11 octobre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à la télévision colombienne, notamment sur la politique étrangère de la France en Amérique centrale, les négociations américano-soviétiques et le bilan des réformes depuis 1981, Paris, Palais de l'Élysée, vendredi 11 octobre 1985.

QUESTION.- Pourquoi vous rendez-vous en Colombie ? Pourquoi avez-vous choisi ce pays et qu'en connaissez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Je connais déjà le Brésil. Je vais en Colombie d'abord parce que le président colombien a bien voulu m'y inviter, ensuite parce que j'étais très intéressé par la connaissance d'un pays dont je connais l'histoire et la culture. Je pense que les relations qui existent déjà entre nos deux pays justifient amplement ce voyage qui pour moi représente à la fois un grand intérêt et un grand plaisir. Et puis je serai très heureux de rencontrer, de connaître, d'apercevoir le peuple colombien auquel j'adresse mes voeux de prospérité et de bonheur.
- QUESTION.- La dette extérieure de ce pays n'est pas l'une des plus élevée en Amérique latine, cependant la balance commerciale entre la Colombie et la France a été et est toujours défavorable à la Colombie. Pensez-vous que la France pourrait acheter certains produits colombiens pour équilibrer cette balance ?
- LE PRESIDENT.- Je suis tout à fait ouvert à cette conversation et si des suggestions me sont faites par les autorités de Colombie, bien entendu la France qui tient beaucoup à l'amitié de ce pays et qui a beaucoup de respect pour la personne du président Betancur, la France sera certainement très sensible aux propositions qui seront faites. Je veillerai moi-même à ce que ces équilibres se rétablissent.
- QUESTION.- La dette extérieure des pays latino-américains inquiète bon nombre de ces pays. On en est même venu à dire qu'il serait impossible de la rembourser, qu'en pensez-vous ?
- LE PRESIDENT.- C'est une situation inquiétante pour tout le monde. Elle l'est pour les débiteurs, elle l'est pour les créanciers. On sait bien que l'endettement, notamment de l'Amérique latine mais pas seulement de l'Amérique latine, pèse lourd sur l'économie des pays industrialisés, sur la situation bancaire des organismes prêteurs. C'est donc un problème qu'il faut examiner avec le plus grand sérieux. D'une part, les dettes doivent être réglées, d'autre part le créancier doit veiller à ce qu'elles soient réglées dans des conditions respectables et supportables par le débiteur. D'autant plus qu'il s'agit en l'occurence de pays, de peuples qui connaissent sur certains points de grandes avancées technologiques, scientifiques, industrielles aussi £ mais qui, pour beaucoup d'autres fractions de leur économie sont des pays en voie de développement. Or le problème des relations entre le Nord et le Sud, entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement est le problème majeur de notre époque. Il faut donc que les pays créanciers étudient avec le plus grand soin, qu'ils prévoient les échelonnements nécessaires pour que les peuples en question ne soient pas écrasés, qu'ils jouent toutes leurs chances de développement. Ces chances, ils les ont en eux-mêmes £ dans leur sol, dans leur sous-sol et puis surtout dans leurs mains et dans leur intelligence. Le devoir des pays industrialisés c'est de hâter cette évolution vers l'équilibre économique. Donc d'un côté, les pays qui doivent régler cet endettement doivent en même temps améliorer leur gestion et aussi accepter que, sur un temps donné, il faudra se soumettre à certaines règles. Mais les pays créanciers, c'est la thèse de la France, ne doivent pas mettre le couteau sous la gorge des pays d'Amérique latine. Il appartient aux partenaires d'étudier la façon d'aménager cette situation.\
QUESTION.- La Colombie fait partie avec d'autres pays du groupe de Contadora qui depuis des années essaye de trouver une solution pacifique aux problèmes de l'Amérique centrale. Comment voyez-vous la situation en Amérique centrale, si vous la comparez à ce qu'elle était il y a plus de 4 ans au moment où vous êtes arrivé à la Présidence de la République française ?
