15 octobre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de la séance solennelle au Congrès national, sur la politique étrangère de la France et le retour de la démocratie au Brésil, Brasilia, mardi 15 octobre 1985.

Monsieur le président du congrès,
- Monsieur le président de l'Assemblée nationale,
- Messieurs les ambassadeurs,
- Messieurs les ministres,
- Mesdames et messieurs les parlementaires,
- Je dois d'abord remercier M. le sénateur Marcandes Cadelia et M. le député Prisco Viana pour leurs paroles d'accueil.
- Ils ont rappelé en moi bien des souvenirs, toute une histoire qui est la mienne, qui n'est pas toujours l'histoire elle-même, qui parfois la rejoint et dont je vais vous dire un mot maintenant.
- J'éprouve un véritable honneur à me trouver devant vous, représentants du peuple brésilien, réunis en Congrès national. A travers vous, c'est votre peuple que je salue par un message de confiance, d'amitié et d'espoir.
- Le 15 novembre 1984, il y a donc presque un an, le Docteur Tancredo Neves annonçait à Vittoria la naissance d'une nouvelle République. Or, voici qu'après le grand élan populaire des "Diretas", cette nouvelle République est née faisant de votre pays un symbole de renouveau démocratique dans tout le monde latin.
- Ma première visite officielle dans un pays de votre continent est placée dans la lumière de ce remarquable événement : le retour du Brésil à la démocratie politique, cette démocratie que vous avez, monsieur le président, définie le mois dernier en disant qu'elle était, je vous cite : "la liberté de juger et la liberté de renouveler".\
Permettez-moi, mesdames et messieurs, de faire -état devant vous d'un sentiment personnel. Vous l'avez rappelé, j'ai été moi-même parlementaire, député et sénateur pendant trente cinq ans ce qui veut dire que depuis le début de ma vie politique jusqu'au jour où j'ai été appelé à exercer les fonctions de Président de la République française j'ai vécu votre vie. Oh, sans doute les choses sont-elles différentes, les moeurs, les usages, les traditions mais l'essentiel est là, le service de la démocratie en tant que représentant du peuple et j'éprouve un plaisir particulier par le fait que si je viens devant vous, comme il m'arrive ici et là de répondre à l'invitation des Parlements dans les pays où je me rends, il en est un où je ne puis aller c'est le mien pour des raisons constitutionnelles et historiques, je suis en effet privé de pouvoir assister aux réunions du Parlement français. Alors votre invitation est venue combler comme un regret qui est le mien. Non pas que je veuille en quoi que cela soit excéder mes pouvoirs au sein de la République française mais il y a un certain air du Parlement, une façon d'être, une façon de s'exprimer, un souci de l'intérêt public auquel je reste particulièrement sensible.
- Comme l'a si bien dit je crois le 13 septembre le président Ulysses Guimaraes : "les députés et les sénateurs du Brésil ont été la voix de ceux à qui on avait ôté la parole..."
- Oui, pendant bien des années le Parlement a été le refuge des valeurs les plus élevées de la nation. Et il peut légitimement prétendre à sa reconnaissance. Je n'ai encore une fois, monsieur le président, qu'à reprendre vos propres paroles : "le Congrès national a été l'artisan du changement et l'interprète fidèle de la société brésilienne". Depuis l'avènement de la République nouvelle, que de travail accompli ! Je le dis devant vous et pour vous mais je souhaite que mes paroles aillent au delà, soit par mes compagnons de voyage français, soit par le moyen de la presse pour que le monde entier sache ce qui s'est passé ici. Quelques exemples : le rétablissement du suffrage populaire direct pour l'élection du Président de la République et des maires des capitales d'Etat, la législation de tous les partis politiques, la dévolution du droit de vote aux analphabètes qui en fait désormais des citoyens à part entière : voilà quelques bons pas en avant que l'histoire, soyez-en sûrs, retiendra. Et quand on pense que cette oeuvre n'a demandé que quelques mois pour s'accomplir indépendamment de l'action menée par le pouvoir exécutif, une action qui a su assurer la continuité des institutions et rétablir la confiance populaire, la période que vous vivez s'inscrira dans le souvenir de vos contemporains et de ceux qui suivront comme l'une des plus fécondes. Je pense à nos assemblées françaises, constituantes et législatives de naguère lors des quelques grandes périodes que nous avons connues et où l'on sut traçer les structures de ce qui fut, de ce qui devint la démocratie française.\
Vous êtes enfin, mesdames et messieurs le symbole de l'unité de la nation brésilienne au-delà des diversités multiples, diversités humaines et géographiques de ce que je crois être un peu le particularisme des Etats de votre grande fédération, j'imagine assez quelle doit être la responsabilité de ceux qui en ont la charge, je dirai même d'un ton un peu commun que cela ne doit pas être facile tous les jours quand il faut rassembler, maintenir dans la même direction, associer pour une oeuvre historique des parties si diverses d'un si grand pays. Eh bien vous apportez la preuve que cela est possible car c'est en vous que s'incarne, mesdames et messieurs, le sentiment national d'un peuple conscient de son unicité profonde à travers l'histoire qu'il a vécue mais aussi à travers sa culture, la langue portugaise, conscient aussi du poids croissant qu'il représente dans le monde et je viens ici en porter témoignage.
