26 janvier 1989 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du bicentenaire de la reconnaissance de la citoyenneté aux Juifs de France, Paris le 26 janvier 1989.

Monsieur le Président,
- Je vous remercie de vos propos qui m'accordent un rôle conforme à mes intentions et qui dépassent peut-être ma capacité car la politique internationale ne se règle pas seulement par l'état de nos rapports et de nos bons rapports entre vous et moi-même. De toute façon il est très important d'être assuré que tout ce qui touche à la sécurité d'un peuple dans son Etat sera et devra être respecté, en tout cas s'il ne l'était pas, la France connaîtrait son devoir, vous le savez bien.
- La cérémonie d'aujourd'hui représente pour moi quelque chose de fort, de simple, (planter un arbre), de fort et de beau parce que l'arbre grandira. Là aussi on trouve la force du symbole qui fait que chaque année vous procédiez à la célébration afin de bien marquer la perpétuelle renaissance et la domination de l'espoir, la pérénnité en somme des liens de l'homme et de la nature avec son renouveau annuel. Tout cela porte loin et j'aime retrouver à travers ces gestes que nous avons accomplis, l'éternelle et profonde poésie que l'on découvre à chaque page de vos livres fondamentaux. Donc planter un arbre, c'est vrai que j'en ai planté d'autres ailleurs - et jamais je ne l'ai fait sans ressentir une sorte de plaisir particulier, le sentiment de prendre part à ce qui est sans doute d'une part un mystère, mais aussi le témoignage d'une attention, celle des hommes qui ont d'abord le grand besoin d'assurer leur pérénnité, soit pour eux, soit pour leurs enfants et de préserver les quelques valeurs essentielles autour desquelles ils se regroupent. Et telle est bien votre raison d'être, mesdames et messieurs, que de sauvegarder vos valeurs essentielles sans oublier la nécessité de disposer de ces éléments matériels. Et sont-ils si matériels que cela ? Ne sont-ils pas aussi spirituels ces éléments, dont le premier s'appelle une terre ?
- Alors nous avons creusé dans cette terre. Il faut dire que cela avait été creusé avant que je n'arrive. On a voulu mesurer la somme de mes efforts, et il a fallu remettre de la terre un peu plus noble, un peu moins liée pour laisser l'air, l'oxygène, passer, nourrir avec l'eau qui a dû suivre - j'espère qu'on ne l'a pas oubliée - et faire que les racines et la motte initiale se mêlent à ce sol nouveau pour ne faire qu'un.
- Nous nous sommes tompés tous les deux, monsieur le Président. Vous m'avez dit "Eh bien cela va faire un arbre de plus qui s'ajoutera aux chênes de Buffon". J'ai dit "non, ce n'est pas un chêne, c'est un marronnier". J'ai pris mes renseignements, c'était un platane ! Ce qui montre qu'il nous reste des progrès à faire. Enfin, nous l'aurions vu, nous ne nous serions pas trompés mais là c'est tout reposer sur une mémoire quand même un peu fragile.
- Nous sommes ici dans un lieu de beauté. Ce jardin des plantes servi par des hommes et des femmes qui au-delà de l'exercice d'un métier, d'un métier qui vaut la peine et apporte quelque chose de plus. Ils aiment ce qu'ils font et ils y croient. Tout cela me conduit à penser que vous m'avez offert l'occasion d'une heure très agréable, dans un beau jardin, par une belle journée, dans une belle ville avec au devant de nous de beaux et de grands espoirs.
- Je vous en remercie comme je vous remercie aussi et, au-delà de cette salle, celles et ceux, vos parents, vos amis proches et lointains qui prennent part en ce jour à l'espérance qui vous habite.\