- LE PRESIDENT.- J'ai la plus grande estime pour l'oeuvre des pays du Contadora. Ils font oeuvre utile et courageuse. Ils ont surtout l'intelligence de proposer des solutions. La France en est solidaire et chaque fois qu'elle a eu l'occasion de le faire, elle a soutenu les propositions du groupe de Contadora. Que dire de plus sur ce sujet ? Je souhaite simplement que cet effort réussisse. J'avais d'ailleurs moi-même pris l'initiative, il y a déjà longtemps, lors d'une déclaration commune avec le Mexique sur le même sujet et j'ai été très heureux de voir que les 4 pays de Contadora et puis d'autres aussi ont adopté une attitude conforme à leur tradition. Le problème alors lui-même, examiné dans son fondement, tient à mon avis essentiellement aux aspirations légitimes des peuples de cette région d'Amérique centrale d'accéder à la double indépendance politique et économique et donc de réaliser l'accession de leur peuple à un statut qui est connu aujourd'hui de la plupart de l'Europe occidentale qui ont effectivement réalisé leur propre révolution au siècle dernier. A ce moment-là, on trouvait cela très bien, très juste. Pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement lorsque l'on voit ces peuples d'Amérique centrale rechercher un nouvel équilibre.
- Je me suis permis de dire au président Reagan, qu'à mon sens, l'Occident devrait être solidaire de ces révolutions, de ne pas donner le sentiment, ou bien de combattre, ou bien de les retarder et que c'est peut-être une attitude comme celle-ci qui conduit ces pays, ou certains de ces pays, à rechercher ailleurs le soutien politique, le soutien armé. Evidemment à mesure que les choses s'aggravent, chacun finit par avoir tort comme dans tout procès. C'est-à-dire à aller au-delà de ce qui eut été raisonnable d'aller. Mais le rôle de la France est de parler de la sagesse.
- De ce point de vue, ce que fait le groupe de Contadora, c'est la sagesse. Nous avons, nous, de notre côté maintenu nos relations avec des pays comme le Nicaragua, le Salvador et tous les autres et nous ne voulons pas nous laisser entraîner dans l'infernal processus des intolérances\
QUESTION.- En ce qui concerne l'Amérique centrale, pensez-vous que la France pourrait jouer un rôle permettant de progresser vers la paix étant donné que certains considèrent que la solution de Contadora n'a pas beaucoup d'avenir.
- LE PRESIDENT.- La France n'a pas à se substituer aux pays de la région. Nous sommes loin de l'Amérique centrale même si par la culture et par l'intérêt que nous portons à ces problèmes, nous nous sentons très fraternels à l'égard de ces populations, mais nous sommes loin par la géographie et bien des circuits politiques ne passent pas par chez nous. Donc je ne pense pas que la France puisse avoir l'ambition d'avoir un rôle déterminant mais elle peut avoir un rôle d'aide. Elle peut contribuer, peut-être témoigner avec d'autres pays, comme l'Espagne par exemple, au nom des pays de l'Europe, témoigner pour la juste légitime revendication à la liberté et à l'autonomie des populations de l'Amérique centrale tout en leur conseillant de ne pas s'enfermer, de ne pas verser dans le conflit Est-Ouest.
- On a souvent remarqué que les conflits locaux, là et ailleurs, c'est vrai pour le Proche-Orient, mais aussi de l'Afrique australe, durent trop longtemps. Automatiquement les grandes puissances arrivent, interviennent et finalement c'est de leur décision à elles que dépend la solution. C'est un danger à éviter, on pourrait dire que pour le Nicaragua, on est déjà dans l'engrenage. J'espère qu'il est possible d'en sortir. Le rôle de la France ce sera donc d'abord de comprendre, ensuite d'aider, aider les peuples en question et aider ceux qui veulent résoudre le conflit. Est-ce que le Contadora est déjà dépassé ? On peut toujours adapter les propositions que l'on fait à l'évolution d'une situation. Mais la réalité politique, historique et géographique des pays du Contadora et des autres pays d'Amérique latine, elle, cette réalité est permanente. Ils ont voix au chapitre parce qu'ils ont la même langue, la même culture, ils sont de la même région, ils ont du poids. J'attends donc de ces pays, qu'ils montrent le chemin et, sur ce chemin, la France se trouvera.\
QUESTION.- En tant que journaliste, monsieur le Président, je ne me pardonnerais pas si je ne vous posais pas la question suivante : vous êtes le seul chef d'Etat à avoir rencontré le chef d'Etat soviétique, j'aimerais savoir, à l'issue de cette rencontre, comment vous voyez les possibilités de succès de la Conférence de Genève ?