- Indispensable sur le -plan interne, votre Congrès ne l'est guère moins sur la scène internationale où il joue le rôle de fenêtre ouverte sur le monde et d'intermédiaire avec les autres. Ma présence aujourd'hui parmi vous n'est-elle pas l'illustration même de ce que j'avance. A cet égard je relèverai plus particulièrement trois aspects de cette ouverture sur l'extérieur.
- D'abord, je constate avec satisfaction que le Parlement brésilien est déjà uni au Parlement français par des liens très étroits, non seulement en raison de l'existence d'un groupe d'amitié, mais surtout grâce à l'appartenance commune de nombreux parlementaires brésiliens et français à l'association internationale des parlementaires de langue française et je vois à ce propos que le Président José Sarney que je tiens à saluer aussi de cette tribune et dont je connais l'oeuvre courageuse et la réussite au moment même de cette transition qu'il assure et qui se poursuivra. Je vois à cet égard que le Président José Sarney lui-même, comme d'ailleurs le Président d'honneur Ulysses Guimaraes, sont au nombre de ceux qui ont désiré se retrouver au sein de ce vaste ensemble mondial sous le signe de la langue française et j'en suis très flatté.
- Je sais aussi avec quelle compétence et quelle assiduité vous suivez les grandes affaires du monde, celles dont peut dépendre l'avenir de l'humanité mais aussi les conflits régionaux qui affectent des zones souvent fort éloignées de votre propre continent quand elles ne sont pas plus proches de vos soucis.
- Il est vrai que les discours qui ont précédé le mien en ont témoigné que nous ne pouvons pas nous contenter de parler de nos problèmes à nous, nous devons aussi prendre part à la réponse qui s'impose aux problèmes de l'humanité.\
La politique extérieure de la France s'organise autour de cinq directions principales. D'abord assurer notre indépendance nationale, ce qui nous contraint, face aux forces si puissantes qui dominent le monde, à disposer de l'armement de notre sécurité. Nous ne le souhaitons pas, nous ne l'avons pas souhaité, nous sommes prêts à y renoncer. Je pense en particulier à l'armement nucléaire. Mais ce raisonnement doit être tenu par tous : comment voulez-vous vivre dans une Europe au voisinage de l'une des deux super-puissances dotées d'un écrasant armement nucléaire, environ 10000 charges nucléaires ? Nous sommes alliés et amis des Etats-Unis d'Amérique qui possèdent à peu près le même potentiel nucléaire. Mais notre indépendance nationale nous voulons l'assurer à l'égard de tous et nous ne pouvons pas nous démunir des moyens dont nous disposons qui n'a qu'une valeur défensive, dissuasive mais qui garantit notre indépendance. J'entends ici et là des cris ou des protestations qui au demeurant s'adressent à la France en oubliant ou en négligeant de poser la même question aux deux plus puissants pays du monde. 10000 charges nucléaires d'un côté et de l'autre et pour nous 150, pour la Grande-Bretagne moins de 100, la Chine c'est de cet ordre-là. J'aimerais que la clameur qui vise la France soit plus modeste car refuser de s'en prendre aux plus puissants, pour interdire à ceux qui défendent leur identité nationale d'en posséder l'instrument, revèle un parti pris ou bien une collusion que je ne puis accepter.
