18 novembre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur la position de la CEE face aux bouleversements en Europe de l'Est et plus particulièrement sur les projets d'aide économique aux pays en voie de démocratisation, Paris, samedi 18 novembre 1989.
LE PRESIDENT.- Nous venons de terminer nos travaux. Je vous remercie de votre présence. Je vous exposerai aussi rapidement que possible l'essentiel de ce qui a été dit au cours de cette réunion des membres du Conseil européen. Réunion informelle certes, indépendante de la réunion du Conseil européen des 8 et 9 décembre qui aura à se préoccuper des structures de la Communauté, et qui a abordé le problème actuel d'une très grande importance de l'évolution de l'Europe de l'Est. Avec ses répercussions aussi bien dans ces pays que dans le reste de l'Europe et du monde.
- D'abord les participants à cette réunion ont tenu à exprimer leur sentiment de joie devant cette nouvelle marche en avant de la liberté. Avant tout autre commentaire politique et toute appréciation, l'essentiel était là. Et dans la logique de cette façon de sentir et d'agir, la Communauté veut multiplier ses encouragements aux mouvements de réformes partout en Europe qui accéléreront le déclin des totalitaristes. De ce point de vue, nous pensons que l'existence même de la Communauté des Douze a servi de référence pour les espérances à l'Est et souvent de stimulant et qu'en ce sens l'existence d'une Communauté forte, bien sructurée, décidée à aller de l'avant est un facteur même de réussite pour la réforme vers la liberté. Bref, nous avons constaté pour l'apprécier ce binôme indissociable que constituent d'une part l'évolution à l'Est et d'autre part, l'intégration à l'Ouest.
- Plus l'Europe bouge, là où elle devait bouger, plus la Communauté doit se raffermir et, quand c'est nécessaire, accélérer l'allure. Ce faisant et ce disant, nous n'avons pas oublié pour autant les obligations souscrites par la Communauté à l'égard de beaucoup d'autres pays que l'on appellera si vous le voulez bien, d'un terme général, les pays tiers, les autres pays.
- Vous savez en effet que nous avons des accords avec des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ce qui donne naissance à une série d'accords appelés de LOME, LOME I, II, III, IV. Mais nous avons aussi commencé à négocier avec les pays de l'AELE, et nous continuons d'être prêts à débattre des accords qui pourraient en résulter.
- Bref, nous nous déclarons prêts à coopérer à tout ce qui pourra permettre le redressement des pays de l'Est qui traversent une crise, crise économique parfois dramatique, et les évolutions politiques dont nous venons de parler. Nous sommes prêts à coopérer, à contribuer par tous nos moyens à cette restauration et à cette instauration d'une économie saine. Bien entendu, c'est une condition sine qua non, d'un retour vérifié à la démocratie par le respect des droits de l'homme et par la mise en place partout d'élections, libres et secrètes. Les choses sont liées.\
Nous avons pu traiter particulièrement de la Pologne et de la Hongrie, qui sont les deux pays qui se sont le plus avancés sur ce terrain et qui ont déjà apporté la preuve de leurs dispositions, de l'orientation choisie. Une série de mesures concrètes ont été examinées à l'égard de ces pays. Nous avons rappelé au passage que la condition de l'action de vingt-quatre pays avait été confiée lors du Sommet des pays industrialisés dit de l'Arche au Président de la Commission européenne. Une réunion se tiendra qui devrait être décisive le 13 décembre, mais déjà des aides alimentaires, des investissements, des aides à la formation et des mesures pour l'environnement ont été décidées.
- Tout passe pour la Pologne et la Hongrie par un accord initial avec le FMI. C'est pourquoi il convient que cette institution agisse vite. Elle agira vite ou d'autant plus vite que les deux pays en question s'y prêteront. Les instances de la Communauté insisteront auprès du FMI pour que, avant la fin de l'année 1989, ces accords soient définis. De la même façon a été non seulement prévue mais déjà réalisée la mise en place d'un fonds de stabilisation pour la Pologne. Vous savez que le projet est d'un milliard de dollars. Il y a aussi un crédit-relais pour la Hongrie pour la même somme. Ce sont des décisions qui peuvent être considérées comme acquises par les pays dont je vous parle.
- D'une façon encore particulière, nous avons parlé de la RDA, de l'Allemagne de l'Est à qui s'appliquait, en particulier, l'évolution attendue et nécessaire vers des formes démocratiques de fonctionnement politique qui conditionnent la plupart des décisions du type de celles que je viens d'indiquer pour les autres pays. Cependant comme il convient d'aller à l'urgence, les accords de commerce sont en train et seront sans doute communiqués dès qu'ils auront été engagés au cours des semaines prochaines.
- Nous nous sommes également inquiétés du sort de la Yougoslavie qui n'échappe pas, pour des raisons différentes peut-être, à la crise qui s'est emparée de ces pays-là. Donc la Communauté interviendra par une série de plans d'urgence en faveur de ce pays.\
Pour l'ensemble de l'Europe de l'Est, un mandat a été donné à ce que l'on appelle "la troïka" - vous voyez comme la contagion par les termes traverse les frontières ou les blocs - "troïka" composée du Président en exercice de la Communauté, en l'occurrence le Président de la République française, de son prochain successeur, à la date du 1er janvier 1990, c'est-à-dire M. le chef du gouvernement d'Irlande, M. Haughey, qui se trouve à ma droite, et de M. Gonzalez, Président du Conseil des ministres espagnol, qui assumait la présidence dans les six premiers mois de cette année. Puis un glissement s'opérera à partir du 1er janvier, M. Haughey assurera la présidence, je serai encore là, et arrivera M. Andréotti, Président du Conseil des ministres italien, et ainsi de suite ... C'est donc cette "troïka" qui a reçu mandat en même temps que la présidence de la Commission européenne pour mener à bien un certain nombre d'opérations, pour les étudier et donc consulter le Conseil européen sans doute de Strasbourg. Je vais vous en citer quelques-unes.
- Un projet de banque pour le développement et la modernisation de l'Europe de l'Est. De même, une Fondation européenne pour la formation des cadres de tous ces pays. L'ouverture des programmes communs déjà existants de la Communauté pour tout ce qui touche à l'éducation et la formation. La liste de ces programmes est déjà longue, vous vous souviendrez certainement d'Erasmus, de Comett, de Lingua, de bien d'autres ... et même, le cas échéant, dans certains domaines, de la technologie. L'ensemble de ces programmes serait donc ouvert, c'est l'étude qui va être conduite pendant les jours et les semaines qui viennent aux pays de l'Est.
- Au demeurant, plusieurs des intervenants ont estimé, dans l'acquiescement général, que si les choses se déroulaient de cette manière, un certain nombre d'institutions internationales pourraient être ouvertes aux pays qui n'en font pas partie aujourd'hui et qui auraient, naturellement, fait la preuve de leur démarche vers un système démocratique au point de penser que certains de ces pays pourraient adhérer. Mais il appartiendra à ces institutions d'en décider, au Conseil de l'Europe par exemple, ou que ceux qui n'y sont pas puissent pénétrer dans le Gatt, au moins au titre d'observateur. Nous avons cherché à lancer les ponts qui permettent sur tous les plans que je viens de citer d'associer les pays de l'Est, les pays de la Communauté ainsi que quelques autres, dans une démarche commune de grande envergure et de coopération mutuelle.\
Si je voulais résumer les sentiments que j'éprouve au moment où s'achève cette très importante conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de la Communauté, ce serait par les deux mots unité, solidarité. Solidarité avec toute l'Europe, car nous attendons toute l'Europe au rendez-vous de la démocratie. Quand on pense aux prévisions, parfois même aux prophéties, très répandues, selon lesquelles les démocraties n'étaient pas en mesure, en raison de la discussion permanente, des institutions un peu lentes, de résister à la puissance des totalitaristes, alors qu'on observe, non seulement en Europe mais dans d'autres parties du monde, que ce sont finalement les démocraties qui aujourd'hui cristallisent l'espérance des peuples. Solidarité en Europe et unité, ce qui veut dire structure au sein de la Communauté, et demain, pourquoi pas avec ceux qui se sentiront en mesure de s'associer intégralement aux disciplines que nous nous imposons. Voilà, mesdames et messieurs, un résumé aussi bref que possible mais beaucoup de choses ont été dites.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous aurez discuté ce soir avec Onze de vos collègues de l'avenir de l'Europe. D'après ce que vous savez, pourquoi l'Europe a-t-elle été si surprise des changements qui sont arrivés si rapidement à l'Est et comment voyez-vous l'an 2000. Est-ce la fin des guerres, est-ce le désarmement, est-ce la fin de l'affrontement Est-Ouest, est-ce la fin de la famine dans le monde ?
- LE PRESIDENT.- C'est une question très très générale et je suis flatté que vous me preniez pour un devin, après en avoir douté, puisque vous avez demandé pourquoi l'Europe (mais c'est vous qui le dites) avait été si surprise ! Beaucoup d'entre nous avaient de quoi pressentir l'évolution des événements. Il faut dire qu'ils sont allés très vite, mais depuis qu'ils ont commencé à s'opérer, en Pologne nous n'avons pas été les derniers à rencontrer les dirigeants de ce pays qui a amorcé l'évolution. En Hongrie, le contact a été constamment maintenu, aucun temps n'a été perdu. En République démocratique allemande, nous ne sommes qu'au début du processus, le mur est tombé il n'y a que quelques jours, vous êtes bien pressé... si l'histoire allait toujours aussi vite entre un événement et la délibération de ceux qui ont la charge démocratique de conduire leur pays ! Vous observerez que le délai est très court. Nous sommes aujourd'hui le samedi 18 novembre £ donc c'est un déroulement ultra rapide, peut-être auriez vous voulu que nous tenions notre réunion avant qu'il ne se produise ?
