28 février 1990 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, suivie d'une discussion avec les élèves du centre de formation de Meaux, sur l'importance du crédit formation pour limiter le chômage et rendre la France compétitive, Meaux, le 28 février 1990.
Mesdames et messieurs,
- Vous nous voyez réunis ici. Nous venons d'engager une conversation qui a cherché à approfondir chacun des problèmes qui se posent aux stagiaires qui sont ici au titre de ce qu'on appelle le crédit-formation. Ils étaient treize autour de cette table, ils sont là maintenant autour de moi.
- Ils se préparent à des professions très différentes £ plusieurs des jeunes filles souhaitent s'occuper de la vente, donc le contact avec le public. D'autres veulent être horticulteurs, chauffeurs routiers, moniteurs de sport, cuisiniers ... C'est dire l'effort qui doit être accompli par l'encadrement, par les organisateurs qui doivent s'adresser à de multiples organismes et associations pour disposer des formateurs compétents dans une si grande diversité de professions futures. A quoi cela sert-il ? A permettre à ces jeunes, puisqu'il s'agit de jeunes, ici, d'obtenir une qualification qui leur permettra de trouver un emploi. L'emploi est généralement refusé aujourd'hui à ceux qui n'ont pas de diplômes, pas le plus petit diplôme, et ce n'est déjà pas si commode pour ceux qui en ont un au début.
- Ils ont parlé, ils ont expliqué ce qu'ils faisaient, pourquoi ils avaient quitté l'école assez tôt. Plusieurs d'entre eux dès la cinquième, pour des raisons familiales, pour des raisons personnelles, manque d'intérêt pour l'école, manque de maturité. Donc, maintenant que le temps a passé, qu'ils ont mûri, ils se rendent compte de la nécessité pour eux de disposer d'un diplôme qui leur ouvre la porte vers une vraie profession. Et comme ils sont devenus des adolescents adultes, ils ont du goût au travail, ils ont envie de faire ce qu'ils font, et cela était parfaitement perceptible dans ce qu'ils nous disaient, qui a toujours été, - je dois leur faire ce compliment, c'est le premier que je leur fais - exprimé d'une façon très claire, dans un très bon français, sans embarras, et d'une façon très sympathique. Et puis ils ont dit ce qui allait bien en général, ils sont très contents de ce qu'ils font. Ils ont également fait observer ce qui n'allait pas, qui n'est pas propre à l'enseignement mais qui est propre aux moyens de transport dont ils disposent, propre aux rémunérations qu'ils doivent recevoir, qu'ils reçoivent, qu'ils recevront, mais qui mettent très longtemps à leur parvenir, de telle sorte que, sans moyens, ils sont obligés de vivre plusieurs mois en se débrouillant, en se débrouillant plutôt mal que bien. Et puis les repas, comment ? Où ? Dans des lieux mal commodes, souvent mal chauffés. Tout cela a été dit. C'était la raison d'être de cette rencontre autour du 60000ème crédit-formation qui est signé par ce jeune homme, ce jeune homme qui veut être horticulteur, de préférence à Versailles... A partir du moment où on a de l'ambition, et il vaut mieux en avoir, il n'y a pas de raison de se limiter. Et moi, j'aime bien qu'on soit ambitieux... il s'appelle Laurent, Laurent Lefort. Et Laurent, il en veut, d'autant plus qu'il a été au début de sa vie professionnelle, accidenté du travail : des doigts coupés. C'est dire que c'est vraiment un garçon qui a de la volonté, et qui veut aboutir.\
Sur un plan général, on sait bien que la cause principale de la crise de l'emploi, en France, tient au fait qu'alors qu'on crée comme on n'en a jamais créé, un nombre important d'emplois, environ 400000, le chiffre du chômage baisse, mais baisse trop peu, ce n'est pas logique mais cela se comprend très bien. C'est qu'on a besoin, aujourd'hui, d'emplois très qualifiés. Pour être qualifié, il faut être formé, et ce sont des formations très sérieuses qui sont exigées, avec à l'appui, la preuve de cette formation : un bout de papier qu'on appelle un diplôme. Ils n'ont pas çà : le crédit-formation, sous l'autorité d'André Laignel et Jean-Pierre Soisson, qui se trouvent ici, a pour objet, conformément à ce que j'avais d'ailleurs demandé en 1988, de fournir au maximum de jeunes le moyen de la deuxième chance, la deuxième chance qui leur permettra d'avoir un diplôme, car ce sera un vrai diplôme qui leur sera attribué à la fin de leur stage, un diplôme et une qualification. C'est le diplôme qui apportera la preuve qu'il y a qualification sous la caution d'éducateurs, eux-mêmes tout à fait reconnus, de valeur et d'un grand dévouement.\