- L'indépendance nationale de la France c'est le premier point.\
Le deuxième point, mais cela est propre à la France bien entendu, là où nous sommes, où nous vivons, c'est faire l'Europe. Nous appartenons à la Communauté européenne `CEE`, nous sommes parmi ses fondateurs. Cette Europe commencée avec six pays, poursuivie avec neuf, aujourd'hui à dix et le 1er janvier prochain à 12 avec des pays dont vous vous sentez proches, l'Espagne et le Portugal. Et bien, nous voulons et je veux, dans la mesure de mon pouvoir, que l'Europe se fasse. Elle représente 250 millions d'habitants, la première puissance commerciale du monde £ elle dispose des compétences et des intelligences qui lui permettent de continuer de témoigner à travers l'histoire pour une culture, une civilisation, une réalité politique. Nous dépensons entre pays européens plus de crédits pour la recherche scientifique que ne le fait le Japon par exemple, et cependant les résultats ne sont pas comparables, à notre détriment, parce que nous n'avons pas d'unité politique. Il ne s'agit pas de nier les indépendances, je viens d'en parler en exaltant la nôtre, mais plus d'unité politique, une Europe des citoyens, plus de continuité dans les desseins, de meilleures structures : voilà le deuxième objectif de la politique étrangère de la France faire l'Europe et parler d'une voix lorsqu'il s'agit de quelques grands problèmes qui touchent à la paix du monde.\
C'est bien là le troisième point sur lequel je veux attirer votre attention l'équilibre des forces dans le monde. Si cet équilibre disparaît alors, ou bien le plus fort ne résistera pas à la tentation d'un pouvoir absolu ou bien le plus faible se dépêchera d'agir de peur d'être plus faible encore. La paix tient, mesdames et messieurs, à l'équilibre des forces dans le monde et pas seulement dans le monde mais aussi dans un certain nombre de grands ensembles. Je pense d'abord à l'Europe elle-même. Lorsque j'ai vu s'étoffer, se multiplier l'implantation de forces nucléaires dites intermédiaires, (intermédiaires parce qu'elles ne traversent pas l'Atlantique mais elles atteignent quelque 4000 ou 4500 kilomètres) avec une précision de l'ordre de 300 mètres, la capacité de détruire en un quart d'heure la totalité des dispositifs militaires du Nord de la Norvège au Sud de l'Italie, je réclame l'équilibre et je dis non ou oui selon les cas, étant assuré que l'on ne peut dire oui que lorsque l'on sait dire non. J'ai dû le faire à l'égard de très grandes puissances avec lesquelles nous entretenons des relations d'amitié ou d'alliance dans un cas et de cordialité et d'amitié historique dans l'autre cas. Nous ne sommes les ennemis de personne mais je tiens à préciser ce que je viens de dire.\
Quatrième objectif : c'est celui qui tend à réduire le fossé, pour le combler un jour, entre les pays hautement industriels et les pays en voie de développement, le problème que l'on simplifie en disant le "Nord" et le "Sud". Là est un danger mortel aussi grave que la propagation des armes atomiques, peut-être plus grave encore car l'armement atomique comporte en lui-même son contre-poids, la sagesse, l'équilibre de la terreur tandis que le développement du fossé entre les pays dits riches et les pays dits pauvres bien qu'à l'intérieur de ces catégories il faille établir bien des distinctions, c'est l'assurance que la révolte, le refus de périr de faim, de froid, de chaleur, d'être démunis devant les rigueurs de la nature où devant la tyrannie des hommes, sans aucun doute le siècle prochain va connaître des bouleversements et des déchirements dont l'humanité aura à souffrir dans les siècles des siècles. Je voudrais d'ailleurs relier les notions de désarmement et de développement, je l'ai dit à la tribune des Nations unies. Pourquoi les grandes puissances, dont nous sommes, nous la France, sur le -plan militaire, ne règleraient-elles pas progressivement une réduction ou une destruction de leurs forces les plus coûteuses et les plus meurtrières au bénéfice du développement ? C'est une idée qui a été répandue par d'autres que par moi, mais finalement personne ne s'y tient. La France est prête à souscrire à toutes propositions raisonnables dans ce sens.\
Enfin, le cinquième axe de notre politique extérieure c'est la défense, partout, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est simple à dire, c'est un principe tout à fait facile à comprendre : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et qui comporte naturellement à l'intérieur de ces peuples, le droit des gens, le droit de l'homme et du citoyen, la défense des libertés.
