6 avril 1990 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Entretien de M. François Mitterrand, Président de la République, avec les responsables et les membres de la coopérative agricole lauragaise, notamment sur les problèmes de la sécheresse, de l'élevage et des quotas laitiers, Castelnaudary, le vendredi 6 avril 1990.

LE PRESIDENT.- Je voudrais d'abord vous dire, avant de laisser d'autres personnes s'exprimer, que ce n'est pas la première fois que je visite cette coopérative mais naturellement je ne l'avais pas vue d'aussi près et aussi complètement, avec des explications aussi intéressantes que celles qui m'ont été fournies aujourd'hui. J'ai pu apercevoir mieux que jamais de quelle façon vous avez adapté le fonctionnement d'une ancienne coopérative presque centenaire. Et je vois de quelle manière avec beaucoup d'intelligence et de travail vous avez su développer cet instrument. Notamment lorsque vous avez cherché des produits de haute valeur, de haute valeur ajoutée. J'ai bien vu ce qui se passait pour les semences ou pour la transformation de la dinde. Vous avez ajouté maintenant à cet élément une association avec entreprises privées, ce qui n'est pas dans les habitudes de la coopération. J'ai le sentiment que vous n'en êtes pas fâchés.
- Une entreprise comme celle-ci, avec ses résultats très remarquables, qui a pris une part si importante dans l'économie française, nous en avons besoin. Vous avez donc montré l'exemple, vous poursuivez. Il ne peut pas exister énormément d'entreprises compétitives de ce type sur le plan européen. Vous avez commencé de le faire si j'en juge par ce qui m'était dit, tout au moins sur le bassin méditerranéen, on disait même pour la dinde sur une population d'environ trente-cinq millions de personnes.
- Alors, on a besoin de ce type d'entreprises et vous, vous avez besoin de l'Etat. Je crois savoir que l'Etat a contribué à cette croissance. Aujourd'hui, vous êtes affrontés à des problèmes qui ne sont pas nouveaux mais qui ont pris une proportion particulièrement inquiétante : le phénomène de la sécheresse. Il faut le dire, votre région, votre département, ont subi une succession de calamités naturelles de toutes sortes au cours de ces dernières années, qui ont trouvé leur expression la plus inquiétante dans l'absence d'eau. Il ne pleut pas assez, c'est sûr, je pense que vous n'avez pas de revendications particulières à me faire sur ce point.\
Donc il faut, comme je le disais déjà ce matin, dans le département du Gers où je me trouvais, dans un milieu également agricole à Mauvezin, il faut que la solidarité nationale joue. Il faut qu'elle joue correctement, le mot est à la mode, de la transparence, mais dans un esprit de contrôle et de justice. Je suis sûr que vous y contribuerez. Quant au problème de l'eau proprement dit, monsieur le ministre de l'agriculture me disait à l'instant qu'il était tout à fait prêt et disposé non seulement à étudier mais à mettre en oeuvre votre proposition. On ne peut pas tout demander à l'Etat, le financement ne serait pas assuré. Il faut donc réfléchir à la façon d'associer les efforts, dont celui de l'Etat, qui ne se récuse pas, au demeurant, cela tombe sous le sens. Comment, venant vous voir, et sachant quelles menaces nouvelles pèsent sur vous, ne songerais-je pas à faire appel aux forces et aux moyens de la nation pour vous aider à franchir cette mauvaise passe, d'autant plus que quand la passe n'est pas mauvaise, vous contribuez puissamment au développement national, chacun son tour si je puis dire.
- Nous vous devons beaucoup. Il est normal que vous comptiez sur l'Etat, n'y comptez pas au-delà du raisonnable, c'est une discussion que le ministre de l'agriculture aura sans aucun doute avec vous, il l'a déjà commencée au demeurant. Le ministre de l'agriculture devra s'adresser à son collègue de l'économie et des finances qui a l'oreille plus dure. Tant mieux, il faut choisir des ministres de ce type, avec cette infirmité, sans quoi, on ne sait pas très bien comment cela se passerait.
