13 mars 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'histoire et le rôle de l'AGIRC pour la vie des cadres retraités, Paris le 13 mars 1987.

Monsieur le président,
- Mesdames et messieurs,
- J'ai reçu votre invitation avec plaisir. Puisque vous m'avez invité, puisque j'étais heureux de cette invitation, je suis là. C'était pour moi l'occasion de traiter de quelques sujets sérieux, ceux qui non seulement vous concernent, mais qui touchent une vaste partie de la population, et aussi d'un retour en arrière, sans trop s'y attarder, dont on peut tirer quelques leçons pour le présent et l'avenir.
- Vous avez rappelé, dans l'un de vos rapports, les événements d'il y a quarante ans. C'est d'ailleurs cet anniversaire qui justifie ma présence parmi vous. Il y a quarante ans... qui étiez-vous ? Votre association était le résultat d'une longue démarche, dont on trouve l'origine à travers le temps et, d'une façon plus précise, au travers des luttes sociales du XIXème siècle pour la conquête d'un droit fondamental, celui de s'associer et de s'organiser. Ce droit d'association avait été détruit, pour des raisons multiples, notamment, sans doute, le pouvoir, jugé excessif à l'époque, des corporations. Ce droit était réapparu, au début des années 1860, mais il fallut attendre 1898 pour que fussent autorisées les sociétés de secours mutuel.
- Vous aviez raison de dire, monsieur le président Menu, que votre action s'inscrit dans un vaste mouvement d'action et de pensée, que vous êtes l'une des expressions les plus typiques d'un besoin, mais aussi d'une audacieuse conception, qui exigeait, de la part de ses fondateurs, une grande faculté créatrice et de la part de ses premiers dirigeants, une certaine abnégation, pour parvenir à bien faire comprendre à chacun de vos membres et de vos futurs adhérents, l'importance de préférer telle thèse plutôt que telle autre - j'y viendrai dans un moment. Et puis il y a le sentiment, quarante ans après, vous l'aviez prévu, vos anciens l'avaient prévu, que des personnes de "la troisième vie" - c'est votre vocabulaire - les retraités, qui ne l'étaient pas encore ou, du moins, ne connaissaient pas les heureux effets de la retraite complémentaire, arrivaient au moment où leur vie change. Comment faire comprendre à la société que ce changement de vie ne devait être qu'un changement de vie et non pas une rupture, ce temps qui sépare la pleine activité de la vieillesse et de la mort.
- Les fondateurs ont eu à convaincre la puissance publique, l'opinion, et sans doute les cadres eux-mêmes. J'ai vécu cette époque. Ce n'est pas toujours très bon à rappeler mais, en 1947, j'étais moi-même membre du gouvernement et, bien que ce domaine ne fût pas exactement le mien, j'ai été mêlé aux délibérations qui ont précédé le choix final. Comme toute grande -entreprise, toute grande réforme, cela n'a pas été commode. Malgré la naissance de la Sécurité sociale, en 1945 (prodigieux bond en avant mais encore imparfait !...), il était encore besoin de préciser les choses.\
Il vous a fallu je crois trois réunions, dans ces salles de Wagram, trois : deux en 1946, une en janvier 1947, pour parvenir à vous faire entendre. Vous étiez, à l'époque, un certain nombre d'associations syndicales, indépendamment de la partie patronale. Il y avait les organisations résistantes, certaines d'entre elles se sont modifiées. Vous êtes cinq maintenant. Mais on peut dire que c'était le même -état d'esprit qui animait les cadres, et les cadres qui déjà se préoccupaient du sort de tous et, particulièrement, du sort de ceux qui, cessant d'être dans la vie active, devenant retraités, n'en restaient pas moins, femmes et hommes, disponibles pour remplir leurs fonctions humaines, sociales, économiques et culturelles. Bref, on cherchait à ce qu'il n'y eût aucune atteinte à la capacité de tout homme, de tout être vivant, de s'accomplir jusqu'à la fin.
