10 décembre 1987 - Seul le prononcé fait foi
Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à Radio France internationale le jeudi 10 décembre 1987, sur l'aide au développement, le règlement de la dette et les relations franco-africaines.
QUESTION.- `Alain Rodier` Monsieur le Président de la République, bonjour, merci d'accueillir les journalistes de Radio France internationale à quelques heures de l'ouverture, à Antibes, du XIVème sommet franco-africain.
- Alors, nous allons tenter avec vous de définir le sens de cette nouvelle rencontre, il n'y a pas, à proprement parler, d'ordre du jour, mais nous savons déjà qu'il y sera fortement question de relations économiques, de problèmes de matières premières et de développement, en général.
- Ce sera également l'occasion de faire le point sur un certain nombre de dossiers, toujours brûlants, qu'il s'agisse du Tchad, de l'Afrique australe ou de l'évolution que connaissent actuellement certains pays.
- Cela dit, il est difficile, tout de même, d'ignorer le reste du monde, et je souhaiterais commencer cet entretien, si vous le voulez bien, par quelques questions d'actualité et trois questions plus exactement.\
La première `question` concerne l'accord signé par messieurs Reagan et Gorbatchev, à Washington, accord sur le démantèlement des missiles intermédiaires, un accord qui a suscité des réactions très diverses. Pour les uns, c'est un grand pas historique vers la paix, vers la détente. Pour les autres, au contraire, c'est un piège pour l'Europe, en particulier, c'est un accord dangereux. Bref, certains ont même parlé d'une sorte de Munich, compte tenu du déséquilibre qui existe entre les forces conventionnelles soviétiques et occidentales. Alors, quelle est votre réaction à l'issue de ce sommet ?
- LE PRESIDENT.- Je suis tout à fait favorable à cet accord qui vient d'être signé sur les fusées nucléaires intermédiaires. Si vous voulez connaître mon parcours personnel au sujet de ce type de désarmement, j'étais parlementaire au moment ou l'OTAN a pris la décision, en 1979, d'installer des Pershing II, c'est-à-dire des missiles nucléaires américains à moyenne portée, environ 2000 Km, en réponse à l'installation massive des SS 20 soviétiques, missiles nucléaires de 4500 km de portée. Et l'OTAN avait dit en 1979, si les Soviétiques continuent d'installer des SS 20, nous en installerons quatre en 1983, des Pershing II, et des missiles de croisière. Quand la date est arrivée, en 1983, les Soviétiques avaient continué de multiplier les SS 20 en Europe et en Asie.
- Lors du débat parlementaire de 1979, en France, c'est-à-dire au début de ce processus, alors que les Américains eux-mêmes avaient dit qu'ils n'installeraient pas leurs fusées "intermédiaires" ou bien qu'ils les démantèleraient, dans le cas où cela s'arrangerait, j'avais dit : "Ni SS 20, ni Pershing II". Puis le temps a passé, et je suis devenu Président de la République. Les SS 20, menaçant toute l'Europe, ont continué d'être installés.
- C'est pourquoi je suis allé à Bonn, devant le Bundestag, qui est, comme vous le savez, le Parlement allemand et j'ai dit en janvier 1983 : "Il faut installer, désormais des fusées américaines". Cela a été dur, difficile, car j'étais favorable à la réduction de ces armes, et pourtant, j'invitais l'Europe occidentale et les Américains à répondre du tac au tac : ni SS 20, ni Pershing II. Il y avait des SS 20 £ il y aurait des Pershing II. Je pensais que c'était absolument indispensable pour contraindre, précisément, les Soviétiques à retirer les SS 20, à esquisser, en tout cas, une stratégie dans ce sens. C'est ce qui s'est produit.
- Au moment où cet accord est signé, qu'il prévoit le retrait des deux types d'armes, je ne peux que m'en réjouir. Et je m'en réjouis pour la France.\
`Suite sur l'accord de désarmement Etats-Unis - URSS`
- Je vous donnerai là un argument qui n'est pas souvent employé, sans vouloir me mêler, pour l'instant avec vous, de l'ensemble de la discussion qui a commencé dans la presse française.
- Je rappellerai que les fusées que l'on appelle "intermédiaires" dans le langage entre les Américains et les Soviétiques, sont des fusées qui ne traversent pas l'Atlantique. Donc pour eux, Américains et Russes, qui sont les seuls à négocier, du moment que cela ne peut pas atteindre, à partir de la Russie, l'Amérique, à partir de l'Amérique, la Russie, cela s'appelle des fusées "intermédiaires". Les Pershing, précisément, installés en Europe avaient la portée suffisante pour atteindre le sol soviétique.
- Mais les fusées soviétiques, qui font - je l'ai dit tout à l'heure - 4500 km de portée, ne traversent pas l'Atlantique, mais c'est suffisant pour atteindre la France. Elles sont donc stratégiques pour la France. Si l'on sort du vocabulaire imposé par les Américains et les Russes, on comprend autrement la réalité de ce problème. La France, elle, et toute l'Europe occidentale, est menacée directement par ces fusées intermédiaires. Elles sont pour nous stratégiques puisque partant d'un sol supposé ennemi - supposé ennemi : je n'ai pas dit que les Russes avaient l'intention de déclencher la guerre nucléaire, mais enfin, discutons froidement du problème posé -, l'ensemble de ces fusées peuvent atteindre directement le sol de l'Europe occidentale. C'est donc pour nous, une réduction sensible du nombre des charges nucléaires qui - stratégiques ou qualifiés d'intermédiaires - pourraient nous atteindre.\
QUESTION.- Il y a l'actualité, et l'échec du sommet de Copenhague a laissé un goût amer chez tous ceux qui croient à l'idée européenne, alors que peut faire et que va faire la France pour dégager de nouvelles perspectives crédibles ?
- LE PRESIDENT.- La France a toujours pris une position très constructive depuis déjà l'origine, puisque ce sont des Français que l'on trouve au point de départ de la construction européenne. J'étais moi-même tout à fait favorable à ces premiers traités que j'ai votés. Et j'ai continué d'en être partisan. Je me souviens d'avoir pris part - je suis l'un des derniers parlementaires à avoir vécu ce moment - au premier Congrès européen, en 1948, à La Haye, avec des Allemands, au lendemain du deuxième grand conflit mondial. Donc, je voudrais bien que cela marche. Mais j'ai observé que l'Europe, quand elle n'est pas poussée par une vraie puissante volonté politique, calait, d'année en année, jusqu'au moment où la crise devenait suffisamment grave, pour qu'une prise de conscience s'opère. C'est ce qui s'était produit à Fontainebleau, quand je présidais la Communauté, en 1984, où nous avions pu liquider les 16 ou 17 contentieux accumulés depuis quatre et cinq ans. C'est presque une sorte de cycle et c'est un cycle dommageable, car peu à peu les volontés s'épuisent. C'est ce qui est arrivé à Copenhague. Il y avait eu un sommet à Athènes, en 1983, qui a été du même type. Puis, voilà que cela recommence, il faut reprendre l'élan, pendant ce temps, nous perdons nos mises. Et j'ai été très sévère pour nos partenaires, à Copenhague, au cours de nos réunions, en faisant sentir à quel point étaient dérisoires nos querelles subalternes, tandis que le monde s'organisait sans nous.
- Je pense que la France peut quand même - je ne suis pas pessimiste à ce point - remplir un rôle tout à fait déterminant dans la reprise d'une activité, d'une volonté dont on a le plus grand besoin.\
QUESTION.- Dernière question, avant de passer au volet africain, la question du financement des partis politiques est dans l'air du temps. Alors, jusqu'où peut-on aller, selon vous, dans la limpidité des finances des partis politiques en France ?
- LE PRESIDENT.- C'est dans l'air du temps, surtout depuis que j'ai demandé - c'était au cours d'une émission de RTL, et d'un débat que j'avais avec Philippe Alexandre que le gouvernement et les partis politiques devaient s'entendre pour définir une règle du jeu et pour moraliser la vie publique. C'est un problème qui se pose depuis que la République existe. Ce serait très bien de parvenir enfin à l'objectif désiré. Je l'ai proposé, et le Premier ministre `Jacques Chirac`, quelques jours plus tard, a accepté de s'engager dans ce processus £ j'avais, précisément, dit au gouvernement, que s'il était en mesure de faire discuter une loi de ce type, je signerais la réunion ou la convocation d'une session extraordinaire du Parlement au mois de janvier prochain, ce que je suis toujours disposé à faire, bien entendu.
- C'est dire à quel point je suis favorable. A quoi ? Financement public des partis ? Je ne prendrai pas position, pour l'instant je ne peux pas entrer dans le détail, c'est le rôle des formations politiques, au sein des assemblées parlementaires, de se déterminer elles-mêmes. En gros, cela veut dire que l'on ne peut pas laisser les financements privés clandestins se développer comme on le voit £ en ce cas les moins malins sont pris, et ce sont souvent les plus honnêtes, mais ce sont des pratiques générales tout à fait détestables. Donc, financement public. Faut-il aussi du financement privé ? C'est aux parlementaires de le décider : de toute manière, il faut réglementer.
- Importante, mais peut-être plus importante encore me paraît la nécessité de plafonner les dépenses dans les campagnes électorales, particulièrement pour la prochaine élection présidentielle. J'en ai l'expérience, et je pense qu'au-delà de 100 millions de francs, on va vers des dépenses absolument somptuaires où ce sont les plus riches qui peuvent inonder la France avec des journaux, des correspondances, des coups de téléphone, enfin tout ce que l'on voudra. Il faut réglementer cela.