- QUESTION.- Si on peut être plus terre à terre, monsieur le Président, vous avez parlé d'un effort financier important pour les pays de l'Europe de l'Est qui se démocratisent. Vous avez parlé d'une banque d'investissement européenne £ est-ce qu'on a déjà un ordre de grandeur des crédits qu'une telle banque pourrait accorder chaque année, et est-ce que ces nouveaux engagements pour certains pays, et pour la France en particulier, sont compatibles avec d'anciens engagements que nous avons pris avec des pays amis en voie de développement, à revenus intermédiaires, etc... ?
- LE PRESIDENT.- Nous le pensons puisque nous l'avons proposé. Je l'ai moi-même proposé à mes partenaires, compte tenu de l'important effort qu'accomplit la France dans ce domaine puisqu'elle est, comme vous le savez, le premier de tous les pas industrialisés à fournir une aide bilatérale et multilatérale avant même ses partenaires les plus avancés. Pardonnez-moi de parler au nom de la France, puisqu'on me pose cette question. Je m'exprime pourtant au nom de la Communauté, mais enfin je vous dis juste un mot. Nous sommes intervenus en Pologne très rapidement et notre aide est jugée conséquente par les dirigeants de ce pays. C'est vrai que nous avons encore apporté avec les accords de Lomé de nouvelles contributions. Si nous l'avons proposé en sachant très bien l'effort que cela exige de nous, c'est que nous estimons cela possible et nécessaire. Mais la décision prise, étant donné le caractère informel de cette réunion qui n'avait pas a priori d'ordre du jour, sauf celui que dictent les événements, c'est de confier à l'organisme que je vous ai cité, la présidence sous forme de la troïka de la Communauté et la présidence de la Commission, le soin de mettre au net l'ensemble des propositions qui permettront à cette banque de voir le jour, et donc de définir ses procédures, les montants, etc... Inutile de faire cette banque si elle ne devait pas reposer sur des moyens très importants.\
QUESTION.- A la lumière des derniers événements, vous pensez que la situation de la demande d'adhésion de la Turquie pourrait accélérer ou ralentir ?
- LE PRESIDENT.- Le schéma qui est à l'heure actuelle en train, consiste à dire qu'avant l'achèvement du marché intérieur au 31 décembre 1992, il ne serait pas raisonnable d'élargir la Communauté. La réponse est donc suspendue à l'évaluation des moyens de la Communauté à cette date-là. Ce n'est pas un refus, ce n'est pas non plus une acceptation, c'est une demande qui est examinée, qui n'est pas écartée. Nous avons besoin d'un certain temps pour diriger nos propres institutions, même à Douze, ce n'est pas si facile entre des pays très différents l'un de l'autre. Donc ce que je dis là de la Turquie est vrai de l'Autriche ou de tout autre candidature qui se profilerait demain.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que l'essentiel de vos remarques sera transmis au Président Bush et au Président Gorbatchev avant leur réunion au Sommet de Malte, et si oui, sous quelle forme, et plus précisément, est-ce que vous avez prévu de vous rendre personnellement à Washington, et si oui, à quel moment ?
- LE PRESIDENT.- Bien entendu, l'ensemble de ces dispositions sera communiqué aussi bien au Président des Etats-Unis d'Amérique qu'au Président soviétique. D'ailleurs, elles ne seront pas adressées qu'à eux seuls. Il est prévu que nous devons communiquer téléphoniquement avec M. Bush, dès cette semaine et à la veille de la réunion de Malte, c'est-à-dire, je pense, le 28 novembre. Deux appels téléphoniques sont donc déjà prévus. Le dernier est très récent puisqu'il date d'avant hier, de même avec M. Gorbatchev.
- M. Bush se rendra sans doute en Europe comme vous le savez, peu après sa rencontre avec M. Gorbatchev. Je pense rencontrer en effet M. Bush mais pourquoi à Washington ? Je pense le rencontrer pendant le mois de décembre.\
QUESTION.- Est-ce que le Front Nord-Sud ne risque pas de devenir beaucoup plus rigide, le front entre l'Islam et l'Occident.
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas très bien saisi votre question.
- QUESTION.- Est-ce que la tension Est-Ouest ne risque pas de se déplacer Nord-Sud ?
- LE PRESIDENT.- Qui sait ? La contagion démocratique est peut-être très puissante ! ... Mais enfin il ne me semble pas que ce soit le premier problème qui soit venu à notre esprit. On avisera selon les circonstances.\
QUESTION.- Vous avez clairement indiqué les conditions de la coopération, c'est-à-dire le retour à la démocratie et le respect des droits de l'homme. Est-ce que cela veut dire que l'Europe conditionne son aide à un retour à l'économie de marché dans les pays de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Pourquoi ? Vous confondez démocratie et économie de marché ! Cela se discute. C'est un très beau sujet de thèse mais enfin ce n'est pas forcément établi. Nous avons parlé des totalitarismes, nous n'avons pas parlé du communisme. Libre à chacun, bien entendu, d'établir le lien entre ces deux termes. Mais nous ne nous interdisons pas de traiter avec les pays communistes. Nous voulons simplement que ces pays évoluent. Qu'est-ce qui restera du communisme ? Cela est l'objet des futurs historiens. Ce qui est vrai, c'est que la démocratie existe et cette démocratie peut être libérale, peut être socialiste £ c'est d'ailleurs pour cela qu'on l'appelle démocratie, c'est qu'elle peut changer de direction, elle peut pratiquer l'alternance. D'ailleurs c'est ce qu'elle fait généralement. Alors je ne vois pas très bien pourquoi ces pays seraient obligés de choisir à l'avance leur parti ou leur position à l'intérieur de la future démocratie à laquelle ils aspirent. Pour l'instant, ils ont l'esprit plus simple que cela. Leur espérance et leur volonté qu'il viennent de démontrer, c'est d'acquérir ce que j'ai appelé les droits de l'homme et en particulier le droit de voter, de choisir leurs représentants librement et secrètement. C'est le b-a-ba de la démocratie. A partir de là, que chacun choisisse. On est ici, social démocrate £ on est là, socialiste d'une autre manière £ là-bas on est travailliste ou conservateur £ ici on est conservateur ou libéral, démocrate chrétien : la liste est longue. Mais c'est bien cela le privilège des démocraties que de permettre au peuple de choisir la manière dont ils entendent être gouvernés et de quelle manière ils entendent conduire leur destin. Donc je ne pose pas en termes antinomiques et comme vous le faites à l'instant, le devenir de ces pays qui ne sont condamnés à rien du tout, sinon à retrouver la liberté, la liberté de choix.\
QUESTION.- Monsieur le Président, jugez-vous justifiées les craintes des pays du tiers monde dont vous êtes considéré le plus grand défenseur, de voir les nouvelles orientations vers l'Europe de l'Est se faire à leur détriment ?
- LE PRESIDENT.- C'est évident que plus il y a de parties prenantes, plus c'est difficile. J'ai dit tout à l'heure que plusieurs pays n'avaient pas manqué à leurs obligations politiques et morales et par conséquent financières à l'égard des pays du tiers monde. J'estime - et là c'est une opinion personnelle, chacun la connaît - que les pays industrialisés sont loin d'avoir fait l'effort qu'il convient pour apporter un début de solutions au problème du sous-développement. Bon, c'est le grand sujet des années à venir, il faut quand même qu'on y arrive. C'est évident qu'à partir du moment où il y a plus de demandeurs, les pays qui sont en mesure de coopérer sont obligés de faire un plus grand effort et de répartir leur effort dans toutes les directions. Je crois pouvoir dire qu'il n'a pas été question une seconde que la Communauté de l'Europe diminue la part qu'elle s'apprête à accorder aux pays du tiers monde. Il va y avoir une addition d'efforts et non pas une soustraction. Est-ce qu'à la limite cela ne freinera pas les élans dans toutes les directions possibles, c'est bien possible. On ne peut pas tout faire à la fois. Mais le soin que j'ai eu et que le Président de la Commission a, est de rassurer et pas simplement de se contenter de rassurer en paroles, les pays du tiers monde £ c'est de leur montrer que nous prenons des mesures qui devraient leur permettre de trouver la réponse qu'ils attendent au cours des temps prochains.\
QUESTION.- Pouvez-vous nous dire si le projet de banque s'inscrit dans un contexte européen ou bien dans celui du groupe des vingt-quatre ?
- Le projet à propos duquel cette troïka et la présidence de la Commission ont reçu mandat, c'est un projet d'élaboration d'une banque de développement et de modernisation pour l'Europe de l'Est. Voilà c'est clair. Mais cela s'ajoute aux efforts qui ont commencé d'être accomplis par les vingt-quatre dans le cadre de la mission confiée à la Commission et à son Président au mois de juillet dernier. Les choses sont parfaitement complémentaires, elles ne sont pas contradictoires.\
QUESTION.- En ce concerne la RDA, vous avez évoqué l'accord de coopération qui devrait être signé prochainement £ avez-vous parlé lors de ce dîner de l'unification des deux Allemagnes ?
- LE PRESIDENT.- Non.
