21 mai 1989 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de son voyage aux Etats-Unis, Boston le 21 mai 1989.
Les invités français qui m'accompagnent et moi-même, nous terminons pratiquement notre séjour aux Etats-Unis d'Amérique avec cette rencontre avec la presse.
- Les journalistes qui ont bien voulu suivre les différents événements de ces vingt-quatre heures ont pu constater que notre journée a été bien remplie. Mais il vous appartient de poser les questions, celles qui vous paraîtront le mieux convenir à l'actualité. Le Président Bush et moi-même, nous sommes à votre disposition.
- Je dois dire que sur le plan personnel comme sur le plan national, j'ai été très sensible à la manière dont Mme et le Président George Bush nous ont reçu, ma femme et moi. Nous avons vécu un temps familial, chaleureux, reposant où les conversations sérieuses et politiques n'ont pas manqué, vivifiées par l'air de la forêt et par la beauté de la mer. Je pense que c'est le Président Bush qui va maintenant vous adresser quelques mots, après quoi vous poserez votre première question. Je vous remercie en tout cas personnellement, de la manière dont vous avez bien voulu accompagner et commenter ce voyage.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous considérez que vous avez fait des progrès substantiels pour rapprocher les points de vue américain et allemand dans l'affaire des FNS. Est-ce que vous continuerez vous-même comme conciliateur dans cette affaire ?
- LE PRESIDENT.- Je ne contribue pour aucun autre rôle que celui que j'ai, qui est partie prenante au débat interne à l'Alliance `atlantique`. C'est à ce titre que j'interviens. Médiateur, je ne cherche pas spécialement à l'être £ même si je désire la conciliation des points de vue, parce qu'ils me paraissent conciliables. S'ils ne l'étaient pas, je ne serais pas pour l'arrangement à tout prix. Mais ils sont conciliables. Je pense que se dessinent aujourd'hui les éléments d'une décision pour dans huit jours qui devrait convenir aux intérêts de l'Alliance tout entière et à son devenir.
- QUESTION.- Pouvez-vous nous donner votre position ?
- LE PRESIDENT.- Vous connaissez mes suggestions, je les ai exprimées à Paris.\
QUESTION.- Qu'est-ce que vous diriez aux étudiants chinois ? LE PRESIDENT.- Je leur dirai que la liberté est l'un des biens les plus précieux du monde £ mais j'ai l'impression qu'ils l'ont deviné par eux-mêmes.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous avez le sentiment qu'avec le Président Bush, un nouveau style de relations transatlantiques est maintenant possible ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez d'un Président à l'autre - j'ai connu les deux dans leurs responsabilités de Président des Etats-Unis - s'il n'y a pas de contradiction politique pour la raison simple que ce sont des hommes qui ont travaillé ensemble pendant de longue années et qui représentent une majorité de même tendance, il y a toujours la différence du style, du caractère, de la personnalité. Et cette différence est sensible. Je ne dis pas du tout que cela marque une sorte de désapprobation à l'égard du style ancien. Il était simplement différent et j'ai trouvé beaucoup d'intérêt, fort souvent, à débattre des problèmes internationaux avec M. Reagan. Cela dit, il est vrai que M. Bush, que j'ai été l'un des premiers à recevoir à Paris en 1981, et que je connais donc depuis plus de huit ans, est un homme responsable du plus puissant Etat du monde qui jamais ne pèse plus qu'il ne convient par égard pour ses partenaires. Bref, il me donne le sentiment de chercher à comprendre la volonté des autres, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une forte volonté pour lui-même.\
QUESTION.- Comment les partenaires de l'OTAN pourront-ils parvenir à une position commune ?
- LE PRESIDENT.- Il y a égalité entre les partenaires au sein de l'Alliance atlantique. Bien entendu, sur ce problème comme sur la plupart des autres, les responsables ont, au point de départ, des avis discordants. Le problème est toujours de parvenir à la synthèse. On y est toujours arrivé jusqu'ici. Un avis ne pèse donc plus qu'un autre que si son poids de bon sens et de sagesse est plus lourd que l'autre. Je ne peux pas à l'heure actuelle distribuer de prix. Je ne dis pas que ce soit l'avis de telle personne plutôt que de telle autre qui doivent prévaloir. Ce qu'il faut c'est que l'intérêt général de l'Alliance soit préservé.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez parlé de l'attitude à tenir face à l'Union soviétique pour les alliés occidentaux. Pensez-vous, est-ce que le Président Bush pense aussi, que la guerre froide est terminée et si oui, définitivement ou pas ?
