10 octobre 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur le rééchelonnement de la dette des pays intermédiaires, des comparaisons entre les régimes politiques français et vénézuélien, le rôle de la presse et la démocratisation en Europe de l'Est, Caracas, le mardi 10 octobre 1989.
Nous allons maintenant procéder à cette conférence de presse prévue comme il est habituel au cours d'un voyage. Je remercie le Président Carlos Andrès Perez d'avoir bien voulu assister, le cas échéant prendre part, à cette conférence, étant entendu que déjà il a pu rencontrer ce matin les journalistes français. Je me tiens en tout cas à votre disposition, dès maintenant pour répondre aux questions qui vous intéressent.
- QUESTION.- Monsieur le Président, depuis hier, chaque fois que nous sommes en contact avec nos rédactions à Paris, la même question revient, comment va le Président, suite à votre coup de fatigue à l'aéroport de Caracas ? Pouvez-vous rassurer nos rédactions à Paris à ce propos ?
- LE PRESIDENT.- Ca va. J'ai l'impression d'avoir eu un début d'insolation. Donc imprévisible, puis ça c'est arrêté là. Je continue tout à fait normalement ce voyage, qui, comme tous les voyages à l'étranger est un voyage rempli d'obligations que j'accomplis avec plaisir. Que voulez-vous que je puisse dire d'autre. Pour le reste j'ignore autant que vous. Est-ce que vous vous portez bien ? Comment serez-vous demain ? Ce n'est pas la seule question, je pense ? Je suis très sensible en tout cas à votre question et je vous remercie. Cela fait toujours plaisir de voir des gens qui s'intéressent à votre santé. Mais la vie internationale ne s'arrête pas là.\
QUESTION.- En tant que leader des sept puissances industrielles, est-ce que vous pensez que c'est possible d'appliquer à l'Amérique latine une sorte de plan Marshall comme l'avait proposé le Président Perez à l'Assemblée des Nations unies ?
- LE PRESIDENT.- Le terme plan Marshall entraîne automatiquement l'esprit vers des formes qui ne seraient plus de mise aujourd'hui. Mais, ce que vous voulez dire, je crois bien le comprendre, c'est un plan d'envergure mondiale qui engagerait toutes les puissances en mesure de l'alimenter financièrement et qui irait à destination de ceux qui ont besoin de passer la crise de l'endettement. De ce point de vue je vous dis oui, je suis tout à fait d'accord. J'ai pris part aux propositions multiples qui se sont élevées ici et là. Donc je répondrai simplement, oui je pense que la Communauté européenne devrait donner l'exemple. Elle ne pourrait résoudre ces problèmes par ses seuls moyens, mais elle pourrait entrainer sans doute bien d'autres pays dont la situation industrielle est forte. Donc je vous donne mon accord.\
QUESTION.- Sur la dette.
- LE PRESIDENT.- Il y a des pays qui ne trouveront d'ici longtemps aucune ressource en eux-mêmes. Ces pays sont généralement compris dans une liste des pays du monde les moins avancés. D'autres pays pauvres ne peuvent pour cette génération compter que sur les autres, indépendemment, bien entendu, de l'apport qu'ils doivent faire par leur sens de l'organisation et par leur capacité de travail. Mais il en est beaucoup d'autres, surtout ceux dont nous parlions qui ne sont pas à proprement parler des pays pauvres, qui sont des pays dotés, quelque fois, de très grandes richesses naturelles, de matières premières recherchées, qui disposent de cadres formés, d'éléments de pointe scientifiques et technologiques, de classes moyennes industrieuses, et qui, simplement supportent les conséquences d'un certain nombre d'événements que je n'ai pas le temps d'analyser et pour certains d'entre eux, de mauvaises organisations politiques. Ces pays-là, bien dirigés, démocratiquement, par des hommes et des femmes responsables, doivent pouvoir dans un délai relativement bref, reprendre le dessus. Grâce à des concours extérieurs, mais appuyés sur une perspective certaine du développement des richesses naturelles et du travail d'un peuple. Je range la plupart sinon tous les pays d'Amérique latine, dans ce cas. On appelle ces pays-là, dans le langage habituel : des pays "intermédiaires". Ils sont endettés, parfois lourdement endettés, de façon différente. Les uns endettés à l'égard des banques privées, les autres en s'adressant aux institutions internationales publiques. Mais cet endettement qui les écrase, leur interdit d'espérer se redresser par eux-mêmes sans avoir à affronter les mouvements sociaux provoqués par les pénuries économiques. C'est vrai que les institutions internationales qui sont gérées sagement mais selon des règles très strictes imposent des conditions qui peuvent elles-mêmes précipiter l'échec des démocraties, les mouvements de révolte, les mouvements sociaux et le désordre politique. Là n'est donc pas la solution. Mais, peut-être, dans la constitution d'une sorte de plan mondial avec la création de caisses multilatérales alimentées par de l'argent frais, qui viendrait alléger la charge des débiteurs tout en assurant le remboursement des créanciers à des conditions à déterminer.
- Je pense à la situation de pays comme le Venezuela, qui a une dette lourde et qui est essentiellement due à des banques privées. Ce qui rend parfois l'accord plus difficile. Ce sont des pays riches de réalités virtuelles, et donc riches d'avenir avec comme instrument de redressement des équipes sérieuses au pouvoir, un système de contrôle démocratique, des élites tout à fait remarquables, des instituts de formation scientifique de premier plan, des classes moyennes actives et des réserves considérables dans leur sous-sol. On doit pouvoir examiner leur situation avec optimisme, à la condition d'allumer le moteur, d'éviter que le poids de la dette ne vienne les asphyxier avant qu'ils n'aient eu le temps de faire avancer ce redressement avec le concours de tous ceux qui peuvent, comme la Communauté européenne et les grands pays industriels, qui disposent de capitaux et de crédits.\
QUESTION.- (Sur la cohabitation - les affaires : Pechiney, Société générale - négociation de la libération des otages par Jacques Chirac, l'avion d'UTA, Greenpeace...).
- LE PRESIDENT.- Vous venez de vous livrer à une analyse, à une diatribe qui touche à tellement de sujets qu'il m'est difficile de vous répondre brièvement.
- Vous avez commencé par comparer la situation du Président Carlos Andrès Perez et la mienne. C'est vrai que nous sommes, tous les deux, deux Présidents réélus et s'il a fallu dix ans au Président Carlos Andrès Perez pour être réélu, alors que moi je n'ai pas eu besoin de transition, c'est parce que nos constitutions comportent des dispositions différentes. Je dois dire que si j'avais dû attendre dix ans pour pouvoir être réélu conformément aux règles de la constitution vénézuélienne, il est probable que je n'aurais pas insisté. Donc, la situation est différente. Vous me demandez d'abord de faire des comparaisons de caractère institutionnel. Nous continuons d'être un régime parlementaire et non pas un régime présidentiel. Que dans la constitution française il y ait certaines ambiguités, sans aucun doute, mais en fait la base du système est parlementaire. C'est-à-dire que le gouvernement peut toujours être renversé par l'Assemblée nationale et le gouvernement est issu de la majorité de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas un cabinet qui est souverainement nommé par le Président de la République qui ne serait responsable que devant lui, alors que dans un certain nombre d'autres régimes, comme c'est le cas du Venezuela, le gouvernement est responsable devant son Président. Avantages, inconvénients, c'est davantage une affaire de moeurs, de tradition, d'usage, difficile à trancher. Moi, je ne suis pas du tout fâché d'avoir un Premier ministre. Je dirai même que cela permet une division des tâches qui correspond assez au tempérament national de la France et aux traditions de la République. Le Président de la République en France peut intervenir en toute matière. Mais la gestion quotidienne ne lui appartient pas. Il n'a pas de gestion directe, le cabinet qui m'entoure ne gère pas les ministères. Je veille à ce qu'il ne soit pas une sorte de ministère en double, ce qui serait très fâcheux pour la bonne conduite des affaires. En revanche, toutes les grandes décisions de tous ordres, y compris de politique intérieure et économique, sont débattues, présentées par le Premier ministre au Président de la République et débattues entre eux avant que les décisions ne soient prises.\
`Suite sur le régime présidentiel`
- Il n'y a pas ce que l'on appelle de secteur réservé en France - il y en a eu -, je veux dire les domaines dans lesquels le Président de la République est seul maître et juge de la décision, mais il y a des dispositions constitutionnelles qui font que le Président de la République a une sorte de primauté dans plusieurs domaines, celui de la sécurité publique, celui de la défense des institutions, celui des affaires étrangères, celui de la défense, le Président de la République est notamment le chef des armées.
- Le problème de la bonne harmonie entre le Président de la République et le Premier ministre est un problème très important. Vous aviez raison lorsque vous avez embrayé sur la question plus concrète des événements qui se sont produits en France lorsqu'il y avait une majorité parlementaire opposée à celle qui avait élu le Président. C'est-à-dire en 1986. Dès lors qu'il n'y a pas de régime présidentiel, il faut bien vivre avec, s'accommoder dans l'intérêt de la République et des intérêts de la France. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille renoncer à ses convictions sur les choses essentielles.