- QUESTION.- Du tout ?
- LE PRESIDENT.- C'est un problème qui ne nous a pas été posé par les états allemands ni par le peuple allemand dans l'état présent des choses. C'est un problème qui occupe beaucoup d'esprits, je le sais bien et c'est parfaitement légitime mais c'est un problème qui n'a pas été posé.\
QUESTION.- Est-ce que la troïka se déplacera prochainement dans les pays de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez que la troïka est représentée par le Conseil des ministres. Et le Président de la Commission s'est déplacé il y a si peu de temps qu'il en revient tout juste. M. Roland Dumas et M. Jacques Delors sont rentrés en fin d'après-midi de Pologne après être passés hier en Hongrie. Ils ont donc déjà accompli ces déplacements, ils ne sont sans doute pas au bout de leur peine. Il est probable qu'ils feront d'autres voyages du même genre et qu'ils devront retourner aux mêmes endroits puisque les affaires sont toujours lentes à venir.
- QUESTION.- Mais est-ce que vous vous irez ?
- LE PRESIDENT.- Pour l'instant, ce sont les ministres qui ont fait ce travail. Si on le juge nécessaire pour une action qui sortirait du cadre de la compétence directe de ces ministres et si cette action doit être conduite par les chefs d'Etat et de gouvernement, nous le ferons. C'est tout à fait possible d'ici la fin de l'année mais c'est possible aussi l'année prochaine. Je crois même pouvoir vous dire qu'il y aura certainement des déplacements de ce genre. Enfin, il n'en est pas de prévu dans les quinze jours qui viennent.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce qu'à l'issue de votre réunion vous avez le sentiment que l'Europe politique a progressé, ou pour préciser ma question, vous avez indiqué dans votre exposé préliminaire la nécessité d'une Europe structurée. Est-il, selon vous, possible d'arriver à Strasbourg à des décisions sur l'union économique et monétaire, un véritable préalable à une Europe politique et de ne pas avoir l'ordre du jour de Strasbourg embrouillé, passez-moi l'expression, par les questions de l'Est.
- LE PRESIDENT.- Non, non, il ne sera pas du tout embrouillé, cet ordre du jour de Strasbourg. Il l'aurait été embrouillé, si j'avais avancé le Conseil européen de Strasbourg, comme cela m'a été demandé, et si on avait confondu les deux types de réunion. Donc nous avons parlé, pendant plusieurs heures, de l'Europe de l'Est. On a abouti à des conclusions. Je vous les exprime pour l'instant et dans quelques jours, lorsque nous nous trouverons à Strasbourg, nous aurons la tête plus libre pour nous préoccuper des structures de la Communauté. Nous n'en avons pratiquement pas parlé aujourd'hui. Mais tout ce que je viens de vous dire, et tout ce que moi j'ai ressenti au cours de cette réunion, c'est la conscience politique de la Communauté !
- Voyons, douze Chefs d'Etat et de gouvernement, réunis, pendant des heures, pour discuter de problèmes spécifiquement politiques, avec des implications financières, mais essentiellement politiques, à partir d'une même conception de l'organisation de la cité, des droits de l'homme essentiels à sa liberté et à son expression ! On a pu discuter de cela pendant le temps que vous savez, durant une réunion convoquée d'urgence et à quelques trois semaines du Conseil européen de Strasbourg. C'est dire à quel point chacun a ressenti la nécessité de venir parler de la politique dans le beau sens du terme, et de la politique de l'Europe, de la Communauté. Donc la preuve par neuf a été apportée, qu'en restera-t-il dans les dispositions de chacun, par rapport aux problèmes qui seront posés, qui sont déjà posés, qui seront débattus à Strasbourg, je ne peux pas vous le dire, chacun garde sa liberté d'expression. En tout cas, moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'en tant que Président actuel de la Communauté, je poserai la question de l'Union économique et monétaire, la question de la Charte sociale, et le reste. Donc la question sera posée, à chacun d'y répondre.\
QUESTION.- Quand l'entrée de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal s'est posée, un des arguments contre a été que cela mettait en cause l'existence même des neuf. Mais un des arguments pour était mais on a une obligation morale, vous étiez, je crois, un de ceux qui défendait ces thèses, parce qu'il fallait aider les jeunes démocraties. Alors, est-ce que le même problème ne risque pas de se poser dans les mêmes termes très vite par rapport aux pays de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Il se posera sûrement. Quelle sera la réponse, je l'ignore. Car nous devons à la fois être l'Europe dans sa réalité géographique, mais en même temps nous devons avancer pas à pas. Car on pose trop de problèmes à la fois, on s'étouffera en ayant voulu trop digérer d'un coup. Donc cela sera la construction des années à venir. L'objectif, c'est l'Europe tout entière, étant supposé, bien entendu, que beaucoup de problèmes de structures internes et de choix idéologiques fondamentaux toujours au bénéfice de la liberté et des droits de l'homme auront été préalablement faits. Mais, en pratique c'est une action très difficile. Même si l'on est d'accord sur tous les thèmes politiques et économiques, il n'en reste pas moins que cela fait des millions et des millions d'êtres humains qui s'additionnent. Nous en sommes à 320 ! Quand on pense au point de départ des six, l'accélération a été rapide. Avant de passer à plus, laissez aux responsables le temps de savoir où poser le pied et de quelle façon agir. Mais s'il s'agit de me demander une estimation, l'objectif final, c'est bien l'Europe dans sa globalité.\
QUESTION.- ... j'ai relaté les propos de M. le Président de la Commission européenne que peut-être il y a un petit peu trop d'illusions en Pologne en ce qui concerne l'aide de l'Occident pourrait résoudre tous les problèmes de la Pologne. Quand j'ai donné ces informations cela a fait pas mal d'échos en Pologne, et comme M. Delors revient de Pologne, est-ce que vous pensez que ces illusions en Pologne existent toujours, c'est-à-dire est-ce que vous avez l'impression que nous avons corrigé un petit peu notre point de vue, ou bien vous pensez que nous sommes plus réalistes vis-à-vis de...
- LE PRESIDENT.- Comme M. Delors était en Pologne il y a quelques heures, c'est tout frais pour lui, il va vous le dire.
- M. DELORS.- Cher monsieur, la Pologne a une rude tâche devant elle, compte tenu des ambitions qu'elle affiche en matière politique, et de la situation de son économie. Il nous a semblé sous réserve de ce que pourrait en dire M. Roland Dumas qui était avec moi, que le chef de l'Etat et le Premier ministre sont conscients du défi, et sont prêts à le relever, et pour cela à expliquer au peuple polonais, les conditions qui permettront à la fois la modernisation et l'adaptation de leur économie et la réforme politique vers la démocratie et la liberté.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous n'ignorez pas que certains peuples sont obligés de se libérer, non pas pacifiquement comme les pays de l'Est le font actuellement, mais les armes à la main, personnellement vous le savez très bien. Avez-vous parlé du Salvador ?
- LE PRESIDENT.- Nous n'avons pas parlé du Salvador aujourd'hui. Nous en parlerons certainement dans notre tour d'horizon politique de Strasbourg car nous avons toujours consacré à chaque Sommet européen, un certain temps à l'examen des problèmes qui se posent dans le monde, des conflits, des guerres extérieures, ou des guerres civiles. Mais en la circonstance, nous avons vraiment, et c'était un objet quand même important, concentré notre conversation sur les événements de l'Est et leurs conséquences.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans ce plan financier d'aide de la Communauté économique européenne aux pays de l'Est, est-ce que l'Allemagne fédérale aura une place à part, un rôle à part, étant donné ses liens privilégiés avec la République démocratique allemande ou elle agira comme un membre comme les autres de la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- Chaque pays a déjà pris des initiatives et des dispositions. La France l'a fait pour son compte déjà. Je l'ai annoncé à Strasbourg il y a quelque temps. L'Allemagne elle-même, bien d'autres pays encore, l'Italie, etc... Donc chaque pays assume sa responsabilité. Mais nous voulons autant que possible coordonner. Cela n'est pas exclusif des aides particulières que pourrait apporter tel ou tel pays selon son choix.
- Mais lorsque je parle de banque avant même que les gens qui en sont chargés aient eu le temps de se réunir et d'en débattre pour faire des propositions -, je peux vous dire qu'il s'agit - le principe en est retenu - d'une banque pour l'Europe de l'Est. La banque pour l'Europe de l'Est engagera tous les pays qui fourniront des capitaux à destination de tous les pas qui auront accepté le mouvement de réforme. Donc, l'Allemagne sera mêlée elle-même à cette action en tant que partenaire de la Communauté.\
QUESTION.- Le Chancelier Kohl, ce soir, à votre table, était-il plus européen qu'allemand à votre avis ?
- LE PRESIDENT.- Ce serait beaucoup exiger. Il était allemand et européen, très européen sans aucun doute. Il a tenu à réaffirmer à quel point il ne concevait pas d'engagements en dehors de la construction à laquelle l'Allemagne est attachée depuis le premier jour, c'est-à-dire la Communauté. Mais qu'il soit patriote allemand, ! Je serais bien fâché d'avoir à renoncer à être un patriote français et je ne vois pas ou serait l'antinomie.\
QUESTION.- Est-ce qu'on peut imaginer une union monétaire et économique à onze au lieu de douze ?