- LE PRESIDENT.- Vous nous demandez de remplir un rôle de devin. Vous disiez tout à l'heure à propos de la Chine : est-ce une révolution ? En général, révolution ou pas, on ne le sait qu'après. Là encore, ce qui est vrai, c'est que nous sommes sortis de la guerre froide, qu'il y a de très grandes chances que nous en soyons sortis en tout cas pour longtemps. Je prévois, bien entendu, des allers et retours, des durcissements après des arrangements. Des retours à la guerre froide, il peut toujours s'en produire : tout dépend de l'évolution de la politique intérieure en Union soviétique.
- QUESTION.- Le Porte-parole de la Maison Blanche a qualifié M. Gorbatchev de "Drugstore cow-boy". LE PRESIDENT.- Je pense qu'il faut se méfier des caricatures. Vu que Monsieur Gorbatchev vaut beaucoup mieux que cela.\
QUESTION.- Les droits de l'homme sont violés dans de nombreuses régions du monde. Quelle influence peut exercer une grande puissance pour régler ce problème-là ?
- LE PRESIDENT.- Cette influence est peut-être matérielle, militaire ou pacifique, elle est peut-être morale, psychologique. L'arc-en-ciel est complet, les moyens d'agir se déterminent selon les situations. Un premier problème se pose toujours : c'est la non ingérence dans les affaires d'autrui. Quand les droits de l'homme sont en cause, on ne peut pas s'arrêter là. La non ingérence doit céder le pas à l'affirmation publique des principes qui nous animent. Ces principes doivent donc être rappelés à tous les pays que vous évoquez. J'ai le sentiment que le recours aux armes ne correspond pas aux besoins du temps. Mais croire que la seule façon de rallier à ses positions un peuple, c'est le canon ou le char, c'est une vue un peu simple. Il y a aussi l'opinion internationale. Et c'est cette opinion internationale qu'il faut mobiliser de façon que ceux qui manquent aux principes des droits de l'homme soient acculés de l'intérieur et de l'extérieur. Cela dit, je ne connais pas de méthode infaillible qui permette d'ouvrir toutes les portes de la politique. Et si je suis venu à Boston pour l'entendre, j'en serai très heureux : ce serait pour moi, vraiment, une découverte.\
- Les journalistes qui ont bien voulu suivre les différents événements de ces vingt-quatre heures ont pu constater que notre journée a été bien remplie. Mais il vous appartient de poser les questions, celles qui vous paraîtront le mieux convenir à l'actualité. Le Président Bush et moi-même, nous sommes à votre disposition.
- Je dois dire que sur le plan personnel comme sur le plan national, j'ai été très sensible à la manière dont Mme et le Président George Bush nous ont reçu, ma femme et moi. Nous avons vécu un temps familial, chaleureux, reposant où les conversations sérieuses et politiques n'ont pas manqué, vivifiées par l'air de la forêt et par la beauté de la mer. Je pense que c'est le Président Bush qui va maintenant vous adresser quelques mots, après quoi vous poserez votre première question. Je vous remercie en tout cas personnellement, de la manière dont vous avez bien voulu accompagner et commenter ce voyage.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous considérez que vous avez fait des progrès substantiels pour rapprocher les points de vue américain et allemand dans l'affaire des FNS. Est-ce que vous continuerez vous-même comme conciliateur dans cette affaire ?
- LE PRESIDENT.- Je ne contribue pour aucun autre rôle que celui que j'ai, qui est partie prenante au débat interne à l'Alliance `atlantique`. C'est à ce titre que j'interviens. Médiateur, je ne cherche pas spécialement à l'être £ même si je désire la conciliation des points de vue, parce qu'ils me paraissent conciliables. S'ils ne l'étaient pas, je ne serais pas pour l'arrangement à tout prix. Mais ils sont conciliables. Je pense que se dessinent aujourd'hui les éléments d'une décision pour dans huit jours qui devrait convenir aux intérêts de l'Alliance tout entière et à son devenir.
- QUESTION.- Pouvez-vous nous donner votre position ?