- On peut dire que la politique étrangère de la France a été préservée, ainsi que la politique de défense, de toute dispute inutile pendant ces deux années là. Cela a été naturellement plus facile après, avec le gouvernement proposé par le Premier ministre que j'avais moi-même désigné au sein de la majorité représentative de mes propres options. De toute manière, c'est le Président de la République qui choisit le Premier ministre quel qu'il soit, en toute circonstance.\
Vous avez parlé d'une part de la libération des otages et puis maintenant de l'explosion de l'avion d'UTA, je ne vois pas très bien le rapport. Il y a déjà eu malheureusement d'autres actes terroristes de grande envergure à l'encontre des intérêts français et des vies françaises dans les années précédentes. Cela fait déjà quelque temps que nous étions, de ce point de vue, à l'écart de ces grandes tragédies. Mais qui peut se dire à l'abri durablement. Quelle est la pensée des terroristes ? Quels objectifs poursuivent-ils ? Quelle est leur volonté ? Comme il ne peut pas être question de se soumettre à cette volonté-là, aux impositions du terrorisme national ou international, forcément, un pouvoir courageux et sur des intérêts qu'il a le devoir de défendre, ne peut pas faire de compromis. Donc, il peut toujours y avoir des attentats de ce genre. Quitte à ce que nos forces de sécurité soient toujours en éveil, ce qui est le cas. Peut-on dans un pays de 56 millions d'habitants, avec un territoire assez vaste et des intérêts répandus dans le monde entier assurer que cette protection sera toujours maîtresse des choses ? personne le prétend.\
Vous avez parlé ensuite de Greenpeace et de l'environnement, je ne vois pas très bien le rapport, car le problème de l'environnement est posé, selon nous, en termes inexacts par les défenseurs de l'environnement. Vous vouliez dire Mururoa, c'est-à-dire les explosions nucléaires dans une petite île du Pacifique sud. En effet, il y a une campagne menée par Greenpeace sur le plan international contre ce genre d'expériences. Je vous ferai remarquer que Greenpeace était actif, diligent à l'égard des expériences françaises, je n'ai encore jamais entendu parler de démarches concernant les expériences américaines ou anglaises, ou les expériences soviétiques. Et pourtant, nous en France, nous sommes plus proches des champs d'expériences soviétiques que ne le sont la Nouvelle-Zélande et l'Australie du champ d'expériences de Mururoa. Il y a beaucoup plus d'expériences soviétiques, américaines, peut-être anglaises, qu'il n'y a d'expériences françaises. J'aimerais donc que dans cette lutte, si lutte il doit y avoir, la France ne soit pas désignée comme bouc-émissaire.
- Quant à l'attentat malheureux contre le bateau de Greenpeace en Nouvelle-Zélande, à aucun moment cela n'a été le fruit d'une décision du gouvernement de la République, mais l'action insupportable et finalement criminelle, même si telle n'était pas l'intention, de services qui ont agi en la circonstance à un niveau que j'ignore et qui n'engage pas la responsabilité des pouvoirs publics français.\
Que peut-on dire maintenant ? Que vos institutions sont meilleures que les nôtres, les nôtres meilleures que les vôtres ? Je crois qu'il faut toujours s'habituer à devoir, le cas échéant, cohabiter. J'ai dit à un moment donné : un seul parti ne peut pas gouverner je crois que c'est une notion saine, je ne veux pas dire qu'un seul parti ne doit pas avoir la majorité absolue, toujours souhaitable. Mais s'il avait la majorité absolue, il doit discuter avec d'autres formations politiques pour que le gouvernement de la France ne repose pas sur la pointe de la pyramide, qu'il y ait vraiment un certain nombre de Français qui se sentent directement engagés par la conduite des affaires du pays. Je ne vous dirai rien d'autre, sinon que nos institutions fonctionnent correctement, actuellement, déjà depuis longtemps, et sans proposer ces institutions en modèle - j'ai voté contre quand elles ont été adoptées - je ne suis pas leur défenseur, mais il y a façon et façon de faire. Les mêmes institutions permettaient que la Présidence de la République décide de tout à certains moments, et à d'autres moments, elles permettaient aussi parce qu'elles sont souples, au Président de la République de réaménager un équilibre sérieux, raisonnable et juste entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le législatif, trop puissant jusqu'en 1958, a été ignoré, délaissé après 1958. Il faut que le législatif en France retrouve le rôle qui doit être le sien, et cependant il ne faut pas que l'exécutif soit à la merci de la moindre mauvaise humeur d'un Parlement. Voilà, il est difficile après avoir dit la théorie de définir la pratique, ça c'est ma responsabilité quotidienne, vous jugerez après coup.\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- Vous avez eu raison de distinguer l'élément multilatéral de l'élément bilatéral. C'est vrai que la France ne peut pas sur le plan international se substituer à l'ensemble des pays disposant de capitaux. Nous ne serions pas en mesure de le faire, nous avons déjà une charge très lourde, particulièrement à l'égard de nos amis africains dont nous avons effacé la dette pour trente-cinq d'entre eux, la dette publique, bien entendu, et nous avons comme cela des obligations un peu partout dans le monde qui sont prioritaires.
- Je ne peux donc pas décider pour les autres, et c'est vrai que depuis plus de huit ans, je mène une campagne qui rencontre encore bien des résistances et bien du scepticisme auprès de mes principaux partenaires. Je ne dis pas qu'il faille agir comme naguère, on n'est pas obligé de recommercer Cancun, d'avoir un grand débat à l'Assemblée des Nations unies qui n'aurait pas pouvoir de décision : il y a des institutions internationales qui remplissent leur mission, fonds monétaire international, banque mondiale, etc. Il y a des institutions proprement européennes dont la France fait partie mais ce n'est qu'un élément parmi d'autres. Cependant les propositions que je fais au nom de la France font des progrès. Je me souviens qu'en 1982 à Versailles, lorsque j'avais proposé une sorte de concertation sur les monnaies, cela avait été accueilli plutôt mal par nos partenaires, c'était l'époque d'un libéralisme à outrance et au cours des années qui ont suivi, aussi bien en 1985 qu'en 1986 et 1987 et encore aujourd'hui, les grandes banques et les grands pays industriels sont conduits à se concerter sur la manière d'agir et de peser sur les monnaies. Ils ne font pas assez, selon moi, mais ils le font £ il y a là une ouverture intéressante. De même, j'ai proposé, je le rappelle souvent, au Sommet des Pays industrialisés à Toronto, puis à la tribune des Nations unies, plusieurs systèmes de réduction de rééchelonnement de la dette pour tous les pays du monde, pour tous les pays endettés. J'ai proposé un système qui n'a pas encore été retenu et dont l'idée centrale est de disposer d'une caisse multinationale qui recevrait des fonds, de l'argent neuf, de l'argent frais et qui se substituerait aux pays débiteurs pour garantir toute une partie de l'encours : tout cela fait des progrès et je ne suis pas pessimiste sur le résultat final. Malheureusement, cela risque de prendre trop de temps, et pendant ce temps, un certain nombre de pays sont asphyxiés et à quoi servira-t-il d'essayer de les secourir lorsqu'ils auront péri. Alors il faut hâter l'allure. Je plaide donc, je suis comme l'avocat d'une bonne cause qui défend des gens qui méritent qu'on les aide, mais le jury ou le tribunal est distrait ou bien il a d'autres choses en tête, il pense à autre chose, et comme il lui faut de plus prêter la main, accorder de l'argent, prendre les risques, bien entendu, beaucoup sont encore assez réservés. Mais là encore, j'observe des progrès, c'est vrai que le plan Brady est loin d'équivaloir au plan que j'avais moi-même déposé. Mais c'est vrai aussi que l'idée d'une intervention internationale permettant d'aboutir à réduire la dette est aujourd'hui dans tous les esprits. C'est vrai que la démarche cas par cas n'est pas la même que celle que je préconise d'une vue plus globale des choses mais l'idée d'intervenir, d'aider et de se concerter est quand même dans l'air. Voilà pourquoi je continue, partout où je me rends, à développer les mêmes idées au risque de me répéter, d'apparaître comme maître d'un discours lassant, et c'est comme cela qu'on se fait entendre, et pas autrement. Cependant à l'intérieur des aides multilatérales, la France intervient.\
`Suite sur les problèmes de la dette`
- C'est ainsi que j'ai indiqué à M. le Président du Venezuela que dans la situation où se trouve le Venezuela qui pourrait très utilement se voir attribuer des prêts relais, de quoi faire la soudure avant de pouvoir relancer véritablement l'économie vénézuélienne qui en a le moyen. Nous avons fait des démarches auprès de la Banque des règlements internationaux, nous allons définir un plan de contribution et nous avons, dès le point de départ, annoncé que la France était prête à assumer sa part pour cent millions de dollars. Il suffit de quelques partenaires pour qu'en multipliant par cinq, on arrive à cinq cents millions. C'est d'ailleurs comparable aux chiffres déjà obtenus dans le cadre des négociations engagées par le Venezuela avec l'ensemble des grandes banques, banques américaines, mais aussi quelques banques françaises. De ce point de vue, vous avez fait une observation en disant que des banques françaises étaient assez réticentes. Il ne faut pas dire exactement la même chose de toutes. Il s'agit en l'occurence essentiellement de la Société générale qui ne participe pas, de Paribas qui participe mais selon le Venezuela, pas assez, et du Crédit Lyonnais qui participe d'une façon beaucoup plus acceptable toujours aux yeux du Venezuela. Voyez, le jugement apporté sur les banques ne peut pas être identique. Le Crédit Lyonnais est une banque qui continue d'être nationale, les autres sont devenues des banques privées et les moyens d'agir sont d'un ordre différent. Cependant dans les relations entre le Venezuela et la France, c'est-à-dire dans ce que l'on peut appeler le bilatéral, un certain nombre de choses sont en train. On a signé tout à l'heure toute une série d'accords et sur le plan directement financier à l'égard de l'endettement, je vous indiquais indépendemment des cent millions de dollars que la France est prête à verser dans le cadre de la banque des règlements internationaux, nous sommes prêts aussi à des versements de crédit, un crédit à court terme, indépendemment de la masse des crédits à moyen terme.
