15 juin 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du déjeuner offert aux anciens combattants, avant la cérémonie nationale du 70ème anniversaire de la bataille de Verdun, dimanche 15 juin 1986.

Mesdames,
- Messieurs,
- Beaucoup de liens m'unissent à Verdun. D'abord les mêmes liens que tous les Français, tous les Français de plusieurs générations depuis les combats de 1916 et 1917. Tous les Français lorsqu'ils parlent de Verdun, lorsqu'ils viennent à Verdun savent qu'il s'agit bien d'un haut lieu de la patrie. Elle s'y est faite, elle ne s'y est pas défaite et la patrie qu'est-ce que c'est ? Je ne définirai pas après tant d'autres. Il suffit de regarder ces paysages, cet horizon, ces couleurs aussi bien celles de mon dernier voyage dans la tourmente et la tempête que celle d'aujourd'hui en ce début d'été mais en connaissant la structure de la ville, en survolant ses environs, les côteaux et les plaines on devine comment l'histoire s'est bâtie. Et vous le savez bien, la géographie commande l'histoire.
- Vous voilà donc placés, mesdames et messieurs soit que vous fussiez de Verdun, habitant de Verdun ou de la Meuse, soit que vous soyez les anciens combattants qui ont combattu en ces lieux. Vous représentez tous ensemble plusieurs grands moments de l'histoire de France, je simplifierai en disant sa continuité.
- J'ai commencé en rappelant beaucoup de liens. D'abord ceux-là qui nous sont communs. Ensuite ceux que vient d'évoquer très obligeamment monsieur le maire de cette commune `Gérard Longuet`. Ma femme est née à Verdun et mes beaux-parents ont élevé, enseigné beaucoup des nôtres, vous-même en particulier, monsieur le maire. Et que de fois ai-je entendu évoquer ces souvenirs très simples d'enseignants qui apprenaient à connaître, eux-mêmes venus d'un peu plus loin, de Bourgogne, qui apprenaient à connaître les Lorrains ! Ils y ont créé des amitiés durables puisqu'elles sont encore là.
- Je n'évoquerai pas ce souvenir cet après-midi quand je traiterai plutôt qu'ici les quelques leçons d'ensemlble qu'il faut tirer de l'événement que nous célébrons. Je n'évoquerai pas le fait que moi-même j'ai approché Verdun lors de la deuxième guerre mondiale en 1940, que j'ai participé au sein d'un régiment d'infanterie coloniale aux durs combats qui ont marqué une fois de plus ce sol ensanglanté et que j'ai vu là le spectacle de la France, de la France plus que jamais menacée alors que les premières lignes venaient d'être percées, que l'Allemand allait boucler la Lorraine et tenir la France. C'est dire à quel point j'ai pu ressentir à quel point étaient nécessaires certaines conditions pratiques, matérielles mais plus encore morales et politiques pour qu'un pays pût préserver son unité et vaincre les périls.
- Enfin, troisième souvenir celui que j'ai vécu avec vous il y a moins de deux ans lorsque nous avons célébré la réconciliation de ceux qui s'était si durement, si cruellement combattu à Verdun et là où les noms de chaque colline marquent un désastre humain mais aussi une gloire nationale. Allemands, Français, nous sommes venus ici après d'autres, comme d'autres mais pour bien sceller ce moment historique de la réconciliation franco-allemande. Et j'en retrouve la trace à travers de ces mots ici apposés : "Verdun capitale de la paix". Ce n'est pas un paradoxe monsieur le maire, ce n'est pas un paradoxe mesdames et messieurs. Il y a je crois une mission qui vous incombe et je crois bien que vous l'assumez. C'est ce que j'entendais vous dire en vous remerciant monsieur le maire pour vous dire en vous remerciant monsieur le maire pour l'accueil de votre municipalité et l'accueil de la population qui me permet comme cela pendant quelques heures - maintenant c'est avec les anciens combattants - de retrouver gravement, profondément un moment pour moi très précieux de ce qui nous unit.\