- J'ai vécu aussi comme un certain nombre d'entre vous, les plus anciens, toute la période qui a suivi et qui nous conduit jusqu'à ce jour. Eh bien ! oui, je considère que le triomphe du droit d'association et d'organisation est une grande date dans l'histoire de France, dans l'histoire des conquêtes sociales. Vous êtes parvenus à bâtir un régime dont vous aviez raison, monsieur le président, de rappeler à l'instant qu'il servait de modèle à de nombreux pays industriellement et politiquement évolués. Alors célébrons en commun ce moment, l'un de ces rares moments où l'on peut s'arrêter, un jour, deux jours, ce n'est jamais très long, où l'on peut s'isoler de l'action, du mouvement perpétuel des choses, où l'on peut porter sa pensée vers les événements du passé en les reliant à une construction de l'esprit, nourrie d'expérience, de volonté, d'enthousiasme, pour dessiner les lignes essentielles de l'avenir.\
Vous avez rappelé dans vos rapports, dont j'ai pris connaissance, vos objectifs £ et, en cadres sérieux et méthodiques, ayant fixé vos objectifs, vous en avez examiné les moyens. Arrêtons-nous un moment là-dessus. Votre objectif essentiel a été d'organiser une certaine forme de sécurité à la fin de la vie professionnelle, mais de l'organiser solidairement, et c'est là qu'est la novation. C'est là que l'on aborde les rivages d'une philosophie sociale qui inspirera constamment les thèmes principaux de vos choix. On les trouve dans les définitions mêmes qui ressortent de vos rapports. C'est le principe de la répartition, terme un peu abstrait, peut-être, mais tout de suite compris par vous-mêmes. Un peu abstrait peut-être aussi pour les autres, ce terme de répartition exprime un -état préféré à d'autres. Vous préférez répartir. A cela s'ajoute précisément l'élément complémentaire, dont vous avez été vous-mêmes les créateurs et les gestionnaires. Vous préférez répartir l'ensemble des moyens dont dispose la nation pour assurer la sécurité des personnes qui entrent dans cette phase de leur vie. Et la répartition qu'est-ce que c'est, sinon précisément la mise en application de cette philosophie de solidarité sociale hors de laquelle selon moi, et je pense aussi selon vous, il n'est pas d'avenir pour une société civilisée qui cherche son propre progrès en elle-même ? Répartition des principes ou des moyens, tels que l'affiliation obligatoire. Pour quoi faire, sinon pour éviter de disperser les efforts et pour qu'il n'y ait pas de substitution, par d'autres moyens, à ceux que vous aviez choisis et qui relèvent de ce principe d'une répartition solidaire.
- C'est cette solidarité que l'on retrouve dans la notion inter-professionnelle. Après tout, chacun aurait pu vivre sa vie, chaque association aurait pu s'isoler, tenter de s'affirmer elle-même. Ne le font-elles pas dans bien d'autres domaines ? Elles ont eu la sagesse de s'associer intimement pour bâtir l'AGIRC, l'Association générale des institutions des retraites des cadres. Quarante ans ont été nécessaires pour parvenir à cet -état d'aujourd'hui, où l'on sent bien que, présenter une force toujours solidaire, c'est une réussite humaine assez rare, croyez-moi, mesdames et messieurs, pour être remarquée et pour être soulignée tout particulièrement par le chef de l'Etat. Je m'efforce moi aussi, là ou je suis, avec vous, avec d'autres, de répandre cette notion et cette pratique de la solidarité vécue. La solidarité vécue suppose de passer par-dessus certaines de ses préférences. Le sens de la solidarité n'est pas donné à tout le monde. Il faut que chacun l'acquière, sans quoi rien ne résistera aux forces de dissociation £ et j'ai vu dans cette rencontre avec vous, ce matin, une occasion supplémentaire de répéter qu'au delà des oppositions et des rivalités normales, et même nécessaires dans un état démocratique, il y avait cependant des domaines supérieurs dans lesquels toutes et tous pouvaient toujours se retrouver.
- Eh bien vous êtes précisément, mesdames et messieurs, l'exemple vivant, dans un domaine particulier mais vaste, de ce qui peut être entrepris et réussi pour que la Nation s'inspire d'une solidarité vécue.\
Vous vous êtes interrogés, sans en avoir encore débattu, sur la situation des retraités, des cadres retraités, face au futur. C'est ce que vous désirez à l'instant. Le passé, on vient de l'évoquer : les longues et difficiles luttes, le succès obtenu, dont le moindre n'est pas d'avoir tenu et maintenu à travers quatre décennies. Mais, l'avenir ? Quel est-il, quel sera-t-il ? On ne peut, bien entendu, cerner entièrement des données aussi variables, mais votre rôle, le mien aussi, le rôle de tous les responsables, c'est de s'y efforcer, de porter sa réflexion, de vouloir s'inspirer de quelques principes simples pour conduire aussi bien sa vie personnelle que la vie collective : la répartition solidaire £ l'affirmation de solidarité supérieure, avec le fonctionnement de ses inter-professions et ses syndicats qui travaillent en commun £ la gestion paritaire qui fait que, de part et d'autre, dans l'indépendance de gestion, on se rencontre et on discute, et que finalement on s'entend par une volonté farouche de préserver votre construction de la tentation d'un individualisme excessif. Car un tel individualisme pourrait porter chacun à s'assurer tout seul dans son coin, par des méthodes et des procédés tentateurs £ mais cela briserait ou ferait éclater l'entreprise collective à laquelle vous vous êtes consacrés.