- LE PRESIDENT.- Là vous allez plus vite que la musique, parce que c'est à Strasbourg qu'il faudra poser la question. Les pays auront à se prononcer, ils auront à voter pour ou contre. Quand on saura ceux qui ont voté pour et ceux qui ont voté contre, s'ils ne votent pas tous pour, eh bien je vous répondrai. Pour l'instant, c'est prématuré. Je ne fais pas d'hypothèse.
- QUESTION.- Est-ce que ce soir tous les participants étaient unanimes dans leur analyse et aussi pour les décisions qui ont été prises ?
- LE PRESIDENT.- Oui, il n'y a pas eu de vote. Mais cette réflexion n'ôte rien au fait que chaque intervention a été vraiment entière et sans restriction. Je veux dire que même, à la limite on pourrait se dire étonné. Il faut vraiment que l'impression ait été forte, la volonté commune certaine. Mais présumant venant ici avec M. Felipe Gonzalez, nous nous disions, cette réunion a été remarquablement homogène. Il y a eu des suggestions s'ajoutant à d'autres suggestions, il n'y a jamais eu de restriction sur les suggestions faites par celui-ci ou celle-là. Je dois vous dire que nous sommes très frappés par les progrès qu'accomplit la Communauté dans les esprits, les sens du devoir partagé.\
QUESTION.- Parmi les conséquences de l'évolution à l'Est, avez-vous évoqué celle qui concerne plus directement l'équilibre des forces, l'équilibre stratégique en Europe ?
- LE PRESIDENT.- Oui, oui il en a été question, mais disons par ricochet. Exactement comme vous venez de le faire. Toutes ces questions sont posées. Il n'en reste pas moins qu'il y a des blocs, des armées, des alliances. L'opinion générale, était que d'ici à une transformation profonde de cette situation, que je n'imagine pas bien, tout devrait se dérouler dans le cadre des alliances établies ou des conversations sur le désarmement. Désarmement qu'au demeurant il faudrait hâter. D'autre part, le cadre de la CSCE nous paraît un cadre excellent dans lequel précisément l'Europe a été mise en mesure de s'affirmer sans exclusion pour personne. Donc, oui, il en était question, mais ce n'était pas le problème principal.\
QUESTION.- Comment vous évaluez, monsieur le Président, les changements en Bulgarie, quelle poura être l'influence de ces changements sur les relations entre la Communauté et la Bulgarie ?
- LE PRESIDENT.- La Bulgarie connaîtra le sort de tous les autres. Si la Bulgarie veut bien accomplir les pas que nous espérons vers la démocratie, il n'y a aucune raison d'exclure la Bulgarie, pays profondément et historiquement européen, de l'ensemble des dispositions que nous sommes prêts à prendre. Ce que nous disons est vrai pour la Bulgarie. Nous voulons encourager tous les mouvements de réformes quels qu'ils soient dans toute l'Europe. Ce que je vous dis de la Bulgarie pourrait se dire de la Tchécoslovaquie comme de tout autre. Nous n'avons pas choisi, ce sont ces peuples-là qui ont choisi leur voie. Ceux qui ont pris les devants, sont naturellement ceux auxquels nous nous adressons d'abord, sans renoncer aux autres.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le Président Bush et le Président Gorbatchev vont se réunir bientôt et vont discuter des mêmes questions dont vous avez discuté aujourd'hui. Est-ce que vous avez décidé, est-ce que l'Europe a décidé de leur faire parvenir un message ?
- LE PRESIDENT.- Pourquoi ? Je suis sûr que les deux éminents chefs d'Etat dont vous me parlez se tiendront au courant de ce que nous avons dit ce soir. En plus, le courrier marche, les chancelleries existent, les ministres des affaires étrangères connaissent leur travail. Donc, MM. Gorbatchev et Bush connaîtront tout à fait le contenu des délibérations qui n'ont rien de secret, qui se sont déroulées ce soir à l'Elysée. Un message particulier, pourquoi ? Ce sont deux personnes qui représentent deux grandes puissances, deux grands Etats. Ils se rencontrent, ils engagent ce qu'ils sont. Nous avons avec eux des relations, même de bonnes relations. Mais quel message ? Ni message, ni compte-rendu. Un message d'encouragement quand même. Travaillez bien. On ne demande qu'à vous faire confiance. Enfin, on préfère aussi travailler nous-même.\
QUESTION.- Monsieur le Président, on parle maintenant d'une banque avec des investissements, c'est-à-dire donc de nouveaux crédits et aussi de nouveaux emprunts. Mais déjà aujourd'hui, vous avez une situation où ces pays sont presque des captifs dans leur endettement assez vaste, assez large, très grands. Est-ce qu'on a parlé parmi les Douze de quitter, d'annuler dans sa totalité ou partiellement la dette de ces pays ?
- LE PRESIDENT.- Parmi les éléments importants de la situation polonaise, il y a le problème du rééchelonnement de la dette naturellement. Il y a d'ailleurs déjà un certain nombre de pays qui ont décidé de ne pas réclamer leur créance avant plusieurs années. Je crois que c'est une initiative également de l'Union soviétique avant 1995. Nous-mêmes, pour ce qui concerne la France - je vous dis ce que je connais, mais beaucoup d'autres pays ont fait pareil -, nous avons rééchelonné sept milliards de francs, etc. Oui, il en était question.
- QUESTION.- Est-ce que cette nouvelle banque européenne, est-européenne, sera ouverte à l'Union soviétique ?
- LE PRESIDENT.- Elle sera ouverte à tous ceux qui voudront bien contribuer. J'ai l'impression que les bonnes volontés, les participations aux prises de capital seront les bien-venues, quelles qu'elles soient. Maintenant, comme c'est un mandat que j'ai reçu collectivement, en compagnie des trois autres personnes qui sont ici, et que l'on n'a pas encore eu le temps de se réunir avant de venir vous voir, ni de communiquer - on le fera au cours des prochaines semaines - et que l'on n'en a pas rendu compte encore à la Communauté, je ne veux pas vous en dire plus.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans cet important tour d'horizon que vous avez fait avec tous les chefs d'Etat et les chefs de gouvernement, ainsi que les ministres des affaires étrangères sur l'Europe de l'Est avez-vous parlé des graves problèmes posés par la Roumanie.
- LE PRESIDENT.- Comme nous avons parlé de la démocratie, il me semble que nous n'avons pas lieu de parler de la Roumanie. Nous avons simplement le souci de contribuer et de coopérer avec ceux qui font une part du chemin, vers la liberté. Tel n'est pas le cas pour l'instant pour la Roumanie.\
QUESTION.- Bonsoir, monsieur le Président. Je suis journaliste mexicaine et je voudrais insister sur deux questions. Je voudrais demander votre position sur ce qui se passe au Salvador, et d'autre part, je voudrais savoir si vous avez parlé pendant cette rencontre, ce dîner sur les autres pays, sur l'avenir des autres pays, sur l'Amérique latine...
- LE PRESIDENT.- Madame, j'ai déjà eu l'occasion de répondre à d'autres personnes qui m'ont posé des questions concernant d'autres pays et qui n'étaient pas à l'ordre du jour. Le seul d'ailleurs que nous avions, c'était de se préoccuper des événements de l'Europe de l'Est. Nous ne pouvons pas parler de tout à la fois. Ce qui n'ôte rien à l'importance de la question que vous me poser.
- J'ai dit que certainement nous serions conduits à Strasbourg, vu qu'il y a toujours un moment qui est prévu pour le débat politique, à parler de cela. La marche vers la démocratie, l'inspiration à la liberté, gagnent du terrain partout. On voit ce qui se passe à l'Est, mais on a vu aussi le succès des démocraties - même si c'est un succès relatif dans certaines circonstances - sur les dictatures en Amérique latine. Au nom de la France, je souhaite vivement que partout la démocratie l'emporte sur la dictature. Quant à l'appréciation à faire sur le cas particulier du Salvador déchiré par une atroce guerre civile, je n'ai pas reçu mandat ce soir pour en parler. QUESTION.- Monsieur le Président, quelle est la durée de votre mandat pour la constitution de la banque européenne de développement ? En d'autres termes, quand la décision de constitution doit-elle être prise.
- LE PRESIDENT.- Je pense que nous serons en mesure de rapporter les éléments dès le Conseil européen prochain. Ce n'est pas un délai très long. Pour ce qui concerne le Salvador, j'y reviens, M. Felipe Gonzalez me rappelle à l'instant qu'un certain nombre de déclarations ont été faites demandant en particulier le cessez le feu et la cessation du combat. Personne ne supporte aisément ce massacre, mais quant à la causse que l'on sert dans ces pays, j'ai bien mes sentiments personnels, mais je n'ai pas mandat pour m'exprimer ce soir là-dessus.\
QUESTION.- Je voudrais revenir à l'Allemagne de l'Est. Vous avez parlé d'accord commercial. L'accord commercial est la forme d'accord la plus élémentaire que la Communauté puisse passer avec un pays tiers. Est-il possible d'aller au-delà d'un accord commercial avec l'Allemagne de l'Est ? On a parlé d'accord d'association notamment ?