- Pour l'instant on a retenu une somme de cinq cents millions de francs, en tentant aussi de développer les échanges entre le Venezuela et la France, c'est-à-dire en développant ces prêts autour de projets tout à fait concrets dont nous avons à débattre. Ces sommes, à quoi seront-elles destinées ? A pousser des projets dans lesquels nos intérêts communs sont en cause, et de ce point de vue, le Venezuela est extrêmement ouvert et nous avons déjà esquissé un certain nombre d'idées au cours des conversations de ce matin et de cet après-midi qui sont très prometteuses. Voilà ce que je peux vous dire, madame, je pense pouvoir réaffirmer que la position de la France est très ouverte et que nous avons bien l'intention d'engager la Communauté européenne, - je la préside présentement - à soutenir un débat qui doit avoir lieu un jour ou l'autre, et donc le plus tôt possible, entre cette même communauté et les pays d'Amérique latine et particulièrement le Venezuela.\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- C'est un sujet dont on discute depuis longtemps en France qui n'est pas sans intérêt. C'est-à-dire élire les maires au suffrage universel direct pour eux-mêmes, c'est ainsi que je comprends votre question, lorsque les maires sont élus au suffrage universel, ils sont élus avec les autres conseillers municipaux, ils sont conseillers municipaux, et ensuite c'est le conseil municipal qui choisit en son sein celui qui sera maire. L'un des projets consisterait à faire que les maires soient eux-mêmes élus directement au suffrage universel. Je ne crois pas qu'il y ait de projet en forme dans ce sens. C'est encore un débat d'idées entre spécialistes du droit constitutionnel et administratif. Je n'ai pas fixé de position, quelque fois je suis tenté par cela, d'autre part la tradition municipale française fonctionne bien, si bien que pour nous, ce n'est pas un projet actuel. Quant à a apprécier l'expérience vénézuélienne si vous avez estimé, vous, qu'il vaut mieux procéder directement à l'élection du maire, comme cela se fait dans d'autres pays, pourquoi pas ! C'est une pratique aussi démocratique que l'autre. Quant au choix de la procédure, cela dépend des tempéraments et des traditions.\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- Oui, nous avons bien entendu beaucoup parlé le Président Carlos Perez et moi-même, nous sommes amis depuis de longues années, plus de quinze ans. Nous appartenions à la même internationale socialiste, où nous nous rencontrions régulièrement. Je suis venu le voir lorsqu'il a assuré son premier mandat, en 1976, c'est donc une conversation qui reprend sur un terrain déjà balisé, et cette fois-ci parmi les sujets que nous avons traités, parfois à bâtons rompus, il y a eu en effet celui de Haïti, mais ces quelques mots ont été échangés à propos de Panama sur lequel je ne crois pas trahir sa pensée, le Président du Venezuela a estimé que ce coup d'Etat dont l'issue a été malheureuse, risque d'engager un processus d'intervention étrangère qui pourrait être dommageable dans l'ensemble de l'Amérique latine, indépendamment de l'opinion que l'on se fait sur les hommes, mais sur la manière dont est conduit ce pays et sur la manière dont se sont déroulées les élections et le résultat, tout cela c'est une autre affaire. Mais si le Président Perez a des choses à vous dire, il vous le dira lui-même.
- Pour Haïti, il m'a proposé une initiative commune pour que se réunissent les pays de la région caraïbe et la France en particulier. Haïti, comme vous le savez, est francophone. J'ai approuvé cette idée. Un certain nombre de préparatifs doit être mis au net avant que l'on ne donne le top de départ pour cette rencontre, mais le jour où cela serait fait, c'est-à-dire assez vite maintenant, en raison de l'urgence, la France sera présente.\
QUESTION.- Je souhaiterais vous poser une question qui n'a qu'un rapport lointain avec ce voyage. A l'heure qu'il est des manifestations très importantes se poursuivent en Allemagne de l'Est, le parti communiste hongrois vient de se dissoudre lui-même. Je voudrais savoir quelle est l'importance que vous donnez à ce phénomène d'une part, et d'autre part si la France, l'Europe doivent aider à cette marche vers la démocratie et comment, le cas échéant ?
- LE PRESIDENT.- Tout ce qui se passe aujourd'hui en Europe de l'Est est à l'évidence considérable et déterminant. Le ministre des affaires étrangères, M. Roland Dumas, a pu dire que c'était l'événement le plus important depuis la fin de la dernière guerre mondiale et je ne suis pas loin de partager ce sentiment. Je me souviens d'avoir réuni mes collaborateurs en 1981 après mon élection et leur avoir dit de porter leur regard de ce côté là et qu'avant la fin du siècle, il devrait normalement s'y passer des événements de grande ampleur. J'y pense depuis longtemps. Que cette évolution se déroule de façon différente ici et là, c'est le propre même de ce développement qui n'est pas un développement dirigé, ce n'est pas planifié. Cela répond au tempérament des peuples, à l'état d'esprit de leurs dirigeants, à l'état de mûrissement de la pensée démocratique, ou bien si vous voulez à l'état de refus d'un système totalitaire. Vous avez vu de quelle façon la Pologne et la Hongrie, de façon différente, ont procédé, puisque dans un cas il y a désormais un gouvernement conduit par quelqu'un qui échappe à la doctrine marxiste-léniniste et de l'autre la disparition du parti communiste ou du moins, même s'il doit toujours en exister un, les éléments dirigeants de ce pays entendent conduire une formation politique nouvelle qui se dit socialiste. Donc c'est différent. C'est différent en Tchécoslovaquie, c'est différent en Bulgarie, c'est différent en Roumanie, c'est différent en Allemagne de l'Est. Il y a ceux qui vont de l'avant et il y a ceux qui résistent. Ceux qui vont de l'avant n'agissent pas de la même façon. C'est le propre d'une situation en pleine transformation, à partir de l'évolution interne de l'Union soviétique. Pour ceux qui ont vécu comme moi la période de 1956 pour la Hongrie et du lendemain de la guerre pour la Tchécoslovaquie, pour ceux qui ont connu les coups durs ici ou là et notamment à Berlin, ce qui se déroule aujourd'hui semble répondre à un processus impérieux, à une sorte de logique interne à laquelle ces pays ne pouvaient pas échapper. Il y avait l'autorité suprême, le contrôle militaire, la doctrine qui émanait de Moscou. Dès lors que Moscou entend faciliter la démarche vers plus de liberté et d'indépendance nationale dans les pays dont nous parlons, tout change £ c'est ce qui se passe.\
`Suite sur la marche vers la démocratie en Europe de l'Est`
- La deuxième question que vous m'avez posée, c'est : faut-il aider ? Bien entendu. De quelle façon ? Il faut être prudent. Il ne peut pas y avoir d'intervention directe, mais par des prises de position, par la manière dont nous devons comprendre en France qu'il convient de soutenir les efforts de M. Gorbatchev en Union soviétique. Ne pas hésiter à passer des accords économiques, à s'entendre pour la formation des cadres, à faciliter les démarches de caractère international notamment dans le domaine du désarmement. Tout cela contribue sans doute à apaiser un certain nombre d'inquiétudes qui pourraient naître sur le plan international ou à décharger l'Union soviétique d'un certain nombre de pesanteurs.
- Le même raisonnement vaut pour les autres et pour l'instant, puisque ce sont des pays qui se sont carrément orientés vers une démarche plus démocratique, la Pologne et la Hongrie. C'est ce que la France a fait parmi les premiers pays d'Europe et du monde à l'égard de la Pologne, puisque lorsque je suis allé voir les autorités de ce pays, notamment M. Jaruzelski, la France n'a pas hésité à accorder un rééchelonnement de la dette pour 7,5 milliards de francs et accorder des crédits à moyen terme et à court terme pour 650 millions de francs. D'autres pays ont fait des gestes et, tout récemment, les Etats-Unis d'Amérique, mais la France a été tout de suite au premier rang. Avec la Hongrie, cela fait de grands pays du tiers monde ou d'Amérique latine comme l'Argentine. C'était comme cela, c'est comme cela et ce sera comme cela, parce que ce sont des intérêts qui se contredisent en raison de la qualité des mêmes productions. Ce n'est pas parce que l'Europe sera unifiée après 1992 que le problème changera. Aussi participe-t-on à ce que l'on appelle l'Uruguay Round pour réduire au maximum les tensions qui peuvent naître de ces compétitions commerciales. Je crois, au contraire, que l'Europe sera plus apte à soutenir ceux qui en ont besoin dans le reste du monde, car elle y gagnera elle-même de la force. Elle est déjà la première puissance commerciale du monde, mais elle ne tire pas grand avantage de cette situation première. Il n'y a pas de volonté politique. Elle pourrait être au premier rang technologique, au premier rang industriel. La somme des crédits qu'elle consacre à la recherche est plus importante que les crédits de recherche japonais ou américains, mais comme il n'y a pas d'unité politique, ces crédits vont un peu dans tous les sens. L'Europe ne change pas de nature. Au contraire, je le répète, la Communauté plus forte pourra contribuer au règlement d'un certain nombre de problèmes européens et pourra contribuer au règlement des problèmes dans les relations avec les pays du Sud et avec le tiers monde.
