considérait que Saddam Hussein, sur ce plan-là, ne serait quitte que s'il restituait à tous les Etats, tous les otages de quelque nationalité qu'ils soient, ceci n'étant au demeurant qu'un aspect d'un problème plus vaste puisque les résolutions doivent être respectées avant que tout dialogue puisse s'instaurer. Donc, je vous dis très clairement, si l'on dit qu'on a eu un délégué, un contact subrepticement, je vous dis : non ! Est-ce que des Français ont eu des contacts ? On le sait bien puisque plusieurs d'entre eux se sont rendus d'une façon très publique et très photographiée - c'était peut-être le but ! - à Bagdad, mais cela n'a rien à voir avec le gouvernement ni avec moi.
- QUESTION.- M. Cheysson ?
- LE PRESIDENT.- Ce que je vous dis vaut pour quiconque.\
QUESTION.- Monsieur le Président, au total comment est-ce que vous qualifiriez les résultats de ce Conseil extraordinaire et, plus généralement, est-ce que vous êtes favorable à l'organisation de ce type de Conseil extraordinaire indépendamment des sommets européens ?
- LE PRESIDENT.- Il ne faut pas que cela devienne une habitude. J'avais dû en faire un l'an dernier parce que c'était précisément l'éclatement de l'Europe de l'Est et qu'il fallait aviser avant d'attendre la réunion de décembre qui devait avoir lieu à Strasbourg, cela m'avait d'ailleurs été demandé de toutes parts. Cette fois-ci l'Italie a jugé bon de faire un Conseil extraordinaire de ce type. Il faut dire que lorsque l'on doit décider l'union politique et l'union économique et monétaire, il est quand même normal qu'on prenne son élan. De ce point de vue, le travail de ces vingt-quatre heures aura été un travail extrêmement utile. Donc, l'expérience faite, cette rencontre se justifiait complètement mais il ne faut pas non plus que cela devienne une habitude dans nos procédures.
- QUESTION.- Sur l'union économique et monétaire, on assiste finalement à un résultat de 11 contre 1, je pense que vous êtes d'accord ? En ce qui concerne l'union politique, est-ce que c'est à peu près le même score ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que oui. On ne le saura qu'au moment voulu. En tout cas, la date des conférences a été fixée, j'ai dit 13 et 15 décembre et tout le monde y viendra. Quelles seront les réserves émises à ce moment-là soit sur l'ensemble - on connaît déjà celles de la Grande-Bretagne puisque cela a été dit - soit sur telle ou telle mesure exprimée par je ne sais quel pays ? On le saura au moment où on y sera.
- QUESTION.- Est-ce qu'il y a encore des divergences sur le contenu de la déclaration transatlantique ?
- LE PRESIDENT.- J'ai déjà dit que ce texte avait été renvoyé à l'examen des ministres des affaires étrangères. La discussion n'a pas eu lieu.\