- LE PRESIDENT.- J'ai rencontré M. Gorbatchev en tête à tête près de cinq heures. Et nous avons eu des conversations élargies avec ses ministres, avec les miens. Je ne prétends pas cependant avoir percé l'avenir au point de prévoir ce qui se passera à Genève lorsque M. Gorbatchev et M. Reagan se rencontreront.
- Je peux mieux apprécier les dispositions d'esprit soviétiques et je peux mieux comprendre les éventuels points d'accord. Mais, est-ce que la volonté politique est d'aboutir dès le mois de novembre, oui, la volonté politique est d'aboutir sans doute. Dès le mois de novembre, je doute que tous les éléments soient déjà réunis. Je vois l'avantage d'une prise de contact qui devrait permettre de dégager quelques lignes de forces. Vous savez que M. Gorbatchev propose une réduction des armements stratégiques de 50 %. L'Union soviétique et les Etats-Unis d'Amérique ont beaucoup de charges nucléaires, environ huit mille, à comparer avec la Grande-Bretagne et la France qui disposent soit de moins de cent, soit entre cent et deux cents. On mesure la différence, c'est suffisant pour la France. Je n'en demande pas davantage. Cette demande audacieuse de réduction de 50 % s'accompagne quand même d'une clause résolutoire : le renoncement des Etats-Unis d'Amérique à ce que l'on appelle vulgairement la guerre des étoiles.
- La façon dont le problème est posé ne permet pas de penser qu'il puisse être résolu. Mais on voit déjà la possibilité d'aménager un accord possible, pas immédiat, après d'autres conversations, sur un point moyen que je ne saurais préconiser ici - d'ailleurs ce n'est pas mon rôle - et même si j'en avais une idée plus claire, je ne le dirais pas. Non pas par sens du mystère, mais parce que je craindrais d'une part de me tromper et que d'autre part, il serait très fâcheux que la France pût apparaître comme partenaire dans une négociation où elle n'est pas, où elle ne figure pas, où elle ne demande pas à figurer.
- Le principal souci de M. Gorbatchev tient certainement au problème de l'espace, de sa militarisation active, disons de la possibilité de disposer d'engins ou de missiles anti-missiles dans le cosmos. Car c'est une nouvelle dimension du surarmement. Il est normal que l'on ait d'abord envie dans les grands comme dans les petits pays de consacrer les moyens que l'on a à dominer la crise économique, à améliorer le pouvoir d'achat et cette course perpétuelle vers le surarmement est extrêmement dommageable à l'avenir du monde. On ferait mieux de consacrer une partie des sommes aujourd'hui destinées à l'armement, au développement. Et le développement commence par les populations qui vivent dans ces pays-là, qui ont besoin encore de réaliser de grands progrès.
- Tout conseille un accord, mais voilà, cela fait 40 ans que de barreau en barreau les deux plus puissants du monde ont monté à l'échelle des perroquets qui se situe maintenant dans l'espace.
- Je crois au bon sens des deux hommes d'Etat qui se rencontreront. Je compte sur leur souci de la paix. C'est aussi leur intérêt. Alors si je ne crois pas que le mois de novembre soit véritablement une césure entre hier et demain, je crois que c'est l'amorce d'un processus qui devrait se développer dans les mois et les années suivantes dans le bon sens.\
QUESTION.- La France est l'un des pays les plus avancés en ce qui concerne la recherche spatiale, comment voyez-vous, monsieur le Président, d'ici à 15 ans l'espace, c'est-à-dire l'espace en l'an 2000. A votre avis, qu'est-ce qu'il y aura dans l'espace et quelles seront les activités qui y seront menées ?
- LE PRESIDENT.- Ce que je sais, c'est que d'ici 15 ans et même bien au-delà, il n'y aura pas de force militaire disposant de satellites tout autour de la planète en mesure d'empêcher que une agression puisse atteindre d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique l'adversaire. C'est-à-dire que, la guerre des étoiles ne se substituera pas au nucléaire dans les trente ou quarante années prochaines. On peut même assister au développement parallèle de ces deux formes d'armement.