- Quand je disais tout à l'heure qu'il fallait engager un dialogue, économique surtout, entre la Communauté européenne et l'Amérique latine, j'espère que cela se fera. Je vais tenter de lancer ce train-là pendant ma présidence, mais si l'Europe était dans la situation où elle sera après 1992, ce serait beaucoup plus facile. La constitution d'une Europe plus unie réduira d'une façon importante le chômage, libérera des forces multiples qui pourront être employées à porter réponse au problème de l'endettement. Voilà pourquoi je pense que votre vue est pessimiste et je ne la partage pas.\
QUESTION.- (plusieurs questions en même temps).
- LE PRESIDENT.- Je vois beaucoup de doigts qui se lèvent. Aurons-nous le temps ? Qu'est-ce que vous voulez ? Je n'ai pas à me plaindre. Depuis 1981, nous sommes en 1989, le Seigneur tout puissant a bien voulu que je ne sois pas dans la situation de passer une matinée alité, en proie à des maux que je prévois pas. Alors, quand il arrive un petit quelque chose, je suis tout surpris. Mais comme j'ai l'esprit philosophique, je sais quand même que cela arrivera un jour. Je reviens donc là-dessus £ je crois que cela va plutôt bien et je suis disposé à rester une heure de plus avec vous. Mais c'est autre chose qui est en cause, ce n'est pas moi. Est-ce que l'emploi du temps le permet ?\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- Il y a des accords signés mais il y a des accords plus importants qui sont en train. Pour l'instant, sur la base des informations et des décisions que j'ai communiquées à M. le Président du Venezuela, beaucoup de choses sont en train. D'ailleurs, le Président m'a lui-même apporté des éléments d'information lorsqu'on a parlé tout à l'heure du nickel, lorsqu'on a parlé du pétrole, lorsqu'on a parlé des chemins de fer. Et du côté français, il en va de même. Nous sommes tout à fait prêts à engager dans les semaines qui viennent un certain nombre d'actes diplomatiques qui permettront de developper les échanges, et je l'espère pour vous, de rétablir un certain équilibre du commerce extérieur. Je suis venu dans cet esprit et pour cela. Comme je le disais tout à l'heure au Président et aux ministres que je rencontrais, les voyages servent souvent à cela. Moi je ne viens pas ici pour faire du commerce. Ce serait un peu difficile que les chefs d'Etat se rencontrent uniquement pour cela, mais une telle rencontre peut servir d'accélérateur ou d'élément de détermination. Par exemple, je faisais remarquer que pour deux ou trois dossiers importants touchant précisément au crédit, les ministres des finances de tous les pays, y compris le vôtre, ne lâchent jamais rien. A un moment donné, il faut que quelqu'un décide pour eux. Lorsque le chef de l'Etat se déplace, vous n'imaginez pas l'efficacité que peut représenter un coup de téléphone adressé de Caracas à Paris pour dire "écoutez, je suis là avec le Président Carlos Andrès Perez, il faut me répondre tout de suite" et généralement on me répond. Ce qui risquerait de durer longtemps en temps normal. Voilà pourquoi les voyages sont un détonateur. Cela permet de régler ou de mettre en chantier un certain nombre de questions qui autrement resteraient dans les oubliettes. Voilà pourquoi ce voyage - je l'espère - sera utile pour la France, mais aussi pour le Venezuela.\
QUESTION.- Monsieur le Président, j'aimerais vous poser une question sur la drogue. Quelle mesure prendriez-vous si vous aviez la preuve que les banques françaises jouent un rôle dans le blanchiment de l'argent de la drogue ?
- LE PRESIDENT.- Elles mériteraient des sanctions radicales. Elles seraient considérées comme criminelles. Elles seraient passibles du droit commun et leur activité professionnelle devrait être gravement atteinte en raison de cela. Il faut être sans pitié dans ce domaine.
- QUESTION.- (en espagnol sur la presse en France et sur Miranda).
- LE PRESIDENT.- D'abord, je vais terminer ma réponse à la question précédente parce qu'il y a un élément que je voudrais ajouter, un élément positif. Il y a des banques qui prennent part au blanchiment de l'argent de la drogue. Cette question-là justifie que soient autorisées les recherches, les enquêtes et les vérifications sur l'origine des fonds dans les banques, partout dans le monde. J'arrête là ma réponse, mais cela me paraissait important de vous le dire.\
Vous me posez maintenant une question sur le rôle de la presse en France. Ecoutez, les journalistes français sont là. Moi, je n'ai pas spécialement à me plaindre et je ne suis pas spécialement à plaindre. Je suis l'objet d'attaques, naturellement. Disons que beaucoup d'entre elles me paraissent insignifiantes, d'autres me paraissent inopérantes, quant à celles qui me paraissent fondées, sur la façon dont fonctionnent les institutions sur la pratique des choses, j'en tiens compte. Quant à celles qui me visent personnellement, cela ne me gêne pas beaucoup, parce que je suis sûr de moi. En revanche, je trouve très bon, parce que c'est un pays démocratique, qu'il y ait beaucoup de cliquetis, d'articles, de propositions, de critiques sur les problèmes de fond et il y en a beaucoup en France. De ce point de vue, nous pouvons dire que nous avons une presse intelligente, intéressante. Mais moi je fais une partie de mon miel avec la lecture des journaux. Je me souviens d'avoir dit aux journalistes français qu'ils m'avaient même aidé plusieurs fois dans la constitution de certains gouvernements en faisant des suggestions. Je me dis alors "tiens je n'y avais pas pensé ". C'est cela, cette espèce de confrontation permanente. La presse française se tient bien. Elle a un certain sens de la déontologie. Cela dérape parfois, certains journaux, mais ils ne sont pas considérés. Ceux qui sont considérés comme disposant d'une certaine tenue morale, écrivent ce qu'ils ont à écrire. Je n'en ai pratiquement jamais éprouvé d'embarras. Cela m'arrive sur le moment de réagir, de dire "ils exagèrent, ils engagent des campagnes qui peuvent être choquantes" et puis vous savez, le peuple de France se charge de déterminer par son vote lorsqu'il y a des élections, de telle sorte que c'est lui qui sert d'arbitre. Le rôle de la presse est indispensable. On mesure la capacité démocratique d'un pays au degré de liberté de la presse. Alors il faut être très respectueux de ces choses.
- Quant au rôle de Miranda, j'ai reçu ce matin un livre très intéressant sur Miranda que j'ai lu à chacun de mes moments de disponibilité. Je n'ai pas fini, naturellement. C'est un gros livre. Je continuerai ce soir et demain dans l'avion. Je connaissais un peu son destin, mais surtout sous son angle français. On voit la multiplicité du personnage qui parlait - me disait-on ce matin - au moins 9 langues dont le grec et le latin, mais aussi le turc et je ne sais quelles autres langues. C'était un esprit qui poussait constamment à l'aventure. Il a guerroyé un peu partout, pour finir tristement dans une prison espagnole. C'est lui qui a signé l'acte de libération du Venezuela. Il était déjà un homme mûr et responsable quand Bolivar était un jeune homme. C'est-à-dire que cela représente une continuité très importante dans l'histoire de l'Amérique latine et en particulier du Venezuela. C'est un grand homme. Il fait partie des grands hommes du siècle, et je pense que son message parfois contradictoire mérite d'être soumis à l'attention de tous vos écoliers, parce que c'est un bel exemple de courage, d'anticipation intellectuelle et de dévouement à la chose publique.\
QUESTION.- (En espagnol sur l'Allemagne).
- LE PRESIDENT.- Je ferai juste un correctif. Le problème de la réunification allemande n'est pas posé depuis ce transfert de population volontaire de l'Allemagne de l'Est vers l'Allemagne fédérale. Il est posé depuis le premier jour. Il a repris une actualité déjà depuis plusieurs années. C'est un problème inhérent au peuple allemand, qui souffre dans sa conscience profonde d'avoir été dévisé par le malheur des temps, par le malheur de la guerre. Ce problème est devenu plus actuel en raison de la situation que vous venez de décrire. Les données fondamentales n'en ont pas pour autant changé.
- Les puissances qui ont pris part aux accords qui ont suivi la guerre sont-elles prêtes à cette unification ? La question se pose essentiellement à l'Union soviétique. Déjà le Président des Etats-Unis a exprimé une pensée plutôt favorable à cette hypothèse. L'Angleterre et la France ont chaque fois répété que cette démarche du peuple allemand ou cette aspiration, étaient naturellement légitimes. Mais elles ont toujours ajouté que cela ne pouvait se passer que dans la paix. On pouvait considérer pendant longtemps, j'espère que ce n'est plus le cas, que le problème de l'unification allemande était un cas de guerre en Europe. Il faut que cela se passe pacifiquement, il faut que cela se passe démocratiquement. Et la différence des systèmes politiques, économiques, sociaux, philosophiques entre les deux Allemagnes doit être résolu avant de considérer que les choses sont acquises. Il y a donc un problème de l'équilibre international, à l'intérieur de l'Europe, et un problème interne aux deux Allemagnes. Il n'empêche que ce problème est posé. Tant qu'il ne sera pas résolu, il continuera de hanter les consciences. Plusieurs ministres, en effet, vous l'avez dit, se sont exprimés en France. Ils avaient raison de s'exprimer comme ils l'ont fait. Je pense que la construction de la Communauté européenne peut apporter un élément de contribution, et même de réponse, à ce que deviendrait le problème allemand en cas de réunification. Il ne faut donc pas perdre de temps pour donner à l'Europe de la Communauté les structures dont elle a besoin.\
- QUESTION.- Monsieur le Président, depuis hier, chaque fois que nous sommes en contact avec nos rédactions à Paris, la même question revient, comment va le Président, suite à votre coup de fatigue à l'aéroport de Caracas ? Pouvez-vous rassurer nos rédactions à Paris à ce propos ?