Voilà ce qu'on est en train de faire. On a prévu, pour l'instant, de financer 100000 crédits-formation. On en est au 60000ème, c'est celui qu'on est venu signaler à l'attention publique pour bien marquer l'utilité de cet effort. On va bientôt arriver à 100000 puisque je crois que c'est au rythme de 15000 par mois, et déjà, j'ai demandé aux ministres compétents, aux deux qui sont ici, mais également au ministre de l'économie et des finances, et donc du budget aussi, je leur ai demandé de doubler l'effort pour l'année suivante, parce qu'on ne peut pas s'arrêter qu'aux jeunes. C'est très important. C'est pourquoi, dans la statistique de baisse du chômage, trop faible, je l'ai dit, la proportion de jeunes est assez importante. Il y a moins de chômeurs jeunes, pour plusieurs raisons dont celle-ci, mais on veut pouvoir aussi s'adresser aux adultes, aux travailleurs qui ont déjà des responsabilités personnelles ou de famille, donc à des salariés, à des agriculteurs, à des gens qui sont déjà salariés ou qui l'ont été, c'est-à-dire les chômeurs. Il faut donc accélérer le rythme actuellement prévisible de 120000 par an, en passant à 200000. Pour cela, il faut une mobilisation formidable des éducateurs et des formateurs avec l'assistance indispensable, qui sera sans aucun doute, accordée de grand coeur, des Conseils généraux, des maires et de toute une série d'organismes et d'élus qui sur ce terrain-là, croyez-moi, marcheront au canon parce qu'ils ont tous à coeur de voir la jeunesse d'abord, et puis les autres au travail, d'autant plus qu'on en a besoin de ce travail, quand on voit, chaque mois, les statistiques, quand on remarque que la France n'a pas de bons résultats dans le domaine du commerce extérieur, c'est-à-dire que nous ne vendons pas assez nos produits. Pour beaucoup de raisons qu'il serait trop long d'exposer, souvent parce qu'on ne fabrique pas toujours les produits qui sont demandés, ceux que nous fabriquons sont de bonne qualité mais ils ne sont pas toujours adaptés à la demande, ou bien parce que nous ne fabriquons pas les produits les plus sophistiqués, c'est-à-dire ceux sur lesquels il y a la plus forte valeur ajoutée, donc ceux qui coûtent cher. Alors, on fournit les matières premières, on fournit des produits déjà élaborés, mais la meilleure qualification élaboration se fait à l'étranger, et cela nous coûte très cher. Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, mais il faudrait qu'on se sépare de cette mauvaise habitude, et tout cela tient pour beaucoup à la qualité de notre formation. C'est pourquoi j'ai donné constamment comme objectif principal, je dirais fondamental à l'action d'un gouvernement : l'éducation nationale, et particulièrement la formation professionnelle et le crédit-formation pour lequel nous sommes ici réunis.\
Précipités dans le monde du travail, ces jeunes gens sont parfaitement capables de supporter la concurrence, de faire la preuve que, partis sans moyens, sans rien dans les mains, une fois qu'ils ont l'instrument, ils le tiennent bien, ils sont capables de réussir. Je suis sûr que vous nous en ferez la démonstration et que vous aurez à coeur d'ailleurs, étant les premiers à montrer le chemin aux autres. Voyez en un an, en deux ans seulement tout ce que l'on peut faire. Il faut donc vraiment que je dise aux Français qui s'inquiètent de beaucoup de choses : on voit de quelle façon ça bouge à l'Est, à l'Est de l'Europe, de quelle manière s'organise la compétition internationale, les Français se disent dans cette recomposition de la carte de l'Europe et du monde, quelle sera la place de la France ? Eh bien, je leur répondrai très simplement, qu'elle sera celle qu'elle se fera, qu'elle se donnera. Si la France est capable par son industrie, (et dans l'industrie je comprends l'industrie agro-alimentaire, c'est-à-dire aussi une grande part de l'agriculture), si elle est capable de continuer l'oeuvre commencée, pas simplement de redressement mais de perfectionnement, de recherche du meilleur, à ce moment-là, nous n'avons rien à redouter de personne. Nous sommes un grand peuple qui est capable de réussir vraiment quand il le veut, c'est souvent une affaire de volonté, et cette volonté, elle sera celle de tous ces jeunes, qui sont là autour de moi, et des autres. Si ces jeunes le veulent, mais aussi si la collectivité nationale leur en donne le moyen, ils gagneront là où ils sont, et s'ils gagnent eux, là où ils sont, nous, tous ensemble, nous gagnerons là où nous sommes.
- Alors, je suis obligé de lancer un appel, un appel qui n'a rien de pessimiste, ni d'angoissé, mais qui est simplement un appel à la volonté de notre peuple : si on veut améliorer notre situation dans le monde, situation qui est déjà bonne dans certains domaines, plus faible dans d'autres, il faut le vouloir. Le rôle du gouvernement, c'est de créer l'outil, l'outil, c'est ce dont sont chargés MM. Jean-Pierre Soisson et André Laignel, chargés de l'emploi, et en l'occurence du crédit-formation.