- Je crois qu'à la fin du siècle, sans vouloir tomber dans le futurisme, il y aura plusieurs stations orbitales habitées. Et vous savez que j'ai exprimé le voeu de voir l'Europe de l'Ouest, la Communauté européenne `CEE` disposer d'une station habitée `La Haye ` février 1984`.
- Nous sommes déjà en mesure, nous même Français, de prévoir la fabrication de ce que je pourrais appeler - comment dirais-je - autour d'Hermès des sortes d'engins spatiaux qui relèvent aussi des données de l'aviation atmosphérique, c'est-à-dire des engins capables de rejoindre les plates-formes dans l'espace et puis, de réparer ce qu'il faut réparer, de transmettre ce qu'il faut transmettre et puis de revenir, et puis de repartir. Cela sera possible avec la 5ème mouture d'Ariane et nous avons déjà les plans de cette extraordinaire invention. Nous ne sommes pas les seuls. D'autres ont les moyens de conquérir l'espace.
- Oui, je crois que l'homme, dans l'espace, au bénéfice des technologies les plus modernes, avec des moyens d'observer, de communiquer, de connaître, cela sera - je ne dirai pas presque banal - mais, cela sera déjà admis comme un progrès de la science et de la technique réalisées dans la pratique, dans les premières années du siècle prochain. C'est cela surtout qui m'intéresse. Quant à savoir quels seront les missiles, les armes, les explosifs qui passeront par là, je préfère penser qu'il n'y en aura pas. Et s'il devait y en avoir, alors je souhaiterais qu'un contrôle international permette d'en limiter et la portée et l'effet.\
QUESTION.- Naturellement, la Colombie est intéressée par le gouvernement que vous dirigez, monsieur le Président. Or, avant d'être Président, dans votre livre "Ici et maintenant", vous avez dit que votre vie politique serait un succès si le socialisme était réimplanté en France. D'aucuns disent qu'en fait, vous avez suivi une politique plutôt de centre. Alors, je vous pose la question suivante : est-ce que la réimplantation du socialisme a été plus difficile que vous ne le pensiez ?
- LE PRESIDENT.- Je ne sais pas de qui vous parlez. Ce que je sais c'est que les gouvernements que j'ai constitués ont réalisé les plus grandes transformations économiques, sociales et culturelles que la France ait connues depuis qu'existe la République. On ne sait pas ce que l'on veut.
- Le socialisme, là comme cela, fabriqué à l'avance, je n'ai jamais pensé à cela. Le socialisme, la marche vers une société socialiste, bien entendu de liberté, le socialisme, c'est le stade supérieur de la liberté. Et cela se fait en avançant. Il n'y a pas de conception préétablie qui pourrait dire : voilà c'est fait, maintenant on se repose. Mais pour ce qui concerne notre génération, et ses gouvernements, on a fait plus que jamais dans l'histoire de la République française. Alors qu'est-ce que cela veut dire "au centre" ? Nous avons fait cela avec l'union de la Gauche, toute la gauche française. Et si aujourd'hui, le Parti communiste s'est éloigné de cette majorité, pour même s'y opposer, nous n'en sommes pas responsables et là, il s'est arrêté en chemin. L'effort lui a paru sans doute un peu trop fatigant. Mais nous, nous continuons. Nous devons tenir compte des réalités économiques mondiales. La France n'est pas un pays isolé. Beaucoup d'institutions internationales, donc mondiales : le Fonds monétaire international, l'OCDE, la Communauté européenne, font que la France doit vivre avec son environnement. Il s'agit donc d'apprécier très exactement ce qu'il est possible de faire et ce qu'il faut faire.
- Les réformes que nous avons faites, nous avons élargi considérablement le champ des entreprises industrielles nationalisées. Et nous avons réussi. Les sociétés privées, avant la nationalisation, en dehors de l'une d'entre elles, étaient au bord de l'échec, de la faillite et sont aujourd'hui bénéficiaires. Nous avons nationalisé tout le crédit. Il n'y a pas beaucoup de pays au monde où cela a été fait, pas beaucoup de démocraties occidentales.
