15 novembre 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, devant la communauté française, Bamako, le 15 novembre 1986.

Mesdames et messieurs,
- Mes chers concitoyens,
- Dans ce voyage qui m'a déjà conduit en Guinée et au Togo, me voici parvenu à la troisième étape, le Mali, avant d'achever ce périple par le Burkina et puis nous rentrerons à Paris. Je n'étais pas revenu au Mali depuis longtemps, en tout cas je n'y étais pas venu depuis le début de mon septennat. C'est donc la première fois que je vous rencontre et j'en suis très heureux.
- J'ai connu ce pays naguère, je pourrais même dire jadis et naguère à diverses reprises, mais je n'avais pas pu apprécier ses derniers développements et je vais pouvoir, même brièvement, au côté du Président Traoré, apprécier les transformations, les étapes du redressement économique de ce pays.
- Je suis venu, accompagné de ma femme qui se trouve ici et d'un membre du gouvernement, M. Michel Aurillac, ministre de la coopération et d'un certain nombre de mes collaborateurs. Je ne verrai pas autant que je le voudrais la communauté française. Je vous remercie d'être là, cela me fait plaisir, je vous le dis. Je circulerai pendant un moment parmi vous, peut-être pourrai-je percevoir l'écho de ce que vous pensez, de ce que vous ressentez £ les données que je détiens sur votre mode de vie en dépit de vos différences m'apprennent que vous avez ici droit de cité, que les Français y sont appréciés, les liens sont déjà très anciens qu'il s'agisse de coopérants, médecins, enseignants, agronomes, civils et militaires, qu'il s'agisse de nos concitoyens qui appartiennent aux secteurs privés, aux entreprises, qui les représentent avec vaillance et dynamisme dans ce pays, qu'il s'agisse des religieux qui se consacrent à des travaux dans le domaine de la santé, de l'enseignement, de l'agriculture, de l'hydraulique jusque dans les villages très éloignés, j'en oublie certainement qui ne répondent à aucune de ces catégories. Vous représentez ensemble cette communauté, un petit peu de la France dans le monde, au Mali et dans cette Résidence de M. l'Ambassadeur et de Mme, donc dans ce coin de France il fait bon de vous retrouver.\
Quelles questions vous posez-vous ? J'imagine que ces questions-là ressemblent assez à celles que je rencontre au cours de mes déplacements avec des nuances ici ou là, telle ville capitale de tel pays se trouve bien équipée sur le -plan de l'éducation des enfants, de l'instruction, c'est le cas de Lomé d'où j'arrive, d'autres à l'autre bout du monde s'en trouvent démunis. J'ai pris connaissance du dossier du Mali mais c'est à vous après tout de me dire ce qu'il en est.
- Je sais qu'un certain nombre d'entre vous s'inquiètent. Je pense en particulier aux plus anciens qui n'ont pas acquis le moyen par exemple d'assurer leur couverture sociale, ou bien tout simplement leur retraite lorsqu'ils reviendront en France, toute une série de dispositions sont prises ou seront prises pour leur permettre de rattraper les cotisations qui manquent et de pouvoir vivre décemment. Désormais les Français, dits de l'étranger, prennent part aux différentes consultations électorales et ont également une part à la représentation nationale. De la même façon sur le -plan social ils peuvent désormais participer à la sécurité sociale pour les différents régimes, maladie, vieillesse, maternité, chômage, bref peu à peu je crois que nous sommes parvenus à répondre aux inquiétudes légitimes que nourrissaient nombre des nôtres. Ils se sentaient très loin de la patrie, très loin du pays, parfois un peu désemparés et surtout avec le sentiment qu'ils étaient méconnus et qu'ils pourraient revenir un jour et qu'après tout on ne saurait à peine qui ils étaient, qu'ils ne se trouveraient pas en mesure de disposer d'une législation égale à celle de ceux qui étaient restés en métropole et pourtant je dois le dire et je vous rends hommage, votre seule présence dans un pays étranger ami mais étranger a une signification, une portée, une valeur nouvelle à ce qu'est la France elle-même, à son rayonnement, à son prestige.\
Je ne vais pas oublier les Maliens, des Maliens qui sont ici parmi vous, les relations entre nos deux pays - il y a aussi des Maliens qui sont Français, toute une variété nous est offerte - mais il faut que les Maliens, quelle que soit leur origine, leur nationalité d'aujourd'hui, sachent à quel point ils sont nécessaires pour que le lien qui existe entre notre communauté et la leur, leur pays et le nôtre, doit rester vivant, actif, productif, riche de culture en même temps que d'échanges humains.
- Enfin, je vous dis cela, improvisant peut-être, manquant à l'ordre nécessaire pour un devoir de rhétorique. Peu importe, l'essentiel est que vous sentiez bien que, en dépit de votre éloignement, vous êtes présents dans mon esprit. Je ne vous connais pas individuellement et cela me serait impossible et même collectivement, à peine peut-être ai-je déjà rencontré dans le passé ceux qui depuis vingt ans peut-être ou trente se trouvent ici. Donc vous êtes pour moi surtout des éléments nouveaux du Mali et je vois bien à regarder devant moi que nombreux sont les jeunes ou demi jeunes, ceux qui représentent encore une part très active à la production et aux échanges.
- Soyez remerciés. Nous avons à parler un peu ensemble maintenant, ne pas nous limiter à un exposé de ma part. Vous représentez une part de la France avec vos différences, vos distinctions, vos opinions, peu m'importe. J'ai la charge du pays tout entier, de notre peuple tout entier et cela est tout à fait suffisant, cela me permet d'avoir une opinion peut-être un peu plus approfondie, un peu plus haute de ce qu'est la communauté nationale dont vous êtes les membres très chers pour moi-même.
- Vous allez entendre une Marseillaise et puis nous nous promènerons parmi vous, nous échangerons quelques propos, la vie officielle reprendra tout aussitôt, sachez simplement que c'est une joie pour moi que de vous rencontrer.
- Vive la République,
- Vive la France.\