- Ces jeunes seront suivis par des moins jeunes, par des salariés, des jeunes gens ou des adultes sortis de l'agriculture, par des chômeurs, grâce au plan mis en place pour les trois prochaines années, (en réalité, cela durera beaucoup plus longtemps) nous toucherons des centaines de milliers de jeunes qui, désormais, seront particulièrement qualifiés, et qui nous aideront à gagner cette bataille pacifique mais dure qui s'appelle la compétition économique. Et si la France dispose des atouts économiques dont elle a besoin, tout le reste, elle en est pourvue, elle en est capable. Je continuerai de penser que, quels que soient les bouleversements qui se produisent, nous pourrons être sûrs de nous, et sûrs de notre démarche. Moi, en tout cas, j'ai confiance dans le peuple français.\
Et voilà, ça commence comme ça, ça commence avec vous, alors à vous de faire vos preuves. On va essayer d'apporter ce qui manque sur le plan matériel mais l'élément qui vous appartient en propre c'est celui de la volonté, de l'application et du désir de réussir, là on ne peut pas se mettre à votre place. Et ce que je vous dis là, à vous treize, je pourrais le dire aux deux cents et quelques de la région de Meaux, je pourrais le dire aux 60000 dont Laurent Lefort est le soixante millième. Je voudrais pouvoir le répéter à tous les autres. Lorsqu'on arrivera à 80000, à 100000, 120000, 200000 et, je l'espère, dans le cadre du mandat que j'exerce, à beaucoup plus encore, nous aurons le sentiment d'avoir fait ce que l'on devait faire, d'autant plus qu'on le fera dans le consentement général, là-dessus je ne doute pas que les Français soient unis pour gagner cette bataille-là. Voilà ce que je voulais vous dire, maintenant : allons-y ! Une fois que j'aurai quitté cette salle il restera encore beaucoup de choses à faire, vous à terminer vos stages, ensuite à obtenir vos diplômes car ce seront de vrais diplômes, vous n'allez pas avoir un bout de papier au rabais, on ne dira pas : "Bah ! ceux-là sortent des stages de crédit-formation, cela vaut moins que tel et tel"... non, cela aura de la valeur. Vos formateurs et vos enseignants le savent et ont eux-mêmes la qualification qui vous permettra de réussir. Munis de ces diplômes, croyez-moi, les statistiques le montrent, vous aurez - c'est triste à dire pour les autres mais enfin les autres viendront - cinq fois plus de chances de trouver un emploi que ceux qui ne sont pas passés par là.\
C'est pourquoi le crédit-formation s'adresse à tous, nul n'est a priori exclu, bien entendu, de cette démarche nationale à laquelle je vous invite. Alors maintenant il appartiendra aussi au gouvernement de mettre les bouchées doubles. Voilà pourquoi la première question que j'ai posée au Premier ministre et au ministre d'Etat chargé de l'économie et des finances, la première question que je leur ai posée sur le budget de l'année prochaine qui est en cours de préparation, la première chose que je leur ai dite : "il faut que le crédit-formation puisse connaître un élan nouveau, un élan formidable, donc il faut le financer". Il faut que cet argent-là soit sur la table, soit dans le budget et on verra les Assemblées l'adopter d'enthousiasme, je n'attends de ce côté-là aucune difficulté.
- Bien entendu, quand on finance une chose on ne peut pas en financer une autre. Eh bien ! c'est prioritaire. La formation des garçons et des filles, la formation des travailleurs cela passe avant toute autre préoccupation parce que cela ce n'est pas travailler pour demain matin, c'est travailler pour la fin du siècle et pour la suite. Voilà ce que je voulais vous dire mais peut-être y a-t-il quelques journalistes qui souhaiteraient que nous précisions ce qu'on a pu se dire en leur absence ? Il y a peut-être tel ou tel point que vous aimeriez que nous abordions. J'essaierai de vous répondre en me souvenant de ce qui m'a été dit ou bien vous pouvez vous adresser directement aux jeunes qui sont autour de moi.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il apparaît qu'un grand nombre de jeunes s'orientent de préférence vers le secteur tertiaire qui, dans l'état actuel des choses, commence à être saturé dans pas mal de branches alors que l'industrie, curieusement, cherche désespérément à embaucher des jeunes et ne les trouve pas. Est-ce qu'il n'y a pas là une difficulté qui n'est pas résolue et qui nécessiterait, justement, qu'on l'étudie de près ?
- LE PRESIDENT.- Oui. C'est certain que notre industrie a besoin d'emplois ou plutôt de responsables à tous les degrés, qui soient qualifiés et le goût des jeunes les porte plutôt - l'énoncé des professions recherchées le montrait tout à l'heure - vers des professions où ils peuvent être plus responsables, un petit peu plus libres aussi, ce qui prouve que l'industrie doit également personnaliser de plus en plus ses emplois. Vous ne trouverez pas dans cette génération beaucoup de volontaires pour retrouver le type de travail qu'ont connu les générations précédentes dans les industries dites "lourdes" mais ces industries lourdes, elles-mêmes, sont obligées de céder la place, vous le savez bien, aux nouvelles formes d'industrie dites de la "troisième révolution industrielle". Vous avez raison, je n'ai rien à objecter à votre question.\
QUESTION.- Est-ce que certains d'entre eux envisagent un jour de créer leur entreprise ?
- LE PRESIDENT.- Cette demoiselle, à côté de moi, vient de dire tout de suite : "Ah ! oui". Vous ne l'avez peut-être pas entendue. C'est vous Emmanuelle, je crois. Alors, dites !
- "J'aurais voulu ouvrir une agence de publicité"
- LE PRESIDENT.- Il y en a déjà pas mal.
- "Mais du nom d'Emmanuelle Soussaint non, je ne pense pas".
- LE PRESIDENT.- Ajoutons que la publicité souvent on en médit, on en dit du mal quoique, généralement, elle est bien faite en France, surtout à la télévision. J'ai constaté avec intérêt qu'un certain nombre de ces jeunes gens viennent de nous dire, au cours de notre conversation, qu'ils avaient appris l'existence du crédit-formation à la télévision au moment de la publicité. Alors ils se sont informés, ils se sont adressés autour d'eux et on les a aiguillés vers les stages dont nous parlons. Donc, la publicité à la télé c'est quand même utile.
