22 mars 1990 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, suivie d'un débat, notamment sur l'importance de la décentralisation et le rôle pilote joué par le département de la Nièvre, Nevers le 22 mars 1990.
Monsieur le Président du Conseil général,
- mesdames et messieurs,
- Je vous remercie monsieur le Président et cher ami de vos propos de bienvenue et du très intéressant très structuré exposé que vous venez de prononcer. Nous avons vu défiler les événements historiques, ceux de la nation, ceux de la Nièvre, les différentes étapes qui ont donné à notre département sa réalité historique et je dois vous dire que je vous ai écouté avec la plus grande attention.
- Vous, mesdames et messieurs, vous devez bien l'imaginer, l'attrait, pour ne pas dire l'émotion que j'éprouve à me trouver parmi vous ce matin, cela ne m'était pas arrivé depuis le premier jour de l'élection de 1981 où vous aviez été les premiers à m'accueillir. Bien entendu, je mesure les vides en même temps que se déroule sous mes yeux l'éternel renouvellement des générations. Comment ne pas songer à toutes ces figures disparues ? Vous en avez évoqué certaines, ceux qui étaient mes collègues, ici. Je peux le dire certains d'entre vous en restent les témoins quels qu'aient été leurs choix à l'époque où j'étais minoritaire, à l'époque où j'étais majoritaire. Le plus souvent pour ne pas dire en toute circonstance, nous avions créé entre nous des liens de cordialité, de convivialité et lorsqu'il m'arrive maintenant de rencontrer certains d'entre vous, toujours quels que soient leur origine politique et leur choix, c'est-à-dire que c'est comme une sorte de bouffée de plaisir et d'agrément, car je garde le souvenir de femmes et d'hommes courtois et qui savaient dans les circonstances difficiles, personnelles ou publiques, se comporter avec amitié. C'est le souvenir que je garde essentiellement et je ne vis pas que de souvenirs, vous êtes là, vous assurez la permanence du département de la Nièvre, vous êtes des élus du peuple et en ce sens, j'attache beaucoup d'importance à ce type de rencontre. J'évoquais des figures disparues, comment ne songerai-je pas à Noël Berrier, en effet, qui fut mon successeur qui était mon ami, Henri Clément, qui était avec moi à la fin de mon mandat de Président du Conseil général, de conseiller général. Déjà l'un des plus anciens, car je me souviens d'avoir été élu au Conseil général en 1949, il avait dû me suivre à quelque distance. Maintenant quels sont les doyens, je cherche, n'attirons pas trop l'attention sur eux, j'ai donc connu le sort, ainsi vont les choses d'être le plus jeune élu, ce qui m'avait valu cette promotion immédiate d'être secrétaire de l'Assemblée pour compter les bulletins de l'élection nouvelle jusqu'à devenir le Président et le doyen de ce Conseil. Et je pense à celles et ceux qui ont été conseillers généraux et qui n'y ont fait qu'un passage ou qui ont disparu de la vie. J'apprenais avec peine encore ce matin en venant la mort du docteur Aubert qui avait été un excellent collègue, ici-même et qui représentait le canton de Saint-Saulge.\
Alors me voici dans cette salle avec vous, pas mal de ceux qui siègeaient avec moi sont encore là, personne ne m'en voudra si je dis tant mieux. Et puis pas mal de visages nouveaux, j'arrive à les identifier quand même, car rares étaient ceux qui ont surgi du néant, je veux dire de l'absence de relation, il y a neuf à dix ans. La plupart avait déjà rempli des rôles qui les désignaient au choix de leurs concitoyens.
- J'y reviens, j'ai descendu d'un cran, j'étais là, je suis ici, c'est bien la marque que l'on va de plus en plus vers une décentralisation qui restituera leur primauté aux élus des assemblées sur un exécutif ambulant. J'essaie d'établir une relation correcte entre l'Etat que je personnifie et des assemblées démocratiques que vous personnifiez. Donc, je me trouve très bien ici, je ne me plains pas du tout, mais c'est tout à fait symbolique. J'ai d'abord siégé là où là, à la place qui m'avait été assignée c'était la même salle, mais ce n'était pas exactement la même disposition £ le nombre des conseillers généraux a grandi £ le décor a changé £ d'ailleurs je crois avoir été à l'origine de ce changement. Ce ne sont pas exactement les mêmes visages.
- Et puis pendant dix-sept ans j'ai présidé votre assemblée, dix-sept ans c'est assez long. Ma carrière a été interrompue en 1981, elle aurait pu l'être pour d'autres raisons, mais enfin je n'ai pas eu à connaître le désaveu de mes collègues et je les ai quittés à la fois avec le regret de perdre un mode de vie qui me plaisait, qui m'était agréable, et une tâche très intéressante parmi les plus intéressantes parmi les plus vivantes, parmi les plus réelles, la présidence du Conseil général et la représentation d'un canton. Je me suis occupé d'autre chose, sans jamais oublier que cependant la France formait un tout et que je continuais d'être l'élu du canton de Montsauche et du département de la Nièvre, même si j'ai eu, et c'était bien nécessaire et c'était très heureux, des successeurs que j'ai d'ailleurs plaisir à saluer ici.
- Je dois le dire : trente-cinq ans de représentation de la Nièvre, trente-cinq ans à partir de 1946 jusqu'en 1981 de représentation directe, trente-deux de conseil général pour le canton de Montsauche, dix-sept ans de présidence du conseil général, sans oublier les vingt-deux ans passés à la mairie de Château-Chinon, cela marque une sorte de contrat de fidélité entre ceux qui m'ont élu et moi-même. Comment cela ne remplirait-il pas une vie, une large fraction de la vie ? Mon temps de vie à moi, qui en décide, l'être divin, le destin ? Chacun choisira, mais le choix d'occupation de la vie, il a dépendu à la fois de moi, sans doute, mais aussi des autres, surtout des autres, c'est-à-dire, des citoyens français.
- Alors, il se créé une sorte de relation privilégiée et vous ressentez bien, mesdames et messieurs, l'honneur et la fierté dans votre vie personnelle que représente ce mandat dont vous disposez, au-delà de l'attachement que vous portez à votre petit pays, le canton et la commune. Au sein de ce canton, être choisi par les Français à quelque échelon que cela soit, c'est vraiment une part de la fierté d'une vie £ c'est une réussite, c'est une charge aussi £ c'est une fonction, mais c'est un élément très important pour mieux comprendre un peuple, pour chercher à en être digne, pour aligner l'accomplissement de sa vie et de ses actes sur l'idée que l'on se fait de la grandeur d'un peuple, de sa noblesse et de ses intérêts.\
`Suite sur l'expérience d'élu Nivernais` J'ai donc vécu cela avec vous et d'une certaine manière je le continue pour le temps qui me sera donné, mais c'est là dans cette salle, d'une certaine manière aussi dans mon bureau de la mairie de Château-Chinon, dans le travail accompli à Montsauche, que j'ai compris la nécessité, vécu la nécessité de la décentralisation. Je peux dire même que c'est là que je l'ai conçue, à partir de mon expérience nivernaise. Cette décentralisation, elle est le fruit de l'expérience. Sans doute était-elle annoncée par l'évolution des temps, mais il y fallait aussi une conviction, et je dirai même une conviction personnelle.
- Ce n'est pas très facile de modifier les structures d'un pays et d'un ays qui avait vécu, qui a vécu des siècles de centralisation. C'est une tradition monarchique très forte et saine, il fallait faire la France et pour la faire il fallait la centraliser, sans quoi les provinces eussent éclaté sous l'attraction des pays voisins ou par besoin d'autonomie, de s'affirmer soi-même, et il n'y aurait pas eu la France, c'est ce qu'on compris les meilleurs de nos rois, c'est ce qu'ont compris les premiers révolutionnaires, c'est ce que ont compris à travers le XIXème siècle les grands administrateurs. Mais avec les formidables bouleversements techniques, avec la réduction à de modestes dimensions de la planète en raison de la facilité qui nous est donnée aujourd'hui de la parcourir dans tous les sens, de l'augmentation de la population de la plupart des peuples du monde, et pas tellement du nôtre et pas tellement des peuples européens. A compter du moment où les moyens techniques le permettent, téléphone, radio-diffusion, télévision, le TGV, l'avion, l'automobile elle-même, qui dispose de moyens routiers considérablement améliorés.