- LE PRESIDENT.- J'ai le sentiment que non. Pour dépasser les accords de commerce, dont l'urgence peut être évidente, au moins faudrait-il que soit affirmée la volonté des dirigeants de ce pays de poursuivre le processus démocratique pour aller vers des élections libres et secrètes, au moins faudrait-il qu'un signe soit donné, qu'un engagement soit pris. Si j'ai parlé du commerce, c'est pour montrer aussi qu'il y avait des limites à l'intervention de la Communauté à l'heure où je parle. Mais c'est une situation essentiellement évolutive. Peut-être dans quelques heures, ou dans quelques jours, pourrais-je vous répondre autrement, ce que je souhaite. Car la République démocratique allemande se trouve dans le cas de ceux dont nous parlons. Elle est destinée à recevoir toutes les coopérations de la Communauté, dès lors que les conditions fondamentales sont remplies.\
- D'abord les participants à cette réunion ont tenu à exprimer leur sentiment de joie devant cette nouvelle marche en avant de la liberté. Avant tout autre commentaire politique et toute appréciation, l'essentiel était là. Et dans la logique de cette façon de sentir et d'agir, la Communauté veut multiplier ses encouragements aux mouvements de réformes partout en Europe qui accéléreront le déclin des totalitaristes. De ce point de vue, nous pensons que l'existence même de la Communauté des Douze a servi de référence pour les espérances à l'Est et souvent de stimulant et qu'en ce sens l'existence d'une Communauté forte, bien sructurée, décidée à aller de l'avant est un facteur même de réussite pour la réforme vers la liberté. Bref, nous avons constaté pour l'apprécier ce binôme indissociable que constituent d'une part l'évolution à l'Est et d'autre part, l'intégration à l'Ouest.
- Plus l'Europe bouge, là où elle devait bouger, plus la Communauté doit se raffermir et, quand c'est nécessaire, accélérer l'allure. Ce faisant et ce disant, nous n'avons pas oublié pour autant les obligations souscrites par la Communauté à l'égard de beaucoup d'autres pays que l'on appellera si vous le voulez bien, d'un terme général, les pays tiers, les autres pays.
- Vous savez en effet que nous avons des accords avec des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ce qui donne naissance à une série d'accords appelés de LOME, LOME I, II, III, IV. Mais nous avons aussi commencé à négocier avec les pays de l'AELE, et nous continuons d'être prêts à débattre des accords qui pourraient en résulter.
- Bref, nous nous déclarons prêts à coopérer à tout ce qui pourra permettre le redressement des pays de l'Est qui traversent une crise, crise économique parfois dramatique, et les évolutions politiques dont nous venons de parler. Nous sommes prêts à coopérer, à contribuer par tous nos moyens à cette restauration et à cette instauration d'une économie saine. Bien entendu, c'est une condition sine qua non, d'un retour vérifié à la démocratie par le respect des droits de l'homme et par la mise en place partout d'élections, libres et secrètes. Les choses sont liées.\
Nous avons pu traiter particulièrement de la Pologne et de la Hongrie, qui sont les deux pays qui se sont le plus avancés sur ce terrain et qui ont déjà apporté la preuve de leurs dispositions, de l'orientation choisie. Une série de mesures concrètes ont été examinées à l'égard de ces pays. Nous avons rappelé au passage que la condition de l'action de vingt-quatre pays avait été confiée lors du Sommet des pays industrialisés dit de l'Arche au Président de la Commission européenne. Une réunion se tiendra qui devrait être décisive le 13 décembre, mais déjà des aides alimentaires, des investissements, des aides à la formation et des mesures pour l'environnement ont été décidées.
- Tout passe pour la Pologne et la Hongrie par un accord initial avec le FMI. C'est pourquoi il convient que cette institution agisse vite. Elle agira vite ou d'autant plus vite que les deux pays en question s'y prêteront. Les instances de la Communauté insisteront auprès du FMI pour que, avant la fin de l'année 1989, ces accords soient définis. De la même façon a été non seulement prévue mais déjà réalisée la mise en place d'un fonds de stabilisation pour la Pologne. Vous savez que le projet est d'un milliard de dollars. Il y a aussi un crédit-relais pour la Hongrie pour la même somme. Ce sont des décisions qui peuvent être considérées comme acquises par les pays dont je vous parle.
- D'une façon encore particulière, nous avons parlé de la RDA, de l'Allemagne de l'Est à qui s'appliquait, en particulier, l'évolution attendue et nécessaire vers des formes démocratiques de fonctionnement politique qui conditionnent la plupart des décisions du type de celles que je viens d'indiquer pour les autres pays. Cependant comme il convient d'aller à l'urgence, les accords de commerce sont en train et seront sans doute communiqués dès qu'ils auront été engagés au cours des semaines prochaines.
- Nous nous sommes également inquiétés du sort de la Yougoslavie qui n'échappe pas, pour des raisons différentes peut-être, à la crise qui s'est emparée de ces pays-là. Donc la Communauté interviendra par une série de plans d'urgence en faveur de ce pays.\
Pour l'ensemble de l'Europe de l'Est, un mandat a été donné à ce que l'on appelle "la troïka" - vous voyez comme la contagion par les termes traverse les frontières ou les blocs - "troïka" composée du Président en exercice de la Communauté, en l'occurrence le Président de la République française, de son prochain successeur, à la date du 1er janvier 1990, c'est-à-dire M. le chef du gouvernement d'Irlande, M. Haughey, qui se trouve à ma droite, et de M. Gonzalez, Président du Conseil des ministres espagnol, qui assumait la présidence dans les six premiers mois de cette année. Puis un glissement s'opérera à partir du 1er janvier, M. Haughey assurera la présidence, je serai encore là, et arrivera M. Andréotti, Président du Conseil des ministres italien, et ainsi de suite ... C'est donc cette "troïka" qui a reçu mandat en même temps que la présidence de la Commission européenne pour mener à bien un certain nombre d'opérations, pour les étudier et donc consulter le Conseil européen sans doute de Strasbourg. Je vais vous en citer quelques-unes.
- Un projet de banque pour le développement et la modernisation de l'Europe de l'Est. De même, une Fondation européenne pour la formation des cadres de tous ces pays. L'ouverture des programmes communs déjà existants de la Communauté pour tout ce qui touche à l'éducation et la formation. La liste de ces programmes est déjà longue, vous vous souviendrez certainement d'Erasmus, de Comett, de Lingua, de bien d'autres ... et même, le cas échéant, dans certains domaines, de la technologie. L'ensemble de ces programmes serait donc ouvert, c'est l'étude qui va être conduite pendant les jours et les semaines qui viennent aux pays de l'Est.
- Au demeurant, plusieurs des intervenants ont estimé, dans l'acquiescement général, que si les choses se déroulaient de cette manière, un certain nombre d'institutions internationales pourraient être ouvertes aux pays qui n'en font pas partie aujourd'hui et qui auraient, naturellement, fait la preuve de leur démarche vers un système démocratique au point de penser que certains de ces pays pourraient adhérer. Mais il appartiendra à ces institutions d'en décider, au Conseil de l'Europe par exemple, ou que ceux qui n'y sont pas puissent pénétrer dans le Gatt, au moins au titre d'observateur. Nous avons cherché à lancer les ponts qui permettent sur tous les plans que je viens de citer d'associer les pays de l'Est, les pays de la Communauté ainsi que quelques autres, dans une démarche commune de grande envergure et de coopération mutuelle.\
Si je voulais résumer les sentiments que j'éprouve au moment où s'achève cette très importante conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de la Communauté, ce serait par les deux mots unité, solidarité. Solidarité avec toute l'Europe, car nous attendons toute l'Europe au rendez-vous de la démocratie. Quand on pense aux prévisions, parfois même aux prophéties, très répandues, selon lesquelles les démocraties n'étaient pas en mesure, en raison de la discussion permanente, des institutions un peu lentes, de résister à la puissance des totalitaristes, alors qu'on observe, non seulement en Europe mais dans d'autres parties du monde, que ce sont finalement les démocraties qui aujourd'hui cristallisent l'espérance des peuples. Solidarité en Europe et unité, ce qui veut dire structure au sein de la Communauté, et demain, pourquoi pas avec ceux qui se sentiront en mesure de s'associer intégralement aux disciplines que nous nous imposons. Voilà, mesdames et messieurs, un résumé aussi bref que possible mais beaucoup de choses ont été dites.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous aurez discuté ce soir avec Onze de vos collègues de l'avenir de l'Europe. D'après ce que vous savez, pourquoi l'Europe a-t-elle été si surprise des changements qui sont arrivés si rapidement à l'Est et comment voyez-vous l'an 2000. Est-ce la fin des guerres, est-ce le désarmement, est-ce la fin de l'affrontement Est-Ouest, est-ce la fin de la famine dans le monde ?
- LE PRESIDENT.- C'est une question très très générale et je suis flatté que vous me preniez pour un devin, après en avoir douté, puisque vous avez demandé pourquoi l'Europe (mais c'est vous qui le dites) avait été si surprise ! Beaucoup d'entre nous avaient de quoi pressentir l'évolution des événements. Il faut dire qu'ils sont allés très vite, mais depuis qu'ils ont commencé à s'opérer, en Pologne nous n'avons pas été les derniers à rencontrer les dirigeants de ce pays qui a amorcé l'évolution. En Hongrie, le contact a été constamment maintenu, aucun temps n'a été perdu. En République démocratique allemande, nous ne sommes qu'au début du processus, le mur est tombé il n'y a que quelques jours, vous êtes bien pressé... si l'histoire allait toujours aussi vite entre un événement et la délibération de ceux qui ont la charge démocratique de conduire leur pays ! Vous observerez que le délai est très court. Nous sommes aujourd'hui le samedi 18 novembre £ donc c'est un déroulement ultra rapide, peut-être auriez vous voulu que nous tenions notre réunion avant qu'il ne se produise ?