- LE PRESIDENT.- Ce jeune homme a appris cela par ce moyen-là. Mais alors lui, le métier qu'il aime c'est la conduite du poids lourd. On en a besoin également. Est-ce que vous avez d'autres questions ?.\
Une élève.- Il a été question de l'extension du crédit-formation et puis cela a été reporté. Est-ce que vous pouvez nous expliquer où cela en est ?
- LE PRESIDENT.- On en est au soixante millième. L'objectif initial était de 100000. J'ai déjà demandé que dans le prochain budget on puisse doubler la mise c'est-à-dire passer à 200000. Je souhaite que l'on puisse, à mesure que cette organisation va s'étendre, en former jusqu'à 200000 par an. Mais cela ne peut pas aller plus vite non plus qu'une certaine musique qui est celle des moyens mis à leur disposition et du nombre d'enseignants et de formateurs dont nous pourrons disposer. Il faut que cela soit sérieux, donc la précipitation ne doit pas se substituer à d'autres considérations. Seulement voilà à peu près la cadence : 60000 aujourd'hui, 100000 dans moins de trois mois, à la fin de l'année au moins 130000 et je voudrais qu'ensuite le rythme des 200000 devienne la règle.
- Une élève.- Est-ce qu'il y aura une extension à d'autres catégories ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je l'ai dit tout-à-l'heure, aux "adultes", à des gens ayant déjà travaillé, des salariés, aux agriculteurs qui ont déjà la pratique d'un travail et les chômeurs. Eux ne représentent que l'avant-garde. Mais André Laignel vous voulez dire quelque chose ?
- André LAIGNEL.- Je voudrais ajouter un mot. Il y a eu effectivement un accord entre les partenaires sociaux en ce qui concerne l'extension du congé individuel de formation et nous sommes actuellement en négociation pour que le crédit-formation pour les salariés soit mis en place et je pense que la semaine prochaine ou celle d'après nous pourrons parvenir à un accord avec les partenaires sociaux. En ce qui concerne les chômeurs adultes nous avons déjà engagé les réflexions et les conversations, je pense que d'ici l'été nous pourrons parvenir, là aussi, à la fois pour ceux qui sont en allocation formation-reclassement et ceux qui sont chômeurs de longue durée, à avoir une capacité à mettre en place le système de crédit-formation, ce qui permettrait de reconnaître à l'ensemble des salariés ou des non-salariés français qui n'ont pas de qualification ce véritable droit à la deuxième chance qui sera d'ailleurs inscrit législativement.\
LE PRESIDENT.- Avez-vous une autre question ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, il est dit que le crédit-formation était prioritaire. Est-ce à dire qu'une nouvelle étape sociale doit également être l'une des priorités du gouvernement ?
- LE PRESIDENT.- Mais la démarche sociale a été prioritaire sans qu'on ait besoin de le dire. Vous n'imaginez pas que l'objectif principal du gouvernement - surtout composé comme il l'est, sous la direction du Premier ministre actuel comme de ceux que j'ai eu l'occasion de nommer dans une précédente législature - ne soit pas à caractère social, non ? Seulement ils sont obligés de raffermir notre économie pour avoir un bon support à une politique sociale audacieuse.
- QUESTION.- Vous ne demandez pas un petit plus ?
- LE PRESIDENT.- J'en veux toujours plus et donc j'avais employé l'expression qui avait amusé la presse, mon rôle, parmi d'autres choses, est d'être l'aiguillon et il faut que je pique un peu, ici et là, pour que la branche sociale d'une action qui doit être plus complète (économique, technique, éducative, de politique étrangère, de recherche, tout ce que l'on voudra) soit bien présente. Mais c'est vrai que les éléments de la politique sociale sont presque indissociables de ma propre démarche et de la démarche de ceux qui m'entourent. "Indissociable" et "toujours plus", ce n'est pas moi qui ait inventé cette expression... c'est le titre d'un livre à succès.
- C'est tout ? Alors écoutez. Je vois un document sur lequel il y a écrit "engagement", à Meaux le 28 février 1990, lu et approuvé et, en-dessous, il y a trois personnes qui doivent signer. Le bénéficiaire, c'est Laurent Lefort. Le correspondant, c'est déjà signé, ensuite, il y a le Préfet du département ou son représentant : est-ce que le préfet acceptera de me considérer comme son représentant ? C'est moi qui vais signer. Laurent, il faut signer ici. Quand on dit "Le correspondant", cela veut dire quoi ? Le correspondant est la personne qui reçoit les jeunes dans les structures d'accueil, qui sont des missions locales des PAIO, qui mènent des entretiens avec les jeunes afin de fixer leur parcours dans le crédit-formation, de voir qui sont les jeunes, ce qu'ils ont fait auparavant, quels sont leurs projets. Est-ce qu'ils sont réalistes, est-ce qu'ils seront concordants avec leur personnalité et le marché de l'emploi ? A partir de là, on travaille sur le parcours du jeune, donc on essaie de l'insérer dans une des formations possibles. Et donc, on reçoit le jeune pour suivre son parcours jusqu'à l'obtention du CAP, et après éventuellement prendre en charge l'emploi.
- LE PRESIDENT.- Voilà, je crois qu'on a dit l'essentiel.
- Ce que j'ai vu me fait grand plaisir car chacun des treize jeunes gens rencontrés, a montré une personnalité, une capacité d'expression et une volonté qui me rassure sur leur avenir.