- L'absence d'eau est dramatique dans beaucoup de régions de France. Les années passées, vous avez fait vos comptes. Cette année, on peut encore espérer mais c'est mal parti. J'ai là des statistiques qui disent que le barrage de la Ganguise n'est qu'à 10 % de sa capacité et les disponibilités des barrages voisins me dit-on sont à moins de 50.
- Le ministre de l'agriculture, vous avez bien voulu le dire tout à l'heure, monsieur, et je vous en remercie, a déjà accepté d'accélérer de quatre à deux ans le raccordement de Montbel et de la Ganguise, en même temps il a fallu accélérer les financements. Mais enfin c'est dit et il faut que cela soit fait. Il n'y a pas de temps à perdre, si l'année devait continuer sur sa lancée du printemps, on aurait le droit d'être très inquiet.\
Je pense à vous, producteurs associés en coopération, coopérateurs, qui avez fondé aussi la prospérité commune sur la base d'une production qui a besoin d'une très grande quantité d'eau donc de fortes irrigations. Je ne sais pas pourquoi vous me disiez tout à l'heure, les rivières vous tournent le dos, les rivières ou les fleuves, ce sont des fleuves d'ailleurs, traitons-les comme il faut, je pense qu'il s'agit de la Garonne et de l'Aude, elles vous tournent le dos. Ou bien est-ce que c'est vous qui leur avez tourné le dos ? Je ne sais pas moi. Mais il faut bien exploiter la terre là où elle se trouve, d'autant plus que c'est une bonne terre. Alors les moyens artificiels, dûs à l'intelligence et à la technique de l'homme, doivent pouvoir compenser cette infériorité. Sauf quand la nature se charge de compliquer exagérément la tâche. Si cela devait continuer à travers les années prochaines, cela nous obligerait à des révisions vraiment extraordinairement difficiles et dans les modes de production, dans la fourniture de l'eau et dans les investissements à accomplir pour plus tard, j'espère qu'on n'ira pas jusque-là. Pour la distribution d'eau, déjà dès cette année, monsieur le ministre de l'agriculture, vous ne pourrez pas vous en tenir aux dispositions des années précédentes. Il faudra que la production puisse être servie. Mais naturellement, il faudra que la consommation ne soit pas délaissée, que les gens aient aussi l'eau à l'évier, et que chaque foyer puisse disposer de l'eau nécessaire. On va donc, si les choses continuent ainsi, devant la nécessité pour le gouvernement, avec les professions, examiner un plan d'envergure. On n'en est pas là, mais si la sécheresse durait, il faudrait envisager des mesures particulières de sauvetage.
- Là-dessus, croyez-moi, j'ai encouragé le gouvernement. Je continuerai de le faire, et je connais le ministre de l'agriculture qui a été mon collaborateur avant d'être au gouvernement et je sais qu'il ne négligera rien. Peut-être souhaitera-t-il vous préciser tel ou tel aspect technique dès maintenant, je crois qu'il serait bon de vider ce problème mais tirons des notions précises, pour ne pas s'embarquer les uns les autres dans des illusions mutuelles. L'Etat vous aidera, la solidarité nationale jouera, on s'efforcera d'améliorer vos fournitures d'eau, et donc vos moyens d'irrigation et d'adduction. L'Etat ne fera pas tout, il faudra donc faire la différence. Et d'autre part, il faudra qu'une fois les mesures prises, elles soient scrupuleusement appliquées pour éviter de constater ce qu'on a parfois constaté dans le passé, je ne parle pas spécialement d'ici, dans beaucoup d'endroits, un certain désordre dans l'application des mesures. J'observe d'ailleurs qu'on ne peut pas monter une coopérative de cette envergure sans qu'il y ait un sens de la discipline et de l'organisation très particulier entre les coopérateurs, ils sont habitués si je dois dire, ils ne partent pas de zéro. Et là-dessus, vraiment nous avons besoin de travailler en grand accord sur une matière aussi délicate.
