14 novembre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du 40ème anniversaire de l'Organisation pour l'agriculture et l'alimentation, sur l'aide alimentaire et le marché international des produits agricoles, Rome, jeudi 14 novembre 1985.

Monsieur le Président de la République,
- Monsieur le Président,
- Monsieur le Directeur général,
- Mesdames et messieurs les ministres,
- Mesdames et messieurs,
- J'éprouve à mon tour l'honneur qui m'est fait et qui est fait à mon pays de m'adresser à vous et à la communauté internationale en ce jour où nous célébrons le 40ème anniversaire de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Comment ne pas évoquer à ce moment les noms de ceux qui, dès 1930, refusant les thèses malthusiennes sur la surproduction, ont préparé les bases de l'Organisation qui nous réunit aujourd'hui. Je pense en particulier à celui qui sera plus tard le premier Directeur général de l'OAA, Sir John Boyd Orr, à notre compatriote André Meyer, Premier Président du Comité exécutif et au Président Roosevelt qui convoquait en mai 1943 à Hot Springs la première conférence des Nations unies consacrée à l'alimentation et à l'agriculture. Bien d'autres noms sont dans nos mémoires et je tiens à rendre un hommage à ces femmes et à ces hommes qui, en plein conflit mondial, voulaient déjà éliminer la faim et la malnutrition.
- Et voilà que depuis 40 ans cet objectif guide votre action, celle des Etats qui composent votre organisation et de ceux qui la dirigent. Si le but est loin d'être atteint, des progrès immenses ont été accomplis. Tous les pays reconnaissent que votre organisation joue dans ce domaine un rôle majeur, en alertant les opinions publiques, en mettant en place des dispositifs de lutte contre les situations de crise, en apportant son appui technique à l'augmentation des productions agricoles et alimentaires dans les pays en développement.
- Sous votre conduite dynamique et éclairée, monsieur le Directeur général, cette action s'est encore renforcée. Grâce au concept de sécurité alimentaire, des bases solides ont été fournies aux Etats pour fonder leur politique dans les domaines recherche, formation, économie, qui touchent à la production alimentaire, des stratégies sectorielles ont été élaborées dans plusieurs domaines, notamment les pêches et les forêts. La publication de l'étude "Agriculture horizon 2000" qui envisageait les différents schémas possibles, a fourni un -cadre de références très précieux pour les politiques nationales et régionales de planification. Bref, un nouvel élan a été donné en tous lieux, et particulièrement aux actions sur le terrain.
- Les programmes ont représenté 265 millions de dollars en 1984, 300 en 1985. En 10 ans le Centre d'investissement de l'organisation a préparé des projets dont le montant total dépasse 20 milliards de dollars.
- Le projet de "Pacte de la sécurité alimentaire mondiale" soumis à cette conférence, a le mérite de fixer les devoirs et les responsabilités de chacun : gouvernements organisations internationales, organisations non gouvernementales, personnes privées, dans la lutte contre la faim et la malnutrition.
- Je voulais énumérer quelques-uns de ces éléments qui montrent l'efficacité de votre action et l'autorité acquise par vos organes responsables dans une politique qui touche à la vie du monde tout entier.\
La situation alimentaire du monde d'aujourd'hui est hélàs bien connue : excédents de plus en plus importants d'un côté, pauvreté et misère de l'autre et personne ne peut accepter que se perpétue un tel déséquilibre.
- Contrairement aux précisions alarmistes du début des années 70, nous savons aujourd'hui que le secteur agricole peut connaître des taux de progression très élevés dans de nombreux pays, sans parler de l'Europe qui au lendemain de la seconde guerre mondiale était bien loin encore de pouvoir subvenir à ses propres besoins alimentaires et on a vu de grands pays en développement comme l'Inde, la Chine, votre pays, monsieur le Président de la République `Soeharto`, l'Indonésie, devenir autosuffisants, voire excédentaires.
- Mais les équilibres sont encore fragiles £ dans bien des pays d'Amérique latine la production a atteint un palier £ dans de nombreux pays malheureusement la progression des productions vivrières demeure inférieure à la croissance démographique. La famine dramatique que vient de connaître une partie de ce continent ne résulte pas seulement de l'aggravation des conditions climatiques, elle s'inscrit dans un processus de diminution régulière de la production alimentaire disponible par habitant.\
Certes, en liaison avec les gouvernements africains, la réaction de la communauté internationale a été massive, rapide même. La France et la Communauté européenne ont participé très largement à cet effort £ ils ont augmenté de manière importante le volume de l'aide alimentaire en rationalisant la gestion de cette aide et en prenant les mesures nécessaires pour accélérer les livraisons.