- Naturellement, gouverner la France comme à l'époque où il fallait des jours et des jours et parfois des semaines pour aller du nord au sud, c'est tout à fait différent. En même temps que se développait une conscience publique à partir de la révolution française, le besoin de doter les citoyens du pouvoir qui leur revient, mais qui leur était refusé jusqu'alors. C'est une révolution populaire. Une révolution du peuple qui a conduit la République française là où elle est. Elle a été inspirée par des philosophes, des politiques, mais les cahiers de doléances et les grands mouvements de 1789 et des années qui ont suivi, elles ont été essentiellement populaires. C'est 1789, l'une des plus grandes révolutions qu'ait connue l'humanité. Elle a d'ailleurs eu, comme vous le savez, des effets contagieux, sinon dans le monde entier, du moins dans la plupart des Etats que l'on dit civilisés, qui ont accédé à la démocratie, à la représentation populaire.
- Cette nouvelle exigence des peuples que l'on vient de retrouver au cours de ce dernier semestre, ce trimestre même, par la nouvelle poussée populaire dans l'Europe de l'Est, qui représente à son tour une réalité profonde, qui a été dictée par le besoin du peuple et ses aspirations, dont la principale, l'inspiratrice, reste la liberté. Tout cela devait se traduire dans les institutions. Et on a mis longtemps. A la fois le besoin démocratique et la réalité technique. Une société en pleine mutation. Pouvait-on continuer de gouverner en ignorant le besoin des femmes et des hommes de notre pays de s'exprimer eux-mêmes, de décider eux-mêmes dans les domaines qui sont les leurs, là où ils vivent, là où ils travaillent, là où se développe leur famille, là où sont leurs intérêts, était-ce possible ?\
J'ai pris cette décision, plutôt j'ai mis en application une décision déjà mûrie, mais dont je ne pensais pas avant 1981 que j'aurais l'occasion de la réaliser moi-même : procéder à la décentralisation, mot un peu barbare et lourd pour signifier que désormais, dans certaines circonscriptions, les départements, (c'était déjà fait pour la commune et encore peut-on améliorer les choses), ce seraient les Français qui se géreraient eux-mêmes, par la voix de leurs élus.
- On en parlait depuis longtemps mais on ne le faisait pas. Nous l'avons fait. D'où la loi de 1982 que nous célébrons aujourd'hui. J'avais, comme conseiller général et président du Conseil général, j'avais déjà poussé quelques esquisses. Vous avez eu raison de rappeler le plan d'équipement des cantons et le plan d'équipement des communes. Je voulais que les élus, aux deux échelons, communal et départemental, pussent non pas simplement participer mais décider et pour cela qu'ils puissent disposer de crédits importants qu'il fallait redistribuer, que le département leur redistribue. Et c'était très intéressant, vous savez, j'ai vécu avec plusieurs d'entre vous les premières actions de ce type lorsque l'on se retrouvait comme conseiller général dans son canton avec tous les maires. Nous avions prévu des procédures d'arbitrage, pensant qu'il faudrait longtemps avant de créer l'usage, que les communes se disputeraient les crédits avec âpreté, peut-être même qu'elles omettraient, faute d'éducation civique à la base, de planifier, qu'elles voudraient tout tout de suite.
- Il est vrai que nous avions pris une disposition assez sage, c'est-à-dire que les communes devaient participer aux dépenses, ce qui peut-être leur indiquait qu'à partir d'un certain moment, il ne fallait pas dépasser ses moyens.
- Eh bien je dois vous dire que pendant les années qui ont suivi, je n'ai jamais eu, et l'organisme créé à cet effet au sein du Conseil général n'a jamais eu, à arbitrer aucun conflit. Je ne sais pas ce qui s'est passé depuis. D'ailleurs maintenant, avec la décentralisation ce n'est plus tout à fait la même chose £ mais, à l'époque je n'ai jamais eu à arbitrer un conflit. Les problèmes se sont toujours réglés à l'amiable, dans les cantons, entre les maires, toujours. Et pourtant, on sait bien qu'il existe des rivalités parfois historiques entre certaines communes, les communes qui ne sont pas chefs-lieux de canton, mais qui auraient pu l'être, par rapport à celles qui le sont, cela devient un problème à régler. L'importance démographique, le poids inégal, la ville et la campagne. Il n'y a jamais eu à arbitrer par recours au Conseil général. Cela a donc été une expérience merveilleuse, je vous assure, c'était un plaisir pour moi que d'aller dans chacun de ces cantons, en compagnie du conseiller général, de la majorité de l'époque ou de l'opposition de l'époque, mais cela se passait toujours de la même façon, très bien. Donc cela répondait à un besoin. C'était une inspiration qui venait de loin, qui était ressentie par tous les Nivernais. Cela n'a pas été facile, vous savez, à faire admettre par les autorités supérieures.\
Quand j'ai demandé au Conseil général de créer ces nouvelles institutions locales, je me suis trouvé devant l'opposition préfectorale - vous m'excuserez monsieur le préfet, ce n'était pas vous mais c'était l'institution - l'opposition préfectorale, très sévère, en disant : "qu'est-ce que c'est que ces élus qui veulent s'emparer des pouvoirs de l'Etat, qu'est-ce que c'est que ces maires qui veulent s'emparer des pouvoirs du département", les subventions, c'était bien commode de les décider de Paris, selon l'influence politique de tel maire ou de tel conseiller général, cela allait plutôt ici plutôt que là. Et puis même, disons les choses, pour l'administration préfectorale et pour le pouvoir, toujours politique, qu'elle représentait, c'était quand même un moyen puissant d'influer sur les décisions. Donc cela a fait scandale. Il a fallu combattre, et je me souviens qu'à l'époque, le Président du Conseil général s'était privé de bureau, de voiture, de chauffeur, de secrétariat, et nous siégions comme cela sur une chaise qu'on voulait bien nous prêter, dans une salle qu'on voulait bien nous ouvrir. Il n'y avait rien de tout cela à Nevers. Rien de tout cela dans la Nièvre. Il y avait des préfets, qui généralement étaient d'excellents fonctionnaires, qui avaient le réflexe un peu napoléonien et qui considéraient les élus comme j'avais vu, lorsque j'étais ministre de la France d'Outre-mer dans les années 1950, que les gouverneurs considéraient des chefs de tribu.
- J'avouerai même que lorsque je voyais certains de nos collègues, maires de communes rurales, très respectueux, mais cela ils ont raison, à l'égard de l'autorité, timides dans leur expression, mais n'en pensant pas moins, écouter, avec la discrétion qui est propre à ces régions, de grande dignité, mais dignité intérieure, j'avais le sentiment d'une hiérarchie qui ne correspondait pas à la réalité nationale. Il faut dire, c'est vrai, que vous, conseillers généraux, vous avez perdu l'uniforme tandis que messieurs les préfets et les sous-préfets l'ont gardé : cela établit tout de suite une distance. Ce n'est pas que j'aie l'intention, parmi les mesures et les réformes auxquelles je pense, de rétablir l'uniforme des conseillers généraux. Cela vous siérait peut-être mieux que le vêtement civil un peu gris, un peu terne, que nous revêtons aujourd'hui £ et votre prestige s'en trouverait peut-être accru £ mais enfin cela ne serait pas une mesure d'une démocratie raffinée, admettez-le. D'ailleurs, je ne sais d'ailleurs quel uniforme il faudrait que je m'invente à moi-même ! Quelques plumes de plus, enfin si je veux respecter l'usage de la primauté de l'Etat sur les autres institutions. Non, laissons cela de côté. Cela a été une lutte difficile : c'est dire à quel point les moeurs étaient peu préparées.\
Je n'ai trouvé que deux départements qui ont ou précédé ou accompagné l'exemple de la Nièvre : le département du Lot, avec M. Maurice Faure, et le département de la Loire, avec M. Antoine Pinay. Nous nous sommes concertés tous les trois pour organiser un front de luttes afin de résister non seulement à la pression de l'Etat mais aussi aux pressions juridiques, car on nous a dit : "mais c'est illégal ce que vous faites, vous n'avez pas le droit". J'ai vu le moment où il nous faudrait former des recours pour défendre des moyens qui étaient pourtant modestes comparés à ceux que vous possédez aujourd'hui : à faire attribuer des subventions par le Conseil général, les mettre dans une caisse commune, là où il n'y avait pas de syndicat et les distribuer directement par la décision des maires. Il a donc fallu envisager une petite guérilla juridique. Enfin, le ridicule a fait reculer ceux qui y songeaient. Et nous sommes sortis de cette époque délicate pour déboucher sur la décentralisation reconnue, affichée, proclamée £ j'en parlerai tout à l'heure à Moulins, c'est là que je ferai aujourd'hui l'allocution qui abordera le fond des problèmes administratifs et juridiques de la décentralisation.