- QUESTION.- Si on peut être plus terre à terre, monsieur le Président, vous avez parlé d'un effort financier important pour les pays de l'Europe de l'Est qui se démocratisent. Vous avez parlé d'une banque d'investissement européenne £ est-ce qu'on a déjà un ordre de grandeur des crédits qu'une telle banque pourrait accorder chaque année, et est-ce que ces nouveaux engagements pour certains pays, et pour la France en particulier, sont compatibles avec d'anciens engagements que nous avons pris avec des pays amis en voie de développement, à revenus intermédiaires, etc... ?
- LE PRESIDENT.- Nous le pensons puisque nous l'avons proposé. Je l'ai moi-même proposé à mes partenaires, compte tenu de l'important effort qu'accomplit la France dans ce domaine puisqu'elle est, comme vous le savez, le premier de tous les pas industrialisés à fournir une aide bilatérale et multilatérale avant même ses partenaires les plus avancés. Pardonnez-moi de parler au nom de la France, puisqu'on me pose cette question. Je m'exprime pourtant au nom de la Communauté, mais enfin je vous dis juste un mot. Nous sommes intervenus en Pologne très rapidement et notre aide est jugée conséquente par les dirigeants de ce pays. C'est vrai que nous avons encore apporté avec les accords de Lomé de nouvelles contributions. Si nous l'avons proposé en sachant très bien l'effort que cela exige de nous, c'est que nous estimons cela possible et nécessaire. Mais la décision prise, étant donné le caractère informel de cette réunion qui n'avait pas a priori d'ordre du jour, sauf celui que dictent les événements, c'est de confier à l'organisme que je vous ai cité, la présidence sous forme de la troïka de la Communauté et la présidence de la Commission, le soin de mettre au net l'ensemble des propositions qui permettront à cette banque de voir le jour, et donc de définir ses procédures, les montants, etc... Inutile de faire cette banque si elle ne devait pas reposer sur des moyens très importants.\
QUESTION.- A la lumière des derniers événements, vous pensez que la situation de la demande d'adhésion de la Turquie pourrait accélérer ou ralentir ?
- LE PRESIDENT.- Le schéma qui est à l'heure actuelle en train, consiste à dire qu'avant l'achèvement du marché intérieur au 31 décembre 1992, il ne serait pas raisonnable d'élargir la Communauté. La réponse est donc suspendue à l'évaluation des moyens de la Communauté à cette date-là. Ce n'est pas un refus, ce n'est pas non plus une acceptation, c'est une demande qui est examinée, qui n'est pas écartée. Nous avons besoin d'un certain temps pour diriger nos propres institutions, même à Douze, ce n'est pas si facile entre des pays très différents l'un de l'autre. Donc ce que je dis là de la Turquie est vrai de l'Autriche ou de tout autre candidature qui se profilerait demain.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que l'essentiel de vos remarques sera transmis au Président Bush et au Président Gorbatchev avant leur réunion au Sommet de Malte, et si oui, sous quelle forme, et plus précisément, est-ce que vous avez prévu de vous rendre personnellement à Washington, et si oui, à quel moment ?
- LE PRESIDENT.- Bien entendu, l'ensemble de ces dispositions sera communiqué aussi bien au Président des Etats-Unis d'Amérique qu'au Président soviétique. D'ailleurs, elles ne seront pas adressées qu'à eux seuls. Il est prévu que nous devons communiquer téléphoniquement avec M. Bush, dès cette semaine et à la veille de la réunion de Malte, c'est-à-dire, je pense, le 28 novembre. Deux appels téléphoniques sont donc déjà prévus. Le dernier est très récent puisqu'il date d'avant hier, de même avec M. Gorbatchev.
- M. Bush se rendra sans doute en Europe comme vous le savez, peu après sa rencontre avec M. Gorbatchev. Je pense rencontrer en effet M. Bush mais pourquoi à Washington ? Je pense le rencontrer pendant le mois de décembre.\
QUESTION.- Est-ce que le Front Nord-Sud ne risque pas de devenir beaucoup plus rigide, le front entre l'Islam et l'Occident.
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas très bien saisi votre question.
- QUESTION.- Est-ce que la tension Est-Ouest ne risque pas de se déplacer Nord-Sud ?
- LE PRESIDENT.- Qui sait ? La contagion démocratique est peut-être très puissante ! ... Mais enfin il ne me semble pas que ce soit le premier problème qui soit venu à notre esprit. On avisera selon les circonstances.\
QUESTION.- Vous avez clairement indiqué les conditions de la coopération, c'est-à-dire le retour à la démocratie et le respect des droits de l'homme. Est-ce que cela veut dire que l'Europe conditionne son aide à un retour à l'économie de marché dans les pays de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Pourquoi ? Vous confondez démocratie et économie de marché ! Cela se discute. C'est un très beau sujet de thèse mais enfin ce n'est pas forcément établi. Nous avons parlé des totalitarismes, nous n'avons pas parlé du communisme. Libre à chacun, bien entendu, d'établir le lien entre ces deux termes. Mais nous ne nous interdisons pas de traiter avec les pays communistes. Nous voulons simplement que ces pays évoluent. Qu'est-ce qui restera du communisme ? Cela est l'objet des futurs historiens. Ce qui est vrai, c'est que la démocratie existe et cette démocratie peut être libérale, peut être socialiste £ c'est d'ailleurs pour cela qu'on l'appelle démocratie, c'est qu'elle peut changer de direction, elle peut pratiquer l'alternance. D'ailleurs c'est ce qu'elle fait généralement. Alors je ne vois pas très bien pourquoi ces pays seraient obligés de choisir à l'avance leur parti ou leur position à l'intérieur de la future démocratie à laquelle ils aspirent. Pour l'instant, ils ont l'esprit plus simple que cela. Leur espérance et leur volonté qu'il viennent de démontrer, c'est d'acquérir ce que j'ai appelé les droits de l'homme et en particulier le droit de voter, de choisir leurs représentants librement et secrètement. C'est le b-a-ba de la démocratie. A partir de là, que chacun choisisse. On est ici, social démocrate £ on est là, socialiste d'une autre manière £ là-bas on est travailliste ou conservateur £ ici on est conservateur ou libéral, démocrate chrétien : la liste est longue. Mais c'est bien cela le privilège des démocraties que de permettre au peuple de choisir la manière dont ils entendent être gouvernés et de quelle manière ils entendent conduire leur destin. Donc je ne pose pas en termes antinomiques et comme vous le faites à l'instant, le devenir de ces pays qui ne sont condamnés à rien du tout, sinon à retrouver la liberté, la liberté de choix.\
QUESTION.- Monsieur le Président, jugez-vous justifiées les craintes des pays du tiers monde dont vous êtes considéré le plus grand défenseur, de voir les nouvelles orientations vers l'Europe de l'Est se faire à leur détriment ?
- LE PRESIDENT.- C'est évident que plus il y a de parties prenantes, plus c'est difficile. J'ai dit tout à l'heure que plusieurs pays n'avaient pas manqué à leurs obligations politiques et morales et par conséquent financières à l'égard des pays du tiers monde. J'estime - et là c'est une opinion personnelle, chacun la connaît - que les pays industrialisés sont loin d'avoir fait l'effort qu'il convient pour apporter un début de solutions au problème du sous-développement. Bon, c'est le grand sujet des années à venir, il faut quand même qu'on y arrive. C'est évident qu'à partir du moment où il y a plus de demandeurs, les pays qui sont en mesure de coopérer sont obligés de faire un plus grand effort et de répartir leur effort dans toutes les directions. Je crois pouvoir dire qu'il n'a pas été question une seconde que la Communauté de l'Europe diminue la part qu'elle s'apprête à accorder aux pays du tiers monde. Il va y avoir une addition d'efforts et non pas une soustraction. Est-ce qu'à la limite cela ne freinera pas les élans dans toutes les directions possibles, c'est bien possible. On ne peut pas tout faire à la fois. Mais le soin que j'ai eu et que le Président de la Commission a, est de rassurer et pas simplement de se contenter de rassurer en paroles, les pays du tiers monde £ c'est de leur montrer que nous prenons des mesures qui devraient leur permettre de trouver la réponse qu'ils attendent au cours des temps prochains.\
QUESTION.- Pouvez-vous nous dire si le projet de banque s'inscrit dans un contexte européen ou bien dans celui du groupe des vingt-quatre ?
- Le projet à propos duquel cette troïka et la présidence de la Commission ont reçu mandat, c'est un projet d'élaboration d'une banque de développement et de modernisation pour l'Europe de l'Est. Voilà c'est clair. Mais cela s'ajoute aux efforts qui ont commencé d'être accomplis par les vingt-quatre dans le cadre de la mission confiée à la Commission et à son Président au mois de juillet dernier. Les choses sont parfaitement complémentaires, elles ne sont pas contradictoires.\
QUESTION.- En ce concerne la RDA, vous avez évoqué l'accord de coopération qui devrait être signé prochainement £ avez-vous parlé lors de ce dîner de l'unification des deux Allemagnes ?
- LE PRESIDENT.- Non.
- QUESTION.- Du tout ?