- Je me permettrai de rappeler, à cet égard, que mon pays la France, a ainsi doté les différents fonds d'aide, soit de façon multilatérale, soit par accord bilatéral, cette année même à 245000 tonnes de céréales.
- Je tenais aussi à saluer la façon dont les Nations unies dans toutes leurs composantes, et je citerai naturellement le Bureau des opérations d'urgence pour l'Afrique et le Programme alimentaire mondial, ont su mobiliser de façon concertée toutes les ressources dont elles pouvaient disposer, et vous avez été, comme il est bien normal, au premier rang.
- Qu'il me suffise, monsieur le Directeur général, d'évoquer l'appel que vous lanciez en faveur de l'Afrique dès le mois d'octobre 1983, les heureux résultats dus au système d'information et d'alerte rapide dont j'ai moi-même proposé le renforcement lors du Sommet des pays industrialisés, qui s'est tenu à Bonn cette année.
- Enfin, je veux noter le rôle quotidien - il ne s'agit pas de grands plans audacieux - le travail quotidien de votre Organisation pour la mobilisation de l'aide alimentaire.
- Pour ce qui nous concerne, nous, Français, nous continuerons de participer au programme d'aide de la CEE, qui représente plus de 2 millions de tonnes - j'ai dit le chiffre de notre contribution nationale : 245000 tonnes -, et de poursuivre les efforts que nous avons entrepris en ce sens.\
Si nous observons cette année, grâce à l'évolution climatique, en particulier en Afrique sahélienne, une meilleure production des récoltes plus convenables aussi parce que les fleuves coulent en abondance, parce que les pâturages supportent de nouveau les troupeaux qui viennent du Sud, malgré tout, cette progression ne doit pas faire illusion. La dégradation continue. Les causes sont multiples, interdépendantes : modification des habitudes alimentaires, désorganisation des circuits commerciaux, exode rural, dégradation de l'environnement. J'en passe.
- Face à de tels déséquilibres, aucun pays, mesdames et messieurs, aucun pays ne peut lutter seul. C'est l'ensemble de la communauté internationale qui doit assumer ses responsabilités. La France, qui a eu l'honneur d'accueillir en février dernier le Conseil mondial de l'alimentation, qui s'est vu confier par ses membres la présidence de ce Conseil en la personne de notre ministre de l'agriculture, M. Nallet, mesure toute l'importance des efforts nécessaires pour établir des conditions plus favorables au développement des ressources agricoles, là où les hommes en ont besoin.\
La croissance rapide de l'offre de produits alimentaires en provenance de pays développés se traduit par une compétition accrue sur les marchés internationaux et par une baisse des prix. Je vous dis, mesdames et messieurs, qu'il n'est pas possible d'admettre que le secteur agricole de subsistance dans les pays en développement soit soumis à une simple concurrence sauvage. Qui pourrait prétendre que les agriculteurs des pays en développement soient en mesure de se heurter de front aux marchés internationaux ? Qui va démontrer que les forces du marché sont capables d'établir ou de rétablir l'équilibre ? Certes, je le sais bien, le protectionnisme entrave l'expansion des échanges agricoles. Doit-on en conclure pour autant que seule une libération totale du commerce international élargira la place des pays en développement sur les marchés mondiaux ? Il est clair au contraire que la compétition tournera inévitablement au -profit des économies et des agricultures plus puissantes.\
Comment assurer le développement agricole qui nécessite des efforts continus, des actions qui ne portent souvent des -fruits qu'après de nombreuses années, si, dans le même temps, on laisse les producteurs subir les fluctuations des marchés ? Le problème posé doit être perçu dans tous ses aspects.
- Je répète que mon pays est contre le protectionnisme, je l'ai répété. Tout doit être sur la table si l'on commence à discuter. Les efforts demandés aux uns et aux autres doivent être équilibrés. Nous sommes prêts à participer aux négociations commerciales multilatérales si elles sont soigneusement préparées à partir d'un ordre du jour précis qui permettra d'avancer simultanément sur tous les dossiers. Nous avons toujours plaidé auprès de nos partenaires industriels pour que les pays en développement soient pleinement et librement associés et que surtout leurs intérêts et d'abord ceux des plus pauvres soient préservés. C'est la raison principale de la position que j'ai prise lorsque je me suis trouvé en compagnie de mes six partenaires du Sommet des pays industrialisés à la Conférence de Bonn.