- Il n'empêche que la décentralisation elle-même, à l'Assemblée nationale et au Sénat, n'a pas été une partie de plaisir. Une opposition farouche. La satisfaction que j'en ai, ce sera l'une des rares allusions politiques que je ferai ici, car ce n'est ni le moment ni le lieu, mais ma satisfaction principale, c'est qu'aujourd'hui, les principales critiques qui portent sur la façon de pratiquer la décentralisation, jugée trop timide, émanent de ceux qui ne l'ont pas votée. Et qui, avec une vigilance sourcilleuse, en appellent à moi pour me dire : "mais votre gouvernement et peut-être vous-même, vous voulez recentraliser". Je ne leur dis pas, parce que j'ai un caractère aimable, "peut-être voulez-vous que nous donnions raison aux opposants que vous étiez en 1981 ou 82, et que nous remettions nos lois en l'état où elles étaient". Non, surtout pas. Mais enfin je ne pose même pas la question. Je dirai simplement que ce qui est très agréable pour moi, c'est de constater qu'il y a une compétition pour savoir qui sera le plus décentralisateur. Ah, si Napoléon 1er se réveillait, il aurait des cauchemars. Et même les principaux hommes politiques de la Troisième République, sans oublier naturellement Colbert ou Louis XI (qui, je crois, fut le premier à nationaliser les postes).\
Voilà, mesdames et messieurs, quelques réflexions qui n'ont pour objet que de vous dire que c'est de la vie vécue en votre compagnie, pour bon nombre d'entre vous, dans la gestion départementale, comme vous le faites aujourd'hui, dans cette salle, on peut dire que c'est là que la connaissance de la vie des hommes et la connaissance des choses de l'administration et de la représentation populaire, c'est cela qui est à l'origine de la loi de la décentralisation. Et si aujourd'hui ce grand débat a pris un autre tour, infiniment plus positif, eh bien il faut que la Nièvre sache qu'elle a été le banc d'essai, que le conseil général le sache, qu'il a été lui, au fond, l'instituteur, l'enseignant qui a permis d'étudier sur le terrain, de pratiquer dans la réalité cette réforme qui est sans doute la plus importante réforme institutionnelle depuis la Révolution française.
- Mais je crois, monsieur le Président, que vous avez prévu qu'une sorte de dialogue puisse s'instaurer ici. Je suis absolument à votre disposition. Je suis soumis aux décisions des assemblées et j'ai un grand souci : c'est que la décentralisation aille à son terme, que ses défauts soient corrigés, que là où elle aurait été trop timide elle retrouve ses audaces, mais je suis également attaché à l'unité nationale et à l'autorité de l'Etat. Donc, autant je serai vigilant pour que la décentralisation soit audacieusement appliquée, autant je serai vigilant pour ne pas accepter les empiètements sur l'unité et sur l'autorité de l'Etat dans les domaines qui lui ont été réservés par la loi £ et, de ce point de vue, je ne saurais trop dire à quel point sont nécessaires des agents de cette autorité de l'Etat, à commencer par le Préfet et les fonctionnaires qui représentent la puissance publique, qui doit être respectée, qui doit jouer son rôle : pas davantage, mais tout son rôle.
- Voilà ce que j'avais à vous dire comme cela, dans une improvisation. Je ne savais pas que j'aurais à vous parler, sinon pour répondre quelques mots aimables à des mots aimables, mais le Président Bardin est allé plus loin. Il a fait un grand discours, une fresque et je ne voudrais pas me sentir complètement dépassé par le sujet traité par le Président du Conseil général de la Nièvre. Je compléterai sur un plan institutionnel à Moulins ce que j'ai abordé ici, mais laissez-moi vous dire maintenant à quel point je suis heureux de l'occasion que vous m'avez fournie d'aborder ce débat, d'aller déjà assez loin sur certains de ces domaines et surtout de pouvoir en débattre avec ceux qui, dans ma vie personnelle et politique ont été mes compagnons, mes partenaires, ceux qui m'ont permis d'engager le dialogue de la démocratie et, je crois, de le faire triompher. Après tout, vous vous retrouvez maintenant dans une assemblée responsable à un niveau très important. J'aurais voulu avoir ce dont vous disposez, Monsieur le Président, ce dont vous disposez, mesdames et messieurs. Nous étions loin de cela il y a neuf ans, très loin de cela.
- Je connais votre expérience, vous êtes tous des élus, c'est la somme de vos expériences et de vos pensées qui fait la République. Alors, disons ensemble, vive la République, vive la décentralisation, et bonne chance à votre travail.\
QUESTION.- M. le Président permettez au successeur d'Henri Clément pour lequel vous avez dit quelques paroles aimables tout à l'heure de vous poser ou tout au moins de vous présenter ces réflexions après quelques mois dans cette assemblée.
- Voici les réflexions que je me permets de vous présenter car elles comportent un certain nombre d'éléments négatifs après ces choses assez agréables qui ont été dites. J'aimerais dire qu'un élu cantonal qui désire faire son travail, trouve souvent soutien auprès d'un sous-préfet, d'un sous-préfet souvent compétent, dévoué, qui l'aide qui le conseille, qui lui évite de faire des erreurs. Malheureusement, voyez-vous, Cosne-sur-Loire n'a plus de sous-préfet, cela n'existe plus sans doute, cela fait six mois. Vous me direz six mois sans sous-préfet ce n'est pas très grave, c'est embêtant pour un arrondissement même si un sous-préfet suppléant extrêmement dévoué vient de Clamecy faire le travail qui est absolument indispensable mais la chose est difficile. Je dirai plus, il n'y a pas de sous-préfet, il n'y a pas non plus de chef de cabinet alors cela c'est depuis deux ans. Je me permettrai monsieur le Président de vous soumettre dans le même genre d'idées, je constate en lisant les journaux qu'il y a un grand nombre de chômeurs et pourtant un grand nombre de jeunes gens font des études, ont des diplômes et ne trouvent pas de place. Je constate que le département, l'Etat, la région vont faire un effort notable pour rénover nos hospices, nos maisons de retraite. Donzy va en profiter, Donzy que je représente va en profiter, nous en sommes très heureux. Je me permets de signaler que c'est un marché de deux milliards de centimes qui va s'étaler sur plusieurs tranches au cours de six années. Nous n'avons pas de directeur d'hôpital, nous n'en avons pas depuis deux ans malgré les demandes successives que nous avons faites. Vous comprendrez, monsieur le Président, que nous sommes très inquiets de voir ce travail qui va débuter dans un mois sans personne compétente pour surveiller les travaux. Bien sûr, nous avons un directeur par intérim, bien sûr c'est un homme très dévoué, bien sûr c'est un homme plein de qualités. Il vient de Nevers une fois tous les huit jours, une fois tous les quinze jours, et je crains, n'ayant pas les compétences ni moi-même ni le maire, ni le Président du Conseil d'administration de cet hôpital, pouvoir éviter les erreurs, des erreurs normales qui vont se produire au cours de cette construction alors que s'il y avait un directeur sur place bien des choses pourraient être évitées et nous risquons d'en supporter les conséquences pendant longtemps. Donc, monsieur le Président je m'arrêterai là, voyez-vous ce n'est pas très très grave mais je tenais à vous signaler que nous le ressentons et nous le ressentons mal d'autant que vous le savez, monsieur le Président Bardin le disait encore, Donzy est une ville agréable, nous avons une piscine, nous avons un CEG, nous allons bientôt avoir l'autoroute qui nous mettra à une heure et demie de Paris, alors je ne comprends pas que des gens ne veuillent pas vivre chez nous. Est-ce que c'est un défaut d'attrait parce que peut-être l'argent que l'on propose, le salaire que l'on propose n'est peut-être pas intéressant mais j'avoue que cette carence dans différents secteurs me rend perplexe.
- Merci Monsieur le Président.
- LE PRESIDENT.- Mais je vous remercie particulièrement parce que cela c'est un débat qui se nourrit sur des réalités et ce que vous dites de Donzy et de Cosne, je le retrouve dans d'autres endroits.\
`Suite de la réponse à la question sur le manque de sous-préfets` D'abord, c'est une contradiction très intéressante puisque je m'attendais à ce que l'on se plaigne plutôt de l'absence de décentralisation alors que l'on me réclame une plus grande présence de l'Etat, et vous avez raison d'ailleurs, cela rencontre exactement ma conclusion de tout à l'heure, il faut que l'Etat soit présent.