- Nous avons réalisé la plus importante réforme structurelle qui ait été accomplie depuis Napoléon Ier. C'est-à-dire la décentralisation de la France. Cela n'avait jamais été fait. Nous avons modifié les droits des travailleurs, à leur avantage. Partout, maintenant, le dialogue et la discussion sont obligatoires. Nous avons réalisé des réformes sociales comme la retraite à 60 ans, comme la 5ème semaine de congés payés, sans parler bien entendu des mesures pour les familles, pour les handicapés, pour que le salaire minimum soit accru dans des proportions fortes importantes. Vraiment, cela vous paraît centriste, cela, alors je ne sais pas ce qu'il faut. En tout cas le centre, il ne l'aurait pas voté. Il a voté contre, même.\
`Suite réponse sur le bilan de la politique gouvernementale`
- Alors c'est un peu facile de dire oui, mais les socialistes, qu'est-ce que l'on attendait des socialistes ? Nous ne sommes pas des marxistes-léninistes, ce n'est pas du tout notre doctrine. Et nous n'avons pas voulu imposer aux Français une rupture avec leur tradition démocratique. Et nous savons fort bien que l'histoire, lorsqu'elle avance, elle avance quelquefois par à coups, c'est ce que nous avons fait en 1981 et ensuite à une allure qui permet à un peuple d'assimiler les réformes.
- Nous ne sommes pas prêts d'abandonner sans oublier les réformes dites de société qui touchent aux moeurs. Nous avons supprimé la peine de mort, nous avons supprimé tous les tribunaux d'exception.
- Bon, je vais m'arrêter là. Il faut vous dire que c'est une appréciation que je trouve exagérément critique et qui rentre un peu dans la dialectique des conservateurs. Mais les quelques conservateurs d'une part hurlent dès que l'on modifie quelque chose et dès lors que l'on ne modifie pas tout, prennent un ton sarcastique en disant "ne vous en faites pas". C'est parce que nous, nous ne voulons pas faire un socialisme tel que les conservateurs imaginent qu'est le socialisme. Nous voulons faire ce qui correspond à notre programme d'action. J'ai proposé au pays, à l'époque de l'élection de 1981, 110 propositions, pour sept ans, car le mandat d'un Président de la République est de sept ans en France, et nous en avons réalisé, on en a fait le compte, sur ces 110 propositions en moins de cinq ans, nous en avons réalisé 92 ou 93. Alors je ne vois pas ce que l'on peut nous dire. Bien entendu, toute expérience politique comporte ses imperfections, parfois même ses échecs. Il n'y a pas d'action politique qui soit aussi nette et aussi pure que les purs esprits. C'est la vie de tous les jours. Ce sont les luttes, ce sont les compétitions. Oui, mais au total, nous avons avancé de telle sorte que l'on ne pourra pas revenir plus tard sur ce que nous avons accompli.
- J'ai encore d'autres projets, j'ai encore d'autres idées. Mais il faut un peu de temps pour les mettre en oeuvre.\
En tout cas, monsieur, je vais vous dire ceci, avant de terminer, c'est que si je m'intéresse beaucoup au développement politique, économique, social et culturel de la France, je m'intéresse aussi à ce qui se passe dans votre pays.
- Vous avez à votre tête, - je ne veux pas entrer dans les problèmes de politique intérieure colombiens, ce n'est pas mon rôle, ce n'est pas mon domaine, et je respecte trop la démocratie de votre pays pour m'immiscer dans ses affaires - mais c'est vrai que vous avez un Président, actuellement, dont le prestige est grand, qui a montré en de nombreuses circonstances une réelle amitié pour la France.
- Je sais que le peuple colombien et aussi le gouvernement colombien ont voulu que la langue française, que la culture française soient vraiment très profondément ancrées dans les moeurs et les institutions de ce pays. J'en suis donc très reconnaissant à ceux qui l'ont fait et j'adresse un message d'amitié au moment de conclure.
- QUESTION.- En tant qu'homme politique, vous avez réalisé la plus grande ambition de tout homme public, celle d'être Président de votre pays, quelles ambitions vous reste-t'il ?
- LE PRESIDENT.- Je n'en ai pas. J'ai une ambition, la mienne qui consiste à réussir le temps qui me reste à vivre, mais la réussite cela ne veut pas dire des honneurs, cela ne veut pas dire des élections, cela ne veut pas dire des titres. Cela se situe par -rapport aux critères d'éthique, d'esthétique, à l'idée que l'on se fait de sa propre vie. Cela m'intéresse aussi beaucoup.\