26 mai 1989 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du sommet des pays francophones, sur la remise de la dette aux pays les moins avancés en Afrique et les problèmes d'environnement, Dakar le 26 mai 1989.

QUESTION.- Vous êtes le parrain de notre association qui s'occupe de défendre la liberté de la presse et la liberté des journalistes. Pour la première fois dans un sommet francophone, une résolution a été adoptée concernant les droits de l'homme, or nous venons de publier à l'occasion de ce sommet un rapport sur les libertés de la presse dans les pays francophones sur les quarante-et-un pays présentés ici £ plus des trois quarts bafouent la liberté de la presse tous les jours et avec des situations particulièrement graves pour ne citer que trois pays : le Laos, le Tchad et le Zaïre. Dans ces conditions, est-ce que vous pensez que la résolution adoptée à l'unanimité va pouvoir servir à faire avancer le dossier des droits de l'homme et est-ce que l'on pourra compter sur vous personnellement, sur votre initiative et vos initiatives dans ce domaine ?
- LE PRESIDENT.- Le fait que cette résolution ait été adoptée à l'unanimité montre bien où se trouve l'intention des participants de ce sommet. Les situations intérieures des pays ne sont pas identiques, les progrès de la démocratie ici et là son variables. Nous sommes là non pas pour nous occuper, nous en tant que chefs d'Etat et de gouvernement, des problèmes intérieurs à chacun des participants mais pour marquer la direction. C'est dans ce sens que je pense continuer mon action en ayant de grand coeur accepté cette résolution dès qu'elle nous a été soumise. Nous y avons d'ailleurs pris part. Ce que je désire personnellement dans le cadre de mes fonctions engager de plus en plus dans ce domaine, je pense que je ne pouvais pas en dire plus.\
QUESTION.- Que pensez-vous de cette parole qui disait : "ceux qui parlent une même langue s'unissent toujours harmonieusement mais les unions ne sauraient être plus profondes quant à ceux qui parlent la même langue".
- LE PRESIDENT.- Madame, vous me demandez de philosopher avec vous, il me semble que le grec a déjà dit la meilleure des choses. C'est vrai que sans langage commun, difficile de s'entendre. Les pires querelles sont celles de la famille et pourtant c'est là où l'on trouve le plus d'amour. Voilà, tout est dans tout, ainsi va l'humanité avec ses contradictions. Je pense qu'un bon processus consiste d'abord à tenter de trouver un langage commun, pour nous la francophonie, et à partir de là organiser le dialogue pour limiter le nombre de querelles, qui de toute façon sont le lot des sociétés. L'effort d'une meilleure compréhension passe par un langage commun.\
QUESTION.- Une question à M. le Président de la République française. Monsieur le Président, nous savons que depuis le sommet de Cancun, vous vous êtes fait l'avocat du tiers monde et cette mesure que vous venez de prendre au Sommet de Dakar, prouve que vous êtes resté égal à vous-même. Et des gestions comme la vôtre et celle du Canada pourraient peut-être permettre aux pays endettés de souffler en attendant peut être cette tenue d'une conférence globale, spéciale sur la seule dette africaine que le Président Abdou Diouf ne cesse de réclamer. Vous dites donc que votre mesure aura peut-être une valeur d'entraînement, pensez-vous que vos collègues des autres pays industrialisés vont vous suivre sur cette voie ?
- LE PRESIDENT.- Je ne peux rien préjuger. Je pense qu'ils ont remarqué ce qui a été fait à Dakar et comme nous nous rencontrons dans peu de temps, dans moins de deux mois, pour débattre précisément du problème du développement qui sous-entend automatiquement le problème de l'endettement, voilà un nouvel élément qui intervient pour faire avancer la discussion.