- Je pensais que, puisqu'on y était, il serait peut-être sage en même temps de rendre public l'-état du patrimoine des hommes publics à partir d'un certain rang. Ce n'est pas que je sois de ceux qui veulent ajouter une suspicion particulière à l'égard des hommes politiques : je me souviens d'avoir dit à la télévision, aux Français auxquels je m'adressais, "mais vous savez les hommes politiques, on en parle, mais ils sont comme vous,...". Les hommes politiques sont en moyenne aussi honnêtes, disons même ont quelquefois plus d'idéal que beaucoup d'autres Français. Mais c'est plus scandaleux, lorsqu'il y a des fautes, parce que ce sont les gens qui sont destinés à conduire la nation. Eh bien, il faut que leur patrimoine soit connu. Voilà, c'est ce que je souhaite et je n'interviens pas plus avant, ce n'est pas mon rôle.\
QUESTION.- Alors, ouvrons maintenant le chapitre africain de cet entretien, le sommet d'Antibes à propos duquel Jean-Louis Gombeaud, chef du service économique à RFI et Philippe Leymarie, responsable du service Afrique vont donc essayer de vous poser un certain nombre de questions.
- Monsieur le Président, cette réunion de famille, disons d'Antibes, qui commence ce soir, est informelle on le sait, mais il s'y ajoute cette fois l'absence d'un certain nombre de chefs d'Etat parmi certains importants, alors comment allez-vous arriver à donner à cette réunion tout de même un aspect un petit peu concret, sinon de décision puisque cela n'est pas fait pour prendre des décisions ?
- LE PRESIDENT.- Le nombre de participants est à peu près constant. Il s'était accru, il y a 5 et 6 ans, par une demande assez forte de beaucoup de pays hispanophones, anglophones, lusophones, etc, au point que cela risquait d'être excessif et créer une sorte d'organisation qui aurait pu répéter ce que l'on faisait du côté de l'OUA par exemple, ce qui n'était pas du tout dans l'intention de la France, pas le moins du monde.
- Le nombre d'invités s'est fixé à peu près comme cela, avec des répondants qui seront 39 cette fois-ci, ce qui, je crois, est, à deux près, le chiffre de participants correspondant à la fois précédente. Parmi ces 39 pays représentés, je crois qu'il y a 16 chefs d'Etat. On a connu des conférences où il y en avait 17 ou 18, on ne va pas dire que celui-là est moins apprécié que les autres. M. Houphouet-Boigny ne sera pas là, mais il n'était pas là non plus d'autres fois. Son -état de santé, comme vous le savez exige un certain nombre de soins pour l'instant. M. Abdou Diouf, qui est un des grands personnages de l'Afrique et des grands amis de la France, est en campagne électorale. Alors je regrette tout à fait leur absence mais l'ensemble des personnalités représentées fait que ce sommet franco-africain devrait normalement avoir le niveau et l'utilité traditionnels de ce type de réunion.\
QUESTION.- Alors justement, le secrétaire général de l'OUA `David Kaunda` qui réagissait à ce sommet Gorbatchev - Reagan, hier, disait : pas de paix finalement véritable sans une justice meilleure entre les nations. Alors cela nous servira peut-être de transition tout à l'heure avec l'aspect économique, vous en pensez quoi monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, c'est un discours que je tiens constamment. Les deux grands périls pour la paix dans le monde, c'est d'une part la prolifération de l'arme atomique assortie du surarmement dont on aperçoit pour la première fois qu'il pourrait cesser. C'est la première fois qu'il y a un véritable désarmement dans l'histoire de l'après-guerre. C'est la première menace qui pourrait être mortelle pour l'humanité.
- La deuxième c'est que cela creuse le fossé entre les pays riches et les pays pauvres. Le non-développement est une menace mortelle, génératrice de troubles, de révoltes, de luttes, de misère, de morts, c'est intolérable et les nations responsables doivent s'attaquer en même temps à ces deux problèmes, d'autant plus que ces deux problèmes peuvent être liés car plus il y aura de désarmement, plus grandes seront les disponibilités pour procéder au développement.\
QUESTION.- Alors venons-en justement au développement, le sommet franco-africain se déroule à un moment où l'on se pose des questions sur la conjoncture économique en France mais de sérieuses inquiétudes sur la conjoncture économique en Afrique, avec trois volets, parfois un retour de la famine dans certaines parties de l'Afrique, parfois des préoccupations très graves, déficit alimentaire, le problème des matières premières et la question de la dette. A RFI lorsque l'on parle de la situation économique en Afrique, souvent on a tendance, on a l'impression de se répéter, cela va de plus en plus mal.
- LE PRESIDENT.- Est-ce que vous croyez que ce n'est pas mon impression. Cela fait maintenant six ans et demi que je participe à la plupart des grandes réunions internationales, je suis allé aux Nations unies, je participe chaque année au sommet des grands pays industrialisés, des sept plus grands pays industriels. Je répète toujours la même chose. La première réunion à laquelle je me sois rendu après mon élection, cela a été Cancun. C'était une espérance, cela a été un échec. On a vu par exemple les Etats-Unis d'Amérique se retirer peu à peu du jeu, choisissant certaines aides bilatérales, décidées par eux-mêmes, et abandonnant pour une large part les aides multilatérales, par une sorte de restriction dans le développement des flux financiers. Non seulement les Etats-Unis d'Amérique mais beaucoup d'autres. Tandis que la France, elle, a persévéré et même accru son aide. J'avais constaté à Venise lors du dernier sommet des pays industrialisés que la France parmi ces sept pays se trouvait être le premier en direction des fameux 0,7 % qui avaient été définis comme l'objectif désirable, 0,7 % du produit national brut de chacun des pays en cause. Nous en étions, nous, à 0,5 et demi, avec derrière nous le Canada et l'Allemagne et tout à fait en queue le Japon et les Etats-Unis d'Amérique avec 0,25. Si ces deux pays faisaient ce que fait la France en pourcentage, le problème serait déjà réduit pour une large part.
- Donc je suis comme vous, comme RFI, cela m'inquiète énormément cette absence totale de prise de conscience de responsabilité des grands pays industriels. Il ne s'agit pas de charité. Ils travailleraient au demeurant pour leur compte, d'abord ils prévoiraient ce qui se passerait inévitablement au cours du siècle prochain s'il ne pare pas au développement de cette crise. Ensuite on s'aperçoit à quel point ils sont eux-mêmes bloqués dans leurs échanges, en cherchant toujours le meilleur de la concurrence et ils finiront par ne plus avoir de client.\
`Suite sur la situation économique en Afrique` Je vous ai parlé tout à l'heure de l'objectif humain. Vous avez parlé de la famine. Je vais dire une banalité mais comme il faut la répéter pour qu'elle soit comprise, allons-y pour la banalité. Il est certain qu'intervenir pour aider les victimes de la sécheresse dans le Sahel, c'est nécessaire et la France n'est pas la dernière, elle s'est même située la seconde de tous les pays du monde au cours de ces dernières années. Mais il serait quand même plus sage et plus intelligent d'organiser l'autosuffisance alimentaire en développant les moyens techniques de l'agriculture et en développant la formation des populations autochtones pour qu'elles se rendent elles-mêmes maîtresses du développement agricole de leur territoire puisqu'il y a là des gens fort intelligents et fort adaptés à la condition tout de même qu'il y ait le minimum d'équipement qui leur soit fourni et de formation humaine. Donc, je pense comme vous. Faut-il pour autant abandonner, je ne le crois pas. Peut-être certains petits progrès mais comme pour l'Europe, par à-coups, sont-ils possibles ? Je continue d'y croire et je continuerai donc de dire la même chose tout en le déplorant.
- QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais prendre deux exemples concrets sur ces questions. Le problème des matières premières et la question de la dette dont il sera question au cours de ce sommet `sommet franco-africain à Antibes`.
- LE PRESIDENT.- Pour les matières premières, on s'aperçoit fort bien, cela est le constat déplorable, qu'il suffit de quelques mouvements sur les places financières et du bouleversement des taux de change pour que se trouve anéantis, en l'espace de quelques semaines, les plans de développement de quelques grands pays africains, les grands et les petits.
- QUESTION.- Rendriez-vous responsable le marché international de la baisse des matières premières ou bien est-ce que les pays africains selon vous ne produiraient pas en fonction de ce marché pour vendre des produits mieux valorisés ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que les deux causes s'entremêlent. Malgré tout il y a des effets bruts qu'il faut considérer. Quand on voit les variations du dollar, comment voulez-vous que s'y reconnaissent les prévisions des pays africains ? C'est impossible. Cela aboutit à des chocs terribles. Vous avez aussi parlé de la dette. Nous allons sans doute nous y attarder un instant, mais quand on pense que la crise boursière a coûté plus cher en une semaine que la totalité de la dette des pays en voie de développement, on s'aperçoit à quel point les pays riches sont inconscients.\
QUESTION.- Alors, vous me donnez l'occasion de faire la transition, monsieur le Président. A propos de la dette, il y a eu récemment le sommet de l'OUA sur la grave question de l'endettement africain, 200 milliards de dollars, ce qui est une somme considérable pour ces pays pauvres. Il y a été pris, à cette occasion, un certain nombre de résolutions et de propositions et je voudrais avoir votre point de vue là-dessus. Il s'agit notamment d'un moratoire sur dix ans, d'un rééchelonnement sur cinquante ans de la dette de ces pays pauvres et la transformation en dons d'une partie de la dette publique. Qu'en pensez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Ce sont des thèmes qu'il est juste de traiter. De ce point de vue, quant à l'orientation, je donnerais raison aux pays de l'OUA. Quant aux délais fixés, quant aux contraintes ou au contraire à l'absence de contraintes, cela mérite discussion. Que des prêts publics soient transformés en dons, naturellement, pourquoi pas ? En réalité, la France a agi de la sorte à l'égard de certains parmi les pays les plus pauvres. Vous connaissez la disposition prise par le Canada lors du sommet de la francophonie, à Québec, récemment. Cela ne peut pas être systématique, sans quoi ce serait une sorte d'invitation aux pays endettés de ne jamais régler leurs dettes. Mais je considère comme tout à fait raisonnable que, Etat par Etat, on puisse examiner des situations au point d'aller jusqu'à transformer des prêts publics en dons.