- M. le ministre de l'intérieur, qui vous a écouté, j'espère, avec attention, sait qu'il y a quelque temps, lorsque je suis allé célébrer l'anniversaire de la Bataille de Valmy le 21 septembre, (c'était en 1792, on a pris un peu d'avance sur le deuxième centenaire et sur la naissance de la République le même jour), j'ai constaté qu'il n'y avait pas de sous-préfet. Je suis revenu stupéfait et je l'ai dit à M. le ministre, qui m'a donné des raisons qui étaient parfaitement compréhensibles. Il m'a exposé qu'il y avait encore une quarantaine d'endroits, de sous-préfectures, qui ne disposaient pas de titulaires, mais qu'il en avait trouvé au moins le double dans cette situation, car on ne donne pas un sous-préfet aussi facilement qu'un préfet. Un préfet, le gouvernement décide pour nommer le préfet, tandis que le sous-préfet, si vous en exprimiez le souhait le plus ardent, je ne pourrais pas. Il faut un concours, des règles administrives etc... Les promotions notamment de l'Ecole nationale d'administration qui fournit ces cadres-là, ces promotions ont été réduites en 1987, il y a donc moins de personnes qui répondent aux qualifications nécessaires. Tout cela pour conclure, l'Etat a tort, il ne doit laisser aucune sous-préfecture sans titulaire, même si l'on estime que ces sous-préfectures sont très faibles, ce qui est le cas de certaines. Même si l'on estime que les sous-préfets ne sont pas forcément une fonction indispensable en tout endroit, c'est la loi de la République. Le territoire est réparti en sous-préfecture et il doit y avoir des titulaires. Cette conversation, nous l'avons eue avec M. le ministre de l'intérieur, il y a donc quelques mois et il a fait un effort considérable pour rattraper le retard dont il avait hérité, mais il n'a pas pu trouver aussi aisément qu'on peut le croire le personnel dont nous avions besoin. Pour Cosne je ne m'attendais pas à votre question et pourtant j'avais préparé la réponse, le sous-préfet a été nommé, il porte le nom de Geoffroy et, m'a-t-on dit, il arrive incessamment : donc vous aurez satisfaction plus vite que prévu.
- Ce que vous avez dit de l'hôpital, c'est inquiétant. Je ne vois pas très bien, au moment où je vous parle, de quelle manière le mécanisme pourrait se déclencher. Il y a un directeur d'hôpital à Donzy, depuis deux ans, je dois vous dire qu'il y a très peu de candidats à ce poste, très peu de candidats en dépit du chômage. Il faut donc que je puisse étudier, dans le quart d'heure, la manière de procéder pour parer à cette carence, car c'est une carence que vous avez raison de souligner, de déplorer. Donc, le sous-préfet va arriver, le directeur d'hôpital, il faut le trouver. Vous avez donc, à l'heure actuelle des difficultés très réelles dans la gestion de cette hôpital ?\
QUESTION.- Monsieur le Président, je ne suis pas le seul dans ce cas là. Il y a au moins dans le département, je crois avoir trois ou quatre cas identiques en ce qui concerne les directeurs. Si, je me permettais d'insister sur le cas de Donzy, c'était à cause de ce chantier, de cet argent public et j'ai toujours eu le sentiment que quand même il fallait protéger, économiser le plus possible et éviter les grosses erreurs. Or, vous savez comme moi que dans l'administration, il y a des classes et que l'hôpital de Donzy est classé en quatrième catégorie, c'est-à-dire, la dernière, celle de la base. Et bien sûr, ce poste est peu attrayant. Je vois le directeur par intérim qui vient de Nevers, on lui a dit mais venez à Donzy. Il nous a répondu : Donzy, une petite ville charmante, j'y viendrais bien vivre £ mais, pour ma carrière, je ne peux pas, je suis de troisième classe, je redescendrais en quatrième classe, donc ce n'est pas possible.
- LE PRESIDENT.- On va corriger cela, Monsieur le conseiller général, car c'est vrai que c'est inadmissible. Le docteur Delaye a ajouté tout à l'heure que à son avis il y avait plus de trois ou quatre cas. On va corriger cela. Mais, ce qui m'inquiéte dans cette conversation, c'est que, s'il faut attendre une réunion du Conseil général en ma présence pour régler ce type de problèmes, cela risque d'être insuffisant. Alors, je vais donner des instructions très sérieuses, pour que l'on ne se retrouve pas dans ce type de situation.
- Vous ne voyez rien d'autre à me dire ? Monsieur Teisser, oui.\
MONSIEUR TEISSER.- Monsieur le Président, je voudrais vous poser une question qui touche à l'intercommunalité parce que le Président Bardin en a parlé tout à l'heure dans le cadre de son intervention. Il y a dans le département comme dans tous les autres un certain nombre de communes qui se regroupent dans des syndicats intercommunaux. Il apparait à l'usage que les syndicats intercommunaux se multiplient et que, en fait, ils ne répondent pas entièrement aux besoins que nous pouvons avoir notamment dans le milieu rural. Alors, la question que je voudrais vous poser, c'est celle-ci, c'est que, en définitive, au travers de la décentralisation des pouvoirs importants sont donnés aux collectivités locales et notamment aux communes, mais il y a un frein important à l'exercice de la décentralisation qui tient au fait que les petites communes ont peu de moyens. Et je sais que Monsieur Joxe et Monsieur Baylet ont préparé un avant-projet dans lequel il est question de mettre en place les communautés de communes qui auraient une structure, je dirais juridiquement un peu supérieure à la structure du syndicat intercommunal. Et je souhaiterais avoir votre opinion sur ce sujet et savoir si nous pouvons imaginer que dans un temps assez rapproché, nous ayions des possibilités dans ce domaine.
- LE PRESIDENT.- Le ministre de l'intérieur me dit que c'est justement en débat actuellement. C'est un sujet très difficile, un projet de loi est actuellement lancé £ il traite notamment des communautés de communes. J'ai bien connu naturellement l'extraordinaire dénuement de moyens qui frappe un très grand nombre de communes de la Nièvre. Il y en a qui sont très peu peuplées. Je me souviens qu'à l'époque c'était Moissy Moulineaux qui battait le record. A l'époque, il y avait vingt-six habitants. Il y en a vingt-sept ! Pourtant, moi j'ai toujours été hostile aux fusions de communes, si elles le décident elles-mêmes. Mais j'ai toujours été hostile à la fusion autoritaire, parce que je pensais que l'on pouvait aboutir à des réformes un peu plus nuancées, un peu plus intelligentes qui consistaient à syndiquer, à organiser la communauté de communes pour toutes une série d'actes indispensables, mais qu'en même temps, il ne fallait pas détruire l'identité de ce qui reste tout de même un état d'âme, un état d'esprit, une commune, une histoire, souvent très ancienne, qui remonte parfois au moyen-âge, et, s'il n'y a plus de commune avec un maire et un conseil municipal, des témoins qui tiennent au moins le flambeau de cette identité, qui s'occupera de ces communes ? Elles sont vouées à la disparition. Donc, je ne souhaite pas qu'elles disparaissent, sauf si elles le décident. Mais encore faut-il quand même organiser ces communautés et qu'on additionne leurs faibles moyens pour que cela devienne des moyens à la hauteur des besoins. Cette loi est à l'étude £ mais, monsieur le ministre, une loi cela met quelques fois longtemps à venir en discussion. Où en sont les prévisions ?
- MONSIEUR JOXE.- Le projet de loi est à l'étude, et les avis sont si partagés que des points de vues d'élus favorables à cette évolution sont agréables à entendre.
- LE PRESIDENT.- Mais l'étude, cela dure quelquefois longtemps et la discussion, quelquefois, c'est assez long aussi. Il faut que le projet soit inscrit à l'ordre du jour, et puis, ensuite, quand il est voté, cela met assez longtemps à être appliqué. Il faudrait quand même faire en sorte qu'un terme soit mis à cette discussion dans un délai raisonnable. Monsieur Joxe me dit : dans le courant de l'année.
- MONSIEUR JOXE.- On pourrait le faire dans les mois qui viennent. Il faut simplement qu'on se mette d'accord.
- LE PRESIDENT.- S'ils ne se mettent pas d'accord, décidez.
- MONSIEUR JOXE.- Je note, Monsieur le Président !\
LE PRESIDENT.- Je dois dire que j'ai eu ici toute une série de sujets de satisfactions. D'abord j'entends un Conseiller général qui s'est fort bien exprimé, mais enfin qui me réclame un peu plus de fonctionnaires, un peu plus de centralisation quand même. Cela va dans un sens qui n'était pas exatement celui de la célébration de la décentralisation. Faisons la part des choses, au fond rien ne doit dépendre d'idées préconçues, épousons le terrain, adaptons nos réformes à la réalité vécue et on nommera les sous-préfets là où il en faut, un directeur d'hôpital là où c'est nécessaire. On organisera les communes sans les détruire et tout le monde y trouvera son compte. Ne perdons pas trop de temps dans des disputes de caractère purement théorique ou idéologique.
- Merci pour ces quelques moment qui ont été pour moi intéressants.
- DOCTEUR SIGNE.- Monsieur le Président, je voulais simplement dire un mot sur la disparition des communes...