- Voilà ! Je n'en dirai pas plus. Je ne veux pas faire ici un cours de droit public devant des femmes et des hommes qui en connaissent autant que moi, mais je pensais qu'il était utile de préciser quels étaient dans un domaine comme celui-ci les objectifs de la France qui s'allient à certains objectifs de politique intérieure sur lesquels je ne m'étendrai pas davantage, sinon pour signifier que nous avons voulu à partir de 1981, rétablir ou conquérir un certain nombre de justice, la justice sociale en particulier. En finir avec certains privilèges, faire que cela ne soit pas toujours les mêmes qui supportent, comme depuis le début de l'ère industrielle la fin du XVIIIème ou le début du XIXème siècles, qui supportent la charge constante des sacrifices. Je ne demande pas que les autres soient sacrifiés, je demande qu'il existe ce que l'on peut attendre normalement sans tomber dans l'égalitarisme qui n'aurait pas de sens, l'égalité et la justice sociale.\
Mais, nous sommes dans une autre époque où parler du développement social, alors que la crise économique bat à nos portes et même est entrée dans la maison, c'est naturellement très difficile. Nous nous sommes appliqués à rétablir les grands équilibres de notre économie. Et nous y parvenons.
- J'ai hérité en 1981 d'une inflation à 14 % l'an. Nous en serons cette année à 5 % £ l'année prochaine, j'espère que nous serons entre 3 et 4, peut-être plus près de 3, ayant en somme équilibré notre situation avec notre principal partenaire dans le monde, qui est notre voisin et ami, l'Allemagne.
- J'avais hérité de 62 milliards de francs de déficit dans le commerce extérieur, de marchandises £ nous l'avons réduit, l'an dernier, à moins de 20 milliards et nous avons rétabli la balance des paiements. Le franc est une monnaie saine. Nous avons plus de réserve aujourd'hui que nous n'en avions il y a cinq ans. Ce qui ne veut pas dire que cela soit fort difficile, car pour lutter contre l'inflation, nous sommes obligés de limiter les effets de la croissance, et notre croissance, comme d'ailleurs celle de tous les pays d'Europe occidendale est faible, trop faible. Nous sommes d'accord, si c'est un mouvement, sinon mondial, du moins de l'ensemble des pays occidentaux, plus du Japon et de quelques autres, nous sommes d'accord pour tout ce qui signifiera une reprise de la croissance, si l'on parvient à guérir dans l'intervalle un certain nombre de maladies sur lesquelles je vais revenir.\
Mais sur le -plan intérieur, j'ajoute un simple mot, nous avons aussi modifié les structures, nous avons décentralisé le pays en restituant aux citoyens dans le département, la région, la commune, des pouvoirs. Au fond restitué est un verbe inexact, ils ne les avaient jamais eus. Le mouvement français est un mouvement centralisateur £ on a connu Colbert au temps de Louis XIV, on a vu Bonaparte devenu Napoléon 1er, avant lui le jacobinisme, et constamment la nation française, assurer sa pérennité en se concentrant sur une capitale et une administration.
- Eh bien ! pour la première fois de l'histoire de France moderne, les mesures que nous avons prises ont catégoriquement décentralisé le pouvoir. En même temps que nous engagions d'autres réformes de structures, nous avons nationalisé le crédit, nous avons nationalisé quelques groupes industriels, pas plus que nous ne l'avions dit, nous n'entendons pas aboutir à une collectivisation de notre économie, pas le moins du monde. Nous pensons simplement que lorsqu'il s'agit de fabriquer des produits nécessaires à la nation, il n'est pas normal d'en laisser la disposition à des intérêts privés. Ou bien, lorsqu'il n'y a plus de concurrence dans des domaines importants, nous n'avons pas de raison d'accepter le monopole, c'est-à-dire la toute puissance d'intérêts qui ne sont même pas toujours des intérêts nationaux.