- Donc, il n'y a pas de différence d'appréciation sur le fond avec les pays de l'OUA. Simplement je dis, examen Etat par Etat, et étape par étape.
- Les délais de grâce, c'est la proposition de la France au sommet industriel de Venise et déjà la France avait pris des dispositions dans ce sens. Le remboursement avec des intérêts nuls, cela se discute. Les 50 ans pour le remboursement, c'est quand même la France qui a pris l'initiative d'un certain nombre de réformes importantes. Regardez le Fonds spécial pour l'Afrique ! Voyez les positions que j'ai été amené à prendre au nom de notre pays en Amérique latine. Il y a quand même une évidence aussi bien au Brésil qu'en Argentine : des pays doivent consacrer une large part de leur profit, dû à un formidable effort de leur peuple, pour améliorer par exemple la balance commerciale, à payer leur dette : ainsi parvient-on à des tensions économiques, donc sociales, qui pourraient faire que ces pays retomberaient et qu'en réalité les créanciers ne verraient pas revenir leurs créances. Vous savez bien que c'est une pratique financière constante. Si l'on tue le débiteur, - je veux dire si on l'étouffe -, eh bien personne n'y gagnera. Il ne faut pas non plus que les pays endettés en fassent une sorte de règle qui ne serait qu'habileté. Il n'y a pas lieu de douter de l'honnêteté de nos partenaires.
- La France peut parler de ces choses parce qu'elle est elle-même créancière assez fortement. Elle est créancière, par exemple, pour éviter de parler en détail de l'Afrique, elle est créancière de 10 % de la dette du Brésil. Ce sont des sommes considérables. Et vous savez qu'en France, on a beaucoup de soucis pour l'Afrique et qu'en Afrique, on a beaucoup de relations avec la France, ce qui fait que beaucoup de pays d'Afrique sont aujourd'hui endettés par -rapport à la France. La France a vraiment examiné ces choses avec une grande largeur d'esprit, mais on ne peut pas non plus décréter que ces créances sont annulées alors qu'elle-même est prise dans la crise internationale et doit régler ses propres dettes lorsqu'elle en a avec d'autres pays.
- Il faut observer cela avec sagesse. La direction prise par l'OUA ne me choque aucunement. J'estime que l'on peut discuter de tout. Il faut simplement éviter de s'enfermer dans des a priori qui seraient excessifs.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je souhaiterais revenir à des dossiers plus politiques. Il y a eu cette année en Afrique un certain nombre de successions, le pouvoir a changé de main, de façon parfois assez diverse : coup d'Etat au Burundi £ décès tragique de Thomas Sankara £ d'autres transitions plus douces comme en Tunisie ou au Niger. Alors quel est votre sentiment à propos... ?
- LE PRESIDENT.- Il est difficile d'édifier une philosophie générale à propos de cas particuliers. L'Afrique est composée de pays pour la plupart indépendants depuis peu - une, deux générations -. Le problème que vous évoquez est normal en raison de l'ampleur des problèmes qui sont posés à ces deux générations, la fondation d'un Etat indépendant, la création d'institutions, d'administrations, une certaine difficulté pour perpétuer les frontières reconnues au lendemain de la colonisation. Vous savez, il faut beaucoup de courage et d'intelligence - et la plupart en ont - aux dirigeants de ces pays africains pour ne pas connaître plus de troubles et de difficultés.
- Alors il se produit des coups d'Etat, en effet, de temps à autre. Quant aux changements de personnes, - je pense notamment à la mort de mon ami le président Kountché - je crois que cela s'est fait, vous l'avez dit vous-même, d'une façon extrêmement légaliste et conforme aux intérêts de ce pays. Le coup d'Etat dont a été victime Thomas Sankara, qui ne peut le déplorer ? C'est mon cas, j'avais de l'estime pour Thomas Sankara mais il appartient au Burkina Faso de déterminer lui-même de quelle façon il gèrera la suite de ces événements. D'ailleurs, il a déjà dessiné les traits du présent.
- Je n'ai rien d'autre à dire là-dessus. Je ne pense pas que cela soit vraiment particulier. Ce bouillonnement, on l'approuve parfois £ ce bouillonnement est dans la -nature des choses. Les responsables de l'Afrique sont issus de générations ardentes, intelligentes qui dans de nombreux domaines ont de grandes réussites. C'est la -nature même d'une société. J'espère simplement que le temps sera bref qui permettra à chacun de ces Etats de s'installer dans une stabilité de caractère démocratique.\
QUESTION.- On ne vas pas pouvoir sans doute éviter comme d'habitude le sujet tchadien à la réunion d'Antibes `sommet franco-africain`. D'abord en quelques mots, pourquoi le Tchad résume-t-il toujours toute une politique franco-africaine ? Quelle est la fatalité qui s'acharne ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas de fatalité. Il se trouve que le Tchad est un pays qui a plus de difficultés que d'autres à harmoniser les intérêts des populations qu'il compose. Cela a commencé il y a bien longtemps, comme vous le savez, puisque le général de Gaulle, puis M. Pompidou avaient dû envoyer une sorte de corps expéditionnaire, c'est-à-dire 3000 hommes, au Tchad dans les années 1968 - 1969, puisque M. Giscard d'Estaing, dix ans plus tard, a dû recommencer avec quelque 2000 hommes. Dans des conditions différentes, j'ai refusé, vous vous en souvenez, d'envoyer l'armée française au combat dans le Tibesti, région désertique et montagneuse, où nous n'avions rien à faire.
- QUESTION.- Donc on n'ira pas mourir pour Aozou cette fois-ci encore ?
- LE PRESIDENT.- Procédons par ordre. Je vais vous parler d'Aozou si vous le désirez. Mais il y avait au Tchad un aspect très difficile à traiter, c'était un aspect guerre civile et la France, en effet, ne pouvait que souhaiter la naissance d'un Etat stable autour du gouvernement légitime, ce qui s'est fait, mais se devait d'être prudente dans son appréciation de la vie intérieure du Tchad. Dès lors qu'il est devenu tout à fait clair - on pouvait déjà le discerner, ce que j'avais fait moi-même en 1983 -, qu'il s'agissait surtout d'une agression extérieure, on a voulu aider le gouvernement légitime.
- Au fond, les objectifs ont été remplis à l'heure où je m'exprime. D'une part, faire que le Tchad retrouve son intégrité, et donc sa souveraineté sur son territoire, cela a été accompli avec l'aide de la France et, naturellement, grâce aux qualités propres du peuple tchadien et de ses dirigeants. Cela a été accompli.
- Et le deuxième objectif, c'était de ne pas faire de la France un pays belligérant, directement. L'aide au gouvernement légitime du Tchad, oui, les équipements pour reconstruire ce pays, oui, les aides financières, oui. L'aide militaire a été efficace, lorsqu'il est apparu à deux reprises que les troupes libyennes pouvaient enfoncer les défenses tchadiennes et reconquérir le territoire, comme c'était le cas. Lorsque je suis moi-même arrivé ici, à l'Elysée, le Tchad était entièrement occupé ou contrôlé par la Libye - il ne faut pas oublier cela -. De recul en recul, on est arrivé à un bon résultat, puisque le Tchad est aujourd'hui libre et indépendant. C'est pourquoi j'ai observé, avec beaucoup de prudence, la situation au nord de la ligne qui avait été fixée, d'abord le 15ème, puis le 16ème parallèle.\
`Suite sur le Tchad` Vous m'avez parlé d'Aozou. Nous avons toujours, moi-même, le Premier ministre `Jacques Chirac`, les Premiers ministres qui se sont succédés `Pierre Mauroy, Laurent Fabius`, informé M. Hissène Habré que pour Aozou, sans vouloir prendre position sur un point de droit qui après tout, s'il devrait être traité, concluerait au fait que les frontières anciennement coloniales, ayant été considérées comme un fait acquis, devaient devenir une base de droit dans les relations entre les Etats au moment des indépendances - tel était le cas du Tchad -, la bande d'Aozou fait partie du Tchad géré par la France. De ce point de vue, M. Hissène Habré a tout à fait raison d'invoquer l'histoire.
- Il y a contestation, vous le savez bien £ d'ailleurs on en a débattu récemment à Lusaka, et M. Kaunda `Président de la République de Zambie` qui a pris en main cette affaire comme président de l'OUA est en train d'examiner, vous le savez, depuis le mois de septembre, les cartes, les dossiers qui lui sont présentés par la Libye et par le Tchad. Cela a repris, enfin, je veux dire que le côté négociations est aujourd'hui assez positif. On peut espérer que la conférence prévue à Dakar, pour le mois de janvier, pourrait donner des résultats.