- LE PRESIDENT.- C'est un problème qui ne nous a pas été posé par les états allemands ni par le peuple allemand dans l'état présent des choses. C'est un problème qui occupe beaucoup d'esprits, je le sais bien et c'est parfaitement légitime mais c'est un problème qui n'a pas été posé.\
QUESTION.- Est-ce que la troïka se déplacera prochainement dans les pays de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez que la troïka est représentée par le Conseil des ministres. Et le Président de la Commission s'est déplacé il y a si peu de temps qu'il en revient tout juste. M. Roland Dumas et M. Jacques Delors sont rentrés en fin d'après-midi de Pologne après être passés hier en Hongrie. Ils ont donc déjà accompli ces déplacements, ils ne sont sans doute pas au bout de leur peine. Il est probable qu'ils feront d'autres voyages du même genre et qu'ils devront retourner aux mêmes endroits puisque les affaires sont toujours lentes à venir.
- QUESTION.- Mais est-ce que vous vous irez ?
- LE PRESIDENT.- Pour l'instant, ce sont les ministres qui ont fait ce travail. Si on le juge nécessaire pour une action qui sortirait du cadre de la compétence directe de ces ministres et si cette action doit être conduite par les chefs d'Etat et de gouvernement, nous le ferons. C'est tout à fait possible d'ici la fin de l'année mais c'est possible aussi l'année prochaine. Je crois même pouvoir vous dire qu'il y aura certainement des déplacements de ce genre. Enfin, il n'en est pas de prévu dans les quinze jours qui viennent.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce qu'à l'issue de votre réunion vous avez le sentiment que l'Europe politique a progressé, ou pour préciser ma question, vous avez indiqué dans votre exposé préliminaire la nécessité d'une Europe structurée. Est-il, selon vous, possible d'arriver à Strasbourg à des décisions sur l'union économique et monétaire, un véritable préalable à une Europe politique et de ne pas avoir l'ordre du jour de Strasbourg embrouillé, passez-moi l'expression, par les questions de l'Est.
- LE PRESIDENT.- Non, non, il ne sera pas du tout embrouillé, cet ordre du jour de Strasbourg. Il l'aurait été embrouillé, si j'avais avancé le Conseil européen de Strasbourg, comme cela m'a été demandé, et si on avait confondu les deux types de réunion. Donc nous avons parlé, pendant plusieurs heures, de l'Europe de l'Est. On a abouti à des conclusions. Je vous les exprime pour l'instant et dans quelques jours, lorsque nous nous trouverons à Strasbourg, nous aurons la tête plus libre pour nous préoccuper des structures de la Communauté. Nous n'en avons pratiquement pas parlé aujourd'hui. Mais tout ce que je viens de vous dire, et tout ce que moi j'ai ressenti au cours de cette réunion, c'est la conscience politique de la Communauté !
- Voyons, douze Chefs d'Etat et de gouvernement, réunis, pendant des heures, pour discuter de problèmes spécifiquement politiques, avec des implications financières, mais essentiellement politiques, à partir d'une même conception de l'organisation de la cité, des droits de l'homme essentiels à sa liberté et à son expression ! On a pu discuter de cela pendant le temps que vous savez, durant une réunion convoquée d'urgence et à quelques trois semaines du Conseil européen de Strasbourg. C'est dire à quel point chacun a ressenti la nécessité de venir parler de la politique dans le beau sens du terme, et de la politique de l'Europe, de la Communauté. Donc la preuve par neuf a été apportée, qu'en restera-t-il dans les dispositions de chacun, par rapport aux problèmes qui seront posés, qui sont déjà posés, qui seront débattus à Strasbourg, je ne peux pas vous le dire, chacun garde sa liberté d'expression. En tout cas, moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'en tant que Président actuel de la Communauté, je poserai la question de l'Union économique et monétaire, la question de la Charte sociale, et le reste. Donc la question sera posée, à chacun d'y répondre.\
QUESTION.- Quand l'entrée de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal s'est posée, un des arguments contre a été que cela mettait en cause l'existence même des neuf. Mais un des arguments pour était mais on a une obligation morale, vous étiez, je crois, un de ceux qui défendait ces thèses, parce qu'il fallait aider les jeunes démocraties. Alors, est-ce que le même problème ne risque pas de se poser dans les mêmes termes très vite par rapport aux pays de l'Est ?
- LE PRESIDENT.- Il se posera sûrement. Quelle sera la réponse, je l'ignore. Car nous devons à la fois être l'Europe dans sa réalité géographique, mais en même temps nous devons avancer pas à pas. Car on pose trop de problèmes à la fois, on s'étouffera en ayant voulu trop digérer d'un coup. Donc cela sera la construction des années à venir. L'objectif, c'est l'Europe tout entière, étant supposé, bien entendu, que beaucoup de problèmes de structures internes et de choix idéologiques fondamentaux toujours au bénéfice de la liberté et des droits de l'homme auront été préalablement faits. Mais, en pratique c'est une action très difficile. Même si l'on est d'accord sur tous les thèmes politiques et économiques, il n'en reste pas moins que cela fait des millions et des millions d'êtres humains qui s'additionnent. Nous en sommes à 320 ! Quand on pense au point de départ des six, l'accélération a été rapide. Avant de passer à plus, laissez aux responsables le temps de savoir où poser le pied et de quelle façon agir. Mais s'il s'agit de me demander une estimation, l'objectif final, c'est bien l'Europe dans sa globalité.\
QUESTION.- ... j'ai relaté les propos de M. le Président de la Commission européenne que peut-être il y a un petit peu trop d'illusions en Pologne en ce qui concerne l'aide de l'Occident pourrait résoudre tous les problèmes de la Pologne. Quand j'ai donné ces informations cela a fait pas mal d'échos en Pologne, et comme M. Delors revient de Pologne, est-ce que vous pensez que ces illusions en Pologne existent toujours, c'est-à-dire est-ce que vous avez l'impression que nous avons corrigé un petit peu notre point de vue, ou bien vous pensez que nous sommes plus réalistes vis-à-vis de...
- LE PRESIDENT.- Comme M. Delors était en Pologne il y a quelques heures, c'est tout frais pour lui, il va vous le dire.
- M. DELORS.- Cher monsieur, la Pologne a une rude tâche devant elle, compte tenu des ambitions qu'elle affiche en matière politique, et de la situation de son économie. Il nous a semblé sous réserve de ce que pourrait en dire M. Roland Dumas qui était avec moi, que le chef de l'Etat et le Premier ministre sont conscients du défi, et sont prêts à le relever, et pour cela à expliquer au peuple polonais, les conditions qui permettront à la fois la modernisation et l'adaptation de leur économie et la réforme politique vers la démocratie et la liberté.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous n'ignorez pas que certains peuples sont obligés de se libérer, non pas pacifiquement comme les pays de l'Est le font actuellement, mais les armes à la main, personnellement vous le savez très bien. Avez-vous parlé du Salvador ?
- LE PRESIDENT.- Nous n'avons pas parlé du Salvador aujourd'hui. Nous en parlerons certainement dans notre tour d'horizon politique de Strasbourg car nous avons toujours consacré à chaque Sommet européen, un certain temps à l'examen des problèmes qui se posent dans le monde, des conflits, des guerres extérieures, ou des guerres civiles. Mais en la circonstance, nous avons vraiment, et c'était un objet quand même important, concentré notre conversation sur les événements de l'Est et leurs conséquences.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans ce plan financier d'aide de la Communauté économique européenne aux pays de l'Est, est-ce que l'Allemagne fédérale aura une place à part, un rôle à part, étant donné ses liens privilégiés avec la République démocratique allemande ou elle agira comme un membre comme les autres de la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- Chaque pays a déjà pris des initiatives et des dispositions. La France l'a fait pour son compte déjà. Je l'ai annoncé à Strasbourg il y a quelque temps. L'Allemagne elle-même, bien d'autres pays encore, l'Italie, etc... Donc chaque pays assume sa responsabilité. Mais nous voulons autant que possible coordonner. Cela n'est pas exclusif des aides particulières que pourrait apporter tel ou tel pays selon son choix.
- Mais lorsque je parle de banque avant même que les gens qui en sont chargés aient eu le temps de se réunir et d'en débattre pour faire des propositions -, je peux vous dire qu'il s'agit - le principe en est retenu - d'une banque pour l'Europe de l'Est. La banque pour l'Europe de l'Est engagera tous les pays qui fourniront des capitaux à destination de tous les pas qui auront accepté le mouvement de réforme. Donc, l'Allemagne sera mêlée elle-même à cette action en tant que partenaire de la Communauté.\
QUESTION.- Le Chancelier Kohl, ce soir, à votre table, était-il plus européen qu'allemand à votre avis ?
- LE PRESIDENT.- Ce serait beaucoup exiger. Il était allemand et européen, très européen sans aucun doute. Il a tenu à réaffirmer à quel point il ne concevait pas d'engagements en dehors de la construction à laquelle l'Allemagne est attachée depuis le premier jour, c'est-à-dire la Communauté. Mais qu'il soit patriote allemand, ! Je serais bien fâché d'avoir à renoncer à être un patriote français et je ne vois pas ou serait l'antinomie.\
QUESTION.- Est-ce qu'on peut imaginer une union monétaire et économique à onze au lieu de douze ?
- LE PRESIDENT.- Là vous allez plus vite que la musique, parce que c'est à Strasbourg qu'il faudra poser la question. Les pays auront à se prononcer, ils auront à voter pour ou contre. Quand on saura ceux qui ont voté pour et ceux qui ont voté contre, s'ils ne votent pas tous pour, eh bien je vous répondrai. Pour l'instant, c'est prématuré. Je ne fais pas d'hypothèse.
- QUESTION.- Est-ce que ce soir tous les participants étaient unanimes dans leur analyse et aussi pour les décisions qui ont été prises ?