- LE PRESIDENT.- Ca va. J'ai l'impression d'avoir eu un début d'insolation. Donc imprévisible, puis ça c'est arrêté là. Je continue tout à fait normalement ce voyage, qui, comme tous les voyages à l'étranger est un voyage rempli d'obligations que j'accomplis avec plaisir. Que voulez-vous que je puisse dire d'autre. Pour le reste j'ignore autant que vous. Est-ce que vous vous portez bien ? Comment serez-vous demain ? Ce n'est pas la seule question, je pense ? Je suis très sensible en tout cas à votre question et je vous remercie. Cela fait toujours plaisir de voir des gens qui s'intéressent à votre santé. Mais la vie internationale ne s'arrête pas là.\
QUESTION.- En tant que leader des sept puissances industrielles, est-ce que vous pensez que c'est possible d'appliquer à l'Amérique latine une sorte de plan Marshall comme l'avait proposé le Président Perez à l'Assemblée des Nations unies ?
- LE PRESIDENT.- Le terme plan Marshall entraîne automatiquement l'esprit vers des formes qui ne seraient plus de mise aujourd'hui. Mais, ce que vous voulez dire, je crois bien le comprendre, c'est un plan d'envergure mondiale qui engagerait toutes les puissances en mesure de l'alimenter financièrement et qui irait à destination de ceux qui ont besoin de passer la crise de l'endettement. De ce point de vue je vous dis oui, je suis tout à fait d'accord. J'ai pris part aux propositions multiples qui se sont élevées ici et là. Donc je répondrai simplement, oui je pense que la Communauté européenne devrait donner l'exemple. Elle ne pourrait résoudre ces problèmes par ses seuls moyens, mais elle pourrait entrainer sans doute bien d'autres pays dont la situation industrielle est forte. Donc je vous donne mon accord.\
QUESTION.- Sur la dette.
- LE PRESIDENT.- Il y a des pays qui ne trouveront d'ici longtemps aucune ressource en eux-mêmes. Ces pays sont généralement compris dans une liste des pays du monde les moins avancés. D'autres pays pauvres ne peuvent pour cette génération compter que sur les autres, indépendemment, bien entendu, de l'apport qu'ils doivent faire par leur sens de l'organisation et par leur capacité de travail. Mais il en est beaucoup d'autres, surtout ceux dont nous parlions qui ne sont pas à proprement parler des pays pauvres, qui sont des pays dotés, quelque fois, de très grandes richesses naturelles, de matières premières recherchées, qui disposent de cadres formés, d'éléments de pointe scientifiques et technologiques, de classes moyennes industrieuses, et qui, simplement supportent les conséquences d'un certain nombre d'événements que je n'ai pas le temps d'analyser et pour certains d'entre eux, de mauvaises organisations politiques. Ces pays-là, bien dirigés, démocratiquement, par des hommes et des femmes responsables, doivent pouvoir dans un délai relativement bref, reprendre le dessus. Grâce à des concours extérieurs, mais appuyés sur une perspective certaine du développement des richesses naturelles et du travail d'un peuple. Je range la plupart sinon tous les pays d'Amérique latine, dans ce cas. On appelle ces pays-là, dans le langage habituel : des pays "intermédiaires". Ils sont endettés, parfois lourdement endettés, de façon différente. Les uns endettés à l'égard des banques privées, les autres en s'adressant aux institutions internationales publiques. Mais cet endettement qui les écrase, leur interdit d'espérer se redresser par eux-mêmes sans avoir à affronter les mouvements sociaux provoqués par les pénuries économiques. C'est vrai que les institutions internationales qui sont gérées sagement mais selon des règles très strictes imposent des conditions qui peuvent elles-mêmes précipiter l'échec des démocraties, les mouvements de révolte, les mouvements sociaux et le désordre politique. Là n'est donc pas la solution. Mais, peut-être, dans la constitution d'une sorte de plan mondial avec la création de caisses multilatérales alimentées par de l'argent frais, qui viendrait alléger la charge des débiteurs tout en assurant le remboursement des créanciers à des conditions à déterminer.
- Je pense à la situation de pays comme le Venezuela, qui a une dette lourde et qui est essentiellement due à des banques privées. Ce qui rend parfois l'accord plus difficile. Ce sont des pays riches de réalités virtuelles, et donc riches d'avenir avec comme instrument de redressement des équipes sérieuses au pouvoir, un système de contrôle démocratique, des élites tout à fait remarquables, des instituts de formation scientifique de premier plan, des classes moyennes actives et des réserves considérables dans leur sous-sol. On doit pouvoir examiner leur situation avec optimisme, à la condition d'allumer le moteur, d'éviter que le poids de la dette ne vienne les asphyxier avant qu'ils n'aient eu le temps de faire avancer ce redressement avec le concours de tous ceux qui peuvent, comme la Communauté européenne et les grands pays industriels, qui disposent de capitaux et de crédits.\
QUESTION.- (Sur la cohabitation - les affaires : Pechiney, Société générale - négociation de la libération des otages par Jacques Chirac, l'avion d'UTA, Greenpeace...).
- LE PRESIDENT.- Vous venez de vous livrer à une analyse, à une diatribe qui touche à tellement de sujets qu'il m'est difficile de vous répondre brièvement.
- Vous avez commencé par comparer la situation du Président Carlos Andrès Perez et la mienne. C'est vrai que nous sommes, tous les deux, deux Présidents réélus et s'il a fallu dix ans au Président Carlos Andrès Perez pour être réélu, alors que moi je n'ai pas eu besoin de transition, c'est parce que nos constitutions comportent des dispositions différentes. Je dois dire que si j'avais dû attendre dix ans pour pouvoir être réélu conformément aux règles de la constitution vénézuélienne, il est probable que je n'aurais pas insisté. Donc, la situation est différente. Vous me demandez d'abord de faire des comparaisons de caractère institutionnel. Nous continuons d'être un régime parlementaire et non pas un régime présidentiel. Que dans la constitution française il y ait certaines ambiguités, sans aucun doute, mais en fait la base du système est parlementaire. C'est-à-dire que le gouvernement peut toujours être renversé par l'Assemblée nationale et le gouvernement est issu de la majorité de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas un cabinet qui est souverainement nommé par le Président de la République qui ne serait responsable que devant lui, alors que dans un certain nombre d'autres régimes, comme c'est le cas du Venezuela, le gouvernement est responsable devant son Président. Avantages, inconvénients, c'est davantage une affaire de moeurs, de tradition, d'usage, difficile à trancher. Moi, je ne suis pas du tout fâché d'avoir un Premier ministre. Je dirai même que cela permet une division des tâches qui correspond assez au tempérament national de la France et aux traditions de la République. Le Président de la République en France peut intervenir en toute matière. Mais la gestion quotidienne ne lui appartient pas. Il n'a pas de gestion directe, le cabinet qui m'entoure ne gère pas les ministères. Je veille à ce qu'il ne soit pas une sorte de ministère en double, ce qui serait très fâcheux pour la bonne conduite des affaires. En revanche, toutes les grandes décisions de tous ordres, y compris de politique intérieure et économique, sont débattues, présentées par le Premier ministre au Président de la République et débattues entre eux avant que les décisions ne soient prises.\
`Suite sur le régime présidentiel`
- Il n'y a pas ce que l'on appelle de secteur réservé en France - il y en a eu -, je veux dire les domaines dans lesquels le Président de la République est seul maître et juge de la décision, mais il y a des dispositions constitutionnelles qui font que le Président de la République a une sorte de primauté dans plusieurs domaines, celui de la sécurité publique, celui de la défense des institutions, celui des affaires étrangères, celui de la défense, le Président de la République est notamment le chef des armées.
- Le problème de la bonne harmonie entre le Président de la République et le Premier ministre est un problème très important. Vous aviez raison lorsque vous avez embrayé sur la question plus concrète des événements qui se sont produits en France lorsqu'il y avait une majorité parlementaire opposée à celle qui avait élu le Président. C'est-à-dire en 1986. Dès lors qu'il n'y a pas de régime présidentiel, il faut bien vivre avec, s'accommoder dans l'intérêt de la République et des intérêts de la France. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille renoncer à ses convictions sur les choses essentielles.