- Voilà, c'est tout ce que je peux vous dire aujourd'hui. Un débat avait eu lieu entre la France et l'Italie en 1935, justement sur la bande d'Aozou, pour savoir où se situe le droit. Nous, nous nous contentons de dire, eh bien qu'il y ait donc un arbitrage international. Nous ne pensons pas qu'il soit raisonnable de relancer la guerre autour de la bande d'Aozou, mais bien entendu, M. Hissène Habré est chef de l'Etat, il est souverain, et c'est aux Tchadiens de décider ce qui doit être fait.\
QUESTION.- Autre question, monsieur le Président, qui ne manquera sans doute pas d'être évoquée, les problèmes d'Afrique australe, en général. Alors, la France a vu les responsables angolais, mozambiquais récemment, il y a une petite rentrée française sur l'Afrique australe, est-ce que...
- LE PRESIDENT.- Non, non, il n'y a pas eu de rentrée, elle n'était pas sortie.
- QUESTION.- Quel rôle peut jouer notre pays, à votre avis actuellement, dans ce grand marchandage ?
- LE PRESIDENT.- Il y a eu, un moment, toute une campagne que je n'ai pas comprise du tout, tendant à dire que la France avait un peu délaissé l'Afrique francophone, enfin, ses vieux amis d'Afrique, au bénéfice d'une aide indifférenciée, répandue sur le monde entier. C'était caricatural. Une priorité a toujours été réservée, continuera de l'être, aux pays francophones associés au destin de la France, depuis déjà longtemps. Mais je n'en avais pas moins estimé qu'il était nécessaire de contribuer au développement par les coopérations à définir avec des pays d'Afrique ou autres que francophones. C'était le cas à l'égard de pays hispanophones - voyez le cas de la Guinée équatoriale qui se trouve associée aujourd'hui à la zone franc - ou bien c'était le cas, dont vous m'avez parlé, des pays d'anciennes colonies portugaises, Mozambique et Angola. Et nous avions déjà procédé à certaines aides qui avait été critiquées, comme si c'était autant d'argent qui était arraché aux autres. Il faut quand même comprendre. Cela a été fait, cela a été bien fait, et j'observe que la sagesse et le bon sens finissant toujours par l'emporter, c'est ce qui se fait aujourd'hui de la même façon.
- Et la France ne peut que s'en réjouir, parce que l'amitié de l'Angola et du Mozambique permet à notre pays, au-delà de l'Afrique francophone traditionnelle, mais par -rapport à des problèmes qui touchent l'Afrique francophone, notamment le problème de l'Afrique du Sud, cela permet de renforcer notre influence, notre juste influence, sans peser sur les desseins de ces pays, mais cela donne à la France une physionomie face aux problèmes aigus qui occupent aujourd'hui l'opinion africaine : un refus de la ségrégation.
- QUESTION.- Vous seriez partisan peut-être que la France, monsieur le Président, les aide plus sur un -plan, par exemple, de coopération militaire, ces pays qui demandent régulièrement des moyens ?
- LE PRESIDENT.- C'est au gouvernement d'examiner cela. Il m'en parlera nécessairement, puique j'ai une responsabilité particulière dans ce domaine. Mais moi, personnellement, je pense que tout ce qui peut être fait - il y a des données économiques évidentes pour maintenir les bonnes relations actuelles -, sera une chose utile.
- QUESTION.
- Mme Thatcher équipe actuellement une unité de l'armée mozambiquaine, et la forme... elle va très loin Mme Thatcher...
- LE PRESIDENT.- Oui, elle nous en a parlé. M. Chissano était allé à Londres d'ailleurs. Oui, elle va loin, cela c'est la politique britannique. La France ne sera pas en reste pour contribuer au développement de ces pays, là où cela paraîtra le plus utile. Mais, je le répète, c'est un débat à avoir avec le gouvernement de la République.\
QUESTION.- Monsieur le Président, les quelques minutes qui nous restent, nous pourrions peut-être les consacrer, avec Jean-Louis Gombeaud, aux relations entre la France et l'Afrique.
- Relations économiques et commerciales. Monsieur le Président, l'année dernière, les échanges entre la France et l'Afrique ont baissé de 25 %. Est-ce votre sentiment que la France perd des points, je parle sur le -plan commercial et économique, en Afrique ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas. Je pense simplement que les besoins de l'Afrique, malheureusement grandissent, avec l'aggravation de la crise, et que la France, quels que soient son importance, et son grand souci d'être toujours l'amie privilégiée des Africains, ne peut pas suffire. Le développement de la crise fait que la France ne peut pas compenser les dommages nouveaux supportés par l'Afrique. Voyez ce qui vient de se produire, le mouvement des changes, la perte de bénéfices sur les matières premières, la façon dont nous sommes exploités, victimes du mouvement international des affaires : les pays industriels ne s'occupent pas de nous. Alors, nous la France, c'est nous qui faisons le plus gros effort, vous avez dit tout à l'heure, des pays industriels. Et avec deux ou trois pays plus petits, très engagés comme la Hollande, comme les pays scandinaves, nous sommes parmi les quatre pays du monde qui apportent la contribution la plus importante aux pays du tiers monde, en général, et pour la France, particulièrement, aux pays de l'Afrique.
- Donc, si vous constatez une certaine baisse, c'est parce que les besoins se sont accrus exagérément et que la France ne peut pas entièrement les compenser. Enfin, vous savez ce que nous faisons nous, Français, pour le Fonds spécial pour l'Afrique, au sein du Fonds européen de développement. Vous savez ce qui a été décidé pour le Fonds africain de développement, les augmentations en unités de compte pour les trois années qui viennent, soit par nous-mêmes, soit par le Club de Paris. Le Club de Paris - je reviens, mais c'est la même question, au problème de la dette - a vraiment été d'une très grande utilité pour le rééchelonnement. Vous savez quelles sont les facilités d'ajustement structurel du Fonds monétaire international...
- QUESTION.- On les attend impatiemment...
- LE PRESIDENT.- Oui, mais enfin qu'est ce qui pousse dans ce sens, sinon la France, pour le développement et le doublement des ressources bilatérales françaises ? Sur le -plan budgétaire et financier, nous avons accru le flux des ressources que nous apportons à l'Afrique. Je comprends l'angoisse et les soucis des grands dirigeants africains qui ont besoin encore d'une aide supplémentaire. Je les rencontre, je vais les voir, nous en parlerons. La France fait tout ce qu'elle peut. Si elle peut faire encore plus, elle le fera, mais cela doit être examiné avec soin. Je le répète la France est, elle-même, prise dans la crise internationale. Elle doit aussi défendre ses propres finances et ses propres ressources pour pouvoir précisément être plus utile à ses amis.\
QUESTION.- Vous avez signalé tout au long de cet entretien, monsieur le Président, les méfaits que causaient les perturbations sur le dollar. Il existe une zone monétaire un peu stable, celle de la zone franc. Mais on entend dans les pays francophones, membres de la zone franc, un certain nombre de réticences, de revendications, notamment on voudrait dévaluer le franc CFA quelquefois, certains prônent une sortie de la zone franc, d'autres protestent contre les sorties de capitaux des pays membres de la zone franc en Afrique vers la France. Quel est votre sentiment sur ce qui se passe actuellement dans cette zone monétaire ?
- LE PRESIDENT.- Il faut aller vers des idées simples. La zone franc est tout de même une garantie de stabilité et, dans la tourmente générale, je crois vraiment que les pays africains appartenant à la zone franc en tirent le plus de satisfaction qu'ils n'en connaissent les désavantages. Qu'ici ou là, selon les à-coups de la crise, les pays engagés dans la zone franc attendent plus encore de la France ou ne veulent pas être enfermés dans les règlements que cela implique, je peux le comprendre. Mais dans la balance, le poids zone franc apporte beaucoup plus qu'il ne retire aux pays en question. C'est une bonne chose.\
QUESTION.- Monsieur le Président, Radio France internationale est la radio de la francophonie, c'est aussi celle qu'écoutent les Français qui vivent à l'étranger, ils sont plus d'un million et demi. On incite souvent les Français à s'expatrier. Quel serait, selon vous, la meilleur manière de les inciter non seulement à l'expatriation, mais également de manière à ce que leur retour soit assuré dans les meilleures conditions possibles ?
- LE PRESIDENT.- D'abord les Français en question sont tout de même des gens responsables. Ils n'ont pas toujours besoin d'assistance pour savoir ce qu'ils ont à faire. Partir, c'est bien. Ils représentent le plus souvent fort bien notre pays. Ils participent à la vie internationale. On ne peut que les en remercier. Revenir, quand ils ont envie de revenir, ils reviennent. Il y a d'un côté naturellement les agents de la fonction publique qui ont à remplir un rôle dans le -cadre des contrats qui sont les leurs, et puis il y a les représentants des entreprises privées qui sont libres de leurs mouvements. Savoir de quelle manière ils se retrouveront quand ils reviendront en France, ce problème s'est posé en termes souvent aigus, moins aujourd'hui. Il peut se poser pour tous ceux que l'on appelle "les coopérants". Pour les autres, le problème ne se pose pas dans ces termes, ils sont chez eux quand ils sont en France. Ils ont droit exactement aux mêmes applications de la loi que les autres. On a veillé à ce qu'ils puissent participer davantage à la vie politique française, vraiment j'ai l'impression que nos instituts, nos écoles, nos alliances françaises, se sont quand même bien développés et si l'on peut, ici ou là, constater des manques, s'il y a des insuffisances, eh bien, il faut qu'on nous dises de quoi il s'agit. Il existe un Conseil supérieur des Français à l'étranger, il est là pour ça.\
- Alors, nous allons tenter avec vous de définir le sens de cette nouvelle rencontre, il n'y a pas, à proprement parler, d'ordre du jour, mais nous savons déjà qu'il y sera fortement question de relations économiques, de problèmes de matières premières et de développement, en général.