- Les dirigeants des autres pays industrialisés que j'ai rencontrés au cours de ces derniers mois et même semaines et même jours, me paraissent avoir des dispositions plus ouvertes et plus positives que je ne l'ai connu dans le passé.\
`Suite sur la remise de la dette à trente-cinq pays africains` Moi je me suis limité au problème touchant aux crédits d'aide publique et je n'ai engagé bien entendu que la France. L'annulation de ces crédits d'aide publique s'applique aux 35 pays les plus pauvres et les plus endettés sans contrepartie, sans complication. Si vous avez lu de près ma déclaration, vous saurez que c'est une directive que j'ai donnée au gouvernement de la République française. Bien entendu, j'en avais parlé au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances. C'est d'ailleurs sur la base des informations que m'avait fourni le ministre de l'économie et des finances, que nous avons pu fixer les proportions, les pourcentages, par rapport à l'ensemble. Mais, seule une loi peut décider. J'ai décidé de saisir le gouvernement et le gouvernement doit selon nos institutions saisir notre Parlement. A la fin de ce circuit, c'est-à-dire lors de la prochaine session parlementaire qui commencera au mois d'octobre de cette année, nous saurons où nous en sommes. Il y a tout lieu de penser que cette mesure sera applicable dès le 1er janvier 1990. Elle n'est pas exclusive de la décision prise à Toronto, car il s'agit aussi d'intervenir pour les crédits privés garantis par les puissances publiques, qui ne sont pas recouverts par cette dernière décision, mais qui le sont par la décision de Toronto. Donc on va continuer de la mettre en application. Et puis il y a l'ensemble des dettes bancaires, privées, qui ne sont concernées, lorsqu'elles ne sont pas garanties, ni par Dakar, ni par Toronto. Il y a aussi l'ensemble des pays intermédiaires qui ne pouvaient pas être visés par l'information que j'ai donnée au début de ce sommet. Cela regarde la collectivité internationale et d'abord la collectivité des pays créanciers. C'est au sommet de Paris, au mois de juillet prochain, que nous pourrons poursuivre cette conversation et savoir de quelle façon et par quelle procédure les pays les plus riches, les plus avancés dans le domaine de l'économie, seront disposés à créer, ce que j'appellerais comme cela une caisse multilatérale de garantie. Le problème qui reste à résoudre est de quelle façon l'alimenter. J'avais proposé devant les Nations unies un système basé sur des droits de tirages spéciaux qui ne seraient pas perçus par les pays qui y auraient droit, lorsque ces pays sont précisément les pays les plus riches, qui alimenteraient cette caisse, ce fonds, par ce moyen. Cela permettrait de garantir le paiement des créanciers, sans accrôitre la charge des débiteurs et d'en finir avec ce problème dont vous savez bien qu'il empêche tout véritable démarrage vers le développement. Bon je viens de vous répondre aussi clairement que possible, madame.\
QUESTION.- Ma question s'adresse à M. le Président François Mitterrand. Monsieur le Président, l'existence d'une souveraineté nationale française forte est un élément important pour le rayonnement de la langue française dans le monde, mais n'y aurait-il pas péril mortel pour la francophonie si la France devait diluer sa souveraineté nationale, son indépendance nationale, dans un super Etat européen supranational ?