- Mais le recul du protectionnisme n'est pas la seule, ni même la première condition, pour un retour à la croissance dans le monde. Il importe aussi d'oeuvrer à la réforme du système monétaire international, de poursuivre nos efforts en matière d'organisation de marchés, particulièrement au niveau régional, et, je le redis ici, ces trois actions doivent progresser de façon parallèle.
- L'organisation des marchés est au coeur de nos préoccupations. Les pays importateurs nets de produits vivriers cherchent à satisfaire leurs demandes intérieures, sans mettre en péril les possibilités de production nationale, et les pays exportateurs ont eux aussi besoin de marchés organisés pour s'assurer des rentrées de devises régulières et soutenir leur propre effort de développement agricole. Au niveau mondial, rien n'est possible si nous ne parvenons pas à maîtriser les fluctuations brutales des prix de produits de base qui constituent pour nombre de pays en développement une source majeure de devises. Les mécanismes de stabilisation des recettes n'ont pas d'action qui sont incluses dans la Convention de Lomé, à l'initiative de la CEE viennent d'être étendus à tous les pays les moins avancés, constituent un moyen exemplaire pour établir un juste équilibre entre l'agriculture d'exportation et l'agriculture vivrière.\
Je ne reviendrai pas sur la nécessité d'organiser les marchés nationaux mais je voudrais insister sur l'intérêt qui s'attache pour de nombreux pays en développement à établir ou à renforcer des liens de coopération régionale. Un développement harmonieux des productions alimentaires n'est possible que s'il s'inscrit dans un espace économique de dimensions suffisantes où s'expriment, peuvent s'exprimer, les complémentarités naturelles et où peuvent être atténués les aléas de la spéculation mondiale.
- L'époque est propice. Cette année déjà apparaissent çà et là en Afrique des zones où en raison d'un excédent de production les cours s'effondrent alors que non loin de là, dans le même pays ou dans un pays voisin il reste tant de besoins à satisfaire. Nous savons bien que sans un prix rémunérateur les producteurs se découragent, préparant ainsi les disettes futures. Voilà pourquoi des actions de coopération régionale s'imposent par des financements adaptés, notamment par le développement triangulaire, les pays du Nord doivent soutenir ses efforts.
- Je le dis hautement au nom de mon pays. Je sais que nos organisations professionnelles sont prêtes à mettre leur compétence technique au service de leurs partenaires du Sud. En tout cas, mon gouvernement leur apportera l'appui indispensable. Chez nous en Europe, notre Communauté économique fait l'expérience de la solidarité régionale. Si nous ne nous étions pas engagés dans cette voie, nous n'aurions pas connu le développement qui est le nôtre. Nous n'aurions pas assuré à nos producteurs des approvisionnements. Je ne veux pas mettre en exergue les mérites de l'Europe. Elle a aussi ses défauts. Je veux simplement citer là un exemple vécu qui montre une voie utile que l'on peut honnêtement recommander, d'autant plus que l'organisation de cette politique commune en Europe ne peut être synonyme d'un repli sur soi. Notre Communauté qui est le premier pays, le premier ensemble importateur mondial de produits agricoles est aussi, je me permets de le rappeler, le premier client des pays du tiers monde dans les domaines agricole et alimentaire.\
Mesdames, messieurs, il n'est pas suffisant d'organiser les échanges. Les perspectives de l'économie mondiale demeurent incertaines, la reprise marque le pas £ ce qui se produit n'a pas l'effet d'entraînement que certains escomptaient £ les obstacles structurels sont tels que si l'on se résigne à laisser jouer les forces naturelles, les écarts continueront à se creuser et réduiront à néant les efforts des uns et les progrès des autres.
- Quels sont ces obstacles ? problèmes de l'emploi et des mutations industrielles dans le Nord £ poids de l'endettement dans le sud. Les pays en développement, et particulièrement les pays pauvres demeurent tributaires de la baisse des cours de matières premières, des taux d'intérêts qui alourdissent la charge de leurs dettes. Je le répète de la façon la plus claire : nous n'avons pas le droit de laisser comme seul horizon aux pays en difficulté une récession sans espoir £ s'ils sombrent, nous sombrerons avec eux.