- Je sais qu'il y a aussi des projets de barrages. Alors là-dessus, l'opinion que j'ai reçue des services est une opinion mélangée. On me dit tantôt là l'intérêt n'est pas démontré, là c'est possible. C'est un travail de précision que vous devez faire avec les services du ministère pour savoir quels pourraient être les barrages qui vont être créés dans la région, en plus de ceux qui existent déjà. Maintenant, si le ministre de l'agriculture a tel ou tel point à préciser, bien entendu je lui passerai la parole.\
M. NALLET.- Je crois, monsieur le président, qu'il n'y a pas grand chose à ajouter à ce que vous avez dit, simplement faire savoir à tous les responsables professionnels qui sont ici que bien sûr nous nous préparons tous à une année difficile, et comme vient de le dire monsieur le Président de la République, il faudra que nous soyons capables les uns et les autres de faire des arbitrages entre les différents usages. C'est la raison pour laquelle nous avons déjà demandé à tous les Préfets de la région de constituer autour d'eux et avec le directeur départemental de l'agriculture, une petite cellule des différents usagers pour réfléchir au fur et à mesure. Nous savons dès à présent que cette année sera très difficile et c'est la raison pour laquelle il faut que tout le monde soit solidaire. Je suis bien sûr à votre disposition pour que nous prenions quelques contacts et que nous envisagions la mise en oeuvre pratique des orientations que M. le Président de la République vient de donner.
- LE PRESIDENT.- Voilà, je vais laisser maintenant à M. le Président le soin d'organiser la suite du débat, sachez en tout cas que si je suis venu vous voir et si j'ai souhaité - pas simplement accepté mais souhaité - cette conversation avec vous, c'est parce que je sentais aussi pour moi, l'extrême utilité d'entendre votre voix, je vous remercie.\
LES MEMBRES DE LA CAL.- Monsieur le Président de la République, merci, au nom de nos trois organisations d'avoir fait un saut, comme nous disons nous les agriculteurs, dans l'oeil du cyclone, c'est-à-dire de la sécheresse.
- Je n'aborderai pas les problèmes qui ont été traités par le Président de la CAL. Mais un point vraiment très court que je voudrais aborder c'est la loi sur les calamités de 1964. Pour nous, à l'usage elle est inadaptée, elle ne correspond plus aux besoins des entreprises des agriculteurs que nous sommes. C'est pour cela que nous avons accueilli très favorablement la Commission de l'enquête qu'a mis en place le ministère de l'agriculture pour aborder ce sujet, monsieur le Président, monsieur le ministre, nous sommes volontairement prêts à vous aider, à vous apporter ce nombre de réflexions pour que cette loi sur les calamités puisse se modifier et correspondre aux exigences des entreprises agricoles actuelles.
- LE PRESIDENT.- Pour l'instant, si ma mémoire est bonne, l'Etat et la profession fournissent une part égale.
- LES MEMBRES DE LA CAL.- Mais elle est inadaptée, parce que les agriculteurs qui sont performants n'en bénéficient pas et ils sont aussi "calamiteux" - excusez-moi du terme - que les autres. Or c'est pour cela qu'il faut à toute évolution moderne vers l'agriculture de l'an 2000, il faut une loi adaptée à ces moyens. Et d'autre part, monsieur le Président de la République, nous sommes en droit de vous faire remarquer que la trésorerie de l'agriculture est exsangue à la suite de plusieurs sinistres et notamment de la sécheresse. Nous demanderons là aussi une aide accompagnée comme cela a été dit de trésorerie aux agriculteurs, et j'en terminerai par là, une année zéro de charges pour 90 pour l'ensemble des agriculteurs de notre région. Vous avez répondu par avance en nous disant que la solidarité nationale devait jouer. Nous avons un proverbe qui nous tient à coeur "Aide toi et le ciel t'aidera".