- LE PRESIDENT.- C'est une des questions posées et c'est sans doute une des questions difficiles à résoudre qui font que la loi ne sort pas aussi vite qu'on voudrait.\
- mesdames et messieurs,
- Je vous remercie monsieur le Président et cher ami de vos propos de bienvenue et du très intéressant très structuré exposé que vous venez de prononcer. Nous avons vu défiler les événements historiques, ceux de la nation, ceux de la Nièvre, les différentes étapes qui ont donné à notre département sa réalité historique et je dois vous dire que je vous ai écouté avec la plus grande attention.
- Vous, mesdames et messieurs, vous devez bien l'imaginer, l'attrait, pour ne pas dire l'émotion que j'éprouve à me trouver parmi vous ce matin, cela ne m'était pas arrivé depuis le premier jour de l'élection de 1981 où vous aviez été les premiers à m'accueillir. Bien entendu, je mesure les vides en même temps que se déroule sous mes yeux l'éternel renouvellement des générations. Comment ne pas songer à toutes ces figures disparues ? Vous en avez évoqué certaines, ceux qui étaient mes collègues, ici. Je peux le dire certains d'entre vous en restent les témoins quels qu'aient été leurs choix à l'époque où j'étais minoritaire, à l'époque où j'étais majoritaire. Le plus souvent pour ne pas dire en toute circonstance, nous avions créé entre nous des liens de cordialité, de convivialité et lorsqu'il m'arrive maintenant de rencontrer certains d'entre vous, toujours quels que soient leur origine politique et leur choix, c'est-à-dire que c'est comme une sorte de bouffée de plaisir et d'agrément, car je garde le souvenir de femmes et d'hommes courtois et qui savaient dans les circonstances difficiles, personnelles ou publiques, se comporter avec amitié. C'est le souvenir que je garde essentiellement et je ne vis pas que de souvenirs, vous êtes là, vous assurez la permanence du département de la Nièvre, vous êtes des élus du peuple et en ce sens, j'attache beaucoup d'importance à ce type de rencontre. J'évoquais des figures disparues, comment ne songerai-je pas à Noël Berrier, en effet, qui fut mon successeur qui était mon ami, Henri Clément, qui était avec moi à la fin de mon mandat de Président du Conseil général, de conseiller général. Déjà l'un des plus anciens, car je me souviens d'avoir été élu au Conseil général en 1949, il avait dû me suivre à quelque distance. Maintenant quels sont les doyens, je cherche, n'attirons pas trop l'attention sur eux, j'ai donc connu le sort, ainsi vont les choses d'être le plus jeune élu, ce qui m'avait valu cette promotion immédiate d'être secrétaire de l'Assemblée pour compter les bulletins de l'élection nouvelle jusqu'à devenir le Président et le doyen de ce Conseil. Et je pense à celles et ceux qui ont été conseillers généraux et qui n'y ont fait qu'un passage ou qui ont disparu de la vie. J'apprenais avec peine encore ce matin en venant la mort du docteur Aubert qui avait été un excellent collègue, ici-même et qui représentait le canton de Saint-Saulge.\
Alors me voici dans cette salle avec vous, pas mal de ceux qui siègeaient avec moi sont encore là, personne ne m'en voudra si je dis tant mieux. Et puis pas mal de visages nouveaux, j'arrive à les identifier quand même, car rares étaient ceux qui ont surgi du néant, je veux dire de l'absence de relation, il y a neuf à dix ans. La plupart avait déjà rempli des rôles qui les désignaient au choix de leurs concitoyens.
- J'y reviens, j'ai descendu d'un cran, j'étais là, je suis ici, c'est bien la marque que l'on va de plus en plus vers une décentralisation qui restituera leur primauté aux élus des assemblées sur un exécutif ambulant. J'essaie d'établir une relation correcte entre l'Etat que je personnifie et des assemblées démocratiques que vous personnifiez. Donc, je me trouve très bien ici, je ne me plains pas du tout, mais c'est tout à fait symbolique. J'ai d'abord siégé là où là, à la place qui m'avait été assignée c'était la même salle, mais ce n'était pas exactement la même disposition £ le nombre des conseillers généraux a grandi £ le décor a changé £ d'ailleurs je crois avoir été à l'origine de ce changement. Ce ne sont pas exactement les mêmes visages.
- Et puis pendant dix-sept ans j'ai présidé votre assemblée, dix-sept ans c'est assez long. Ma carrière a été interrompue en 1981, elle aurait pu l'être pour d'autres raisons, mais enfin je n'ai pas eu à connaître le désaveu de mes collègues et je les ai quittés à la fois avec le regret de perdre un mode de vie qui me plaisait, qui m'était agréable, et une tâche très intéressante parmi les plus intéressantes parmi les plus vivantes, parmi les plus réelles, la présidence du Conseil général et la représentation d'un canton. Je me suis occupé d'autre chose, sans jamais oublier que cependant la France formait un tout et que je continuais d'être l'élu du canton de Montsauche et du département de la Nièvre, même si j'ai eu, et c'était bien nécessaire et c'était très heureux, des successeurs que j'ai d'ailleurs plaisir à saluer ici.
- Je dois le dire : trente-cinq ans de représentation de la Nièvre, trente-cinq ans à partir de 1946 jusqu'en 1981 de représentation directe, trente-deux de conseil général pour le canton de Montsauche, dix-sept ans de présidence du conseil général, sans oublier les vingt-deux ans passés à la mairie de Château-Chinon, cela marque une sorte de contrat de fidélité entre ceux qui m'ont élu et moi-même. Comment cela ne remplirait-il pas une vie, une large fraction de la vie ? Mon temps de vie à moi, qui en décide, l'être divin, le destin ? Chacun choisira, mais le choix d'occupation de la vie, il a dépendu à la fois de moi, sans doute, mais aussi des autres, surtout des autres, c'est-à-dire, des citoyens français.
- Alors, il se créé une sorte de relation privilégiée et vous ressentez bien, mesdames et messieurs, l'honneur et la fierté dans votre vie personnelle que représente ce mandat dont vous disposez, au-delà de l'attachement que vous portez à votre petit pays, le canton et la commune. Au sein de ce canton, être choisi par les Français à quelque échelon que cela soit, c'est vraiment une part de la fierté d'une vie £ c'est une réussite, c'est une charge aussi £ c'est une fonction, mais c'est un élément très important pour mieux comprendre un peuple, pour chercher à en être digne, pour aligner l'accomplissement de sa vie et de ses actes sur l'idée que l'on se fait de la grandeur d'un peuple, de sa noblesse et de ses intérêts.\
`Suite sur l'expérience d'élu Nivernais` J'ai donc vécu cela avec vous et d'une certaine manière je le continue pour le temps qui me sera donné, mais c'est là dans cette salle, d'une certaine manière aussi dans mon bureau de la mairie de Château-Chinon, dans le travail accompli à Montsauche, que j'ai compris la nécessité, vécu la nécessité de la décentralisation. Je peux dire même que c'est là que je l'ai conçue, à partir de mon expérience nivernaise. Cette décentralisation, elle est le fruit de l'expérience. Sans doute était-elle annoncée par l'évolution des temps, mais il y fallait aussi une conviction, et je dirai même une conviction personnelle.
- Ce n'est pas très facile de modifier les structures d'un pays et d'un ays qui avait vécu, qui a vécu des siècles de centralisation. C'est une tradition monarchique très forte et saine, il fallait faire la France et pour la faire il fallait la centraliser, sans quoi les provinces eussent éclaté sous l'attraction des pays voisins ou par besoin d'autonomie, de s'affirmer soi-même, et il n'y aurait pas eu la France, c'est ce qu'on compris les meilleurs de nos rois, c'est ce qu'ont compris les premiers révolutionnaires, c'est ce que ont compris à travers le XIXème siècle les grands administrateurs. Mais avec les formidables bouleversements techniques, avec la réduction à de modestes dimensions de la planète en raison de la facilité qui nous est donnée aujourd'hui de la parcourir dans tous les sens, de l'augmentation de la population de la plupart des peuples du monde, et pas tellement du nôtre et pas tellement des peuples européens. A compter du moment où les moyens techniques le permettent, téléphone, radio-diffusion, télévision, le TGV, l'avion, l'automobile elle-même, qui dispose de moyens routiers considérablement améliorés.
- Naturellement, gouverner la France comme à l'époque où il fallait des jours et des jours et parfois des semaines pour aller du nord au sud, c'est tout à fait différent. En même temps que se développait une conscience publique à partir de la révolution française, le besoin de doter les citoyens du pouvoir qui leur revient, mais qui leur était refusé jusqu'alors. C'est une révolution populaire. Une révolution du peuple qui a conduit la République française là où elle est. Elle a été inspirée par des philosophes, des politiques, mais les cahiers de doléances et les grands mouvements de 1789 et des années qui ont suivi, elles ont été essentiellement populaires. C'est 1789, l'une des plus grandes révolutions qu'ait connue l'humanité. Elle a d'ailleurs eu, comme vous le savez, des effets contagieux, sinon dans le monde entier, du moins dans la plupart des Etats que l'on dit civilisés, qui ont accédé à la démocratie, à la représentation populaire.