- Vous connaissez les efforts que mène notre pays dans les différentes enceintes internationales £ aux politiques d'ajustement des pays en développement, doivent répondre des efforts de réforme des pays industriels dans le domaine du commerce, de la monnaie, de l'aide. J'en appelle pour cela non seulement à l'esprit de justice ou de solidarité, mais aussi à la raison, au sens des réalités. Cette croissance doit s'appuyer sur des politiques monétaires et budgétaires afin de favoriser une décrue des taux d'intérêts qui demeurent encore beaucoup trop élevés et qui peuvent à eux seuls compromettre les résultats acquis.
- Je constate quelques progrès.
- A New York, le 22 septembre dernier les ministres des finances des cinq pays les plus industrialisés ont conclu un accord qui marque une étape importante dans cette direction, celle d'une plus grande stabilité monétaire mondiale. Ils ont en effet admis pour la première fois que les taux de change déterminés par les marchés ne correspondaient pas nécessairement aux données économiques fondamentales, et qu'en l'occurrence le rééquilibrage des balances des paiements des principaux pays impliquaient une réappréciation du yen et des monnaies européennes vis-à-vis du dollar. Ils ont également convenu d'intervenir d'une manière concertée sur les marchés des changes pour les stabiliser et les orienter. Je me réjouis du succès de la coopération internationale. Et les marchés des changes ont commencé de montrer qu'ils ont compris le signal qui leur était adressé.\
J'ajoute que mon pays a fait des propositions pour que l'on développe la baisse générale des taux d'intérêts, condition majeure de la reprise de la croissance et de la solution des problèmes de l'endettement. Je le réaffirme, les solutions aux difficultés des pays en développement ne pourront venir que d'une reprise de la croissance profitable à tous, et voilà pourquoi je pense que notre démarche doit s'organiser autour de trois axes essentiels :
- - premièrement, l'aménagement du système monétaire international
- - deuxièmement, la participation pleine et entière des pays en développement au processus de négociations commerciales multilatérales
- - troisièmement, une approche globale des problèmes de la dette et du développement, avec la perspective de nouveaux accords financiers, publics et privés.
- Les contrats passés doivent être respectés, chaque situation examinée avec précision - il y a urgence - s'il nous est possible de progresser simultanément dans ces trois directions. Je suis convaincu que nous pourrons, tous ensemble, faire renaître l'espoir d'une amélioration du sort des populations des pays du sud.\
Depuis plusieurs années, la France a emprunté cette voie. Puisque vous m'avez fait l'honneur de m'inviter, d'inviter mon pays, je n'ai pas voulu m'en tenir à des considérations générales ou à montrer, selon l'opinion que j'en ai, quelle direction à prendre. J'ai voulu ainsi montrer que la France était logique avec elle-même. Vous avez bien voulu le souligner, tout à l'heure, monsieur le Président.
- En 1985, mon pays consacrera près de 0,55 pour cent de son produit national brut à l'aide publique au développement, progressant ainsi vers les 0,7 pour cent qui sont recommandés. Je me permets de vous dire qu'il y a simplement trois ans et demi, la France n'en était qu'à 0,3 pour cent.
- Pour les pays les moins avancés, le niveau de notre aide a atteint l'objectif désiré et fixé par les Nations unies de 0,15 pour cent de notre produit national brut. Nous sommes un des quatre pays au monde à avoir accru aide multilatérale et aide bilatérale au cours de ces quatre dernières années. Et tandis que d'autres diminuaient leur aide ou la stabilisaient, ce qui revenait au même en raison de l'augmentation progressive des charges, la France a accru la sienne - et c'est vrai que, dans cette lutte, nous donnons priorité au développement rural £ nous le ferons encore plus à l'avenir.
- Nous soutenons les initiatives de votre organisation. Nous participons aux réflexions engagées au sein du Conseil mondial de l'alimentation. Nous collaborons quotidiennement au Programme d'aide alimentaire mondial. Et je veux profiter de l'occasion pour rendre hommage, à mon tour, au Fonds international pour le développement de l'agriculture et à son Président, M. Jazairy, pour tout ce qui a été fait au sein de cette organisation.\
Nous avons apporté, nous, Français, une contribution que je crois décisive, - vous avez bien voulu le noter, monsieur le Président, et je vous en remercie - au Fonds spécial pour l'Afrique, sous l'égide de la Banque mondiale, de même que nous participons au programme spécial pour l'Afrique subsaharienne en complément de notre propre contribution à la reconstitution des ressources. Enfin, mon pays est prêt à apporter un appui technique à la mise en oeuvre de ce programme.