- Je vous dis au revoir, bonne chance.\
- Vous nous voyez réunis ici. Nous venons d'engager une conversation qui a cherché à approfondir chacun des problèmes qui se posent aux stagiaires qui sont ici au titre de ce qu'on appelle le crédit-formation. Ils étaient treize autour de cette table, ils sont là maintenant autour de moi.
- Ils se préparent à des professions très différentes £ plusieurs des jeunes filles souhaitent s'occuper de la vente, donc le contact avec le public. D'autres veulent être horticulteurs, chauffeurs routiers, moniteurs de sport, cuisiniers ... C'est dire l'effort qui doit être accompli par l'encadrement, par les organisateurs qui doivent s'adresser à de multiples organismes et associations pour disposer des formateurs compétents dans une si grande diversité de professions futures. A quoi cela sert-il ? A permettre à ces jeunes, puisqu'il s'agit de jeunes, ici, d'obtenir une qualification qui leur permettra de trouver un emploi. L'emploi est généralement refusé aujourd'hui à ceux qui n'ont pas de diplômes, pas le plus petit diplôme, et ce n'est déjà pas si commode pour ceux qui en ont un au début.
- Ils ont parlé, ils ont expliqué ce qu'ils faisaient, pourquoi ils avaient quitté l'école assez tôt. Plusieurs d'entre eux dès la cinquième, pour des raisons familiales, pour des raisons personnelles, manque d'intérêt pour l'école, manque de maturité. Donc, maintenant que le temps a passé, qu'ils ont mûri, ils se rendent compte de la nécessité pour eux de disposer d'un diplôme qui leur ouvre la porte vers une vraie profession. Et comme ils sont devenus des adolescents adultes, ils ont du goût au travail, ils ont envie de faire ce qu'ils font, et cela était parfaitement perceptible dans ce qu'ils nous disaient, qui a toujours été, - je dois leur faire ce compliment, c'est le premier que je leur fais - exprimé d'une façon très claire, dans un très bon français, sans embarras, et d'une façon très sympathique. Et puis ils ont dit ce qui allait bien en général, ils sont très contents de ce qu'ils font. Ils ont également fait observer ce qui n'allait pas, qui n'est pas propre à l'enseignement mais qui est propre aux moyens de transport dont ils disposent, propre aux rémunérations qu'ils doivent recevoir, qu'ils reçoivent, qu'ils recevront, mais qui mettent très longtemps à leur parvenir, de telle sorte que, sans moyens, ils sont obligés de vivre plusieurs mois en se débrouillant, en se débrouillant plutôt mal que bien. Et puis les repas, comment ? Où ? Dans des lieux mal commodes, souvent mal chauffés. Tout cela a été dit. C'était la raison d'être de cette rencontre autour du 60000ème crédit-formation qui est signé par ce jeune homme, ce jeune homme qui veut être horticulteur, de préférence à Versailles... A partir du moment où on a de l'ambition, et il vaut mieux en avoir, il n'y a pas de raison de se limiter. Et moi, j'aime bien qu'on soit ambitieux... il s'appelle Laurent, Laurent Lefort. Et Laurent, il en veut, d'autant plus qu'il a été au début de sa vie professionnelle, accidenté du travail : des doigts coupés. C'est dire que c'est vraiment un garçon qui a de la volonté, et qui veut aboutir.\
Sur un plan général, on sait bien que la cause principale de la crise de l'emploi, en France, tient au fait qu'alors qu'on crée comme on n'en a jamais créé, un nombre important d'emplois, environ 400000, le chiffre du chômage baisse, mais baisse trop peu, ce n'est pas logique mais cela se comprend très bien. C'est qu'on a besoin, aujourd'hui, d'emplois très qualifiés. Pour être qualifié, il faut être formé, et ce sont des formations très sérieuses qui sont exigées, avec à l'appui, la preuve de cette formation : un bout de papier qu'on appelle un diplôme. Ils n'ont pas çà : le crédit-formation, sous l'autorité d'André Laignel et Jean-Pierre Soisson, qui se trouvent ici, a pour objet, conformément à ce que j'avais d'ailleurs demandé en 1988, de fournir au maximum de jeunes le moyen de la deuxième chance, la deuxième chance qui leur permettra d'avoir un diplôme, car ce sera un vrai diplôme qui leur sera attribué à la fin de leur stage, un diplôme et une qualification. C'est le diplôme qui apportera la preuve qu'il y a qualification sous la caution d'éducateurs, eux-mêmes tout à fait reconnus, de valeur et d'un grand dévouement.\