- Cette nouvelle exigence des peuples que l'on vient de retrouver au cours de ce dernier semestre, ce trimestre même, par la nouvelle poussée populaire dans l'Europe de l'Est, qui représente à son tour une réalité profonde, qui a été dictée par le besoin du peuple et ses aspirations, dont la principale, l'inspiratrice, reste la liberté. Tout cela devait se traduire dans les institutions. Et on a mis longtemps. A la fois le besoin démocratique et la réalité technique. Une société en pleine mutation. Pouvait-on continuer de gouverner en ignorant le besoin des femmes et des hommes de notre pays de s'exprimer eux-mêmes, de décider eux-mêmes dans les domaines qui sont les leurs, là où ils vivent, là où ils travaillent, là où se développe leur famille, là où sont leurs intérêts, était-ce possible ?\
J'ai pris cette décision, plutôt j'ai mis en application une décision déjà mûrie, mais dont je ne pensais pas avant 1981 que j'aurais l'occasion de la réaliser moi-même : procéder à la décentralisation, mot un peu barbare et lourd pour signifier que désormais, dans certaines circonscriptions, les départements, (c'était déjà fait pour la commune et encore peut-on améliorer les choses), ce seraient les Français qui se géreraient eux-mêmes, par la voix de leurs élus.
- On en parlait depuis longtemps mais on ne le faisait pas. Nous l'avons fait. D'où la loi de 1982 que nous célébrons aujourd'hui. J'avais, comme conseiller général et président du Conseil général, j'avais déjà poussé quelques esquisses. Vous avez eu raison de rappeler le plan d'équipement des cantons et le plan d'équipement des communes. Je voulais que les élus, aux deux échelons, communal et départemental, pussent non pas simplement participer mais décider et pour cela qu'ils puissent disposer de crédits importants qu'il fallait redistribuer, que le département leur redistribue. Et c'était très intéressant, vous savez, j'ai vécu avec plusieurs d'entre vous les premières actions de ce type lorsque l'on se retrouvait comme conseiller général dans son canton avec tous les maires. Nous avions prévu des procédures d'arbitrage, pensant qu'il faudrait longtemps avant de créer l'usage, que les communes se disputeraient les crédits avec âpreté, peut-être même qu'elles omettraient, faute d'éducation civique à la base, de planifier, qu'elles voudraient tout tout de suite.
- Il est vrai que nous avions pris une disposition assez sage, c'est-à-dire que les communes devaient participer aux dépenses, ce qui peut-être leur indiquait qu'à partir d'un certain moment, il ne fallait pas dépasser ses moyens.
- Eh bien je dois vous dire que pendant les années qui ont suivi, je n'ai jamais eu, et l'organisme créé à cet effet au sein du Conseil général n'a jamais eu, à arbitrer aucun conflit. Je ne sais pas ce qui s'est passé depuis. D'ailleurs maintenant, avec la décentralisation ce n'est plus tout à fait la même chose £ mais, à l'époque je n'ai jamais eu à arbitrer un conflit. Les problèmes se sont toujours réglés à l'amiable, dans les cantons, entre les maires, toujours. Et pourtant, on sait bien qu'il existe des rivalités parfois historiques entre certaines communes, les communes qui ne sont pas chefs-lieux de canton, mais qui auraient pu l'être, par rapport à celles qui le sont, cela devient un problème à régler. L'importance démographique, le poids inégal, la ville et la campagne. Il n'y a jamais eu à arbitrer par recours au Conseil général. Cela a donc été une expérience merveilleuse, je vous assure, c'était un plaisir pour moi que d'aller dans chacun de ces cantons, en compagnie du conseiller général, de la majorité de l'époque ou de l'opposition de l'époque, mais cela se passait toujours de la même façon, très bien. Donc cela répondait à un besoin. C'était une inspiration qui venait de loin, qui était ressentie par tous les Nivernais. Cela n'a pas été facile, vous savez, à faire admettre par les autorités supérieures.\
Quand j'ai demandé au Conseil général de créer ces nouvelles institutions locales, je me suis trouvé devant l'opposition préfectorale - vous m'excuserez monsieur le préfet, ce n'était pas vous mais c'était l'institution - l'opposition préfectorale, très sévère, en disant : "qu'est-ce que c'est que ces élus qui veulent s'emparer des pouvoirs de l'Etat, qu'est-ce que c'est que ces maires qui veulent s'emparer des pouvoirs du département", les subventions, c'était bien commode de les décider de Paris, selon l'influence politique de tel maire ou de tel conseiller général, cela allait plutôt ici plutôt que là. Et puis même, disons les choses, pour l'administration préfectorale et pour le pouvoir, toujours politique, qu'elle représentait, c'était quand même un moyen puissant d'influer sur les décisions. Donc cela a fait scandale. Il a fallu combattre, et je me souviens qu'à l'époque, le Président du Conseil général s'était privé de bureau, de voiture, de chauffeur, de secrétariat, et nous siégions comme cela sur une chaise qu'on voulait bien nous prêter, dans une salle qu'on voulait bien nous ouvrir. Il n'y avait rien de tout cela à Nevers. Rien de tout cela dans la Nièvre. Il y avait des préfets, qui généralement étaient d'excellents fonctionnaires, qui avaient le réflexe un peu napoléonien et qui considéraient les élus comme j'avais vu, lorsque j'étais ministre de la France d'Outre-mer dans les années 1950, que les gouverneurs considéraient des chefs de tribu.
- J'avouerai même que lorsque je voyais certains de nos collègues, maires de communes rurales, très respectueux, mais cela ils ont raison, à l'égard de l'autorité, timides dans leur expression, mais n'en pensant pas moins, écouter, avec la discrétion qui est propre à ces régions, de grande dignité, mais dignité intérieure, j'avais le sentiment d'une hiérarchie qui ne correspondait pas à la réalité nationale. Il faut dire, c'est vrai, que vous, conseillers généraux, vous avez perdu l'uniforme tandis que messieurs les préfets et les sous-préfets l'ont gardé : cela établit tout de suite une distance. Ce n'est pas que j'aie l'intention, parmi les mesures et les réformes auxquelles je pense, de rétablir l'uniforme des conseillers généraux. Cela vous siérait peut-être mieux que le vêtement civil un peu gris, un peu terne, que nous revêtons aujourd'hui £ et votre prestige s'en trouverait peut-être accru £ mais enfin cela ne serait pas une mesure d'une démocratie raffinée, admettez-le. D'ailleurs, je ne sais d'ailleurs quel uniforme il faudrait que je m'invente à moi-même ! Quelques plumes de plus, enfin si je veux respecter l'usage de la primauté de l'Etat sur les autres institutions. Non, laissons cela de côté. Cela a été une lutte difficile : c'est dire à quel point les moeurs étaient peu préparées.\
Je n'ai trouvé que deux départements qui ont ou précédé ou accompagné l'exemple de la Nièvre : le département du Lot, avec M. Maurice Faure, et le département de la Loire, avec M. Antoine Pinay. Nous nous sommes concertés tous les trois pour organiser un front de luttes afin de résister non seulement à la pression de l'Etat mais aussi aux pressions juridiques, car on nous a dit : "mais c'est illégal ce que vous faites, vous n'avez pas le droit". J'ai vu le moment où il nous faudrait former des recours pour défendre des moyens qui étaient pourtant modestes comparés à ceux que vous possédez aujourd'hui : à faire attribuer des subventions par le Conseil général, les mettre dans une caisse commune, là où il n'y avait pas de syndicat et les distribuer directement par la décision des maires. Il a donc fallu envisager une petite guérilla juridique. Enfin, le ridicule a fait reculer ceux qui y songeaient. Et nous sommes sortis de cette époque délicate pour déboucher sur la décentralisation reconnue, affichée, proclamée £ j'en parlerai tout à l'heure à Moulins, c'est là que je ferai aujourd'hui l'allocution qui abordera le fond des problèmes administratifs et juridiques de la décentralisation.