- Ce sera également l'occasion de faire le point sur un certain nombre de dossiers, toujours brûlants, qu'il s'agisse du Tchad, de l'Afrique australe ou de l'évolution que connaissent actuellement certains pays.
- Cela dit, il est difficile, tout de même, d'ignorer le reste du monde, et je souhaiterais commencer cet entretien, si vous le voulez bien, par quelques questions d'actualité et trois questions plus exactement.\
La première `question` concerne l'accord signé par messieurs Reagan et Gorbatchev, à Washington, accord sur le démantèlement des missiles intermédiaires, un accord qui a suscité des réactions très diverses. Pour les uns, c'est un grand pas historique vers la paix, vers la détente. Pour les autres, au contraire, c'est un piège pour l'Europe, en particulier, c'est un accord dangereux. Bref, certains ont même parlé d'une sorte de Munich, compte tenu du déséquilibre qui existe entre les forces conventionnelles soviétiques et occidentales. Alors, quelle est votre réaction à l'issue de ce sommet ?
- LE PRESIDENT.- Je suis tout à fait favorable à cet accord qui vient d'être signé sur les fusées nucléaires intermédiaires. Si vous voulez connaître mon parcours personnel au sujet de ce type de désarmement, j'étais parlementaire au moment ou l'OTAN a pris la décision, en 1979, d'installer des Pershing II, c'est-à-dire des missiles nucléaires américains à moyenne portée, environ 2000 Km, en réponse à l'installation massive des SS 20 soviétiques, missiles nucléaires de 4500 km de portée. Et l'OTAN avait dit en 1979, si les Soviétiques continuent d'installer des SS 20, nous en installerons quatre en 1983, des Pershing II, et des missiles de croisière. Quand la date est arrivée, en 1983, les Soviétiques avaient continué de multiplier les SS 20 en Europe et en Asie.
- Lors du débat parlementaire de 1979, en France, c'est-à-dire au début de ce processus, alors que les Américains eux-mêmes avaient dit qu'ils n'installeraient pas leurs fusées "intermédiaires" ou bien qu'ils les démantèleraient, dans le cas où cela s'arrangerait, j'avais dit : "Ni SS 20, ni Pershing II". Puis le temps a passé, et je suis devenu Président de la République. Les SS 20, menaçant toute l'Europe, ont continué d'être installés.
- C'est pourquoi je suis allé à Bonn, devant le Bundestag, qui est, comme vous le savez, le Parlement allemand et j'ai dit en janvier 1983 : "Il faut installer, désormais des fusées américaines". Cela a été dur, difficile, car j'étais favorable à la réduction de ces armes, et pourtant, j'invitais l'Europe occidentale et les Américains à répondre du tac au tac : ni SS 20, ni Pershing II. Il y avait des SS 20 £ il y aurait des Pershing II. Je pensais que c'était absolument indispensable pour contraindre, précisément, les Soviétiques à retirer les SS 20, à esquisser, en tout cas, une stratégie dans ce sens. C'est ce qui s'est produit.
- Au moment où cet accord est signé, qu'il prévoit le retrait des deux types d'armes, je ne peux que m'en réjouir. Et je m'en réjouis pour la France.\
`Suite sur l'accord de désarmement Etats-Unis - URSS`
- Je vous donnerai là un argument qui n'est pas souvent employé, sans vouloir me mêler, pour l'instant avec vous, de l'ensemble de la discussion qui a commencé dans la presse française.
- Je rappellerai que les fusées que l'on appelle "intermédiaires" dans le langage entre les Américains et les Soviétiques, sont des fusées qui ne traversent pas l'Atlantique. Donc pour eux, Américains et Russes, qui sont les seuls à négocier, du moment que cela ne peut pas atteindre, à partir de la Russie, l'Amérique, à partir de l'Amérique, la Russie, cela s'appelle des fusées "intermédiaires". Les Pershing, précisément, installés en Europe avaient la portée suffisante pour atteindre le sol soviétique.
- Mais les fusées soviétiques, qui font - je l'ai dit tout à l'heure - 4500 km de portée, ne traversent pas l'Atlantique, mais c'est suffisant pour atteindre la France. Elles sont donc stratégiques pour la France. Si l'on sort du vocabulaire imposé par les Américains et les Russes, on comprend autrement la réalité de ce problème. La France, elle, et toute l'Europe occidentale, est menacée directement par ces fusées intermédiaires. Elles sont pour nous stratégiques puisque partant d'un sol supposé ennemi - supposé ennemi : je n'ai pas dit que les Russes avaient l'intention de déclencher la guerre nucléaire, mais enfin, discutons froidement du problème posé -, l'ensemble de ces fusées peuvent atteindre directement le sol de l'Europe occidentale. C'est donc pour nous, une réduction sensible du nombre des charges nucléaires qui - stratégiques ou qualifiés d'intermédiaires - pourraient nous atteindre.\
QUESTION.- Il y a l'actualité, et l'échec du sommet de Copenhague a laissé un goût amer chez tous ceux qui croient à l'idée européenne, alors que peut faire et que va faire la France pour dégager de nouvelles perspectives crédibles ?
- LE PRESIDENT.- La France a toujours pris une position très constructive depuis déjà l'origine, puisque ce sont des Français que l'on trouve au point de départ de la construction européenne. J'étais moi-même tout à fait favorable à ces premiers traités que j'ai votés. Et j'ai continué d'en être partisan. Je me souviens d'avoir pris part - je suis l'un des derniers parlementaires à avoir vécu ce moment - au premier Congrès européen, en 1948, à La Haye, avec des Allemands, au lendemain du deuxième grand conflit mondial. Donc, je voudrais bien que cela marche. Mais j'ai observé que l'Europe, quand elle n'est pas poussée par une vraie puissante volonté politique, calait, d'année en année, jusqu'au moment où la crise devenait suffisamment grave, pour qu'une prise de conscience s'opère. C'est ce qui s'était produit à Fontainebleau, quand je présidais la Communauté, en 1984, où nous avions pu liquider les 16 ou 17 contentieux accumulés depuis quatre et cinq ans. C'est presque une sorte de cycle et c'est un cycle dommageable, car peu à peu les volontés s'épuisent. C'est ce qui est arrivé à Copenhague. Il y avait eu un sommet à Athènes, en 1983, qui a été du même type. Puis, voilà que cela recommence, il faut reprendre l'élan, pendant ce temps, nous perdons nos mises. Et j'ai été très sévère pour nos partenaires, à Copenhague, au cours de nos réunions, en faisant sentir à quel point étaient dérisoires nos querelles subalternes, tandis que le monde s'organisait sans nous.
- Je pense que la France peut quand même - je ne suis pas pessimiste à ce point - remplir un rôle tout à fait déterminant dans la reprise d'une activité, d'une volonté dont on a le plus grand besoin.\
QUESTION.- Dernière question, avant de passer au volet africain, la question du financement des partis politiques est dans l'air du temps. Alors, jusqu'où peut-on aller, selon vous, dans la limpidité des finances des partis politiques en France ?
- LE PRESIDENT.- C'est dans l'air du temps, surtout depuis que j'ai demandé - c'était au cours d'une émission de RTL, et d'un débat que j'avais avec Philippe Alexandre que le gouvernement et les partis politiques devaient s'entendre pour définir une règle du jeu et pour moraliser la vie publique. C'est un problème qui se pose depuis que la République existe. Ce serait très bien de parvenir enfin à l'objectif désiré. Je l'ai proposé, et le Premier ministre `Jacques Chirac`, quelques jours plus tard, a accepté de s'engager dans ce processus £ j'avais, précisément, dit au gouvernement, que s'il était en mesure de faire discuter une loi de ce type, je signerais la réunion ou la convocation d'une session extraordinaire du Parlement au mois de janvier prochain, ce que je suis toujours disposé à faire, bien entendu.
- C'est dire à quel point je suis favorable. A quoi ? Financement public des partis ? Je ne prendrai pas position, pour l'instant je ne peux pas entrer dans le détail, c'est le rôle des formations politiques, au sein des assemblées parlementaires, de se déterminer elles-mêmes. En gros, cela veut dire que l'on ne peut pas laisser les financements privés clandestins se développer comme on le voit £ en ce cas les moins malins sont pris, et ce sont souvent les plus honnêtes, mais ce sont des pratiques générales tout à fait détestables. Donc, financement public. Faut-il aussi du financement privé ? C'est aux parlementaires de le décider : de toute manière, il faut réglementer.
- Importante, mais peut-être plus importante encore me paraît la nécessité de plafonner les dépenses dans les campagnes électorales, particulièrement pour la prochaine élection présidentielle. J'en ai l'expérience, et je pense qu'au-delà de 100 millions de francs, on va vers des dépenses absolument somptuaires où ce sont les plus riches qui peuvent inonder la France avec des journaux, des correspondances, des coups de téléphone, enfin tout ce que l'on voudra. Il faut réglementer cela.