Voilà ce qu'on est en train de faire. On a prévu, pour l'instant, de financer 100000 crédits-formation. On en est au 60000ème, c'est celui qu'on est venu signaler à l'attention publique pour bien marquer l'utilité de cet effort. On va bientôt arriver à 100000 puisque je crois que c'est au rythme de 15000 par mois, et déjà, j'ai demandé aux ministres compétents, aux deux qui sont ici, mais également au ministre de l'économie et des finances, et donc du budget aussi, je leur ai demandé de doubler l'effort pour l'année suivante, parce qu'on ne peut pas s'arrêter qu'aux jeunes. C'est très important. C'est pourquoi, dans la statistique de baisse du chômage, trop faible, je l'ai dit, la proportion de jeunes est assez importante. Il y a moins de chômeurs jeunes, pour plusieurs raisons dont celle-ci, mais on veut pouvoir aussi s'adresser aux adultes, aux travailleurs qui ont déjà des responsabilités personnelles ou de famille, donc à des salariés, à des agriculteurs, à des gens qui sont déjà salariés ou qui l'ont été, c'est-à-dire les chômeurs. Il faut donc accélérer le rythme actuellement prévisible de 120000 par an, en passant à 200000. Pour cela, il faut une mobilisation formidable des éducateurs et des formateurs avec l'assistance indispensable, qui sera sans aucun doute, accordée de grand coeur, des Conseils généraux, des maires et de toute une série d'organismes et d'élus qui sur ce terrain-là, croyez-moi, marcheront au canon parce qu'ils ont tous à coeur de voir la jeunesse d'abord, et puis les autres au travail, d'autant plus qu'on en a besoin de ce travail, quand on voit, chaque mois, les statistiques, quand on remarque que la France n'a pas de bons résultats dans le domaine du commerce extérieur, c'est-à-dire que nous ne vendons pas assez nos produits. Pour beaucoup de raisons qu'il serait trop long d'exposer, souvent parce qu'on ne fabrique pas toujours les produits qui sont demandés, ceux que nous fabriquons sont de bonne qualité mais ils ne sont pas toujours adaptés à la demande, ou bien parce que nous ne fabriquons pas les produits les plus sophistiqués, c'est-à-dire ceux sur lesquels il y a la plus forte valeur ajoutée, donc ceux qui coûtent cher. Alors, on fournit les matières premières, on fournit des produits déjà élaborés, mais la meilleure qualification élaboration se fait à l'étranger, et cela nous coûte très cher. Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, mais il faudrait qu'on se sépare de cette mauvaise habitude, et tout cela tient pour beaucoup à la qualité de notre formation. C'est pourquoi j'ai donné constamment comme objectif principal, je dirais fondamental à l'action d'un gouvernement : l'éducation nationale, et particulièrement la formation professionnelle et le crédit-formation pour lequel nous sommes ici réunis.\
Précipités dans le monde du travail, ces jeunes gens sont parfaitement capables de supporter la concurrence, de faire la preuve que, partis sans moyens, sans rien dans les mains, une fois qu'ils ont l'instrument, ils le tiennent bien, ils sont capables de réussir. Je suis sûr que vous nous en ferez la démonstration et que vous aurez à coeur d'ailleurs, étant les premiers à montrer le chemin aux autres. Voyez en un an, en deux ans seulement tout ce que l'on peut faire. Il faut donc vraiment que je dise aux Français qui s'inquiètent de beaucoup de choses : on voit de quelle façon ça bouge à l'Est, à l'Est de l'Europe, de quelle manière s'organise la compétition internationale, les Français se disent dans cette recomposition de la carte de l'Europe et du monde, quelle sera la place de la France ? Eh bien, je leur répondrai très simplement, qu'elle sera celle qu'elle se fera, qu'elle se donnera. Si la France est capable par son industrie, (et dans l'industrie je comprends l'industrie agro-alimentaire, c'est-à-dire aussi une grande part de l'agriculture), si elle est capable de continuer l'oeuvre commencée, pas simplement de redressement mais de perfectionnement, de recherche du meilleur, à ce moment-là, nous n'avons rien à redouter de personne. Nous sommes un grand peuple qui est capable de réussir vraiment quand il le veut, c'est souvent une affaire de volonté, et cette volonté, elle sera celle de tous ces jeunes, qui sont là autour de moi, et des autres. Si ces jeunes le veulent, mais aussi si la collectivité nationale leur en donne le moyen, ils gagneront là où ils sont, et s'ils gagnent eux, là où ils sont, nous, tous ensemble, nous gagnerons là où nous sommes.
- Alors, je suis obligé de lancer un appel, un appel qui n'a rien de pessimiste, ni d'angoissé, mais qui est simplement un appel à la volonté de notre peuple : si on veut améliorer notre situation dans le monde, situation qui est déjà bonne dans certains domaines, plus faible dans d'autres, il faut le vouloir. Le rôle du gouvernement, c'est de créer l'outil, l'outil, c'est ce dont sont chargés MM. Jean-Pierre Soisson et André Laignel, chargés de l'emploi, et en l'occurence du crédit-formation.