- Tout cela vous conduit à imaginer le futur. Comme vous êtes généralement des femmes et des hommes d'action, dont toute la vie a été affrontée aux difficultés pratiques, vous ne le faites pas par de simples considérations philosophiques ou morales : vous entendez agir. Quelles sont les menaces qui pèsent sur le régime, sur les institutions dont vous êtes les mainteneurs ? Des menaces objectives : est-ce une menace démographique, une menace économique ? Bien d'autres hypothèses pourraient être évoquées. Je m'arrêterai à ces deux-là.\
J'ai remarqué, avec grand intérêt, que vos rapporteurs s'attardaient davantage à considérer le déséquilibre économique comme plus générateur des difficultés de demain que le déséquilibre démographique. Ce qui ne veut pas dire que vous niez le risque du déséquilibre démographique, et j'insisterai là-dessus.
- Il y a quelques jours - deux semaines - j'ai présidé le Haut conseil de la famille et de la population. J'ai pu, avec les grands spécialistes qui se trouvaient réunis là, observer les courbes d'évolution de la population française. Elles ne sont pas très bonnes, même si on essaie de s'en consoler en estimant qu'elles sont plutôt meilleures que celles de la plupart des pays occidentaux voisins qui s'inspirent des mêmes normes de civilisation. Les naissances, le développeent de la population, ne sont pas suffisants. Il faut donc sans doute que la puissance publique - et elle le fait - s'applique à trouver des moyens supplémentaires pour inciter les hommes et les femmes à vivre une vie de couple, à faire naître et à élever des enfants, à leur donner une éducation.
- Les conditions matérielles s'y opposent souvent, en même temps qu'une série de mouvements profonds : la crainte de l'avenir menacé par les guerres, par les moyens si puissants de destruction, tout un fond obscur qui agit sans aucun doute sur le développement de la démographie, d'autres facteurs encore qu'il serait trop long d'énumérer. Cette menace est réelle, il faut y prendre garde. La puissance publique a des devoirs, l'ensemble des associations responsables aussi et pas seulement les associations familiales.\
Mais est-ce que les déséquilibres économiques ne pèsent pas davantage, du moins pour le demi-siècle qui vient, sur le devenir des cadres et de la retraite des cadres ? Vous estimez plutôt que le déséquilibre démographique ne devrait pas véritablement bouleverser les données que nous connaissons, en tout cas d'ici la moitié du siècle prochain. Cela ne nous dispense pas de penser à la suite, mais vous vous inquiétez davantage du déséquilibre économique. Vous avez choisi, de ce point de vue - et je vous en suis reconnaissant, parce que c'est une marque d'énergie et de capacité d'espérance - vous avez choisi d'estimer que c'était la croissance économique, le développement économique, la vie économique, la marche de l'entreprise, sa compétitivité, qui étaient l'élément essentiel à prendre en considération. Marque d'énergie, cela est vrai car il s'agit de notre capacité à supporter la concurrence, à enlever des marchés, bref à être meilleurs que d'autres, et si possible les meilleurs. De ce point de vue, les cadres estiment qu'ils peuvent y être pour quelque chose, en raison de leurs connaissances, de leur expérience, des capacités apportées au bénéfice de tous. Et, si vous avez choisi d'analyser ces déséquilibres économiques comme facteur principal de l'inquiétude qui pourrait régner dans vos milieux sur le devenir des retraites, vous avez montré par là-même que ce n'était pas une fatalité, et que l'avenir dépendait après tout de la société dans laquelle nous sommes, et de la volonté, de l'énergie, des connaissances de chaque individu. Plus l'individu a de connaissances, de savoir et de compétences, plus il joue son rôle dans le redressement, dans la victoire sur une crise qui nous a souvent dépassés, qui vient de loin, qui frappe tout un monde auquel nous appartenons, mais dont on va sortir, dont on peut sortir à condition de répondre à un certain nombre d'obligations.