- Et puis, nous nous sommes attaqués à un certain nombre d'usages ou de moeurs. Nous avons supprimé la peine de mort, nous avons supprimé les tribunaux d'exception, nous modifions le Code pénal. Je ne vous donne que ces quelques exemples étant, bien entendu, que nous avons avancé dans cette direction en choisissant certaines priorités budgétaires chaque année, en donnant priorité à quelques secteurs, comme la culture, la recherche, l'éducation et l'environnement, tout en maintenant, bien entendu, les pourcentages indispensables pour assurer la défense de la France.\
C'est pour vous faire comprendre que le retour à la démocratie au Brésil a soulevé chez nous un immense intérêt. Non seulement parce que vous constituez un exemple pour les autres nations d'Amérique latine, mais aussi parce que vous avez représenté au début de cette année 1985, comme une sorte de bonne nouvelle - songeant à votre action menée, sous l'autorité désormais du président Sarney, avec l'espérance levée par le président Neves - que vous avez mené cette action dans la paix civile et dans la concorde nationale et que vous vous attaquez aujourd'hui, avec les anaphalbètes et une politique sociale, à rendre justice à une large partie de votre peuple qui jusqu'ici n'y avait pas accès. En considérant l'histoire récente, on constate que les attaques contre la fonction parlementaire n'ont jamais été indemnes d'arrière pensée. On cherche toujours la déstabilisation de la démocratie, car les forces hostiles à la liberté n'ont pas abandonné. Il y a une dialectique permanente comme dans nos vies personnelles, la vie, la mort, la naissance, la destruction, il en va ainsi des sociétés, c'est une dialectique permanente. Nous recherchons toujours la synthèse, thèses, antithèses, synthèses, nous y parvenons rarement, ce qui veut dire qu'il reste toujours de vastes pans d'incertitude, c'est là que se livre le combat, le juste combat pour la démocratie.\
Messieurs les présidents,
- Mesdames,
- Messieurs,
- Avant de vous quitter, je vous prie de transmettre au peuple brésilien le message de celui qui préside aujourd'hui les destinées de la France. Ce message tient en deux mots : "soyez confiants". Soyez confiants parce que vous êtes un grand peuple, que vous disposez d'immenses ressources. Soyez confiants parce que votre effort pour une existence meilleure doit par la ténacité et par l'intelligence, doit réussir. Vous m'avez posé le problème que j'ai déjà abordé hier soir de l'endettement du Brésil, je ne recommencerai pas à développer le même thème, vous vous êtes parfaitement exprimé là-dessus, d'autant plus que je me trouve du côté des pays créanciers, je ne peux donc pas adopter exactement le même raisonnement. Mais vous n'êtes pas nés débiteurs,vous n'avez pas une vocation de débiteurs. Vous êtes un peuple qui a su trouver dans son sol et dans son sous-sol de grandes richesses, aujourd'hui encore vous les exploitez, vous avez beaucoup d'ambition et d'audace, vous avez une culture, vous avez des femmes et des hommes formés, capables comme nous cherchons à le faire en France de moderniser leur pays. Le problème de l'endettement extérieur est lourd, difficile, insupportable, doit être traité en tant que tel, mais ne doit pas peser sur la psychologie, ni sur le comportement d'un peuple, qui d'ailleursa abordé cette phase avec beaucoup de courage, si j'en juge par les résultats de votre commerce extérieur, qui vous oblige à prendre des dispositions extrêmement dures, parfois même contraires à notre effort pour lutter contre l'inflation. Vous êtes obligés de faire un choix alors que tout choix dans ce domaine est périlleux et vous avez réussi à votre reconquête des parts de marchés dans le monde, vous avez réussi. Seulement le bénéfice de cette -entreprise passe pour alimenter les intérêts de votre dette. Si bien, vous avez le sentiment de demander au peuple un effort considérable et qui peut l'épuiser, le cas échéant, vous lui demandez de supporter la misère pour un bénéfice qui lui paraît à ce peuple incertain.
- Vous avez raison de dire ou de sous entendre que le péril pour l'économie brésilienne peut être et risque d'être un péril pour la démocratie.
- Tout cela, mesdames et messieurs, croyez-le je le comprends. Nous avons à défendre nos intérêts, bien entendu, mais comme je le disais, hier soir, notre intérêt n'est pas que vous soyez vous mêmes réduits à rien. Notre intérêt c'est qu'on retrouve le puissant Brésil, maître de ses énergies et maître de ses forces, maître de ses productions, et dont je suis bien sûr dans un délai finalement plus proche qu'on ne suppose, par des investissements judicieux, et le progrès du savoir, il restera ou redeviendra ou sera plus encore, l'un des plus importants pays du monde.