- LE PRESIDENT.- Je ferai pareil. Je jugerai aussi votre effort. Enfin, c'est normal, c'est un échange de bons services. C'est vrai que la loi sur les calamités, celle de 1964, ne marche plus. Il faut donc la réformer. Comme toute réforme, ce n'est pas commode. Sur quelle base ? Les agriculteurs devront tous contribuer. Leur situation est déjà difficile. La responsabilité ne peut que s'individualiser. Elle sera moins collective qu'aujourd'hui pour faciliter la transparence. On a constaté, je dois le dire, dans les dernières applications de la loi un certain nombre d'erreurs dommageables à tout le monde, quant aux sommes distribuées qui n'ont pas toujours correspondu à la nécessité. Donc, cette difficulté devra être étudiée par les services de l'Etat avec vos responsables. Est-ce que cela marchera, je veux dire est-ce que le dialogue fonctionnera ? Je le souhaite et la seule chose que je puisse vous garantir c'est que je veillerai de mon côté à ce que le dialogue ne bute pas sur les impossibilités, les refus et l'incompréhension. Si cela se produit, croyez-moi, j'interviendrai, non pas pour vous donner raison par principe mais pour donner toujours raison à la possibilité d'un dialogue réussi.
- Alors pour l'aide en 1990, pour l'instant on n'en sait rien, attendez que le dégât soit consommé avant de savoir ce qu'il convient de faire. Peut-être le ciel va-t-il nous réserver encore quelques bonnes surprises. Il se fait attendre car nous sommes bientôt mi-avril et cela commence mal. Là, nous sommes les hommes sur la terre. Ce sont des phénomènes naturels qui normalement nous dépasseraient si nous n'étions une espèce intelligente et courageuse capable de s'organiser.
- Je fais donc appel à vos capacités de prévision et d'organisation. C'est là que l'Etat doit remplir son rôle justement. Le ministre est là pour nous entendre. C'est son métier de chaque jour.\
QUESTION.- C'est de l'élevage que je souhaite vous parler et par rapport à un des autres projets de la coopérative qui est lié à l'atelier que vous avez visité. Avant cela, je ne voudrais pas oublier les productions habituelles liées au sol, les ovins et les bovins, production qui se situe dans le département et dont la coopérative est un des maîtres d'ouvrage. Le projet avicole, vous l'avez visité, vient d'une volonté du Conseil d'administration de la coopérative de mettre à disposition des agriculteurs une production qui a évolué, qui était du poulet et qui est passée à une spécialisation du dindon. Pourquoi ? Pour être efficace au niveau des outils, au niveau du savoir des éleveurs et donc mettre à disposition des agriculteurs autre chose que des cultures liées au sol. Pour cela, on s'est servi d'abord du savoir-faire des agriculteurs, des outils que nous avions, de nos collaborateurs qui connaissaient bien leur métier et on a décidé de développer cette production pour qu'il reste à tout prix dans ce Sud, un noyau de production qui puisse servir toute cette tranche de consommateurs que vous avez située tout à l'heure entre l'Espagne, l'Italie et le Sud de la France. Pour cela, il nous fallait devenir grand sur le marché mais les gens de la Coopérative ont toujours souhaité rester chez eux. Le Conseil d'administration a toujours décidé de travailler pour les agriculteurs du coin et de rester sur cette zone. Pour cela, elle a pris des actions de partenariat avec une grande société nationale : le groupe Bourgoin. Notre politique doit s'inscrire et s'inscrit dans cette politique générale de ce groupe et nous avons voulu vous montrer au travers de cet outil ce que nous souhaitions faire pour rester, pour exister encore demain comme agriculteurs. Pour cela, il nous a fallu beaucoup d'énergie pour convaincre nos collègues agriculteurs parce que nous n'investissons pas dans des bâtiments d'élevage de très grosses sommes comme cela, deuxièmement il a fallu convaincre les politiques de la région et du département pour qu'ils nous aident. Vous savez que nous sommes toujours à la recherche de moyens complémentaires pour mettre à disposition des agriculteurs le moins d'endettement possible et là nous avons eu des réponses positives et puis je le répète c'est cette action de partenariat avec un nouvel élément aujourd'hui qui intègre toute la filière. C'est cette action qualité, une action certification d'entreprise à laquelle nous le savons tous, M. le ministre de l'agriculture est attaché parce que nous devons amener aux consommateurs comme vous l'avez vu sur le sac de semences tout à l'heure cette certification. Donc voilà, monsieur le Président de la République un des autres projets qu'a cette coopérative.\
`Réponse à une question sur l'élevage` LE PRESIDENT.- Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que vous avez dit. La situation des bovins que j'ai suivie moi-même tout le long des mandats parlementaires que j'ai remplis, puisque pendant trente-cinq ans j'ai été le représentant d'un département producteur de viande, c'est-à-dire un département producteur de Charolais et j'ai eu le temps en trente-cinq ans de savoir de quoi il retournait. Mais la situation des ovins est une situation vraiment difficile. Il y a une concurrence anglaise d'autant plus compliquée que leur monnaie est plus faible que la nôtre. Nous n'allons pas nous plaindre d'avoir une bonne monnaie puis c'est une monnaie qui actuellement supporte les fluctuations mieux que ne le fait le mark. Ce n'est pas si mal que cela. Mais on en voit aussi les inconvénients. La livre par rapport au franc est une monnaie faible qui nous fait la vie dure sur ce plan-là. Alors on essaie à Bruxelles d'obtenir une prime compensatrice ou compensatoire correcte, ce qui rencontre naturellement beaucoup de difficultés parce que nos partenaires ne veulent pas desserrer la bourse. On prépare, me disait M. Nallet, un programme d'étude du revenu d'aide aux producteurs ovins. On est conscient de cette difficulté.