- Je pensais que, puisqu'on y était, il serait peut-être sage en même temps de rendre public l'-état du patrimoine des hommes publics à partir d'un certain rang. Ce n'est pas que je sois de ceux qui veulent ajouter une suspicion particulière à l'égard des hommes politiques : je me souviens d'avoir dit à la télévision, aux Français auxquels je m'adressais, "mais vous savez les hommes politiques, on en parle, mais ils sont comme vous,...". Les hommes politiques sont en moyenne aussi honnêtes, disons même ont quelquefois plus d'idéal que beaucoup d'autres Français. Mais c'est plus scandaleux, lorsqu'il y a des fautes, parce que ce sont les gens qui sont destinés à conduire la nation. Eh bien, il faut que leur patrimoine soit connu. Voilà, c'est ce que je souhaite et je n'interviens pas plus avant, ce n'est pas mon rôle.\
QUESTION.- Alors, ouvrons maintenant le chapitre africain de cet entretien, le sommet d'Antibes à propos duquel Jean-Louis Gombeaud, chef du service économique à RFI et Philippe Leymarie, responsable du service Afrique vont donc essayer de vous poser un certain nombre de questions.
- Monsieur le Président, cette réunion de famille, disons d'Antibes, qui commence ce soir, est informelle on le sait, mais il s'y ajoute cette fois l'absence d'un certain nombre de chefs d'Etat parmi certains importants, alors comment allez-vous arriver à donner à cette réunion tout de même un aspect un petit peu concret, sinon de décision puisque cela n'est pas fait pour prendre des décisions ?
- LE PRESIDENT.- Le nombre de participants est à peu près constant. Il s'était accru, il y a 5 et 6 ans, par une demande assez forte de beaucoup de pays hispanophones, anglophones, lusophones, etc, au point que cela risquait d'être excessif et créer une sorte d'organisation qui aurait pu répéter ce que l'on faisait du côté de l'OUA par exemple, ce qui n'était pas du tout dans l'intention de la France, pas le moins du monde.
- Le nombre d'invités s'est fixé à peu près comme cela, avec des répondants qui seront 39 cette fois-ci, ce qui, je crois, est, à deux près, le chiffre de participants correspondant à la fois précédente. Parmi ces 39 pays représentés, je crois qu'il y a 16 chefs d'Etat. On a connu des conférences où il y en avait 17 ou 18, on ne va pas dire que celui-là est moins apprécié que les autres. M. Houphouet-Boigny ne sera pas là, mais il n'était pas là non plus d'autres fois. Son -état de santé, comme vous le savez exige un certain nombre de soins pour l'instant. M. Abdou Diouf, qui est un des grands personnages de l'Afrique et des grands amis de la France, est en campagne électorale. Alors je regrette tout à fait leur absence mais l'ensemble des personnalités représentées fait que ce sommet franco-africain devrait normalement avoir le niveau et l'utilité traditionnels de ce type de réunion.\
QUESTION.- Alors justement, le secrétaire général de l'OUA `David Kaunda` qui réagissait à ce sommet Gorbatchev - Reagan, hier, disait : pas de paix finalement véritable sans une justice meilleure entre les nations. Alors cela nous servira peut-être de transition tout à l'heure avec l'aspect économique, vous en pensez quoi monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, c'est un discours que je tiens constamment. Les deux grands périls pour la paix dans le monde, c'est d'une part la prolifération de l'arme atomique assortie du surarmement dont on aperçoit pour la première fois qu'il pourrait cesser. C'est la première fois qu'il y a un véritable désarmement dans l'histoire de l'après-guerre. C'est la première menace qui pourrait être mortelle pour l'humanité.
- La deuxième c'est que cela creuse le fossé entre les pays riches et les pays pauvres. Le non-développement est une menace mortelle, génératrice de troubles, de révoltes, de luttes, de misère, de morts, c'est intolérable et les nations responsables doivent s'attaquer en même temps à ces deux problèmes, d'autant plus que ces deux problèmes peuvent être liés car plus il y aura de désarmement, plus grandes seront les disponibilités pour procéder au développement.\
QUESTION.- Alors venons-en justement au développement, le sommet franco-africain se déroule à un moment où l'on se pose des questions sur la conjoncture économique en France mais de sérieuses inquiétudes sur la conjoncture économique en Afrique, avec trois volets, parfois un retour de la famine dans certaines parties de l'Afrique, parfois des préoccupations très graves, déficit alimentaire, le problème des matières premières et la question de la dette. A RFI lorsque l'on parle de la situation économique en Afrique, souvent on a tendance, on a l'impression de se répéter, cela va de plus en plus mal.
- LE PRESIDENT.- Est-ce que vous croyez que ce n'est pas mon impression. Cela fait maintenant six ans et demi que je participe à la plupart des grandes réunions internationales, je suis allé aux Nations unies, je participe chaque année au sommet des grands pays industrialisés, des sept plus grands pays industriels. Je répète toujours la même chose. La première réunion à laquelle je me sois rendu après mon élection, cela a été Cancun. C'était une espérance, cela a été un échec. On a vu par exemple les Etats-Unis d'Amérique se retirer peu à peu du jeu, choisissant certaines aides bilatérales, décidées par eux-mêmes, et abandonnant pour une large part les aides multilatérales, par une sorte de restriction dans le développement des flux financiers. Non seulement les Etats-Unis d'Amérique mais beaucoup d'autres. Tandis que la France, elle, a persévéré et même accru son aide. J'avais constaté à Venise lors du dernier sommet des pays industrialisés que la France parmi ces sept pays se trouvait être le premier en direction des fameux 0,7 % qui avaient été définis comme l'objectif désirable, 0,7 % du produit national brut de chacun des pays en cause. Nous en étions, nous, à 0,5 et demi, avec derrière nous le Canada et l'Allemagne et tout à fait en queue le Japon et les Etats-Unis d'Amérique avec 0,25. Si ces deux pays faisaient ce que fait la France en pourcentage, le problème serait déjà réduit pour une large part.
- Donc je suis comme vous, comme RFI, cela m'inquiète énormément cette absence totale de prise de conscience de responsabilité des grands pays industriels. Il ne s'agit pas de charité. Ils travailleraient au demeurant pour leur compte, d'abord ils prévoiraient ce qui se passerait inévitablement au cours du siècle prochain s'il ne pare pas au développement de cette crise. Ensuite on s'aperçoit à quel point ils sont eux-mêmes bloqués dans leurs échanges, en cherchant toujours le meilleur de la concurrence et ils finiront par ne plus avoir de client.\
`Suite sur la situation économique en Afrique` Je vous ai parlé tout à l'heure de l'objectif humain. Vous avez parlé de la famine. Je vais dire une banalité mais comme il faut la répéter pour qu'elle soit comprise, allons-y pour la banalité. Il est certain qu'intervenir pour aider les victimes de la sécheresse dans le Sahel, c'est nécessaire et la France n'est pas la dernière, elle s'est même située la seconde de tous les pays du monde au cours de ces dernières années. Mais il serait quand même plus sage et plus intelligent d'organiser l'autosuffisance alimentaire en développant les moyens techniques de l'agriculture et en développant la formation des populations autochtones pour qu'elles se rendent elles-mêmes maîtresses du développement agricole de leur territoire puisqu'il y a là des gens fort intelligents et fort adaptés à la condition tout de même qu'il y ait le minimum d'équipement qui leur soit fourni et de formation humaine. Donc, je pense comme vous. Faut-il pour autant abandonner, je ne le crois pas. Peut-être certains petits progrès mais comme pour l'Europe, par à-coups, sont-ils possibles ? Je continue d'y croire et je continuerai donc de dire la même chose tout en le déplorant.
- QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais prendre deux exemples concrets sur ces questions. Le problème des matières premières et la question de la dette dont il sera question au cours de ce sommet `sommet franco-africain à Antibes`.
- LE PRESIDENT.- Pour les matières premières, on s'aperçoit fort bien, cela est le constat déplorable, qu'il suffit de quelques mouvements sur les places financières et du bouleversement des taux de change pour que se trouve anéantis, en l'espace de quelques semaines, les plans de développement de quelques grands pays africains, les grands et les petits.
- QUESTION.- Rendriez-vous responsable le marché international de la baisse des matières premières ou bien est-ce que les pays africains selon vous ne produiraient pas en fonction de ce marché pour vendre des produits mieux valorisés ?
- LE PRESIDENT.- Je pense que les deux causes s'entremêlent. Malgré tout il y a des effets bruts qu'il faut considérer. Quand on voit les variations du dollar, comment voulez-vous que s'y reconnaissent les prévisions des pays africains ? C'est impossible. Cela aboutit à des chocs terribles. Vous avez aussi parlé de la dette. Nous allons sans doute nous y attarder un instant, mais quand on pense que la crise boursière a coûté plus cher en une semaine que la totalité de la dette des pays en voie de développement, on s'aperçoit à quel point les pays riches sont inconscients.\
QUESTION.- Alors, vous me donnez l'occasion de faire la transition, monsieur le Président. A propos de la dette, il y a eu récemment le sommet de l'OUA sur la grave question de l'endettement africain, 200 milliards de dollars, ce qui est une somme considérable pour ces pays pauvres. Il y a été pris, à cette occasion, un certain nombre de résolutions et de propositions et je voudrais avoir votre point de vue là-dessus. Il s'agit notamment d'un moratoire sur dix ans, d'un rééchelonnement sur cinquante ans de la dette de ces pays pauvres et la transformation en dons d'une partie de la dette publique. Qu'en pensez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Ce sont des thèmes qu'il est juste de traiter. De ce point de vue, quant à l'orientation, je donnerais raison aux pays de l'OUA. Quant aux délais fixés, quant aux contraintes ou au contraire à l'absence de contraintes, cela mérite discussion. Que des prêts publics soient transformés en dons, naturellement, pourquoi pas ? En réalité, la France a agi de la sorte à l'égard de certains parmi les pays les plus pauvres. Vous connaissez la disposition prise par le Canada lors du sommet de la francophonie, à Québec, récemment. Cela ne peut pas être systématique, sans quoi ce serait une sorte d'invitation aux pays endettés de ne jamais régler leurs dettes. Mais je considère comme tout à fait raisonnable que, Etat par Etat, on puisse examiner des situations au point d'aller jusqu'à transformer des prêts publics en dons.