- Il n'empêche que la décentralisation elle-même, à l'Assemblée nationale et au Sénat, n'a pas été une partie de plaisir. Une opposition farouche. La satisfaction que j'en ai, ce sera l'une des rares allusions politiques que je ferai ici, car ce n'est ni le moment ni le lieu, mais ma satisfaction principale, c'est qu'aujourd'hui, les principales critiques qui portent sur la façon de pratiquer la décentralisation, jugée trop timide, émanent de ceux qui ne l'ont pas votée. Et qui, avec une vigilance sourcilleuse, en appellent à moi pour me dire : "mais votre gouvernement et peut-être vous-même, vous voulez recentraliser". Je ne leur dis pas, parce que j'ai un caractère aimable, "peut-être voulez-vous que nous donnions raison aux opposants que vous étiez en 1981 ou 82, et que nous remettions nos lois en l'état où elles étaient". Non, surtout pas. Mais enfin je ne pose même pas la question. Je dirai simplement que ce qui est très agréable pour moi, c'est de constater qu'il y a une compétition pour savoir qui sera le plus décentralisateur. Ah, si Napoléon 1er se réveillait, il aurait des cauchemars. Et même les principaux hommes politiques de la Troisième République, sans oublier naturellement Colbert ou Louis XI (qui, je crois, fut le premier à nationaliser les postes).\
Voilà, mesdames et messieurs, quelques réflexions qui n'ont pour objet que de vous dire que c'est de la vie vécue en votre compagnie, pour bon nombre d'entre vous, dans la gestion départementale, comme vous le faites aujourd'hui, dans cette salle, on peut dire que c'est là que la connaissance de la vie des hommes et la connaissance des choses de l'administration et de la représentation populaire, c'est cela qui est à l'origine de la loi de la décentralisation. Et si aujourd'hui ce grand débat a pris un autre tour, infiniment plus positif, eh bien il faut que la Nièvre sache qu'elle a été le banc d'essai, que le conseil général le sache, qu'il a été lui, au fond, l'instituteur, l'enseignant qui a permis d'étudier sur le terrain, de pratiquer dans la réalité cette réforme qui est sans doute la plus importante réforme institutionnelle depuis la Révolution française.
- Mais je crois, monsieur le Président, que vous avez prévu qu'une sorte de dialogue puisse s'instaurer ici. Je suis absolument à votre disposition. Je suis soumis aux décisions des assemblées et j'ai un grand souci : c'est que la décentralisation aille à son terme, que ses défauts soient corrigés, que là où elle aurait été trop timide elle retrouve ses audaces, mais je suis également attaché à l'unité nationale et à l'autorité de l'Etat. Donc, autant je serai vigilant pour que la décentralisation soit audacieusement appliquée, autant je serai vigilant pour ne pas accepter les empiètements sur l'unité et sur l'autorité de l'Etat dans les domaines qui lui ont été réservés par la loi £ et, de ce point de vue, je ne saurais trop dire à quel point sont nécessaires des agents de cette autorité de l'Etat, à commencer par le Préfet et les fonctionnaires qui représentent la puissance publique, qui doit être respectée, qui doit jouer son rôle : pas davantage, mais tout son rôle.
- Voilà ce que j'avais à vous dire comme cela, dans une improvisation. Je ne savais pas que j'aurais à vous parler, sinon pour répondre quelques mots aimables à des mots aimables, mais le Président Bardin est allé plus loin. Il a fait un grand discours, une fresque et je ne voudrais pas me sentir complètement dépassé par le sujet traité par le Président du Conseil général de la Nièvre. Je compléterai sur un plan institutionnel à Moulins ce que j'ai abordé ici, mais laissez-moi vous dire maintenant à quel point je suis heureux de l'occasion que vous m'avez fournie d'aborder ce débat, d'aller déjà assez loin sur certains de ces domaines et surtout de pouvoir en débattre avec ceux qui, dans ma vie personnelle et politique ont été mes compagnons, mes partenaires, ceux qui m'ont permis d'engager le dialogue de la démocratie et, je crois, de le faire triompher. Après tout, vous vous retrouvez maintenant dans une assemblée responsable à un niveau très important. J'aurais voulu avoir ce dont vous disposez, Monsieur le Président, ce dont vous disposez, mesdames et messieurs. Nous étions loin de cela il y a neuf ans, très loin de cela.
- Je connais votre expérience, vous êtes tous des élus, c'est la somme de vos expériences et de vos pensées qui fait la République. Alors, disons ensemble, vive la République, vive la décentralisation, et bonne chance à votre travail.\
QUESTION.- M. le Président permettez au successeur d'Henri Clément pour lequel vous avez dit quelques paroles aimables tout à l'heure de vous poser ou tout au moins de vous présenter ces réflexions après quelques mois dans cette assemblée.
- Voici les réflexions que je me permets de vous présenter car elles comportent un certain nombre d'éléments négatifs après ces choses assez agréables qui ont été dites. J'aimerais dire qu'un élu cantonal qui désire faire son travail, trouve souvent soutien auprès d'un sous-préfet, d'un sous-préfet souvent compétent, dévoué, qui l'aide qui le conseille, qui lui évite de faire des erreurs. Malheureusement, voyez-vous, Cosne-sur-Loire n'a plus de sous-préfet, cela n'existe plus sans doute, cela fait six mois. Vous me direz six mois sans sous-préfet ce n'est pas très grave, c'est embêtant pour un arrondissement même si un sous-préfet suppléant extrêmement dévoué vient de Clamecy faire le travail qui est absolument indispensable mais la chose est difficile. Je dirai plus, il n'y a pas de sous-préfet, il n'y a pas non plus de chef de cabinet alors cela c'est depuis deux ans. Je me permettrai monsieur le Président de vous soumettre dans le même genre d'idées, je constate en lisant les journaux qu'il y a un grand nombre de chômeurs et pourtant un grand nombre de jeunes gens font des études, ont des diplômes et ne trouvent pas de place. Je constate que le département, l'Etat, la région vont faire un effort notable pour rénover nos hospices, nos maisons de retraite. Donzy va en profiter, Donzy que je représente va en profiter, nous en sommes très heureux. Je me permets de signaler que c'est un marché de deux milliards de centimes qui va s'étaler sur plusieurs tranches au cours de six années. Nous n'avons pas de directeur d'hôpital, nous n'en avons pas depuis deux ans malgré les demandes successives que nous avons faites. Vous comprendrez, monsieur le Président, que nous sommes très inquiets de voir ce travail qui va débuter dans un mois sans personne compétente pour surveiller les travaux. Bien sûr, nous avons un directeur par intérim, bien sûr c'est un homme très dévoué, bien sûr c'est un homme plein de qualités. Il vient de Nevers une fois tous les huit jours, une fois tous les quinze jours, et je crains, n'ayant pas les compétences ni moi-même ni le maire, ni le Président du Conseil d'administration de cet hôpital, pouvoir éviter les erreurs, des erreurs normales qui vont se produire au cours de cette construction alors que s'il y avait un directeur sur place bien des choses pourraient être évitées et nous risquons d'en supporter les conséquences pendant longtemps. Donc, monsieur le Président je m'arrêterai là, voyez-vous ce n'est pas très très grave mais je tenais à vous signaler que nous le ressentons et nous le ressentons mal d'autant que vous le savez, monsieur le Président Bardin le disait encore, Donzy est une ville agréable, nous avons une piscine, nous avons un CEG, nous allons bientôt avoir l'autoroute qui nous mettra à une heure et demie de Paris, alors je ne comprends pas que des gens ne veuillent pas vivre chez nous. Est-ce que c'est un défaut d'attrait parce que peut-être l'argent que l'on propose, le salaire que l'on propose n'est peut-être pas intéressant mais j'avoue que cette carence dans différents secteurs me rend perplexe.
- Merci Monsieur le Président.
- LE PRESIDENT.- Mais je vous remercie particulièrement parce que cela c'est un débat qui se nourrit sur des réalités et ce que vous dites de Donzy et de Cosne, je le retrouve dans d'autres endroits.\
`Suite de la réponse à la question sur le manque de sous-préfets` D'abord, c'est une contradiction très intéressante puisque je m'attendais à ce que l'on se plaigne plutôt de l'absence de décentralisation alors que l'on me réclame une plus grande présence de l'Etat, et vous avez raison d'ailleurs, cela rencontre exactement ma conclusion de tout à l'heure, il faut que l'Etat soit présent.