- Pour la production avicole intégrée, vous êtes sur la bonne voie. D'ailleurs tout le long de ma visite du secteur de la dinde, je me disais heureusement que l'on a découvert l'Amérique ! Que ferait-on avec nos poulets ! Cela a évidemment à voir la qualité de la viande, c'est une production tout à fait exceptionnelle. On me dit que la France se trouve aujourd'hui au premier rang en Europe. Alors, vous avez déjà développé vos partenariats. Vous me parliez de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, d'autres peut-être, dans des conditions convenables et de qualité. C'est vrai que les consommateurs - et il faut les comprendre - sont de plus en plus exigeants.
- Je vous quitterai très satisfait de ce que j'ai vu à cet égard car indiscutablement vous êtes à la base d'une production dont la France tirera le plus grand profit, tout cela grâce à vos coopérateurs. C'est donc très bien.
- C'est à Bruxelles que la question se règle dans des conditions dures. Nous ne sommes pas les mieux outillés. Il faut donc que la diplomatie se substitue quelquefois aux moyens matériels. Le mouton passe - vous le savez - par la Grande-Bretagne et vient souvent d'ailleurs et représente une concurrence extrêmement lourde à travers le Commonwealth qui déverse ses productions sur l'Europe. On va s'entraider, on va voir cela. On va essayer au sein de la Communauté de trouver les meilleures solutions.\
QUESTION.- Ces épis minables d'orge que vous avez sur la table et qui ont un mois d'avance et qui sont quasiment rachitiques vous prouveront puisque vous avez dit tout à l'heure que les dés n'étaient pas jetés qu'en matière de cultures diverses, nous avons déjà passé le Rubicon.
- LE PRESIDENT.- J'ai vécu les quinze premières années à la campagne alors je sais ce que c'est que de l'orge ! Ne croyez pas que j'ai grandi entre deux pavés de Paris ! Je sais d'autre part que le printemps vient après l'hiver et que nous avons déjà franchi presque le premier mois du printemps. Oui, vous avez raison, je n'ai rien à ajouter mais enfin tout n'est pas joué quand même. Il y a d'autres productions et nous pouvons encore espérer une tournure favorable. Si elle ne vient pas, hypothèse dans laquelle nous sommes tous placés, eh bien nous devrons travailler dès maintenant pour apporter des solutions.\
QUESTION.- Je m'excuse d'intervenir sur un projet qui dans l'opinion publique est un petit peu tabou mais en tant que responsable des éleveurs de bovins et ayant quelques responsabilités au niveau national, je me dois d'insister auprès de vous et auprès de M. le ministre de l'agriculture en ce qui concerne le problème des anabolisants car si dans la région des éleveurs subissent comme les amis céréaliers la sécheresse, nous avons une deuxième calamité, c'est celle de la façon dont est appliquée la loi sur les anabolisants au niveau européen. On s'aperçoit que chaque pays a son interprétation particulière et la France qui a voulu jouer avec les gouvernements en place le jeu de la légalité absolue sur ce problème est confrontée à une distorsion de concurrence inimaginable de la part des autres pays. Alors de deux choses l'une, ou la France obtient de Bruxelles que cette loi soit appliquée par tous les pays de la même façon ou alors c'est nous qui serons obligés de demander au gouvernement français que la loi s'applique en France de la même façon que dans les autres pays. Ce que nous souhaitons c'est que l'ensemble de l'Europe l'applique de la même façon que la France car les éleveurs et les producteurs de viande bovine en France ne peuvent plus supporter cette distorsion de concurrence.