- Ces jeunes seront suivis par des moins jeunes, par des salariés, des jeunes gens ou des adultes sortis de l'agriculture, par des chômeurs, grâce au plan mis en place pour les trois prochaines années, (en réalité, cela durera beaucoup plus longtemps) nous toucherons des centaines de milliers de jeunes qui, désormais, seront particulièrement qualifiés, et qui nous aideront à gagner cette bataille pacifique mais dure qui s'appelle la compétition économique. Et si la France dispose des atouts économiques dont elle a besoin, tout le reste, elle en est pourvue, elle en est capable. Je continuerai de penser que, quels que soient les bouleversements qui se produisent, nous pourrons être sûrs de nous, et sûrs de notre démarche. Moi, en tout cas, j'ai confiance dans le peuple français.\
Et voilà, ça commence comme ça, ça commence avec vous, alors à vous de faire vos preuves. On va essayer d'apporter ce qui manque sur le plan matériel mais l'élément qui vous appartient en propre c'est celui de la volonté, de l'application et du désir de réussir, là on ne peut pas se mettre à votre place. Et ce que je vous dis là, à vous treize, je pourrais le dire aux deux cents et quelques de la région de Meaux, je pourrais le dire aux 60000 dont Laurent Lefort est le soixante millième. Je voudrais pouvoir le répéter à tous les autres. Lorsqu'on arrivera à 80000, à 100000, 120000, 200000 et, je l'espère, dans le cadre du mandat que j'exerce, à beaucoup plus encore, nous aurons le sentiment d'avoir fait ce que l'on devait faire, d'autant plus qu'on le fera dans le consentement général, là-dessus je ne doute pas que les Français soient unis pour gagner cette bataille-là. Voilà ce que je voulais vous dire, maintenant : allons-y ! Une fois que j'aurai quitté cette salle il restera encore beaucoup de choses à faire, vous à terminer vos stages, ensuite à obtenir vos diplômes car ce seront de vrais diplômes, vous n'allez pas avoir un bout de papier au rabais, on ne dira pas : "Bah ! ceux-là sortent des stages de crédit-formation, cela vaut moins que tel et tel"... non, cela aura de la valeur. Vos formateurs et vos enseignants le savent et ont eux-mêmes la qualification qui vous permettra de réussir. Munis de ces diplômes, croyez-moi, les statistiques le montrent, vous aurez - c'est triste à dire pour les autres mais enfin les autres viendront - cinq fois plus de chances de trouver un emploi que ceux qui ne sont pas passés par là.\
C'est pourquoi le crédit-formation s'adresse à tous, nul n'est a priori exclu, bien entendu, de cette démarche nationale à laquelle je vous invite. Alors maintenant il appartiendra aussi au gouvernement de mettre les bouchées doubles. Voilà pourquoi la première question que j'ai posée au Premier ministre et au ministre d'Etat chargé de l'économie et des finances, la première question que je leur ai posée sur le budget de l'année prochaine qui est en cours de préparation, la première chose que je leur ai dite : "il faut que le crédit-formation puisse connaître un élan nouveau, un élan formidable, donc il faut le financer". Il faut que cet argent-là soit sur la table, soit dans le budget et on verra les Assemblées l'adopter d'enthousiasme, je n'attends de ce côté-là aucune difficulté.
- Bien entendu, quand on finance une chose on ne peut pas en financer une autre. Eh bien ! c'est prioritaire. La formation des garçons et des filles, la formation des travailleurs cela passe avant toute autre préoccupation parce que cela ce n'est pas travailler pour demain matin, c'est travailler pour la fin du siècle et pour la suite. Voilà ce que je voulais vous dire mais peut-être y a-t-il quelques journalistes qui souhaiteraient que nous précisions ce qu'on a pu se dire en leur absence ? Il y a peut-être tel ou tel point que vous aimeriez que nous abordions. J'essaierai de vous répondre en me souvenant de ce qui m'a été dit ou bien vous pouvez vous adresser directement aux jeunes qui sont autour de moi.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il apparaît qu'un grand nombre de jeunes s'orientent de préférence vers le secteur tertiaire qui, dans l'état actuel des choses, commence à être saturé dans pas mal de branches alors que l'industrie, curieusement, cherche désespérément à embaucher des jeunes et ne les trouve pas. Est-ce qu'il n'y a pas là une difficulté qui n'est pas résolue et qui nécessiterait, justement, qu'on l'étudie de près ?
- LE PRESIDENT.- Oui. C'est certain que notre industrie a besoin d'emplois ou plutôt de responsables à tous les degrés, qui soient qualifiés et le goût des jeunes les porte plutôt - l'énoncé des professions recherchées le montrait tout à l'heure - vers des professions où ils peuvent être plus responsables, un petit peu plus libres aussi, ce qui prouve que l'industrie doit également personnaliser de plus en plus ses emplois. Vous ne trouverez pas dans cette génération beaucoup de volontaires pour retrouver le type de travail qu'ont connu les générations précédentes dans les industries dites "lourdes" mais ces industries lourdes, elles-mêmes, sont obligées de céder la place, vous le savez bien, aux nouvelles formes d'industrie dites de la "troisième révolution industrielle". Vous avez raison, je n'ai rien à objecter à votre question.\
QUESTION.- Est-ce que certains d'entre eux envisagent un jour de créer leur entreprise ?
- LE PRESIDENT.- Cette demoiselle, à côté de moi, vient de dire tout de suite : "Ah ! oui". Vous ne l'avez peut-être pas entendue. C'est vous Emmanuelle, je crois. Alors, dites !
- "J'aurais voulu ouvrir une agence de publicité"
- LE PRESIDENT.- Il y en a déjà pas mal.
- "Mais du nom d'Emmanuelle Soussaint non, je ne pense pas".
- LE PRESIDENT.- Ajoutons que la publicité souvent on en médit, on en dit du mal quoique, généralement, elle est bien faite en France, surtout à la télévision. J'ai constaté avec intérêt qu'un certain nombre de ces jeunes gens viennent de nous dire, au cours de notre conversation, qu'ils avaient appris l'existence du crédit-formation à la télévision au moment de la publicité. Alors ils se sont informés, ils se sont adressés autour d'eux et on les a aiguillés vers les stages dont nous parlons. Donc, la publicité à la télé c'est quand même utile.