- LE PRESIDENT.- Nous avons déjà depuis trente-cinq ans renoncé, nous les pays de la Communauté européenne, d'abord six maintenant douze, à bien des aspects de notre souveraineté, beaucoup de décisions sont prises en commun. Ce ne serait donc pas un fait nouveau. Quant à la souveraineté française, elle s'exerce. Si la fin de ce processus tel qu'on peut l'imaginer ou en rêver mais le vouloir aussi, consiste à faire de l'Europe communautaire une puissance publique commune où de très nombreuses et importantes décisions seront prises en commun, je ne pense pas que cette communauté souscrirait très aisément à la disparition des moyens d'expression et des cultures nationales. L'Europe est d'ailleurs à mes yeux un moyen de promouvoir et de faire durer l'ensemble de nos cultures qui risqueraient sans Europe, d'être noyée par les univers extérieurs. Donc, je ne pense pas que cette vue pessimiste puisse se justifier. La France est un pays souverain. Il se sert de cette souveraineté dans beaucoup de domaines, notamment pour défendre sa langue et il souhaite trouver le concours des autres pays de la Communauté pour développer nos langues européennes, sans omettre bien entendu de trouver nous-mêmes un langage que nous puissions comprendre entre nous, d'où un certain multilinguisme nécessaire au sein de l'Europe.\
`Suite sur la coopération culturelle` Vous avez touché là d'une façon indirecte le problème actuellement posé des moyens d'expression audiovisuels dont on discute à l'heure actuelle en Europe autour de la querelle des quotas. La France est un pays demandeur. Nous sommes demandeurs pour qu'il y ait des quotas, la Commission européenne et la France sont à l'origine de ce débat et nous continuons de les souhaiter. Pourquoi précisément, pour que la production et la diffusion des oeuvres de toute sorte, de toute nature qui paraissent sur les petits écrans européens pour que les créateurs, les producteurs et les interprètes européens ne soient pas dès le point de départ complètement débordés par ce qui viendra d'ailleurs, technologie japonaise par exemple ou productions américaines. C'est pourquoi la France a pris cette initiative et souhaite très vivement que ces dispositions soient prises par l'Europe. La difficulté tient au fait qu'un certain nombre de nos partenaires n'en sont pas au même point de réflexion et font observer d'abord que la production européenne d'aujourd'hui ne suffirait pas à alimenter la diffusion d'aujourd'hui, ni de demain et qu'on se demande comment, par un texte jugé arbitraire on pourrait répondre à la question puisque de toute manière il faudrait s'adresser à la production extérieure.
- Mais si on peut considérer qu'aujourd'hui ces arguments ont quelque base et qu'il est difficile de légiférer par abstraction, ce qui est vrai, c'est que cette définition devrait nous permettre d'accélérer considérablement dans chacun de nos pays la production dans les langues européennes. Nous attendons qu'il y ait un accord inter-européen dans ce sens. Nous avons des difficultés et c'est que les producteurs et les créateurs français notamment veuillent bien plutôt nous donner un coup de main pour nous aider à faire comprendre à l'ensemble de nos partenaires, car il suffirait que l'un ou quelques-uns d'entre eux soient contre pour qu'on ne puisse pas y parvenir. Nous sommes à ce stade dans le combat pour faire adopter cette mesure raisonnable qui trouvera son point d'application pleinement au cours des années prochaines.\
QUESTION.- Dans le cadre des discussions sur l'environnement, l'idée de créer un fonds international constitué par une taxe sur le CO2 qui avait été lancée au sommet de Toronto et qui était destinée à financer des projets de reforestation dans les pays en développement a-t-elle été reprise durant ce sommet ?
- LE PRESIDENT.- La France mène un combat particulier si j'ose dire contre le CO2. Le développement des gaz carboniques est une des sources, pas la seule bien entendu, mais une des sources principales de la détérioration de l'environnement dans le monde. Nous n'en avons pas fait l'un des points essentiels du débat actuel. Mais cependant le gaz carbonique est compris dans l'ensemble des maux dont le sommet francophone entend se dégager par les mesures qu'il a prises, qui sont une novation dans le cadre de ces travaux. Donc vous me donnez l'occasion simplement de réaffirmer publiquement que telle est bien ma pensée et que c'est un des éléments qui sont intervenus pour hâter une prise de conscience mondiale. Ce qui était le cas de la conférence de La Haye à laquelle - comme vous le savez - 24 pays participaient, 9 ont adhéré depuis et je crois qu'à ce sommet bien d'autres pays vont se déterminer dans ce sens. Lorsque les chefs d'Etat et de gouvernement seront rentrés chez eux des dispositions seront prises pour venir grossir la troupe. Je peux donc simplement confirmer ce que vous souhaitez à savoir que pour moi et la France c'est un combat majeur spécialement dans ce domaine-là.\
QUESTION.- Quel rôle peut jouer l'environnement dans la consolidation et l'ouverture à d'autres pays de la francophonie ?