- On peut dire que la politique étrangère de la France a été préservée, ainsi que la politique de défense, de toute dispute inutile pendant ces deux années là. Cela a été naturellement plus facile après, avec le gouvernement proposé par le Premier ministre que j'avais moi-même désigné au sein de la majorité représentative de mes propres options. De toute manière, c'est le Président de la République qui choisit le Premier ministre quel qu'il soit, en toute circonstance.\
Vous avez parlé d'une part de la libération des otages et puis maintenant de l'explosion de l'avion d'UTA, je ne vois pas très bien le rapport. Il y a déjà eu malheureusement d'autres actes terroristes de grande envergure à l'encontre des intérêts français et des vies françaises dans les années précédentes. Cela fait déjà quelque temps que nous étions, de ce point de vue, à l'écart de ces grandes tragédies. Mais qui peut se dire à l'abri durablement. Quelle est la pensée des terroristes ? Quels objectifs poursuivent-ils ? Quelle est leur volonté ? Comme il ne peut pas être question de se soumettre à cette volonté-là, aux impositions du terrorisme national ou international, forcément, un pouvoir courageux et sur des intérêts qu'il a le devoir de défendre, ne peut pas faire de compromis. Donc, il peut toujours y avoir des attentats de ce genre. Quitte à ce que nos forces de sécurité soient toujours en éveil, ce qui est le cas. Peut-on dans un pays de 56 millions d'habitants, avec un territoire assez vaste et des intérêts répandus dans le monde entier assurer que cette protection sera toujours maîtresse des choses ? personne le prétend.\
Vous avez parlé ensuite de Greenpeace et de l'environnement, je ne vois pas très bien le rapport, car le problème de l'environnement est posé, selon nous, en termes inexacts par les défenseurs de l'environnement. Vous vouliez dire Mururoa, c'est-à-dire les explosions nucléaires dans une petite île du Pacifique sud. En effet, il y a une campagne menée par Greenpeace sur le plan international contre ce genre d'expériences. Je vous ferai remarquer que Greenpeace était actif, diligent à l'égard des expériences françaises, je n'ai encore jamais entendu parler de démarches concernant les expériences américaines ou anglaises, ou les expériences soviétiques. Et pourtant, nous en France, nous sommes plus proches des champs d'expériences soviétiques que ne le sont la Nouvelle-Zélande et l'Australie du champ d'expériences de Mururoa. Il y a beaucoup plus d'expériences soviétiques, américaines, peut-être anglaises, qu'il n'y a d'expériences françaises. J'aimerais donc que dans cette lutte, si lutte il doit y avoir, la France ne soit pas désignée comme bouc-émissaire.
- Quant à l'attentat malheureux contre le bateau de Greenpeace en Nouvelle-Zélande, à aucun moment cela n'a été le fruit d'une décision du gouvernement de la République, mais l'action insupportable et finalement criminelle, même si telle n'était pas l'intention, de services qui ont agi en la circonstance à un niveau que j'ignore et qui n'engage pas la responsabilité des pouvoirs publics français.\
Que peut-on dire maintenant ? Que vos institutions sont meilleures que les nôtres, les nôtres meilleures que les vôtres ? Je crois qu'il faut toujours s'habituer à devoir, le cas échéant, cohabiter. J'ai dit à un moment donné : un seul parti ne peut pas gouverner je crois que c'est une notion saine, je ne veux pas dire qu'un seul parti ne doit pas avoir la majorité absolue, toujours souhaitable. Mais s'il avait la majorité absolue, il doit discuter avec d'autres formations politiques pour que le gouvernement de la France ne repose pas sur la pointe de la pyramide, qu'il y ait vraiment un certain nombre de Français qui se sentent directement engagés par la conduite des affaires du pays. Je ne vous dirai rien d'autre, sinon que nos institutions fonctionnent correctement, actuellement, déjà depuis longtemps, et sans proposer ces institutions en modèle - j'ai voté contre quand elles ont été adoptées - je ne suis pas leur défenseur, mais il y a façon et façon de faire. Les mêmes institutions permettaient que la Présidence de la République décide de tout à certains moments, et à d'autres moments, elles permettaient aussi parce qu'elles sont souples, au Président de la République de réaménager un équilibre sérieux, raisonnable et juste entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le législatif, trop puissant jusqu'en 1958, a été ignoré, délaissé après 1958. Il faut que le législatif en France retrouve le rôle qui doit être le sien, et cependant il ne faut pas que l'exécutif soit à la merci de la moindre mauvaise humeur d'un Parlement. Voilà, il est difficile après avoir dit la théorie de définir la pratique, ça c'est ma responsabilité quotidienne, vous jugerez après coup.\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- Vous avez eu raison de distinguer l'élément multilatéral de l'élément bilatéral. C'est vrai que la France ne peut pas sur le plan international se substituer à l'ensemble des pays disposant de capitaux. Nous ne serions pas en mesure de le faire, nous avons déjà une charge très lourde, particulièrement à l'égard de nos amis africains dont nous avons effacé la dette pour trente-cinq d'entre eux, la dette publique, bien entendu, et nous avons comme cela des obligations un peu partout dans le monde qui sont prioritaires.
- Je ne peux donc pas décider pour les autres, et c'est vrai que depuis plus de huit ans, je mène une campagne qui rencontre encore bien des résistances et bien du scepticisme auprès de mes principaux partenaires. Je ne dis pas qu'il faille agir comme naguère, on n'est pas obligé de recommercer Cancun, d'avoir un grand débat à l'Assemblée des Nations unies qui n'aurait pas pouvoir de décision : il y a des institutions internationales qui remplissent leur mission, fonds monétaire international, banque mondiale, etc. Il y a des institutions proprement européennes dont la France fait partie mais ce n'est qu'un élément parmi d'autres. Cependant les propositions que je fais au nom de la France font des progrès. Je me souviens qu'en 1982 à Versailles, lorsque j'avais proposé une sorte de concertation sur les monnaies, cela avait été accueilli plutôt mal par nos partenaires, c'était l'époque d'un libéralisme à outrance et au cours des années qui ont suivi, aussi bien en 1985 qu'en 1986 et 1987 et encore aujourd'hui, les grandes banques et les grands pays industriels sont conduits à se concerter sur la manière d'agir et de peser sur les monnaies. Ils ne font pas assez, selon moi, mais ils le font £ il y a là une ouverture intéressante. De même, j'ai proposé, je le rappelle souvent, au Sommet des Pays industrialisés à Toronto, puis à la tribune des Nations unies, plusieurs systèmes de réduction de rééchelonnement de la dette pour tous les pays du monde, pour tous les pays endettés. J'ai proposé un système qui n'a pas encore été retenu et dont l'idée centrale est de disposer d'une caisse multinationale qui recevrait des fonds, de l'argent neuf, de l'argent frais et qui se substituerait aux pays débiteurs pour garantir toute une partie de l'encours : tout cela fait des progrès et je ne suis pas pessimiste sur le résultat final. Malheureusement, cela risque de prendre trop de temps, et pendant ce temps, un certain nombre de pays sont asphyxiés et à quoi servira-t-il d'essayer de les secourir lorsqu'ils auront péri. Alors il faut hâter l'allure. Je plaide donc, je suis comme l'avocat d'une bonne cause qui défend des gens qui méritent qu'on les aide, mais le jury ou le tribunal est distrait ou bien il a d'autres choses en tête, il pense à autre chose, et comme il lui faut de plus prêter la main, accorder de l'argent, prendre les risques, bien entendu, beaucoup sont encore assez réservés. Mais là encore, j'observe des progrès, c'est vrai que le plan Brady est loin d'équivaloir au plan que j'avais moi-même déposé. Mais c'est vrai aussi que l'idée d'une intervention internationale permettant d'aboutir à réduire la dette est aujourd'hui dans tous les esprits. C'est vrai que la démarche cas par cas n'est pas la même que celle que je préconise d'une vue plus globale des choses mais l'idée d'intervenir, d'aider et de se concerter est quand même dans l'air. Voilà pourquoi je continue, partout où je me rends, à développer les mêmes idées au risque de me répéter, d'apparaître comme maître d'un discours lassant, et c'est comme cela qu'on se fait entendre, et pas autrement. Cependant à l'intérieur des aides multilatérales, la France intervient.\
`Suite sur les problèmes de la dette`
- C'est ainsi que j'ai indiqué à M. le Président du Venezuela que dans la situation où se trouve le Venezuela qui pourrait très utilement se voir attribuer des prêts relais, de quoi faire la soudure avant de pouvoir relancer véritablement l'économie vénézuélienne qui en a le moyen. Nous avons fait des démarches auprès de la Banque des règlements internationaux, nous allons définir un plan de contribution et nous avons, dès le point de départ, annoncé que la France était prête à assumer sa part pour cent millions de dollars. Il suffit de quelques partenaires pour qu'en multipliant par cinq, on arrive à cinq cents millions. C'est d'ailleurs comparable aux chiffres déjà obtenus dans le cadre des négociations engagées par le Venezuela avec l'ensemble des grandes banques, banques américaines, mais aussi quelques banques françaises. De ce point de vue, vous avez fait une observation en disant que des banques françaises étaient assez réticentes. Il ne faut pas dire exactement la même chose de toutes. Il s'agit en l'occurence essentiellement de la Société générale qui ne participe pas, de Paribas qui participe mais selon le Venezuela, pas assez, et du Crédit Lyonnais qui participe d'une façon beaucoup plus acceptable toujours aux yeux du Venezuela. Voyez, le jugement apporté sur les banques ne peut pas être identique. Le Crédit Lyonnais est une banque qui continue d'être nationale, les autres sont devenues des banques privées et les moyens d'agir sont d'un ordre différent. Cependant dans les relations entre le Venezuela et la France, c'est-à-dire dans ce que l'on peut appeler le bilatéral, un certain nombre de choses sont en train. On a signé tout à l'heure toute une série d'accords et sur le plan directement financier à l'égard de l'endettement, je vous indiquais indépendemment des cent millions de dollars que la France est prête à verser dans le cadre de la banque des règlements internationaux, nous sommes prêts aussi à des versements de crédit, un crédit à court terme, indépendemment de la masse des crédits à moyen terme.