- Vous connaissez ma préoccupation - vous la vivez vous-même - à l'égard du problème de la désertification, qui revêt un caractère angoissant pour tant de pays, notamment en Afrique. J'avais proposé un plan pour l'Afrique je prévoyais la relance du développement rural, un programme de lutte contre le désert. Ce plan a été accepté. Je m'en réjouis. Je crois que les travaux d'experts permettent d'en espérer une mise en oeuvre prochaine. Il faut persévérer et c'est dans le même esprit que j'ai invité des responsables politiques du nord et du sud à se rencontrer à Paris, au mois de juin prochain, pour examiner, face aux menaces qui pèsent sur les patrimoines forestiers, sur nos forêts européennes, sur les forêts de régions sèches, les moyens de renforcer par solidarité internationale la sauvegarde de ces patrimoines.
- Vous avez bien voulu, monsieur le Directeur général, apporter votre appui et celui de votre organisation à cette initiative. Je vous en remercie, de même que j'ai le plaisir de relever combien vous êtes préoccupé par le développement du continent africain. Le plan de relance des agricultures africaines que vous proposiez au printemps dernier à la communauté des donateurs, la place privilégiée accordée à l'Afrique dans le programme de travail et de budget proposé à l'approbation de cette Conférence, traduisent dans les faits ce souci.
- Voilà des initiatives, voilà des orientations qui ne peuvent que recueillir non seulement l'approbation de mon pays mais l'approbation de la société humaine tout entière.\
Au coeur de toute politique, mesdames et messieurs, c'est bien de l'homme qu'il s'agit, a fortiori lorsque cette Organisation est celle qui nous accueille aujourd'hui et qui est au service de l'agriculture bien entendu mais cela veut dire au service des producteurs agricoles et, au-delà des producteurs, des échanges dans leur ensemble pour faciliter le bien-être, la possibilité de vivre tout simplement des consommateurs.
- C'est bien de l'homme qu'il s'agit, ne perdons jamais cela de vue au travers des procédures administratives, des nécessités techniques, des besoins politiques, c'est l'homme qui représente l'objectif d'entreprises comme celle-là.
- Ma conviction est qu'une véritable stratégie paysanne reste le fondement d'un développement rural, d'un développement général. Cela signifie qu'il faut reconnaître le rôle irremplaçable du paysan comme acteur essentiel de la vie économique et sociale et pour cela il faut qu'il dispose, ce paysan, non seulement des moyens matériels de produire mais aussi de la liberté, celle de s'associer comme on vient de le constater à l'écoute du beau discours de M. le président Soeharto, de s'entendre, de s'organiser, de mettre en oeuvre, de laisser le maximum possible - et ce maximum va très loin -, d'initiatives individuelles familiales, de savoir organiser la vie des campagnes, celle des villages, bref de faire comprendre partout que l'heure est venue du développement collectif par l'affirmation des vertus et des capacités individuelles. Tel est bien me semble-t-il, l'esprit qui animait ceux qui ont fondé votre organisation.\
Le monde a changé. Que de problèmes se sont posés. Nous vivons aujourd'hui celui de l'endettement. La France est un pays créancier, il est normal qu'il reçoive réponse pour les obligations contractées à son égard et pourtant mon pays répète partout où il se rend qu'il est prêt à examiner, qu'il recommande même une concertation et des mesures notamment de liquidités, d'organisation des cours et marchés, d'organisation monétaire pour examiner les rééchelonnements et les mesures indispensables pour ne pas contraindre des millions et des millions d'hommes et de femmes à produire avec acharnement pour simplement nourrir le reboursement d'intérêts. Il faut le faire mais cela doit être conçu avec intelligence, avec audace, avec le sens des perspectives, en sachant qu'en fin de compte nous sommes solidaires.
- Je disais : le monde a changé. Des problèmes ont été résolus heureusement, d'autres non. Il ne faut pas rester aveugle. La société internationale a encore été impuissante à régler l'essentiel : la faim, la misère, la livraison de millions et de millions d'hommes aux rigueurs de la nature quand ce n'est pas aux rigueurs des sociétés humaines.
- Voilà l'exemple que donne l'organisation que vous dirigez, à laquelle vous participez éminemment, mesdames, messieurs. Elle a su s'adapter. Elle est restée fidèle à ses principes et à son idéal. Vous gardez la foi dans votre action. Vous suivez l'actualité, vous prévoyez les charges de l'avenir. Voilà qui permet d'espérer, voilà le but que nous nous sommes fixés qui nous est commun à nous tous.
- Je cite : "Assurer à chaque homme, comme l'affirmait le Manifeste de Rome déjà en 1963, l'exercice du premier des Droits de l'homme, celui d'être affranchi de la faim".\