- LE PRESIDENT.- L'environnement dépasse les frontières y compris celles de la francophonie. Il est important que la francophonie prenne une part active à cette lutte qui ne peut qu'être lutte mondiale - il n'y a pas de problème d'environnement français - il y en a certains qui sont particuliers mais le problème général ne peut être résolut que sur une échelle infiniment plus large. L'eau d'une rivière, l'eau d'un fleuve qui traverse plusieurs pays, l'atmosphère, eh bien la francophonie se déclare disposée à prendre part à ce combat, mais c'est universel.\
QUESTION.- Je continue sur ce thème de l'environnement, j'aimerais savoir sur les autres grands problèmes, en particulier la désertification et la déforestation qui touchent en premier lieu le continent africain, est-ce que vous pouvez déjà nous donner un aperçu du type d'accords ou du type de négociations que vous pouvez mener avec les pays en voie de développement lorsque l'on sait que les mesures de protection qui sont nécessaires pour palier ces menaces sont souvent contraires au développement et à la croissance des pays pauvres. Ma deuxième `question` concerne l'audiovisuel. Il semblerait qu'à ce sommet francophone on ait très peu parlé du dossier TV 5 qui devait prendre naissance, peut-être à ce sommet et d'une manière générale, j'aimerais savoir comment la francophonie peut prendre en compte le besoin de développement audiovisuel du continent africain en tout cas le fait que le continent africain est actuellement dans un total isolement audiovisuel et qu'est-ce que la francophonie peut faire dans ce sens ?
- LE PRESIDENT.- Pour l'environnement, il est certain que le problème des souverainetés nationales se pose et que la première réponse d'un certain nombres de pays, est de dire : c'est très bien cela mais la dégradation de l'environnement dans le monde a tenu surtout aussi à ce que l'on n'osera pas appeler les progrès de l'industrie. Qui a pollué essentiellement ? Et au moment où nous faisons un effort pour équiper nos pays, pour conquérir des terres arables, vous voulez nous en empêcher parce que nous sommes peut-être les derniers pays précisément à fournir une fabrication d'oxygène. Leur argument ne manque pas de valeur et il est certain que l'on ne peut pas demander aux pays qui n'ont pas encore connu leur plein développement de renoncer à leur politique nationale de développement agricole, scientifique, simplement pour nos beaux yeux ou pour nous garantir. Donc cela nécessitera des conférences internationales extrêmement précises où il faudra équilibrer les contreparties. Chacun devant prendre conscience que tout de même c'est un sujet qui intéresse l'humanité tout entière et qu'il ne s'agit pas de se jeter à la figure des responsabilités particulières, qui au demeurant existent. Je ne crois qu'à la Conférence internationale et aux contreparties.\
`Suite sur la déforestation et la pollution atmosphérique`
- Si telle forêt qui doit être défrichée ne l'est pas afin de préserver le rôle de l'arbre et de la forêt dans l'équilibre mondial de l'atmosphère, eh bien il faut que le pays en question sache de quelle manière il peut compter sur des concours pour que son développement s'opère. Je crois quand même que par rapport à l'Afrique spécialement, au point où nous sommes, je n'en aperçois que les aspects positifs. Je n'ai pas encore entendu un pays africain nous dire, moi cela m'est égal, je ne m'occupe pas de ce que vous dites parce que j'ai besoin de développer telle ou telle forme d'activités chez moi et que vous n'allez pas m'embarrasser dans mon développement. Aucun ne m'a dit cela.
- Je crois qu'il y a une prise de conscience commune pour considérer qu'il y a un certain nombre de dangers qui nécessitent des réactions d'urgence. La déforestation par exemple, les progrès de la désertification. Je me souviens d'avoir participé, il y a quelques années à une conférence qui avait lieu à la Sorbonne afin de savoir comment avec les pays africains nous pourrions transformer le cours des choses et reboiser là où cela serait possible. Ce qui exige beaucoup de conditions à réunir. Il y a la lutte contre ce que l'on appelle le péril acridien, les criquets et tout le reste. Il y a la création sur laquelle nous continuons à travailler d'un observatoire qui permettrait d'observer les évolutions climatiques. Bref tous les travaux en commun - il est vrai que nous sommes au point de départ - qui sont envisagés le sont avec l'accord général. Quand nous en serons au point ou telle ou telle mesure de sécurité supplémentaire pourrait gêner le développement d'un pays, que l'on me dise lequel et comment. Alors il faudra étudier ce problème sous l'angle du principe que j'ai énoncé tout à l'heure. Quelle contrepartie pour que le développement de chaque pays n'en souffre pas.\
Quant à l'audiovisuel, on a quand même pas mal parlé de TV 5. Il y a même un texte qui a été diffusé là-dessus. On a aussi parlé de Canal France. Les problèmes qui se posaient étaient plutôt de cet ordre-là. TV 5, on en est généralement content. M. Mulroney me disait que pour le Canada, décision prise à Québec, les conséquences étaient vraiment très productives.