- Pour l'instant on a retenu une somme de cinq cents millions de francs, en tentant aussi de développer les échanges entre le Venezuela et la France, c'est-à-dire en développant ces prêts autour de projets tout à fait concrets dont nous avons à débattre. Ces sommes, à quoi seront-elles destinées ? A pousser des projets dans lesquels nos intérêts communs sont en cause, et de ce point de vue, le Venezuela est extrêmement ouvert et nous avons déjà esquissé un certain nombre d'idées au cours des conversations de ce matin et de cet après-midi qui sont très prometteuses. Voilà ce que je peux vous dire, madame, je pense pouvoir réaffirmer que la position de la France est très ouverte et que nous avons bien l'intention d'engager la Communauté européenne, - je la préside présentement - à soutenir un débat qui doit avoir lieu un jour ou l'autre, et donc le plus tôt possible, entre cette même communauté et les pays d'Amérique latine et particulièrement le Venezuela.\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- C'est un sujet dont on discute depuis longtemps en France qui n'est pas sans intérêt. C'est-à-dire élire les maires au suffrage universel direct pour eux-mêmes, c'est ainsi que je comprends votre question, lorsque les maires sont élus au suffrage universel, ils sont élus avec les autres conseillers municipaux, ils sont conseillers municipaux, et ensuite c'est le conseil municipal qui choisit en son sein celui qui sera maire. L'un des projets consisterait à faire que les maires soient eux-mêmes élus directement au suffrage universel. Je ne crois pas qu'il y ait de projet en forme dans ce sens. C'est encore un débat d'idées entre spécialistes du droit constitutionnel et administratif. Je n'ai pas fixé de position, quelque fois je suis tenté par cela, d'autre part la tradition municipale française fonctionne bien, si bien que pour nous, ce n'est pas un projet actuel. Quant à a apprécier l'expérience vénézuélienne si vous avez estimé, vous, qu'il vaut mieux procéder directement à l'élection du maire, comme cela se fait dans d'autres pays, pourquoi pas ! C'est une pratique aussi démocratique que l'autre. Quant au choix de la procédure, cela dépend des tempéraments et des traditions.\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- Oui, nous avons bien entendu beaucoup parlé le Président Carlos Perez et moi-même, nous sommes amis depuis de longues années, plus de quinze ans. Nous appartenions à la même internationale socialiste, où nous nous rencontrions régulièrement. Je suis venu le voir lorsqu'il a assuré son premier mandat, en 1976, c'est donc une conversation qui reprend sur un terrain déjà balisé, et cette fois-ci parmi les sujets que nous avons traités, parfois à bâtons rompus, il y a eu en effet celui de Haïti, mais ces quelques mots ont été échangés à propos de Panama sur lequel je ne crois pas trahir sa pensée, le Président du Venezuela a estimé que ce coup d'Etat dont l'issue a été malheureuse, risque d'engager un processus d'intervention étrangère qui pourrait être dommageable dans l'ensemble de l'Amérique latine, indépendamment de l'opinion que l'on se fait sur les hommes, mais sur la manière dont est conduit ce pays et sur la manière dont se sont déroulées les élections et le résultat, tout cela c'est une autre affaire. Mais si le Président Perez a des choses à vous dire, il vous le dira lui-même.
- Pour Haïti, il m'a proposé une initiative commune pour que se réunissent les pays de la région caraïbe et la France en particulier. Haïti, comme vous le savez, est francophone. J'ai approuvé cette idée. Un certain nombre de préparatifs doit être mis au net avant que l'on ne donne le top de départ pour cette rencontre, mais le jour où cela serait fait, c'est-à-dire assez vite maintenant, en raison de l'urgence, la France sera présente.\
QUESTION.- Je souhaiterais vous poser une question qui n'a qu'un rapport lointain avec ce voyage. A l'heure qu'il est des manifestations très importantes se poursuivent en Allemagne de l'Est, le parti communiste hongrois vient de se dissoudre lui-même. Je voudrais savoir quelle est l'importance que vous donnez à ce phénomène d'une part, et d'autre part si la France, l'Europe doivent aider à cette marche vers la démocratie et comment, le cas échéant ?
- LE PRESIDENT.- Tout ce qui se passe aujourd'hui en Europe de l'Est est à l'évidence considérable et déterminant. Le ministre des affaires étrangères, M. Roland Dumas, a pu dire que c'était l'événement le plus important depuis la fin de la dernière guerre mondiale et je ne suis pas loin de partager ce sentiment. Je me souviens d'avoir réuni mes collaborateurs en 1981 après mon élection et leur avoir dit de porter leur regard de ce côté là et qu'avant la fin du siècle, il devrait normalement s'y passer des événements de grande ampleur. J'y pense depuis longtemps. Que cette évolution se déroule de façon différente ici et là, c'est le propre même de ce développement qui n'est pas un développement dirigé, ce n'est pas planifié. Cela répond au tempérament des peuples, à l'état d'esprit de leurs dirigeants, à l'état de mûrissement de la pensée démocratique, ou bien si vous voulez à l'état de refus d'un système totalitaire. Vous avez vu de quelle façon la Pologne et la Hongrie, de façon différente, ont procédé, puisque dans un cas il y a désormais un gouvernement conduit par quelqu'un qui échappe à la doctrine marxiste-léniniste et de l'autre la disparition du parti communiste ou du moins, même s'il doit toujours en exister un, les éléments dirigeants de ce pays entendent conduire une formation politique nouvelle qui se dit socialiste. Donc c'est différent. C'est différent en Tchécoslovaquie, c'est différent en Bulgarie, c'est différent en Roumanie, c'est différent en Allemagne de l'Est. Il y a ceux qui vont de l'avant et il y a ceux qui résistent. Ceux qui vont de l'avant n'agissent pas de la même façon. C'est le propre d'une situation en pleine transformation, à partir de l'évolution interne de l'Union soviétique. Pour ceux qui ont vécu comme moi la période de 1956 pour la Hongrie et du lendemain de la guerre pour la Tchécoslovaquie, pour ceux qui ont connu les coups durs ici ou là et notamment à Berlin, ce qui se déroule aujourd'hui semble répondre à un processus impérieux, à une sorte de logique interne à laquelle ces pays ne pouvaient pas échapper. Il y avait l'autorité suprême, le contrôle militaire, la doctrine qui émanait de Moscou. Dès lors que Moscou entend faciliter la démarche vers plus de liberté et d'indépendance nationale dans les pays dont nous parlons, tout change £ c'est ce qui se passe.\
`Suite sur la marche vers la démocratie en Europe de l'Est`
- La deuxième question que vous m'avez posée, c'est : faut-il aider ? Bien entendu. De quelle façon ? Il faut être prudent. Il ne peut pas y avoir d'intervention directe, mais par des prises de position, par la manière dont nous devons comprendre en France qu'il convient de soutenir les efforts de M. Gorbatchev en Union soviétique. Ne pas hésiter à passer des accords économiques, à s'entendre pour la formation des cadres, à faciliter les démarches de caractère international notamment dans le domaine du désarmement. Tout cela contribue sans doute à apaiser un certain nombre d'inquiétudes qui pourraient naître sur le plan international ou à décharger l'Union soviétique d'un certain nombre de pesanteurs.
- Le même raisonnement vaut pour les autres et pour l'instant, puisque ce sont des pays qui se sont carrément orientés vers une démarche plus démocratique, la Pologne et la Hongrie. C'est ce que la France a fait parmi les premiers pays d'Europe et du monde à l'égard de la Pologne, puisque lorsque je suis allé voir les autorités de ce pays, notamment M. Jaruzelski, la France n'a pas hésité à accorder un rééchelonnement de la dette pour 7,5 milliards de francs et accorder des crédits à moyen terme et à court terme pour 650 millions de francs. D'autres pays ont fait des gestes et, tout récemment, les Etats-Unis d'Amérique, mais la France a été tout de suite au premier rang. Avec la Hongrie, cela fait de grands pays du tiers monde ou d'Amérique latine comme l'Argentine. C'était comme cela, c'est comme cela et ce sera comme cela, parce que ce sont des intérêts qui se contredisent en raison de la qualité des mêmes productions. Ce n'est pas parce que l'Europe sera unifiée après 1992 que le problème changera. Aussi participe-t-on à ce que l'on appelle l'Uruguay Round pour réduire au maximum les tensions qui peuvent naître de ces compétitions commerciales. Je crois, au contraire, que l'Europe sera plus apte à soutenir ceux qui en ont besoin dans le reste du monde, car elle y gagnera elle-même de la force. Elle est déjà la première puissance commerciale du monde, mais elle ne tire pas grand avantage de cette situation première. Il n'y a pas de volonté politique. Elle pourrait être au premier rang technologique, au premier rang industriel. La somme des crédits qu'elle consacre à la recherche est plus importante que les crédits de recherche japonais ou américains, mais comme il n'y a pas d'unité politique, ces crédits vont un peu dans tous les sens. L'Europe ne change pas de nature. Au contraire, je le répète, la Communauté plus forte pourra contribuer au règlement d'un certain nombre de problèmes européens et pourra contribuer au règlement des problèmes dans les relations avec les pays du Sud et avec le tiers monde.