- Donc, il n'y a pas de différence d'appréciation sur le fond avec les pays de l'OUA. Simplement je dis, examen Etat par Etat, et étape par étape.
- Les délais de grâce, c'est la proposition de la France au sommet industriel de Venise et déjà la France avait pris des dispositions dans ce sens. Le remboursement avec des intérêts nuls, cela se discute. Les 50 ans pour le remboursement, c'est quand même la France qui a pris l'initiative d'un certain nombre de réformes importantes. Regardez le Fonds spécial pour l'Afrique ! Voyez les positions que j'ai été amené à prendre au nom de notre pays en Amérique latine. Il y a quand même une évidence aussi bien au Brésil qu'en Argentine : des pays doivent consacrer une large part de leur profit, dû à un formidable effort de leur peuple, pour améliorer par exemple la balance commerciale, à payer leur dette : ainsi parvient-on à des tensions économiques, donc sociales, qui pourraient faire que ces pays retomberaient et qu'en réalité les créanciers ne verraient pas revenir leurs créances. Vous savez bien que c'est une pratique financière constante. Si l'on tue le débiteur, - je veux dire si on l'étouffe -, eh bien personne n'y gagnera. Il ne faut pas non plus que les pays endettés en fassent une sorte de règle qui ne serait qu'habileté. Il n'y a pas lieu de douter de l'honnêteté de nos partenaires.
- La France peut parler de ces choses parce qu'elle est elle-même créancière assez fortement. Elle est créancière, par exemple, pour éviter de parler en détail de l'Afrique, elle est créancière de 10 % de la dette du Brésil. Ce sont des sommes considérables. Et vous savez qu'en France, on a beaucoup de soucis pour l'Afrique et qu'en Afrique, on a beaucoup de relations avec la France, ce qui fait que beaucoup de pays d'Afrique sont aujourd'hui endettés par -rapport à la France. La France a vraiment examiné ces choses avec une grande largeur d'esprit, mais on ne peut pas non plus décréter que ces créances sont annulées alors qu'elle-même est prise dans la crise internationale et doit régler ses propres dettes lorsqu'elle en a avec d'autres pays.
- Il faut observer cela avec sagesse. La direction prise par l'OUA ne me choque aucunement. J'estime que l'on peut discuter de tout. Il faut simplement éviter de s'enfermer dans des a priori qui seraient excessifs.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je souhaiterais revenir à des dossiers plus politiques. Il y a eu cette année en Afrique un certain nombre de successions, le pouvoir a changé de main, de façon parfois assez diverse : coup d'Etat au Burundi £ décès tragique de Thomas Sankara £ d'autres transitions plus douces comme en Tunisie ou au Niger. Alors quel est votre sentiment à propos... ?
- LE PRESIDENT.- Il est difficile d'édifier une philosophie générale à propos de cas particuliers. L'Afrique est composée de pays pour la plupart indépendants depuis peu - une, deux générations -. Le problème que vous évoquez est normal en raison de l'ampleur des problèmes qui sont posés à ces deux générations, la fondation d'un Etat indépendant, la création d'institutions, d'administrations, une certaine difficulté pour perpétuer les frontières reconnues au lendemain de la colonisation. Vous savez, il faut beaucoup de courage et d'intelligence - et la plupart en ont - aux dirigeants de ces pays africains pour ne pas connaître plus de troubles et de difficultés.
- Alors il se produit des coups d'Etat, en effet, de temps à autre. Quant aux changements de personnes, - je pense notamment à la mort de mon ami le président Kountché - je crois que cela s'est fait, vous l'avez dit vous-même, d'une façon extrêmement légaliste et conforme aux intérêts de ce pays. Le coup d'Etat dont a été victime Thomas Sankara, qui ne peut le déplorer ? C'est mon cas, j'avais de l'estime pour Thomas Sankara mais il appartient au Burkina Faso de déterminer lui-même de quelle façon il gèrera la suite de ces événements. D'ailleurs, il a déjà dessiné les traits du présent.
- Je n'ai rien d'autre à dire là-dessus. Je ne pense pas que cela soit vraiment particulier. Ce bouillonnement, on l'approuve parfois £ ce bouillonnement est dans la -nature des choses. Les responsables de l'Afrique sont issus de générations ardentes, intelligentes qui dans de nombreux domaines ont de grandes réussites. C'est la -nature même d'une société. J'espère simplement que le temps sera bref qui permettra à chacun de ces Etats de s'installer dans une stabilité de caractère démocratique.\
QUESTION.- On ne vas pas pouvoir sans doute éviter comme d'habitude le sujet tchadien à la réunion d'Antibes `sommet franco-africain`. D'abord en quelques mots, pourquoi le Tchad résume-t-il toujours toute une politique franco-africaine ? Quelle est la fatalité qui s'acharne ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas de fatalité. Il se trouve que le Tchad est un pays qui a plus de difficultés que d'autres à harmoniser les intérêts des populations qu'il compose. Cela a commencé il y a bien longtemps, comme vous le savez, puisque le général de Gaulle, puis M. Pompidou avaient dû envoyer une sorte de corps expéditionnaire, c'est-à-dire 3000 hommes, au Tchad dans les années 1968 - 1969, puisque M. Giscard d'Estaing, dix ans plus tard, a dû recommencer avec quelque 2000 hommes. Dans des conditions différentes, j'ai refusé, vous vous en souvenez, d'envoyer l'armée française au combat dans le Tibesti, région désertique et montagneuse, où nous n'avions rien à faire.
- QUESTION.- Donc on n'ira pas mourir pour Aozou cette fois-ci encore ?
- LE PRESIDENT.- Procédons par ordre. Je vais vous parler d'Aozou si vous le désirez. Mais il y avait au Tchad un aspect très difficile à traiter, c'était un aspect guerre civile et la France, en effet, ne pouvait que souhaiter la naissance d'un Etat stable autour du gouvernement légitime, ce qui s'est fait, mais se devait d'être prudente dans son appréciation de la vie intérieure du Tchad. Dès lors qu'il est devenu tout à fait clair - on pouvait déjà le discerner, ce que j'avais fait moi-même en 1983 -, qu'il s'agissait surtout d'une agression extérieure, on a voulu aider le gouvernement légitime.
- Au fond, les objectifs ont été remplis à l'heure où je m'exprime. D'une part, faire que le Tchad retrouve son intégrité, et donc sa souveraineté sur son territoire, cela a été accompli avec l'aide de la France et, naturellement, grâce aux qualités propres du peuple tchadien et de ses dirigeants. Cela a été accompli.
- Et le deuxième objectif, c'était de ne pas faire de la France un pays belligérant, directement. L'aide au gouvernement légitime du Tchad, oui, les équipements pour reconstruire ce pays, oui, les aides financières, oui. L'aide militaire a été efficace, lorsqu'il est apparu à deux reprises que les troupes libyennes pouvaient enfoncer les défenses tchadiennes et reconquérir le territoire, comme c'était le cas. Lorsque je suis moi-même arrivé ici, à l'Elysée, le Tchad était entièrement occupé ou contrôlé par la Libye - il ne faut pas oublier cela -. De recul en recul, on est arrivé à un bon résultat, puisque le Tchad est aujourd'hui libre et indépendant. C'est pourquoi j'ai observé, avec beaucoup de prudence, la situation au nord de la ligne qui avait été fixée, d'abord le 15ème, puis le 16ème parallèle.\
`Suite sur le Tchad` Vous m'avez parlé d'Aozou. Nous avons toujours, moi-même, le Premier ministre `Jacques Chirac`, les Premiers ministres qui se sont succédés `Pierre Mauroy, Laurent Fabius`, informé M. Hissène Habré que pour Aozou, sans vouloir prendre position sur un point de droit qui après tout, s'il devrait être traité, concluerait au fait que les frontières anciennement coloniales, ayant été considérées comme un fait acquis, devaient devenir une base de droit dans les relations entre les Etats au moment des indépendances - tel était le cas du Tchad -, la bande d'Aozou fait partie du Tchad géré par la France. De ce point de vue, M. Hissène Habré a tout à fait raison d'invoquer l'histoire.
- Il y a contestation, vous le savez bien £ d'ailleurs on en a débattu récemment à Lusaka, et M. Kaunda `Président de la République de Zambie` qui a pris en main cette affaire comme président de l'OUA est en train d'examiner, vous le savez, depuis le mois de septembre, les cartes, les dossiers qui lui sont présentés par la Libye et par le Tchad. Cela a repris, enfin, je veux dire que le côté négociations est aujourd'hui assez positif. On peut espérer que la conférence prévue à Dakar, pour le mois de janvier, pourrait donner des résultats.