- LE PRESIDENT.- Vous avez cent fois raison. C'est encore une bataille à mener. Cela dit, ce n'est pas parce que les autres agissent mal qu'il faut agir mal pour notre compte. C'est vraiment une faute grave de nos concurrents européens que de ne pas s'aligner à la discipline nécessaire. Mais vous avez raison de m'alerter sur ce sujet. Cela va redoubler nos énergies. Il ne faut pas accepter cette escroquerie en tout cas. Ne parlons pas d'Europe, s'ils ne veulent pas faire cela. Beaucoup de gens contribuent à notre effort et nous n'avons pas assez insisté, moi le premier, sur l'effort des collectivités locales, l'un d'entre vous a bien voulu le signaler. Le Conseil général de l'Aude fait vraiment son travail. Et l'Etat lui-même ne pourrait rien sans le relais des collectivités diverses. C'est en associant tous ces éléments là que nous parviendrons au résultat.\
QUESTION.- Au sujet des quotas laitiers.
- LE PRESIDENT.- Oui, les quotas laitiers étaient une nécessité mais ils n'ont pas été très bien appliqués. La surproduction de lait en Europe rendait absolument impossible la gestion du Marché commun. On ne peut pas à la fois - je m'adresse ici à des agriculteurs - avoir des prix garantis et développer n'importe quelle production. Ce serait trop facile. Il faut bien que cela corresponde aux besoins de la consommation ou bien du stockage indispensable. Si la production devient excessive comment l'Etat, la puissance publique ou bien l'Europe pourrait-elle payer deux fois, c'est-à-dire acheter des productions sans consommation et en plus les stocker. Donc les quotas laitiers, c'était une nécessité £ ils ne sont pas populaires mais partout où je vais, je n'hésite pas à dire ce que j'en pense. La France a d'ailleurs été l'un des pays qui a le moins fourni. Très bien. Seulement il faut que ce soit bien fait. Je dois dire que la distribution, la répartition de cette charge n'a pas été très heureuse entre les différentes régions françaises. Cela n'est pas de la responsabilité de l'Etat. Il faut donc maintenant que l'on songe qu'il y a des productions dans des régions très faibles et qu'il y a eu des quotas dans des régions à faible production qui ont déséquilibré le système. Je crois que le ministre de l'agriculture a rendu un certain pourcentage : 1 %. On va faire des programmes régionaux de rachat, comme cela ça restera chez vous. Mais la distribution et la répartition entre la Bretagne et l'Auvergne, etc, c'est une application sur laquelle j'ai beaucoup de réserves à faire. C'est-à-dire dans le mode de fonctionnement de la relation entre l'Etat et la profession. Si cela ne s'améliore pas, notre système éclatera et comme il faudra se soumettre aux décisions de l'Europe qui, de ce point de vue ne sont pas fausses. Il y avait un peu d'arbitraire dans l'application de la date de référence, qui autant que je me souvienne était 1983. En 1983, j'ai connu des cas lamentables de gens ruinés dans l'agriculture à cause de l'application insensible d'une référence un peu arbitraire. Il faut savoir mettre un peu de souplesse dans l'application des décisions. Cela dit, c'était une nécessité.
- Le ministre me dit que ces programmes régionaux de rachat pourraient répondre à beaucoup de questions puisqu'ils resteront dans la région et qu'ils n'iront pas ailleurs. Est-ce que cela vous satisfait ? Je ne peux vous donner qu'une seule réponse : veillez-y.\