- Certains pays pourraient nous dire "oui mais TV 5 où est-ce que cela se fait ? Chez vous ! Quelles sont les images ? C'est vous qui les faites. Les programmes ? Nous les recevons et nous aimerions bien dire notre mot". Je trouve que c'est une revendication raisonnable. Il faut donc étudier ensemble les moyens de produire et les moyens de composer avec participation des intéressés à l'élaboration des programmes. J'ajouterai que Canal France propose un schéma tout à fait différent, particulièrement intéressant. C'est une banque d'images. Une banque d'images : celui qui veut cette image, il l'insère dans le programme de son choix. Il fait ce qu'il veut. Il achète d'ailleurs l'image qu'il veut. Il n'est pas obligé de les prendre. Il n'y a pas de lots dans lesquels on dit si vous prenez cela, eh bien vous prenez le reste. C'est une banque d'images et avec ces images, que chaque pays compose, que chaque chaîne à l'intérieur de chaque pays lorsqu'il y a chaînes ou postes de radiodiffusion, que chacun lorsqu'il s'agit d'images de télévision, lorsqu'il s'agit de son simplement - les chaînes de radio - que chacune prenne ce qu'elle a envie de prendre. En ce sens l'innovation de Canal France me paraît considérablement. Nous mettons un instrument à la mesure de qui voudra s'en servir et qui voudra s'en servir à sa façon.\
QUESTION.- J. Félix Mouloungui - Francophonie magazine - France - Ma question s'adresse essentiellement à M. le Président François Mitterrand. La décision d'annuler la dette qui est hautement salutaire, y a-t-il des mesures d'accompagnement qui ont été prévues pour que les pays bénéficiaires ne retombent plus dans ce cycle infernal des prêts ?
- LE PRESIDENT.- C'est une question que vous devriez d'abord leur poser. Mais, là-dessus nous avons entendu un exposé extrêmement intéressant du Président Houphouët-Boigny. Il est évident que la décision que je vous ai fait connaître ne répond pas à l'ensemble de la question de l'endettement, et le problème de l'endettement lui-même n'est qu'une conséquence du sous-développement. Simplement c'est une conséquence qui l'aggrave, c'est pour cela qu'on s'y attaque en priorité. Mais pour résoudre le problème du sous-développement, c'est-à-dire s'attaquer à la source même du mal, c'est une politique internationale qu'il faut mettre en mouvement dans lequel les pays endettés doivent prendre leur part eux-mêmes de responsabilité, de sérieux dans la gestion et de volonté de ne pas retomber dans ce processus infernal. Croyez-moi les dirigeants africains notamment, ont une conscience précise de leurs devoirs et certains d'entre eux ne sont pas en retard pour tenter de remédier à la situation présente. Mais M. Houphouët-Boigny a parfaitement expliqué les termes de l'échange actuel : l'acheteur de matières premières africaines du sol ou du sous-sol est le maître du jeu. Il fixe les prix et le producteur est soumis à cette autorité. Cela fait que les produits des pays aujourd'hui les plus forts sont vendus suivant leurs propres conditions ou à peu près, tandis que les matières premières des pays non suffisamment développés sont à la merci de la spéculation ou de la seule volonté de pouvoir de certain nombre de compagnies qui, précisément, ne sont pas des compagnies africaines. Cette inégalité dans les termes de l'échange est à la source de bien des maux. Si les matières premières étaient payées à leur prix on n'est serait pas là. Elles seront payées à leur prix lorsqu'il y aura un juste équilibre entre les producteurs et les acheteurs. C'est çà le vrai problème. Mais comme tous les autres en découlent on s'attaque