- C'est très important pour moi de voir que des retraités, cadres, qui viennent de se séparer de ce qu'on appelle la "vie active", alors qu'ils ont bien l'intention de rester actifs, placent le -fruit de leurs connaissances et de leur expérience au service d'une saine bataille, que l'on veut victorieuse dans l'intérêt de la société, de notre société, comme des individus qui la composent. C'est le deuxième point. J'avais observé tout à l'heure combien j'étais sensible au fait que vous adhériez à ce principe de solidarité active, à cette philosophie sociale. Je remarque maintenant qu'il est très important pour le pays qu'il y ait de plus en plus de secteurs, et de vastes secteurs, où l'on juge qu'après tout, notre société, notre prospérité, notre longévité, seront ce que nous les ferons, et qu'il n'est pas de fatalités auxquelles on s'abandonnerait parce qu'on baisserait les bras. Non, cet optimisme, cet esprit de conquête en dépit des difficultés que chacun connaît, c'est peut-être le point que je rapporterai, de la façon la plus certaine, de cette rencontre avec vous.\
Il y a enfin un troisième point. Vous le dites dans un de vos rapports. Il faut organiser cette fameuse "troisième vie" dont l'âge est fixé - peut-être un peu arbitrairement - mais il faut bien qu'il y ait un âge limite ! ... Je le dis d'autant plus que si je veux aller un peu plus loin que le temps de travail que m'offrent mes fonctions, je suis obligé moi-même, vous regardant - et me regardant - de penser que, après tout, il se pourrait que j'y sois moi-même... En tout cas cela viendra. J'ai moi-même parcouru les différents rythmes d'une vie qui me permettent de penser : que faire ? Comment être utile ? Comment utiliser des capacités que la vie aurait préservées : la chance de pouvoir penser, de se voir aller, venir, agir, conseiller, partager ? Il ne faut pas les rater ces chances !... Et croyez moi, j'y pense, parce que chaque destin individuel conduit, bien entendu, à mieux considérer le destin collectif.
- Alors vous faites un constat. Bien des progrès se réalisent, il faut les saisir au vol, il ne faut pas les rater : progrès de la santé publique, allongement de la vie. Va-t-on s'en plaindre ? Va-t-on se plaindre de l'allongement de la vie et des moyens donnés aux femmes et aux hommes qui vivent plus longtemps, de vivre vieux, esprit et corps présents, valides. Les atteintes de la vie existent, les lois de la nature aussi, on peut en vaincre certaines, ou du moins retarder d'importantes échéances. A cet égard, mesdames et messieurs, combien sera nécessaire votre présence dans ce combat : la lutte pour les progrès de la santé, de la formation aux activités culturelles, mais aussi de la formation appliquée à des activités de toutes sortes !...
- Lisant les documents, je vois le tourisme. J'ai été, pendant très longtemps, le représentant du même département `la Nièvre`, au centre de la France £ et j'ai vu combien les cadres retraités se consacraient, de façon admirable, avec une connaissance des choses que j'enviais, au tourisme, au tourisme social, au tourisme tout court. J'avais même bâti des universités du troisième âge ou de la troisième vie £ et il fallait voir - j'y allais, parce que cela m'intéressait - il fallait voir l'activité, l'acuité intellectuelle de gens qui apprenaient à 75 ans des langues étrangères, les enseignaient, qui se dévouaient ainsi pour un bien collectif.\
C'est le propre d'organisations comme les vôtres, d'associations comme l'AGIRC, que d'analyser et proposer : analyser les moyens d'utiliser au mieux les progrès de la science pour la santé, pour le développement de la culture, la formation des hommes, la formation des autres £ proposer des activités de toutes sortes et, en particulier, l'une qui vous tiendra plus à coeur que certaines autres, l'activité des entreprises : comment faire agir la compétence et la capacité des cadres dans l'entreprise et des retraités dans l'entreprise, pour l'entreprise, dans la nation, pour la nation.
- Dans l'entreprise si l'on s'intéresse aux cadres retraités, on ne peut pas ne pas s'intéresser aux cadres tout court £ et il est vrai que la démarche constante que j'ai observée, et que j'approuve, d'une participation accrue du cadre aux responsabilités, me paraît évidente. Mais le cadre retraité tirera de cette participation, de cette connaissance de l'entreprise -au-delà même des services qu'il a lui-même rendus, et qu'il a rendus sans compter - des capacités utiles à ses activités futures lorsque sera venu le moment de la retraite. Aviez-vous, mesdames et messieurs, des heures tellement fixes dans votre vie professionnelle ? Etiez-vous vraiment tous les soirs à six heures chez vous ? Partiez-vous vraiment à cette heure-là, voir vos enfants, votre mari, votre femme, votre compagnon, votre compagne ? Aviez-vous vraiment, comme pourraient le faire croire certaines publicités heureuses, tellement de soirées à consacrer à vos loisirs ? Je vous ai vu arriver, des dossiers sous le bras, et cela m'a inspiré une certaine crainte : quand je rentre chez moi actuellement, le soir, je coupe plutôt le téléphone !...