- LE PRESIDENT.- Ce jeune homme a appris cela par ce moyen-là. Mais alors lui, le métier qu'il aime c'est la conduite du poids lourd. On en a besoin également. Est-ce que vous avez d'autres questions ?.\
Une élève.- Il a été question de l'extension du crédit-formation et puis cela a été reporté. Est-ce que vous pouvez nous expliquer où cela en est ?
- LE PRESIDENT.- On en est au soixante millième. L'objectif initial était de 100000. J'ai déjà demandé que dans le prochain budget on puisse doubler la mise c'est-à-dire passer à 200000. Je souhaite que l'on puisse, à mesure que cette organisation va s'étendre, en former jusqu'à 200000 par an. Mais cela ne peut pas aller plus vite non plus qu'une certaine musique qui est celle des moyens mis à leur disposition et du nombre d'enseignants et de formateurs dont nous pourrons disposer. Il faut que cela soit sérieux, donc la précipitation ne doit pas se substituer à d'autres considérations. Seulement voilà à peu près la cadence : 60000 aujourd'hui, 100000 dans moins de trois mois, à la fin de l'année au moins 130000 et je voudrais qu'ensuite le rythme des 200000 devienne la règle.
- Une élève.- Est-ce qu'il y aura une extension à d'autres catégories ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je l'ai dit tout-à-l'heure, aux "adultes", à des gens ayant déjà travaillé, des salariés, aux agriculteurs qui ont déjà la pratique d'un travail et les chômeurs. Eux ne représentent que l'avant-garde. Mais André Laignel vous voulez dire quelque chose ?
- André LAIGNEL.- Je voudrais ajouter un mot. Il y a eu effectivement un accord entre les partenaires sociaux en ce qui concerne l'extension du congé individuel de formation et nous sommes actuellement en négociation pour que le crédit-formation pour les salariés soit mis en place et je pense que la semaine prochaine ou celle d'après nous pourrons parvenir à un accord avec les partenaires sociaux. En ce qui concerne les chômeurs adultes nous avons déjà engagé les réflexions et les conversations, je pense que d'ici l'été nous pourrons parvenir, là aussi, à la fois pour ceux qui sont en allocation formation-reclassement et ceux qui sont chômeurs de longue durée, à avoir une capacité à mettre en place le système de crédit-formation, ce qui permettrait de reconnaître à l'ensemble des salariés ou des non-salariés français qui n'ont pas de qualification ce véritable droit à la deuxième chance qui sera d'ailleurs inscrit législativement.\
LE PRESIDENT.- Avez-vous une autre question ?
- QUESTION.- Monsieur le Président, il est dit que le crédit-formation était prioritaire. Est-ce à dire qu'une nouvelle étape sociale doit également être l'une des priorités du gouvernement ?
- LE PRESIDENT.- Mais la démarche sociale a été prioritaire sans qu'on ait besoin de le dire. Vous n'imaginez pas que l'objectif principal du gouvernement - surtout composé comme il l'est, sous la direction du Premier ministre actuel comme de ceux que j'ai eu l'occasion de nommer dans une précédente législature - ne soit pas à caractère social, non ? Seulement ils sont obligés de raffermir notre économie pour avoir un bon support à une politique sociale audacieuse.
- QUESTION.- Vous ne demandez pas un petit plus ?
- LE PRESIDENT.- J'en veux toujours plus et donc j'avais employé l'expression qui avait amusé la presse, mon rôle, parmi d'autres choses, est d'être l'aiguillon et il faut que je pique un peu, ici et là, pour que la branche sociale d'une action qui doit être plus complète (économique, technique, éducative, de politique étrangère, de recherche, tout ce que l'on voudra) soit bien présente. Mais c'est vrai que les éléments de la politique sociale sont presque indissociables de ma propre démarche et de la démarche de ceux qui m'entourent. "Indissociable" et "toujours plus", ce n'est pas moi qui ait inventé cette expression... c'est le titre d'un livre à succès.
- C'est tout ? Alors écoutez. Je vois un document sur lequel il y a écrit "engagement", à Meaux le 28 février 1990, lu et approuvé et, en-dessous, il y a trois personnes qui doivent signer. Le bénéficiaire, c'est Laurent Lefort. Le correspondant, c'est déjà signé, ensuite, il y a le Préfet du département ou son représentant : est-ce que le préfet acceptera de me considérer comme son représentant ? C'est moi qui vais signer. Laurent, il faut signer ici. Quand on dit "Le correspondant", cela veut dire quoi ? Le correspondant est la personne qui reçoit les jeunes dans les structures d'accueil, qui sont des missions locales des PAIO, qui mènent des entretiens avec les jeunes afin de fixer leur parcours dans le crédit-formation, de voir qui sont les jeunes, ce qu'ils ont fait auparavant, quels sont leurs projets. Est-ce qu'ils sont réalistes, est-ce qu'ils seront concordants avec leur personnalité et le marché de l'emploi ? A partir de là, on travaille sur le parcours du jeune, donc on essaie de l'insérer dans une des formations possibles. Et donc, on reçoit le jeune pour suivre son parcours jusqu'à l'obtention du CAP, et après éventuellement prendre en charge l'emploi.
- LE PRESIDENT.- Voilà, je crois qu'on a dit l'essentiel.
- Ce que j'ai vu me fait grand plaisir car chacun des treize jeunes gens rencontrés, a montré une personnalité, une capacité d'expression et une volonté qui me rassure sur leur avenir.
- Je vous dis au revoir, bonne chance.\