25 novembre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée au journal "Le Soleil de Dakar", à l'occasion de la visite en France du Président sénégalais, M. Abdou Diouf, Paris, Palais de l'Élysée, lundi 25 novembre 1985.

QUESTION.- Quelle est selon vous la signification qu'il faut donner à la première visite officielle d'Etat du Président Abdou Diouf en France ?
- LE PRESIDENT.- La visite d'Etat au Président Abdou Diouf revêt, à mes yeux, une double signification symbolique : elle illustre avec éclat les liens exceptionnels qui, depuis plus de trois siècles unissent les peuples sénégalais et français £ elle marque notre grande considération pour l'action du Chef de l'Etat sénégalais à la tête de son pays mais aussi de l'OUA.
- Par-delà les symboles, je dirai que toute rencontre franco-sénégalaise est avant tout une fête de l'amitié. Et c'est, en effet, d'abord un ami de longue date que je me réjouis de recevoir en la personne de M. Abdou Diouf.\
QUESTION.- Le Sénégal s'est résolument engagé depuis cinq ans déjà dans une politique hardie et ardue de redressement économique et de rééquilibrage financier. Comment appréciez-vous ces efforts ?
- LE PRESIDENT.- Les efforts accomplis par le Sénégal, par tous les Sénégalais, pour faire face à la crise méritent d'être salués. Vous avez entrepris une politique novatrice d'une portée globale répondant aux difficultés de l'heure et ouvrant les voies de l'avenir. En effet, elle ne vise pas seulement au rétablissement financier à court terme, elle s'attache tout autant au développement économique. S'agissant du redressement des équilibres financiers, la communauté internationale reconnaît aujourd'hui les succès de vos efforts. Quant à l'avenir de l'économie, vous avez récemment inauguré d'importants complexes hôteliers et le dispositif des industrie chimiques du Sénégal. D'ores et déjà, cette politique porte ses -fruits : le tourisme, les phosphates et leurs dérivés, la pêche occupent, pour chacun d'eux, dans les exportations, une place équivalente à celle de l'arachide qui était, hier encore, la source quasi unique de revenus. Parallèlement, vous avez mis en place une nouvelle politique agricole : le mil, le maïs, le riz, la canne à sucre se développent d'une manière qui vous rapproche de l'autosuffisance alimentaire. Le barrage de Diama, oeuvre considérable qui associe les pays du fleuve Sénégal, progresse plus vite que prévu. Achevé prochainement, il permettra de consacrer à l'agriculture d'importants secteurs irrigués.
- Consciente de tous ces efforts comme des résultats déjà obtenus, la France s'honore d'y être étroitement associée par une coopération, la plus étendue de toutes celles que votre pays entretient avec un Etat étranger, et qui est l'un des chapitres les plus marquants et prometteurs des relations entre nos deux pays.\
QUESTION.- Vous qui incarnez l'image d'une France fidèle à son héritage humaniste attachée aux idéaux de liberté, de justice et de droits de l'homme, comment jugez-vous l'expérience démocratique sénégalaise ?
- LE PRESIDENT.- En l'espace d'une génération, le Sénégal s'est acquis, dans les grandes instances telles que l'ONU ou l'OUA, une place à part qu'il doit à sa stabilité, à son attachement aux valeurs de la démocratie, à l'esprit de tolérance de son peuple et au respect des droits de l'homme, dans un monde où ces mêmes valeurs sont trop souvent contestées.
- QUESTION.- Vous avez rencontré plusieurs fois le Président Abdou Diouf, pouvez-vous confier les impressions que son contact vous a suscitées ? Quels sont les points sur lesquels vous aimeriez vous entretenir avec lui au cours de son séjour en France ?
- LE PRESIDENT.- Le Président Abdou Diouf, je l'ai dit, est pour moi un ami personnel. Comme tous ses interlocuteurs, j'apprécie, à chacune de nos rencontres, sa rare compétence, la sagesse de son jugement, l'ampleur de ses vues. C'est dire le -prix que j'attache à connaître son opinion sur les grandes dossiers africains et internationaux. Je suis particulièrement heureux, à cet égard, que mes récents voyages, à la mi-septembre dans le Pacifique-Sud puis à la mi-octobre en Amérique latine, m'aient, à l'aller comme au retour, permis d'effectuer des escales à Dakar qui ont été autant d'occasions de longues conversations avec le Président Abdou Diouf. Nous allons donc poursuivre, à Paris, un dialogue intense et fécond.
- Nous ferons naturellement le point des -rapports franco-sénégalais. C'est une banalité, mais c'est aussi une vérité profonde, de dire qu'ils sont privilégiés. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas quelques questions à traiter, mais cela veut dire que nous rechercherons des solutions avec la volonté, de part et d'autre, de prouver que l'amitié franco-sénégalaise est une réalité bien vivante, constamment renouvelée par un choix commun.
- En la personne du Président Abdou Diouf, je recevrai aussi le Président de l'OUA. Nous aurons donc à évoquer tous les grands problèmes africains de l'heure, et notamment ceux de l'Afrique australe et ceux de la situation économique difficile que connaît votre continent. Le Président Abdou Diouf a présenté, devant l'Assemblée générale de l'ONU, des propositions importantes. La France, pour sa part, a pris un certain nombre d'initiatives, que ce soit à l'encontre de l'Afrique du Sud ou en vue d'accroître les flux de financements vers l'Afrique. Nous en discuterons donc en détail et nos entretiens me paraissent d'autant plus importants qu'ils se situeront à deux semaines du sommet France-Afrique de Paris.
- Pour résumer d'un mot l'-état d'esprit dans lequel j'aborde ces conversations, je dirai que le Sénégal, comme l'Afrique peuvent compter sur l'appui résolu et l'amitié agissante de la Franc\