- Les cadres, les retraités savent cela £ et ils l'ont voulu, ils l'ont accepté. Cela leur a plu d'une certaine façon, même lorsqu'ils en connaissaient l'amertume, lorsque parfois ils en éprouvaient une sorte de lassitude. Ils savent qu'on ne gagne sa vie que quand on la joue pleinement et qu'une entreprise, de quelqu'ordre qu'elle soit, associative, économique, sociale, exige une mobilisation de l'esprit, une mobilisation de la présence, une volonté. On ne gagne que lorsque cette volonté est plus forte que la volonté des autres. Mais une volonté n'est forte que si elle est informée, que si elle ne bute pas sur l'ignorance ou le moindre savoir. Dans l'entreprise, et pour l'entreprise, le terme de compétition ne peut se suffire à lui-même. Il y faut aussi, autant que possible, une démarche sociale vers une plus grande justice afin que soient préservées les chances, une démarche sociale qui permette à des groupes d'hommes et de femmes qu'on appelle entreprises, de conquérir, de se développer, parce qu'ils auront fait leurs preuves dans une compétition sévère.\
Je pourrais tenir le même raisonnement à l'égard de la nation. Dans la nation, le cadre, et puisque nous en parlons plus précisément, le retraité, doit désormais occuper une place plus importante. Cela dépendra d'abord de lui. Il n'y a pas de loi, il n'y a pas de décret, pas d'imposition magistrale qui décidera à votre place. La loi et le décret peuvent décider des moyens à fournir £ cela oui et il faut lutter pour cela. Le reste, c'est affaire de votre volonté personnelle, de votre goût de conseiller, par exemple, les plus jeunes, d'apporter le -fruit de votre expérience à l'entreprise que vous avez servie ou à d'autres £ de votre volonté de servir dans la province, la région, le département, le village où vous résidez, et d'apporter à la vie collective que vous rencontrer là - qui n'est pas tout à fait la même que celle que vous aviez connue - tout ce dont vous êtes capables. Mais en même temps, l'Etat, la puissance publique, doit vous permettre, autant qu'il lui est possible et dans une juste répartiton des efforts, l'Etat doit vous permettre d'exercer pleinement ce type d'activité.
- Je crois profondément, mesdames et messieurs, au rôle que vous devez jouer dans la nation, quel que soit votre âge, dès lors que cet âge vous aura laissé la pleine faculté de vos moyens physiques et intellectuels. Plus se développeront les connaissances scientifiques, plus la vie devrait, tout le temps qu'elle dure, rester présente, active, participative : tout permet de le croire. Et je veux rendre grâce à l'AGIRC - et aux grandes organisations syndicales qui la composent, qui l'inspirent ou qui la gèrent, d'avoir su fixer dans leurs objectifs, celui-là, qui est synonyme de volonté - qui est synonyme d'espoir.
- On ne baisse pas les bras. On veut fonder une société sur la solidarité. On veut répartir ou partager. On veut que le -fruit de l'effort soit justement récompensé : C'est aussi le sens d'une retraite complémentaire. On veut employer dignement et pleinement sa vie. Il appartiendra à d'autres que moi, et particulièrement au Premier ministre `Jacques Chirac` et au ministre des affaires sociales `Philippe Séguin` dont la tâche est immense, de définir les voies et moyens qui dépendent de leur autorité. Ils le feront sans aucun doute. Comment ne diraient-ils pas, ne répéteraient-ils pas ce que je pouvais relever dans l'un de vos rapports : à savoir que 100000 chômeurs de plus, c'est 4 milliards qui pèsent davantage encore sur le devenir de la Sécurité sociale ?
- Oui, tout cela, ils le font £ c'est de leur responsabilité. Et c'est de la mienne aussi, d'une certaine façon, parce que je pense que toute entreprise nationale qui a contribué à ce que tous les Français soient protégés raisonnablement, mais subtilement et justement, devrait être préservée £ à la condition, bien entendu, d'en prendre les moyens.
- On ne peut pas raisonner dans l'abstraction. On doit tenir compte de l'environnement économique et social. Vous le faites. Comment ne le feriez-vous pas ? Vous, mesdames et messieurs, dont toute la vie active est précisément consacrée à l'étude de ces problèmes, mais aussi à leur résolution.
- Voilà pourquoi je viens ici très librement. Je n'ai rien a ménager, rien à attendre si ce n'est, comme vous, que la France marche bien.
- Alors, bonne chance, mesdames et messieurs !\