à ce qu'on peut. Avec la France, nous nous attaquons au domaine qui est le nôtre £ mais nous prenons part - de toute façon - entière au débat principal. Nous estimons que les initiatives sont à prendre dans ce domaine-là, qu'il devrait y avoir des conférences internationales sur ce sujet qu'on ne peut pas laisser un certain nombre de puissances économiques, financières ou bancaires maîtresses absolument du marché, avec la conséquence de réduire à la misère, quand elles le veulent, tel ou tel pays sous-développé. Quand on pense que certains de nos pays africains sont les principaux producteurs dans le monde pour certains produits agricoles et que ces pays connaissent des évolutions de prix qui vont du double au simple et même pire, comment voulez-vous que ces pays établissent le moindre plan de développement sur deux ans, trois ans, cinq ans ? C'est impossible. Donc le problème est là, ne confondons pas, je n'ai pas prétendu avec l'initiative que je vous ai communiquée, résoudre le problème. Il faut aller beaucoup plus loin, à la source de nos difficultés. Malgré tout si vous avez une maladie grave, dont les séquelles provoquent chez vous des plaies purulentes, on n'est pas fâché qu'il y ait un médecin qui soigne la plaie, le cas échéant qu'il la guérisse. Mais si on ne guérit pas la maladie elle-même, eh bien cela reviendra. Voilà pourquoi il ne faut pas confondre les choses.\
QUESTION.- Ma question porte sur le rôle de la Présidence de la francophonie entre deux sommets. Est-ce que ce rôle ne doit pas évoluer si l'on veut que la francophonie ait un jour un véritable poids politique ? Et je m'adresse plus particulièrement à M. Mulroney, pour prendre un exemple, est-ce que le pays qui a assumé La Présidence de la francophonie depuis Québec, c'est-à-dire le Canada, n'aurait pas dû s'exprimer à la fin du mois dernier sur le conflit Sénégal-Mauritanie dans la mesure où ces deux pays étaient des pays appartenant à la Communauté francophone ? Réponse de M. Mulroney.\
QUESTION.- Je ne pense pas que vous pensiez finir cette conférence sans parler de la tension entre le Sénégal et la Mauritanie. Je voulais vous demandez, étiez-vous réellement inquiet avant le voyage de M. Dumas, êtes-vous moins inquiet, ou aussi inquiet, ou rassuré, après son voyage et comment faut-il le qualifier puisque vous avez déclaré à RFI que cela n'était pas une médiation ?
- LE PRESIDENT.- Le Président de la Mauritanie n'était pas à Dakar pour des raisons que vous savez. J'étais moi-même avec plusieurs membres du gouvernement, notamment avec le ministre des affaires étrangères à Dakar, très heureux de nous y trouver et de contribuer à la réussite du sommet francophone. A partir de là, nous avons jugé tout à fait raisonnable que le ministre des affaires étrangères pût rencontrer, et saluer, dans sa capitale, le Président de Mauritanie. Si cela peut contribuer à ce que les explications mutuelles, détendent l'atmosphère ou préparent la réussite de la médiation qu'est seul à exercer M. le Président Moussa Traoré, Président de l'Organisation de l'Unité africaine, ce sera très bien. Nous prêtons la main s'il le faut, si on nous le demande. Mais les relations de la France avec le Sénégal sont des relations extrêmement cordiales et confiantes. Le conflit qui s'est dégagé entre le Sénégal et la Mauritanie n'entraîne pas de la part de la France un retrait non plus de ses bonnes relations avec la Mauritanie. Je crois que c'est à partir de ces bonnes relations-là que nous pouvons servir à quelque chose. Nous ne nous substituons en aucune façon à la médiation dont j'ai parlé. Chacun son rôle.\