- Quand je disais tout à l'heure qu'il fallait engager un dialogue, économique surtout, entre la Communauté européenne et l'Amérique latine, j'espère que cela se fera. Je vais tenter de lancer ce train-là pendant ma présidence, mais si l'Europe était dans la situation où elle sera après 1992, ce serait beaucoup plus facile. La constitution d'une Europe plus unie réduira d'une façon importante le chômage, libérera des forces multiples qui pourront être employées à porter réponse au problème de l'endettement. Voilà pourquoi je pense que votre vue est pessimiste et je ne la partage pas.\
QUESTION.- (plusieurs questions en même temps).
- LE PRESIDENT.- Je vois beaucoup de doigts qui se lèvent. Aurons-nous le temps ? Qu'est-ce que vous voulez ? Je n'ai pas à me plaindre. Depuis 1981, nous sommes en 1989, le Seigneur tout puissant a bien voulu que je ne sois pas dans la situation de passer une matinée alité, en proie à des maux que je prévois pas. Alors, quand il arrive un petit quelque chose, je suis tout surpris. Mais comme j'ai l'esprit philosophique, je sais quand même que cela arrivera un jour. Je reviens donc là-dessus £ je crois que cela va plutôt bien et je suis disposé à rester une heure de plus avec vous. Mais c'est autre chose qui est en cause, ce n'est pas moi. Est-ce que l'emploi du temps le permet ?\
QUESTION.- (en espagnol).
- LE PRESIDENT.- Il y a des accords signés mais il y a des accords plus importants qui sont en train. Pour l'instant, sur la base des informations et des décisions que j'ai communiquées à M. le Président du Venezuela, beaucoup de choses sont en train. D'ailleurs, le Président m'a lui-même apporté des éléments d'information lorsqu'on a parlé tout à l'heure du nickel, lorsqu'on a parlé du pétrole, lorsqu'on a parlé des chemins de fer. Et du côté français, il en va de même. Nous sommes tout à fait prêts à engager dans les semaines qui viennent un certain nombre d'actes diplomatiques qui permettront de developper les échanges, et je l'espère pour vous, de rétablir un certain équilibre du commerce extérieur. Je suis venu dans cet esprit et pour cela. Comme je le disais tout à l'heure au Président et aux ministres que je rencontrais, les voyages servent souvent à cela. Moi je ne viens pas ici pour faire du commerce. Ce serait un peu difficile que les chefs d'Etat se rencontrent uniquement pour cela, mais une telle rencontre peut servir d'accélérateur ou d'élément de détermination. Par exemple, je faisais remarquer que pour deux ou trois dossiers importants touchant précisément au crédit, les ministres des finances de tous les pays, y compris le vôtre, ne lâchent jamais rien. A un moment donné, il faut que quelqu'un décide pour eux. Lorsque le chef de l'Etat se déplace, vous n'imaginez pas l'efficacité que peut représenter un coup de téléphone adressé de Caracas à Paris pour dire "écoutez, je suis là avec le Président Carlos Andrès Perez, il faut me répondre tout de suite" et généralement on me répond. Ce qui risquerait de durer longtemps en temps normal. Voilà pourquoi les voyages sont un détonateur. Cela permet de régler ou de mettre en chantier un certain nombre de questions qui autrement resteraient dans les oubliettes. Voilà pourquoi ce voyage - je l'espère - sera utile pour la France, mais aussi pour le Venezuela.\
QUESTION.- Monsieur le Président, j'aimerais vous poser une question sur la drogue. Quelle mesure prendriez-vous si vous aviez la preuve que les banques françaises jouent un rôle dans le blanchiment de l'argent de la drogue ?
- LE PRESIDENT.- Elles mériteraient des sanctions radicales. Elles seraient considérées comme criminelles. Elles seraient passibles du droit commun et leur activité professionnelle devrait être gravement atteinte en raison de cela. Il faut être sans pitié dans ce domaine.
- QUESTION.- (en espagnol sur la presse en France et sur Miranda).
- LE PRESIDENT.- D'abord, je vais terminer ma réponse à la question précédente parce qu'il y a un élément que je voudrais ajouter, un élément positif. Il y a des banques qui prennent part au blanchiment de l'argent de la drogue. Cette question-là justifie que soient autorisées les recherches, les enquêtes et les vérifications sur l'origine des fonds dans les banques, partout dans le monde. J'arrête là ma réponse, mais cela me paraissait important de vous le dire.\
Vous me posez maintenant une question sur le rôle de la presse en France. Ecoutez, les journalistes français sont là. Moi, je n'ai pas spécialement à me plaindre et je ne suis pas spécialement à plaindre. Je suis l'objet d'attaques, naturellement. Disons que beaucoup d'entre elles me paraissent insignifiantes, d'autres me paraissent inopérantes, quant à celles qui me paraissent fondées, sur la façon dont fonctionnent les institutions sur la pratique des choses, j'en tiens compte. Quant à celles qui me visent personnellement, cela ne me gêne pas beaucoup, parce que je suis sûr de moi. En revanche, je trouve très bon, parce que c'est un pays démocratique, qu'il y ait beaucoup de cliquetis, d'articles, de propositions, de critiques sur les problèmes de fond et il y en a beaucoup en France. De ce point de vue, nous pouvons dire que nous avons une presse intelligente, intéressante. Mais moi je fais une partie de mon miel avec la lecture des journaux. Je me souviens d'avoir dit aux journalistes français qu'ils m'avaient même aidé plusieurs fois dans la constitution de certains gouvernements en faisant des suggestions. Je me dis alors "tiens je n'y avais pas pensé ". C'est cela, cette espèce de confrontation permanente. La presse française se tient bien. Elle a un certain sens de la déontologie. Cela dérape parfois, certains journaux, mais ils ne sont pas considérés. Ceux qui sont considérés comme disposant d'une certaine tenue morale, écrivent ce qu'ils ont à écrire. Je n'en ai pratiquement jamais éprouvé d'embarras. Cela m'arrive sur le moment de réagir, de dire "ils exagèrent, ils engagent des campagnes qui peuvent être choquantes" et puis vous savez, le peuple de France se charge de déterminer par son vote lorsqu'il y a des élections, de telle sorte que c'est lui qui sert d'arbitre. Le rôle de la presse est indispensable. On mesure la capacité démocratique d'un pays au degré de liberté de la presse. Alors il faut être très respectueux de ces choses.
- Quant au rôle de Miranda, j'ai reçu ce matin un livre très intéressant sur Miranda que j'ai lu à chacun de mes moments de disponibilité. Je n'ai pas fini, naturellement. C'est un gros livre. Je continuerai ce soir et demain dans l'avion. Je connaissais un peu son destin, mais surtout sous son angle français. On voit la multiplicité du personnage qui parlait - me disait-on ce matin - au moins 9 langues dont le grec et le latin, mais aussi le turc et je ne sais quelles autres langues. C'était un esprit qui poussait constamment à l'aventure. Il a guerroyé un peu partout, pour finir tristement dans une prison espagnole. C'est lui qui a signé l'acte de libération du Venezuela. Il était déjà un homme mûr et responsable quand Bolivar était un jeune homme. C'est-à-dire que cela représente une continuité très importante dans l'histoire de l'Amérique latine et en particulier du Venezuela. C'est un grand homme. Il fait partie des grands hommes du siècle, et je pense que son message parfois contradictoire mérite d'être soumis à l'attention de tous vos écoliers, parce que c'est un bel exemple de courage, d'anticipation intellectuelle et de dévouement à la chose publique.\
QUESTION.- (En espagnol sur l'Allemagne).
- LE PRESIDENT.- Je ferai juste un correctif. Le problème de la réunification allemande n'est pas posé depuis ce transfert de population volontaire de l'Allemagne de l'Est vers l'Allemagne fédérale. Il est posé depuis le premier jour. Il a repris une actualité déjà depuis plusieurs années. C'est un problème inhérent au peuple allemand, qui souffre dans sa conscience profonde d'avoir été dévisé par le malheur des temps, par le malheur de la guerre. Ce problème est devenu plus actuel en raison de la situation que vous venez de décrire. Les données fondamentales n'en ont pas pour autant changé.
- Les puissances qui ont pris part aux accords qui ont suivi la guerre sont-elles prêtes à cette unification ? La question se pose essentiellement à l'Union soviétique. Déjà le Président des Etats-Unis a exprimé une pensée plutôt favorable à cette hypothèse. L'Angleterre et la France ont chaque fois répété que cette démarche du peuple allemand ou cette aspiration, étaient naturellement légitimes. Mais elles ont toujours ajouté que cela ne pouvait se passer que dans la paix. On pouvait considérer pendant longtemps, j'espère que ce n'est plus le cas, que le problème de l'unification allemande était un cas de guerre en Europe. Il faut que cela se passe pacifiquement, il faut que cela se passe démocratiquement. Et la différence des systèmes politiques, économiques, sociaux, philosophiques entre les deux Allemagnes doit être résolu avant de considérer que les choses sont acquises. Il y a donc un problème de l'équilibre international, à l'intérieur de l'Europe, et un problème interne aux deux Allemagnes. Il n'empêche que ce problème est posé. Tant qu'il ne sera pas résolu, il continuera de hanter les consciences. Plusieurs ministres, en effet, vous l'avez dit, se sont exprimés en France. Ils avaient raison de s'exprimer comme ils l'ont fait. Je pense que la construction de la Communauté européenne peut apporter un élément de contribution, et même de réponse, à ce que deviendrait le problème allemand en cas de réunification. Il ne faut donc pas perdre de temps pour donner à l'Europe de la Communauté les structures dont elle a besoin.\