- Il y a dans le comportement de la France un côté intéressé. Nous préférons l'amitié d'un peuple comme le vôtre dont nous savons qu'il est un peuple puissant, qui dominera sa crise et que l'endettement étant terminé, il restera l'ami de ceux qui auront été ses amis.\
Nous appartenons à une série de clubs, de groupes parmi les peuples industriels avancés. Il n'est pas arrivé une seule fois depuis Ottawa en 1981, en passant par Versailles, Williamsburg, Londres, Bonn, l'année prochaine Tokyo, où je n'ai dit à mes partenaires, mes six autres partenaires : "il faut changer la manière de faire, le système monétaire incohérent, il n'y en a pas, il n'est même pas incohérent, il est inexistant.
- Il doit être remplacé par un commencement d'ordre. Depuis 1971, depuis la décision d'un Président américain à casser le système de Bretton Woods, on ne peut pas livrer l'ensemble des peuples, mais particulièrement les pays en voie de développement à la simple spéculation sur les matières premières ou bien ce que j'appellerai et ce qui me paraît pire, la spéculation des Etats avec les taux d'intérêts élevés. Des taux d'intérêts élevés, cela veut dire que les pays dits riches, comme le mien, voient leurs capitaux partir à la spéculation outre atlantique plutôt que de s'investir dans notre industrie. Cela veut dire pour les peuples du tiers monde la ruine de leur plan de développement, mais cela dépend de la décision d'un seul pays. J'observe cependant que depuis déjà quelques mois, une évolution commence à se dessiner. Ce qui était dit à Chicago, ce qui vient de se dire à Séoul, n'est pas du tout ce qui était dit dans les autres enceintes au cours des années précédentes. Sans doute, les Etats-Unis d'Amérique prennent-ils conscience qu'ils sont eux-mêmes victimes de leur système car leur industrie ne trouve pas ou plus, de marchés à l'extérieur et de plus en plus leur marché intérieur est envahi par les marchandises extérieures et je comprends bien que les représentants de ce grand peuple aussi sentent bien que finalement c'est une sorte de boomerang et que trop de puissances affaiblissent la puissance dès lors que l'on en use.
- Que fera la France ? C'est l'affaire des financiers et des spécialistes, des ministres responsables du gouvernement de la France que d'aborder ce problème avec précision, de façon concrête, comment désengager, comment rééchelonner, comment distinguer les effets du capital et des intérêts ? Ce que je puis vous dire, c'est que la France, en tout cas, sera l'un des pays qui cherchera les réponses suffisamment souples pour que, à aucun moment, l'on puisse jouer sur, d'abord l'effort d'un peuple, ensuite, sur la misère. Mais, il n'y aurait pas de misère consentie, il y aurait sa révolte et qui a intérêt à pousser à la révolte des peuples qui sont de plain-pied, au plus haut niveau de la culture universelle ?\
Voilà, messieurs les présidents, mesdames et messieurs, ce que je voulais vous dire, tout ce que vous m'avez inspiré, ce qui prouve que le dialogue peut être utile. En tout cas, il est certainement utile au sein du Parlement.
- J'ai eu l'impression pendant trois quarts d'heure d'en faire partie, illusion qui se dissipe au moment où l'on m'appelle à poursuivre ma visite à Brasilia. J'en garderai cependant un fort souvenir, très honoré de cet accueil, de cette amitié, des éloges que vous avez accordées à la France, de la compréhension qu'ont montré vos deux orateurs pour les efforts que mènent les gouvernements que j'ai constitués.
- Croyez-le, nous sommes nous-mêmes, en dépit des difficultés que nous rencontrons, pleins de sérénité, assurés que nous avions fait et que nous continuerons de faire ce qu'il convient de faire pour la grandeur de mon pays et pour que les Français eux-mêmes tirent avantage de ce que nous avons fait.
- Je souhaite au Brésil de connaître dans les années qui viennent, les réussites qu'il mérite. Il a pris la difficulté en face. Vous trouverez quelques amis qui contribueront, je l'espère, à réduire la rigueur de vos problèmes. Il est déjà important qu'existe cette disposition d'esprit. Croyez-moi, monsieur le président, mesdames et messieurs, la France comprend les difficultés d'aujourd'hui parce qu'elle a confiance dans votre réalité de demain.
- Je vous remercie.\