17 novembre 1989 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la remise de la "Questia", notamment sur la modernisation des institutions andorranes et l'accord commercial entre Andorre et la CEE, Paris, le 17 novembre 1989.

Monsieur le Syndic général,
- monsieur le chef du gouvernement,
- monsieur le vice-syndic,
- messieurs,
- Une fois de plus, en effet, nous voici dans ce salon procédant à la même cérémonie. Cette pérennité nous a permis de nous connaître de travailler ensemble sur la durée et de prendre part à une évolution très sensible depuis quelques temps, comme vous avez bien voulu le rappeler. Je suis de ceux qui pensent, en effet, que les évolutions sont rarement terminées. Il faut avoir les yeux ouverts sur elles. Je crois que c'est la cinquième fois que je vous reçois, mais la première de ce septennat. Vous êtes venus selon l'usage hérité de plusieurs siècles pour la remise de la Questia.
- Cette cérémonie traditionnelle à laquelle nous sommes très attachés, marque la permanence et la force des liens qui unissent les Andorrans à leur co-Prince, et me donne l'occasion de traiter directement avec vous des problèmes de la Principauté.
- Elle est également cette année un moment privilégié. J'ai dit ce que je pensais du fructueux travail accompli pour la modernisation de vos institutions, pour l'ouverture des Vallées à leur environnement. Comme je pense aux négociations engagées avec la Communauté des Douze, j'espère qu'elles aboutiront prochainement.
- Des progrès essentiels ont été accomplis. Je crois que les débats institutionnels durent déjà depuis au moins huit ans. C'est normal que nous espérions aboutir davantage encore, ce qui a été fait est déjà conséquent.
- Ainsi le code administratif, issu d'une réflexion très riche conduite dans la concertation a pu être publié en mars dernier. La juridiction administrative et fiscale qui doit compléter ce volet important de la réforme, pourra être mise en place dans de bons délais, puisque le texte de loi prévoyant sa création est sur le point d'être signé par les délégués permanents des Co-Princes.
- La loi sur les droits de la personne promulguée en même temps que le code administratif a incorporé de manière formelle dans le système juridique de l'Andorre des valeurs essentielles auxquelles le Conseil général des Vallées avait manifesté son attachement dès 1978 en reconnaissant les principes de la déclaration universelle des droits de l'homme.
- Il appartient donc désormais à votre assemblée et aux co-Princes de définir chacun pour ce qui les concerne, par des dispositions particulières, l'exercice de ces droits. Je fais confiance à votre sagesse et à votre diligence. Il est de l'intérêt de votre communauté qui connaît les transformations rapides, d'assurer à ses membres et à tous ceux qui contribuent à son bien-être et à sa prospérité, un plein exercice de liberté fondamentale. Vous le ferez, j'en suis sûr, avec le souci de préserver les traditions qui ont forgé votre identité et dont je suis moi-même tout à fait respectueux, mais aussi avec la volonté d'assumer délibérément les obligations sociales sans lesquelles aucun progrès économique n'est solide ni durable.
- Je veux souligner en même temps le remarquable travail de modernisation qui a été accompli dans le domaine de la justice.\
Voilà des acquis nombreux qui montrent que le mouvement des réformes s'est accéléré. Profitons de la dynamique ainsi créée pour aborder les prochaines étapes que nous avons, vous et nous, souhaitées. Nous avons voulu ouvrir de nouveaux chantiers. Nous ne nous arrêterons pas en chemin. Cela exigera, naturellement beaucoup d'efforts, afin que la Principauté règle harmonieusement les problèmes auxquels elle est confrontée du fait des transformations rapides et bénéfiques dont nous avons parlé et qui l'attendent au cours des prochaines années.
- Je sais que, pour votre part, vous y êtes prêts. La délimitation des compétences, prochaine étape de la réforme institutionnelle, c'est une question complexe, aux aspects multiples. Il faut s'y engager avec détermination sans prudence excessive. Je suis pour ma part prêt à poursuivre la concertation sur ce thème. Je suis ouvert à toute solution qui répondra aux aspirations profondes de tous les Andorrans, tant pour ce qui concerne le droit interne, que dans le domaine international. Inspiration profonde des Andorrans, que vous avez pour mission de représenter et que vous représentez avec le sens du devoir. Pour parvenir à un accord, un dialogue direct, confiant, est nécessaire, j'y veille. Mon souci, c'est le bien de l'Andorre, c'est le respect de ses coutumes et dans le respect naturellement des propres institutions de la République française.\
Je sais l'importance que vous accordez aux négociations qui se sont engagées cette année à Bruxelles avec la Communauté économique européenne, pour la conclusion d'un accord commercial.
- Je me réjouis du travail accompli lors des premiers contacts avec la Commission. Les négociations, vous le savez, vont se poursuivre dans les tous prochains jours. La délégation andorrane peut les aborder avec confiance. Je pense que l'on arrivera à un accord qui prendra en compte vos intérêts légitimes, qui réglera de manière aussi harmonieuse et équilibrée que possible vos échanges commerciaux avec la Communauté, tout en facilitant l'indispensable désenclavement d'Andorre dans l'Europe d'aujourd'hui.\
Réformes des institutions, de l'administration, contacts plus nombreux avec l'environnement extérieur, croissance économique, voilà bien des éléments qui marquent à la fois la qualité de votre travail et la manière dont nous avons su aborder les conversations qui nous réunissent. Je pense que pour la vie des Vallées d'Andorre il y a là des facteurs générateurs de progrès mais aussi de responsabilités et d'obligations nouvelles cela se conçoit très aisément. Il faut les maîtriser sous tous leurs aspects car vous avez à concilier ce qui est difficilement conciliable, l'identité avec la modernité, le progrès social, le progrès économique. Bref, une société n'avance dans ces conditions que si tout va de pair sans quoi très rapidement il y a blessure quelque part et le pas se ralentit.
- Ces objectifs vous imposent comme à moi-même d'être ambitieux dans notre volonté commune. Vous avez bien voulu venir me voir de nouveau pour cette cérémonie officielle. Je ne veux pas manquer de vous redire ma confiance, ma confiance dans l'avenir d'Andorre, de sa population, la confiance que je vous fais, messieurs pour la continuation de votre action, interprêtes que vous êtes d'une volonté collective et respectueux que vous êtes de l'histoire future, de l'histoire à venir, de la communauté des Vallées d'Andorre. Croyez-moi vous me trouverez à vos côtés pour mener à bien vos entreprises et pour que nous tentions ensemble de répondre aux aspirations du peuple andorran.\