- Voilà, c'est tout ce que je peux vous dire aujourd'hui. Un débat avait eu lieu entre la France et l'Italie en 1935, justement sur la bande d'Aozou, pour savoir où se situe le droit. Nous, nous nous contentons de dire, eh bien qu'il y ait donc un arbitrage international. Nous ne pensons pas qu'il soit raisonnable de relancer la guerre autour de la bande d'Aozou, mais bien entendu, M. Hissène Habré est chef de l'Etat, il est souverain, et c'est aux Tchadiens de décider ce qui doit être fait.\
QUESTION.- Autre question, monsieur le Président, qui ne manquera sans doute pas d'être évoquée, les problèmes d'Afrique australe, en général. Alors, la France a vu les responsables angolais, mozambiquais récemment, il y a une petite rentrée française sur l'Afrique australe, est-ce que...
- LE PRESIDENT.- Non, non, il n'y a pas eu de rentrée, elle n'était pas sortie.
- QUESTION.- Quel rôle peut jouer notre pays, à votre avis actuellement, dans ce grand marchandage ?
- LE PRESIDENT.- Il y a eu, un moment, toute une campagne que je n'ai pas comprise du tout, tendant à dire que la France avait un peu délaissé l'Afrique francophone, enfin, ses vieux amis d'Afrique, au bénéfice d'une aide indifférenciée, répandue sur le monde entier. C'était caricatural. Une priorité a toujours été réservée, continuera de l'être, aux pays francophones associés au destin de la France, depuis déjà longtemps. Mais je n'en avais pas moins estimé qu'il était nécessaire de contribuer au développement par les coopérations à définir avec des pays d'Afrique ou autres que francophones. C'était le cas à l'égard de pays hispanophones - voyez le cas de la Guinée équatoriale qui se trouve associée aujourd'hui à la zone franc - ou bien c'était le cas, dont vous m'avez parlé, des pays d'anciennes colonies portugaises, Mozambique et Angola. Et nous avions déjà procédé à certaines aides qui avait été critiquées, comme si c'était autant d'argent qui était arraché aux autres. Il faut quand même comprendre. Cela a été fait, cela a été bien fait, et j'observe que la sagesse et le bon sens finissant toujours par l'emporter, c'est ce qui se fait aujourd'hui de la même façon.
- Et la France ne peut que s'en réjouir, parce que l'amitié de l'Angola et du Mozambique permet à notre pays, au-delà de l'Afrique francophone traditionnelle, mais par -rapport à des problèmes qui touchent l'Afrique francophone, notamment le problème de l'Afrique du Sud, cela permet de renforcer notre influence, notre juste influence, sans peser sur les desseins de ces pays, mais cela donne à la France une physionomie face aux problèmes aigus qui occupent aujourd'hui l'opinion africaine : un refus de la ségrégation.
- QUESTION.- Vous seriez partisan peut-être que la France, monsieur le Président, les aide plus sur un -plan, par exemple, de coopération militaire, ces pays qui demandent régulièrement des moyens ?
- LE PRESIDENT.- C'est au gouvernement d'examiner cela. Il m'en parlera nécessairement, puique j'ai une responsabilité particulière dans ce domaine. Mais moi, personnellement, je pense que tout ce qui peut être fait - il y a des données économiques évidentes pour maintenir les bonnes relations actuelles -, sera une chose utile.
- QUESTION.
- Mme Thatcher équipe actuellement une unité de l'armée mozambiquaine, et la forme... elle va très loin Mme Thatcher...
- LE PRESIDENT.- Oui, elle nous en a parlé. M. Chissano était allé à Londres d'ailleurs. Oui, elle va loin, cela c'est la politique britannique. La France ne sera pas en reste pour contribuer au développement de ces pays, là où cela paraîtra le plus utile. Mais, je le répète, c'est un débat à avoir avec le gouvernement de la République.\
QUESTION.- Monsieur le Président, les quelques minutes qui nous restent, nous pourrions peut-être les consacrer, avec Jean-Louis Gombeaud, aux relations entre la France et l'Afrique.
- Relations économiques et commerciales. Monsieur le Président, l'année dernière, les échanges entre la France et l'Afrique ont baissé de 25 %. Est-ce votre sentiment que la France perd des points, je parle sur le -plan commercial et économique, en Afrique ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas. Je pense simplement que les besoins de l'Afrique, malheureusement grandissent, avec l'aggravation de la crise, et que la France, quels que soient son importance, et son grand souci d'être toujours l'amie privilégiée des Africains, ne peut pas suffire. Le développement de la crise fait que la France ne peut pas compenser les dommages nouveaux supportés par l'Afrique. Voyez ce qui vient de se produire, le mouvement des changes, la perte de bénéfices sur les matières premières, la façon dont nous sommes exploités, victimes du mouvement international des affaires : les pays industriels ne s'occupent pas de nous. Alors, nous la France, c'est nous qui faisons le plus gros effort, vous avez dit tout à l'heure, des pays industriels. Et avec deux ou trois pays plus petits, très engagés comme la Hollande, comme les pays scandinaves, nous sommes parmi les quatre pays du monde qui apportent la contribution la plus importante aux pays du tiers monde, en général, et pour la France, particulièrement, aux pays de l'Afrique.
- Donc, si vous constatez une certaine baisse, c'est parce que les besoins se sont accrus exagérément et que la France ne peut pas entièrement les compenser. Enfin, vous savez ce que nous faisons nous, Français, pour le Fonds spécial pour l'Afrique, au sein du Fonds européen de développement. Vous savez ce qui a été décidé pour le Fonds africain de développement, les augmentations en unités de compte pour les trois années qui viennent, soit par nous-mêmes, soit par le Club de Paris. Le Club de Paris - je reviens, mais c'est la même question, au problème de la dette - a vraiment été d'une très grande utilité pour le rééchelonnement. Vous savez quelles sont les facilités d'ajustement structurel du Fonds monétaire international...
- QUESTION.- On les attend impatiemment...
- LE PRESIDENT.- Oui, mais enfin qu'est ce qui pousse dans ce sens, sinon la France, pour le développement et le doublement des ressources bilatérales françaises ? Sur le -plan budgétaire et financier, nous avons accru le flux des ressources que nous apportons à l'Afrique. Je comprends l'angoisse et les soucis des grands dirigeants africains qui ont besoin encore d'une aide supplémentaire. Je les rencontre, je vais les voir, nous en parlerons. La France fait tout ce qu'elle peut. Si elle peut faire encore plus, elle le fera, mais cela doit être examiné avec soin. Je le répète la France est, elle-même, prise dans la crise internationale. Elle doit aussi défendre ses propres finances et ses propres ressources pour pouvoir précisément être plus utile à ses amis.\
QUESTION.- Vous avez signalé tout au long de cet entretien, monsieur le Président, les méfaits que causaient les perturbations sur le dollar. Il existe une zone monétaire un peu stable, celle de la zone franc. Mais on entend dans les pays francophones, membres de la zone franc, un certain nombre de réticences, de revendications, notamment on voudrait dévaluer le franc CFA quelquefois, certains prônent une sortie de la zone franc, d'autres protestent contre les sorties de capitaux des pays membres de la zone franc en Afrique vers la France. Quel est votre sentiment sur ce qui se passe actuellement dans cette zone monétaire ?
- LE PRESIDENT.- Il faut aller vers des idées simples. La zone franc est tout de même une garantie de stabilité et, dans la tourmente générale, je crois vraiment que les pays africains appartenant à la zone franc en tirent le plus de satisfaction qu'ils n'en connaissent les désavantages. Qu'ici ou là, selon les à-coups de la crise, les pays engagés dans la zone franc attendent plus encore de la France ou ne veulent pas être enfermés dans les règlements que cela implique, je peux le comprendre. Mais dans la balance, le poids zone franc apporte beaucoup plus qu'il ne retire aux pays en question. C'est une bonne chose.\
QUESTION.- Monsieur le Président, Radio France internationale est la radio de la francophonie, c'est aussi celle qu'écoutent les Français qui vivent à l'étranger, ils sont plus d'un million et demi. On incite souvent les Français à s'expatrier. Quel serait, selon vous, la meilleur manière de les inciter non seulement à l'expatriation, mais également de manière à ce que leur retour soit assuré dans les meilleures conditions possibles ?
- LE PRESIDENT.- D'abord les Français en question sont tout de même des gens responsables. Ils n'ont pas toujours besoin d'assistance pour savoir ce qu'ils ont à faire. Partir, c'est bien. Ils représentent le plus souvent fort bien notre pays. Ils participent à la vie internationale. On ne peut que les en remercier. Revenir, quand ils ont envie de revenir, ils reviennent. Il y a d'un côté naturellement les agents de la fonction publique qui ont à remplir un rôle dans le -cadre des contrats qui sont les leurs, et puis il y a les représentants des entreprises privées qui sont libres de leurs mouvements. Savoir de quelle manière ils se retrouveront quand ils reviendront en France, ce problème s'est posé en termes souvent aigus, moins aujourd'hui. Il peut se poser pour tous ceux que l'on appelle "les coopérants". Pour les autres, le problème ne se pose pas dans ces termes, ils sont chez eux quand ils sont en France. Ils ont droit exactement aux mêmes applications de la loi que les autres. On a veillé à ce qu'ils puissent participer davantage à la vie politique française, vraiment j'ai l'impression que nos instituts, nos écoles, nos alliances françaises, se sont quand même bien développés et si l'on peut, ici ou là, constater des manques, s'il y a des insuffisances, eh bien, il faut qu'on nous dises de quoi il s'agit. Il existe un Conseil supérieur des Français à l'étranger, il est là pour ça.\