- LE PRESIDENT.- Vous connaissez mes suggestions, je les ai exprimées à Paris.\
QUESTION.- Qu'est-ce que vous diriez aux étudiants chinois ? LE PRESIDENT.- Je leur dirai que la liberté est l'un des biens les plus précieux du monde £ mais j'ai l'impression qu'ils l'ont deviné par eux-mêmes.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous avez le sentiment qu'avec le Président Bush, un nouveau style de relations transatlantiques est maintenant possible ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez d'un Président à l'autre - j'ai connu les deux dans leurs responsabilités de Président des Etats-Unis - s'il n'y a pas de contradiction politique pour la raison simple que ce sont des hommes qui ont travaillé ensemble pendant de longue années et qui représentent une majorité de même tendance, il y a toujours la différence du style, du caractère, de la personnalité. Et cette différence est sensible. Je ne dis pas du tout que cela marque une sorte de désapprobation à l'égard du style ancien. Il était simplement différent et j'ai trouvé beaucoup d'intérêt, fort souvent, à débattre des problèmes internationaux avec M. Reagan. Cela dit, il est vrai que M. Bush, que j'ai été l'un des premiers à recevoir à Paris en 1981, et que je connais donc depuis plus de huit ans, est un homme responsable du plus puissant Etat du monde qui jamais ne pèse plus qu'il ne convient par égard pour ses partenaires. Bref, il me donne le sentiment de chercher à comprendre la volonté des autres, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une forte volonté pour lui-même.\
QUESTION.- Comment les partenaires de l'OTAN pourront-ils parvenir à une position commune ?
- LE PRESIDENT.- Il y a égalité entre les partenaires au sein de l'Alliance atlantique. Bien entendu, sur ce problème comme sur la plupart des autres, les responsables ont, au point de départ, des avis discordants. Le problème est toujours de parvenir à la synthèse. On y est toujours arrivé jusqu'ici. Un avis ne pèse donc plus qu'un autre que si son poids de bon sens et de sagesse est plus lourd que l'autre. Je ne peux pas à l'heure actuelle distribuer de prix. Je ne dis pas que ce soit l'avis de telle personne plutôt que de telle autre qui doivent prévaloir. Ce qu'il faut c'est que l'intérêt général de l'Alliance soit préservé.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez parlé de l'attitude à tenir face à l'Union soviétique pour les alliés occidentaux. Pensez-vous, est-ce que le Président Bush pense aussi, que la guerre froide est terminée et si oui, définitivement ou pas ?
- LE PRESIDENT.- Vous nous demandez de remplir un rôle de devin. Vous disiez tout à l'heure à propos de la Chine : est-ce une révolution ? En général, révolution ou pas, on ne le sait qu'après. Là encore, ce qui est vrai, c'est que nous sommes sortis de la guerre froide, qu'il y a de très grandes chances que nous en soyons sortis en tout cas pour longtemps. Je prévois, bien entendu, des allers et retours, des durcissements après des arrangements. Des retours à la guerre froide, il peut toujours s'en produire : tout dépend de l'évolution de la politique intérieure en Union soviétique.
- QUESTION.- Le Porte-parole de la Maison Blanche a qualifié M. Gorbatchev de "Drugstore cow-boy". LE PRESIDENT.- Je pense qu'il faut se méfier des caricatures. Vu que Monsieur Gorbatchev vaut beaucoup mieux que cela.\
QUESTION.- Les droits de l'homme sont violés dans de nombreuses régions du monde. Quelle influence peut exercer une grande puissance pour régler ce problème-là ?
- LE PRESIDENT.- Cette influence est peut-être matérielle, militaire ou pacifique, elle est peut-être morale, psychologique. L'arc-en-ciel est complet, les moyens d'agir se déterminent selon les situations. Un premier problème se pose toujours : c'est la non ingérence dans les affaires d'autrui. Quand les droits de l'homme sont en cause, on ne peut pas s'arrêter là. La non ingérence doit céder le pas à l'affirmation publique des principes qui nous animent. Ces principes doivent donc être rappelés à tous les pays que vous évoquez. J'ai le sentiment que le recours aux armes ne correspond pas aux besoins du temps. Mais croire que la seule façon de rallier à ses positions un peuple, c'est le canon ou le char, c'est une vue un peu simple. Il y a aussi l'opinion internationale. Et c'est cette opinion internationale qu'il faut mobiliser de façon que ceux qui manquent aux principes des droits de l'homme soient acculés de l'intérieur et de l'extérieur. Cela dit, je ne connais pas de méthode infaillible qui permette d'ouvrir toutes les portes de la politique. Et si je suis venu à Boston pour l'entendre, j'en serai très heureux : ce serait pour moi, vraiment, une découverte.\