- M. le ministre de l'intérieur, qui vous a écouté, j'espère, avec attention, sait qu'il y a quelque temps, lorsque je suis allé célébrer l'anniversaire de la Bataille de Valmy le 21 septembre, (c'était en 1792, on a pris un peu d'avance sur le deuxième centenaire et sur la naissance de la République le même jour), j'ai constaté qu'il n'y avait pas de sous-préfet. Je suis revenu stupéfait et je l'ai dit à M. le ministre, qui m'a donné des raisons qui étaient parfaitement compréhensibles. Il m'a exposé qu'il y avait encore une quarantaine d'endroits, de sous-préfectures, qui ne disposaient pas de titulaires, mais qu'il en avait trouvé au moins le double dans cette situation, car on ne donne pas un sous-préfet aussi facilement qu'un préfet. Un préfet, le gouvernement décide pour nommer le préfet, tandis que le sous-préfet, si vous en exprimiez le souhait le plus ardent, je ne pourrais pas. Il faut un concours, des règles administrives etc... Les promotions notamment de l'Ecole nationale d'administration qui fournit ces cadres-là, ces promotions ont été réduites en 1987, il y a donc moins de personnes qui répondent aux qualifications nécessaires. Tout cela pour conclure, l'Etat a tort, il ne doit laisser aucune sous-préfecture sans titulaire, même si l'on estime que ces sous-préfectures sont très faibles, ce qui est le cas de certaines. Même si l'on estime que les sous-préfets ne sont pas forcément une fonction indispensable en tout endroit, c'est la loi de la République. Le territoire est réparti en sous-préfecture et il doit y avoir des titulaires. Cette conversation, nous l'avons eue avec M. le ministre de l'intérieur, il y a donc quelques mois et il a fait un effort considérable pour rattraper le retard dont il avait hérité, mais il n'a pas pu trouver aussi aisément qu'on peut le croire le personnel dont nous avions besoin. Pour Cosne je ne m'attendais pas à votre question et pourtant j'avais préparé la réponse, le sous-préfet a été nommé, il porte le nom de Geoffroy et, m'a-t-on dit, il arrive incessamment : donc vous aurez satisfaction plus vite que prévu.
- Ce que vous avez dit de l'hôpital, c'est inquiétant. Je ne vois pas très bien, au moment où je vous parle, de quelle manière le mécanisme pourrait se déclencher. Il y a un directeur d'hôpital à Donzy, depuis deux ans, je dois vous dire qu'il y a très peu de candidats à ce poste, très peu de candidats en dépit du chômage. Il faut donc que je puisse étudier, dans le quart d'heure, la manière de procéder pour parer à cette carence, car c'est une carence que vous avez raison de souligner, de déplorer. Donc, le sous-préfet va arriver, le directeur d'hôpital, il faut le trouver. Vous avez donc, à l'heure actuelle des difficultés très réelles dans la gestion de cette hôpital ?\
QUESTION.- Monsieur le Président, je ne suis pas le seul dans ce cas là. Il y a au moins dans le département, je crois avoir trois ou quatre cas identiques en ce qui concerne les directeurs. Si, je me permettais d'insister sur le cas de Donzy, c'était à cause de ce chantier, de cet argent public et j'ai toujours eu le sentiment que quand même il fallait protéger, économiser le plus possible et éviter les grosses erreurs. Or, vous savez comme moi que dans l'administration, il y a des classes et que l'hôpital de Donzy est classé en quatrième catégorie, c'est-à-dire, la dernière, celle de la base. Et bien sûr, ce poste est peu attrayant. Je vois le directeur par intérim qui vient de Nevers, on lui a dit mais venez à Donzy. Il nous a répondu : Donzy, une petite ville charmante, j'y viendrais bien vivre £ mais, pour ma carrière, je ne peux pas, je suis de troisième classe, je redescendrais en quatrième classe, donc ce n'est pas possible.
- LE PRESIDENT.- On va corriger cela, Monsieur le conseiller général, car c'est vrai que c'est inadmissible. Le docteur Delaye a ajouté tout à l'heure que à son avis il y avait plus de trois ou quatre cas. On va corriger cela. Mais, ce qui m'inquiéte dans cette conversation, c'est que, s'il faut attendre une réunion du Conseil général en ma présence pour régler ce type de problèmes, cela risque d'être insuffisant. Alors, je vais donner des instructions très sérieuses, pour que l'on ne se retrouve pas dans ce type de situation.
- Vous ne voyez rien d'autre à me dire ? Monsieur Teisser, oui.\
MONSIEUR TEISSER.- Monsieur le Président, je voudrais vous poser une question qui touche à l'intercommunalité parce que le Président Bardin en a parlé tout à l'heure dans le cadre de son intervention. Il y a dans le département comme dans tous les autres un certain nombre de communes qui se regroupent dans des syndicats intercommunaux. Il apparait à l'usage que les syndicats intercommunaux se multiplient et que, en fait, ils ne répondent pas entièrement aux besoins que nous pouvons avoir notamment dans le milieu rural. Alors, la question que je voudrais vous poser, c'est celle-ci, c'est que, en définitive, au travers de la décentralisation des pouvoirs importants sont donnés aux collectivités locales et notamment aux communes, mais il y a un frein important à l'exercice de la décentralisation qui tient au fait que les petites communes ont peu de moyens. Et je sais que Monsieur Joxe et Monsieur Baylet ont préparé un avant-projet dans lequel il est question de mettre en place les communautés de communes qui auraient une structure, je dirais juridiquement un peu supérieure à la structure du syndicat intercommunal. Et je souhaiterais avoir votre opinion sur ce sujet et savoir si nous pouvons imaginer que dans un temps assez rapproché, nous ayions des possibilités dans ce domaine.
- LE PRESIDENT.- Le ministre de l'intérieur me dit que c'est justement en débat actuellement. C'est un sujet très difficile, un projet de loi est actuellement lancé £ il traite notamment des communautés de communes. J'ai bien connu naturellement l'extraordinaire dénuement de moyens qui frappe un très grand nombre de communes de la Nièvre. Il y en a qui sont très peu peuplées. Je me souviens qu'à l'époque c'était Moissy Moulineaux qui battait le record. A l'époque, il y avait vingt-six habitants. Il y en a vingt-sept ! Pourtant, moi j'ai toujours été hostile aux fusions de communes, si elles le décident elles-mêmes. Mais j'ai toujours été hostile à la fusion autoritaire, parce que je pensais que l'on pouvait aboutir à des réformes un peu plus nuancées, un peu plus intelligentes qui consistaient à syndiquer, à organiser la communauté de communes pour toutes une série d'actes indispensables, mais qu'en même temps, il ne fallait pas détruire l'identité de ce qui reste tout de même un état d'âme, un état d'esprit, une commune, une histoire, souvent très ancienne, qui remonte parfois au moyen-âge, et, s'il n'y a plus de commune avec un maire et un conseil municipal, des témoins qui tiennent au moins le flambeau de cette identité, qui s'occupera de ces communes ? Elles sont vouées à la disparition. Donc, je ne souhaite pas qu'elles disparaissent, sauf si elles le décident. Mais encore faut-il quand même organiser ces communautés et qu'on additionne leurs faibles moyens pour que cela devienne des moyens à la hauteur des besoins. Cette loi est à l'étude £ mais, monsieur le ministre, une loi cela met quelques fois longtemps à venir en discussion. Où en sont les prévisions ?
- MONSIEUR JOXE.- Le projet de loi est à l'étude, et les avis sont si partagés que des points de vues d'élus favorables à cette évolution sont agréables à entendre.
- LE PRESIDENT.- Mais l'étude, cela dure quelquefois longtemps et la discussion, quelquefois, c'est assez long aussi. Il faut que le projet soit inscrit à l'ordre du jour, et puis, ensuite, quand il est voté, cela met assez longtemps à être appliqué. Il faudrait quand même faire en sorte qu'un terme soit mis à cette discussion dans un délai raisonnable. Monsieur Joxe me dit : dans le courant de l'année.
- MONSIEUR JOXE.- On pourrait le faire dans les mois qui viennent. Il faut simplement qu'on se mette d'accord.
- LE PRESIDENT.- S'ils ne se mettent pas d'accord, décidez.
- MONSIEUR JOXE.- Je note, Monsieur le Président !\
LE PRESIDENT.- Je dois dire que j'ai eu ici toute une série de sujets de satisfactions. D'abord j'entends un Conseiller général qui s'est fort bien exprimé, mais enfin qui me réclame un peu plus de fonctionnaires, un peu plus de centralisation quand même. Cela va dans un sens qui n'était pas exatement celui de la célébration de la décentralisation. Faisons la part des choses, au fond rien ne doit dépendre d'idées préconçues, épousons le terrain, adaptons nos réformes à la réalité vécue et on nommera les sous-préfets là où il en faut, un directeur d'hôpital là où c'est nécessaire. On organisera les communes sans les détruire et tout le monde y trouvera son compte. Ne perdons pas trop de temps dans des disputes de caractère purement théorique ou idéologique.
- Merci pour ces quelques moment qui ont été pour moi intéressants.
- DOCTEUR SIGNE.- Monsieur le Président, je voulais simplement dire un mot sur la disparition des communes...
- LE PRESIDENT.- C'est une des questions posées et c'est sans doute une des questions difficiles à résoudre qui font que la loi ne sort pas aussi vite qu'on voudrait.\