- LE PRESIDENT.- Oui, il n'y a pas eu de vote. Mais cette réflexion n'ôte rien au fait que chaque intervention a été vraiment entière et sans restriction. Je veux dire que même, à la limite on pourrait se dire étonné. Il faut vraiment que l'impression ait été forte, la volonté commune certaine. Mais présumant venant ici avec M. Felipe Gonzalez, nous nous disions, cette réunion a été remarquablement homogène. Il y a eu des suggestions s'ajoutant à d'autres suggestions, il n'y a jamais eu de restriction sur les suggestions faites par celui-ci ou celle-là. Je dois vous dire que nous sommes très frappés par les progrès qu'accomplit la Communauté dans les esprits, les sens du devoir partagé.\
QUESTION.- Parmi les conséquences de l'évolution à l'Est, avez-vous évoqué celle qui concerne plus directement l'équilibre des forces, l'équilibre stratégique en Europe ?
- LE PRESIDENT.- Oui, oui il en a été question, mais disons par ricochet. Exactement comme vous venez de le faire. Toutes ces questions sont posées. Il n'en reste pas moins qu'il y a des blocs, des armées, des alliances. L'opinion générale, était que d'ici à une transformation profonde de cette situation, que je n'imagine pas bien, tout devrait se dérouler dans le cadre des alliances établies ou des conversations sur le désarmement. Désarmement qu'au demeurant il faudrait hâter. D'autre part, le cadre de la CSCE nous paraît un cadre excellent dans lequel précisément l'Europe a été mise en mesure de s'affirmer sans exclusion pour personne. Donc, oui, il en était question, mais ce n'était pas le problème principal.\
QUESTION.- Comment vous évaluez, monsieur le Président, les changements en Bulgarie, quelle poura être l'influence de ces changements sur les relations entre la Communauté et la Bulgarie ?
- LE PRESIDENT.- La Bulgarie connaîtra le sort de tous les autres. Si la Bulgarie veut bien accomplir les pas que nous espérons vers la démocratie, il n'y a aucune raison d'exclure la Bulgarie, pays profondément et historiquement européen, de l'ensemble des dispositions que nous sommes prêts à prendre. Ce que nous disons est vrai pour la Bulgarie. Nous voulons encourager tous les mouvements de réformes quels qu'ils soient dans toute l'Europe. Ce que je vous dis de la Bulgarie pourrait se dire de la Tchécoslovaquie comme de tout autre. Nous n'avons pas choisi, ce sont ces peuples-là qui ont choisi leur voie. Ceux qui ont pris les devants, sont naturellement ceux auxquels nous nous adressons d'abord, sans renoncer aux autres.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le Président Bush et le Président Gorbatchev vont se réunir bientôt et vont discuter des mêmes questions dont vous avez discuté aujourd'hui. Est-ce que vous avez décidé, est-ce que l'Europe a décidé de leur faire parvenir un message ?
- LE PRESIDENT.- Pourquoi ? Je suis sûr que les deux éminents chefs d'Etat dont vous me parlez se tiendront au courant de ce que nous avons dit ce soir. En plus, le courrier marche, les chancelleries existent, les ministres des affaires étrangères connaissent leur travail. Donc, MM. Gorbatchev et Bush connaîtront tout à fait le contenu des délibérations qui n'ont rien de secret, qui se sont déroulées ce soir à l'Elysée. Un message particulier, pourquoi ? Ce sont deux personnes qui représentent deux grandes puissances, deux grands Etats. Ils se rencontrent, ils engagent ce qu'ils sont. Nous avons avec eux des relations, même de bonnes relations. Mais quel message ? Ni message, ni compte-rendu. Un message d'encouragement quand même. Travaillez bien. On ne demande qu'à vous faire confiance. Enfin, on préfère aussi travailler nous-même.\
QUESTION.- Monsieur le Président, on parle maintenant d'une banque avec des investissements, c'est-à-dire donc de nouveaux crédits et aussi de nouveaux emprunts. Mais déjà aujourd'hui, vous avez une situation où ces pays sont presque des captifs dans leur endettement assez vaste, assez large, très grands. Est-ce qu'on a parlé parmi les Douze de quitter, d'annuler dans sa totalité ou partiellement la dette de ces pays ?
- LE PRESIDENT.- Parmi les éléments importants de la situation polonaise, il y a le problème du rééchelonnement de la dette naturellement. Il y a d'ailleurs déjà un certain nombre de pays qui ont décidé de ne pas réclamer leur créance avant plusieurs années. Je crois que c'est une initiative également de l'Union soviétique avant 1995. Nous-mêmes, pour ce qui concerne la France - je vous dis ce que je connais, mais beaucoup d'autres pays ont fait pareil -, nous avons rééchelonné sept milliards de francs, etc. Oui, il en était question.
- QUESTION.- Est-ce que cette nouvelle banque européenne, est-européenne, sera ouverte à l'Union soviétique ?
- LE PRESIDENT.- Elle sera ouverte à tous ceux qui voudront bien contribuer. J'ai l'impression que les bonnes volontés, les participations aux prises de capital seront les bien-venues, quelles qu'elles soient. Maintenant, comme c'est un mandat que j'ai reçu collectivement, en compagnie des trois autres personnes qui sont ici, et que l'on n'a pas encore eu le temps de se réunir avant de venir vous voir, ni de communiquer - on le fera au cours des prochaines semaines - et que l'on n'en a pas rendu compte encore à la Communauté, je ne veux pas vous en dire plus.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans cet important tour d'horizon que vous avez fait avec tous les chefs d'Etat et les chefs de gouvernement, ainsi que les ministres des affaires étrangères sur l'Europe de l'Est avez-vous parlé des graves problèmes posés par la Roumanie.
- LE PRESIDENT.- Comme nous avons parlé de la démocratie, il me semble que nous n'avons pas lieu de parler de la Roumanie. Nous avons simplement le souci de contribuer et de coopérer avec ceux qui font une part du chemin, vers la liberté. Tel n'est pas le cas pour l'instant pour la Roumanie.\
QUESTION.- Bonsoir, monsieur le Président. Je suis journaliste mexicaine et je voudrais insister sur deux questions. Je voudrais demander votre position sur ce qui se passe au Salvador, et d'autre part, je voudrais savoir si vous avez parlé pendant cette rencontre, ce dîner sur les autres pays, sur l'avenir des autres pays, sur l'Amérique latine...
- LE PRESIDENT.- Madame, j'ai déjà eu l'occasion de répondre à d'autres personnes qui m'ont posé des questions concernant d'autres pays et qui n'étaient pas à l'ordre du jour. Le seul d'ailleurs que nous avions, c'était de se préoccuper des événements de l'Europe de l'Est. Nous ne pouvons pas parler de tout à la fois. Ce qui n'ôte rien à l'importance de la question que vous me poser.
- J'ai dit que certainement nous serions conduits à Strasbourg, vu qu'il y a toujours un moment qui est prévu pour le débat politique, à parler de cela. La marche vers la démocratie, l'inspiration à la liberté, gagnent du terrain partout. On voit ce qui se passe à l'Est, mais on a vu aussi le succès des démocraties - même si c'est un succès relatif dans certaines circonstances - sur les dictatures en Amérique latine. Au nom de la France, je souhaite vivement que partout la démocratie l'emporte sur la dictature. Quant à l'appréciation à faire sur le cas particulier du Salvador déchiré par une atroce guerre civile, je n'ai pas reçu mandat ce soir pour en parler. QUESTION.- Monsieur le Président, quelle est la durée de votre mandat pour la constitution de la banque européenne de développement ? En d'autres termes, quand la décision de constitution doit-elle être prise.
- LE PRESIDENT.- Je pense que nous serons en mesure de rapporter les éléments dès le Conseil européen prochain. Ce n'est pas un délai très long. Pour ce qui concerne le Salvador, j'y reviens, M. Felipe Gonzalez me rappelle à l'instant qu'un certain nombre de déclarations ont été faites demandant en particulier le cessez le feu et la cessation du combat. Personne ne supporte aisément ce massacre, mais quant à la causse que l'on sert dans ces pays, j'ai bien mes sentiments personnels, mais je n'ai pas mandat pour m'exprimer ce soir là-dessus.\
QUESTION.- Je voudrais revenir à l'Allemagne de l'Est. Vous avez parlé d'accord commercial. L'accord commercial est la forme d'accord la plus élémentaire que la Communauté puisse passer avec un pays tiers. Est-il possible d'aller au-delà d'un accord commercial avec l'Allemagne de l'Est ? On a parlé d'accord d'association notamment ?
- LE PRESIDENT.- J'ai le sentiment que non. Pour dépasser les accords de commerce, dont l'urgence peut être évidente, au moins faudrait-il que soit affirmée la volonté des dirigeants de ce pays de poursuivre le processus démocratique pour aller vers des élections libres et secrètes, au moins faudrait-il qu'un signe soit donné, qu'un engagement soit pris. Si j'ai parlé du commerce, c'est pour montrer aussi qu'il y avait des limites à l'intervention de la Communauté à l'heure où je parle. Mais c'est une situation essentiellement évolutive. Peut-être dans quelques heures, ou dans quelques jours, pourrais-je vous répondre autrement, ce que je souhaite. Car la République démocratique allemande se trouve dans le cas de ceux dont nous parlons. Elle est destinée à recevoir toutes les coopérations de la Communauté, dès lors que les conditions fondamentales sont remplies.\